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Date : 20050823

Dossier : IMM-6166-04

Référence : 2005 CF 1152

ENTRE :

FATEMEH VALADKHANI, NILOUFAR DOUSHABCHI

et AMIRHOSSEIN DOUSHABCHI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SIMPSON

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision d'un membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 9 juin 2004, dans laquelle la Commission a décidé que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention (la décision).

LES ÉLÉMENTS DE PREUVE

[2]                La demanderesse adulte (la demanderesse) est une femme de 40 ans originaire de Téhéran, en Iran. Les autres demandeurs sont ses enfants âgés de 10 et 15 ans.

[3]         En septembre 2003, un parent du mari de la demanderesse, un jeune homme appelé Zia, a emménagé avec la famille pendant qu'il étudiait à l'université. Le même mois, la demanderesse a pris des dispositions pour aller voir sa soeur au Canada.

[4]         La demanderesse et ses enfants ont pris un vol pour le Canada le 11 décembre 2003. Arrivée au Canada, elle a réservé des billets de retour pour le 22 janvier 2004. Elle était également sur une liste d'attente pour un vol qui partait le 4 janvier.

[5]         Le 1er janvier, la demanderesse a reçu le premier d'une série d'appels téléphoniques provenant de sa belle-soeur. Ce jour-là, elle a appris que leur maison a Téhéran avait fait l'objet d'une descente et que Zia ainsi que deux autres hommes avaient été emmenés par les gardes révolutionnaires. On rapportait également qu'ils avaient interrogés des voisins. Son mari n'était pas à la maison au moment de la descente.

[6]         Le 3 janvier, la demanderesse a reçu un autre appel l'informant que les gardes affirmaient avoir trouvé chez elle des écrits antirévolutionnaires et hostiles au régime au pouvoir, qu'ils avaient arrêté deux des employés de son mari et que celui-ci se cachait.

[7]         Le 4 janvier, elle a reçu un autre appel l'informant que la mère et des membres de la famille de Zia avaient été interrogés et que son mari lui avait demandé de ne pas revenir en Iran. Elle a alors annulé son vol de retour.

[8]         Le 7 janvier, la demanderesse a reçu un appel qui lui apprit que la mère de Zia avait déclaré aux gardes que Zia ne faisait pas de politique et que c'était la demanderesse et son mari qui étaient responsables de ses activités. De plus, deux autres employés de son mari avaient été arrêtés pour être interrogés.

[9]         Le 10 janvier, la demanderesse a été informée qu'au cours de ses interrogatoires, Zia avait informé les gardes que la demanderesse et son mari l'avaient aidé à exercer ses activités et il avait nié avoir connaissance de certains des écrits trouvés chez eux. De plus, le mari de la belle-soeur de la demanderesse accusait celle-ci et son mari d'être antirévolutionnaires.

[10]       Dans les semaines qui ont suivi, un certain nombre des clients de la demanderesse (elle était couturière) ont été interrogés au sujet de ses activités.

[11]       Le 29 janvier, le mari de la demanderesse lui a dit qu'il allait payer un passeur pour qu'il l'aide à se rendre au Canada. Cependant, le 4 février, la demanderesse a été informée que le passeur avait trompé son mari et que celui-ci continuait de se cacher dans le nord de l'Iran.

[12]       Je vais désigner l'ensemble de ces faits sous l'expression « les événements » .

LA DÉCISION

[13]       La Commission a conclu que les événements ne s'étaient pas produits et a rejeté la demande d'asile des demandeurs.

ANALYSE

[14]       Il s'agit de savoir si la conclusion défavorable de la Commission quant à la crédibilité est manifestement déraisonnable. Les informations au sujet des événements ont été communiquées à la demanderesse par des membres et des amis de sa famille parce que tous les événements ont eu lieu après que la demanderesse et ses deux enfants ont quitté Téhéran pour se rendre en visite au Canada.

[15]       La demande d'asile de la demanderesse est basée uniquement sur les événements. Cependant, dans