Date : 19990223
Dossier : IMM-188-98
OTTAWA (ONTARIO), LE 24 FÉVRIER 1999
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CULLEN
ENTRE :
SHAHID MOHAMMAD TAJAMMUL,
demandeur,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
B. Cullen
J.C.F.C.
Traduction certifiée conforme
Marie Descombes, LL.L.
Date : 19990224
Dossier : IMM-188-98
ENTRE :
SHAHID MOHAMMAD TAJAMMUL,
demandeur,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE CULLEN
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 22 décembre 1997 par laquelle l'agente des visas Marlene Edmond du Consulat général du Canada dans la ville de New York, New York, États-Unis, a rejeté la demande présentée par le demandeur en vue d'obtenir la résidence permanente au Canada.
LES FAITS
[2] Le demandeur est un ressortissant du Pakistan et il vit aux États-Unis depuis 1995. En octobre 1996, il a présenté au Consulat général du Canada à New York une demande de résidence permanente au Canada. Entre 1992 et 1995, il a travaillé pour A.E.G. à Karachi, au Pakistan, en tant qu'inspecteur d'installations électriques. Depuis 1995, il travaille pour Sunny General Waterproofing Company à Brooklyn, New York, en tant qu'inspecteur d'installations électriques.
[3] Le 29 décembre 1997, le demandeur a reçu une lettre du Consulat général du Canada dans laquelle il apprenait le rejet de sa demande de résidence permanente au Canada.
LA DÉCISION DE L'AGENTE DES VISAS
[4] Dans sa décision, l'agente des visas déclare :
[traduction] J'ai terminé l'évaluation de votre demande et j'ai le regret de vous informer que vous ne remplissez pas les conditions pour immigrer au Canada. |
Conformément au paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, les requérants indépendants, soit la catégorie dans laquelle vous avez présenté une demande, sont appréciés en fonction des facteurs suivants : études, préparation professionnelle, expérience, demande dans la profession, emploi réservé ou profession désignée, facteurs démographiques canadiens, âge, connaissance du français et de l'anglais et personnalité. |
Vous avez été apprécié en fonction des critères applicables à un inspecteur d'installations électriques (CCDP 8736-110). Voici la répartition des points d'appréciation qui vous ont été attribués : |
Âge : 10 |
Demande dans la profession : 05 |
P.P.S. : 18 |
Expérience : 00
Emploi réservé : 00 |
Facteur démographique : 08 |
Études : 13 |
Anglais : 06 |
Français : 00 |
Boni : 00 |
Personnalité : 06 |
TOTAL : 66
Ainsi que je l'ai mentionné à l'entrevue, vous ne répondez pas aux conditions d'accès à votre profession envisagée au Canada. À mon avis, les fonctions de votre poste et votre expérience de travail ne correspondent pas aux fonctions d'un inspecteur d'installations électriques qui sont exposées dans la CCDP (Classification canadienne descriptive des professions). |
En outre, à votre entrevue de sélection, vous avez affirmé que vous aviez travaillé au Pakistan comme inspecteur d'installations électriques immédiatement après avoir terminé votre formation à l'âge de 18 ans. Vous n'avez pas été en mesure de fournir beaucoup de renseignements sur vos fonctions et votre expérience de travail au Pakistan. |
Vous avez déclaré sur votre formulaire de demande (IMM8) que vous travaillez depuis le mois de décembre 1995 comme inspecteur d'installations électriques à New York. Vous avez reconnu à l'entrevue que vous n'avez aucune autorisation d'emploi ni aucun permis pour travailler aux États-Unis en tant qu'inspecteur d'installations électriques. Vous avez déclaré que vous êtes l'aide de M. Bhutta. |
Comme il n'existe aucune preuve digne de foi de votre formation ou de votre expérience de travail, je suis arrivée à la conclusion que vous ne possédez pas les compétences voulues en tant qu'inspecteur d'installations électriques. Je ne vous ai pas attribué de points pour le facteur expérience. |
Le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration ne permet pas la délivrance d'un visa d'immigrant au requérant qui n'a obtenu aucun point d'appréciation pour le facteur expérience. Par conséquent, vous relevez de la catégorie de personnes non admissibles visée à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, et votre demande a été rejetée. |
LES ARGUMENTS DU DEMANDEUR
[5] Le demandeur soutient qu'il aurait dû obtenir huit points d'appréciation au lieu de zéro puisqu'il a travaillé comme inspecteur d'installations électriques pendant cinq ans.
[6] Le demandeur soutient qu'il a droit à neuf points d'appréciation au lieu de six pour la connaissance de l'anglais, puisqu'il parle, écrit et lit couramment l'anglais.
[7] Le demandeur affirme que bien que l'agente ait apprécié le demandeur en conformité avec la loi et ait conclu qu'il possédait les compétences voulues pour exercer la profession désignée, elle a commis une erreur en ne lui attribuant pas huit points d'appréciation pour le facteur expérience : Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205 (C.A.).
[8] Le demandeur affirme que le but de la Loi sur l'immigration est de permettre l'immigration et non de l'empêcher. Il soutient donc que l'appréciation que l'agente des visas a faite de sa compétence linguistique est sensiblement inférieure à la moyenne, qu'elle va à l'encontre de la preuve et qu'elle a été faite de manière à ce qu'il n'obtienne pas le minimum de 70 points. Selon le demandeur, la façon dont la décision a été prise montre que l'agente n'a pas été impartiale : Hajariwala c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 222 (1re inst.).
LES ARGUMENTS DU DÉFENDEUR
[9] Le défendeur allègue que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur en n'attribuant pas de points d'appréciation au demandeur pour son expérience. L'agente des visas a examiné attentivement les documents soumis par le demandeur concernant l'expérience de travail qu'il prétendait avoir comme inspecteur d'installations électriques. Ces documents ne fournissent aucune précision sur ses attributions réelles chez Sunny General Waterproofing Co. et AEG Pakistan (Private) Limited. À l'entrevue, le demandeur a été incapable d'expliquer comment il avait pu travailler comme inspecteur d'installations électriques pour AEG Pakistan (Private) Limited s'il avait obtenu son diplôme en août 1992 seulement. De plus, d'après le propre témoignage du demandeur à l'entrevue, son expérience de travail chez Sunny General Waterproofing Co. était celle d'un aide-électricien et non celle de la profession d'inspecteur d'installations électriques décrite dans la CCDP. Par conséquent, l'agente des visas avait le droit de conclure que la formation en cours d'emploi du demandeur ne lui permettait tout simplement pas d'exercer les fonctions de la profession d'inspecteur d'installations électriques décrite dans la CCDP.
[10] Le demandeur invoque les affaires Lim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1991) 12 Imm. L.R. (2d) 161 (C.A.F.), et Thanh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.F. 1re inst., 15 janvier 1997, IMM-3054-96).
[11] Le défendeur soutient que les allégations du demandeur concernant la " partialité ", le " défaut de tenir compte de la preuve " et l'appréciation " qui va à l'encontre de la preuve " sont mal fondées. Le demandeur demande essentiellement à la Cour d'apprécier à nouveau la preuve et de substituer une appréciation différente à l'appréciation de la compétence linguistique et de la personnalité du demandeur que l'agente des visas a faite au cours d'une rencontre en tête à tête. Le défendeur soutient qu'il n'est pas loisible à la Cour de le faire dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire. L'agente des visas a soigneusement apprécié la compétence linguistique du demandeur, sa personnalité et toutes les circonstances le concernant en conformité avec le vaste pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par les dispositions législatives applicables, dont la responsabilité d'apprécier la preuve. La connaissance de l'anglais que le demandeur dit posséder a assez peu d'importance en regard des observations personnelles de l'agente des visas et de la preuve matérielle. Pour ce qui est de la personnalité du demandeur, l'agente des visas a tenu compte de plusieurs facteurs, et on ne saurait dire qu'elle n'a tenu aucun compte de la preuve dont elle disposait. Le défendeur prétend que le demandeur n'a pas prouvé que l'agente des visas a commis une erreur dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire : Gill c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.F. 1re inst., IMM-1855-94).
[12] Les dispositions législatives applicables confèrent un pouvoir discrétionnaire étendu à l'agente des visas, dont celui d'apprécier la preuve qui lui est soumise. Le défendeur soutient qu'il ressort clairement de la lecture de l'affidavit, des notes et de la lettre de rejet de l'agente des visas qu'elle a examiné à fond et de manière équitable la demande du demandeur et que ses conclusions sont à la fois logiques et raisonnables. La règle de droit est claire en pareil cas : la Cour ne devrait pas intervenir. Boulis c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1974] R.C.S. 875, Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2.
ANALYSE
[13] La norme de contrôle applicable aux décisions des agents des visas a été définie. Dans l'affaire Chiu Chee To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), la Cour d'appel fédérale a statué que la norme de contrôle appropriée en ce qui concerne les décisions discrétionnaires prises par les agents des visas relativement à des demandes d'immigration est semblable à celle qui a été énoncée dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, précité, aux pages 7 et 8, dans lequel le juge MacIntyre a déclaré :
C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision. |
[14] Je souscris aux arguments du défendeur, qui sont étayés par la jurisprudence. Je conclus que les arguments du demandeur sont loin d'être convaincants. Celui-ci n'a pas prouvé que l'agente des visas a commis une erreur dans son appréciation de la preuve. Il n'y a ni erreur de droit apparente à la lecture du dossier, ni manquement au devoir d'équité. Par ailleurs, je ne vois pas comment la jurisprudence invoquée par le demandeur pourrait s'appliquer au présent contrôle.
[15] Compte tenu de la preuve, je suis d'avis que l'agente des visas a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère la loi de bonne foi et en conformité avec les principes de justice naturelle. Par conséquent, le contrôle judiciaire est rejeté.
B. Cullen
J.C.F.C.
OTTAWA (ONTARIO)
Le 24 février 1999
Traduction certifiée conforme
Marie Descombes, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU GREFFE : IMM-188-98
INTITULÉ : SHADID MOHAMMAD TAJAMMUL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario) |
DATE DE L'AUDIENCE : Le 9 février 1999 |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE CULLEN
EN DATE DU : 24 février 1999 |
COMPARUTIONS :
Stanley Ehrlich POUR LE DEMANDEUR
Marcel Larouche POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Codina and Pukitis POUR LE DEMANDEUR
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada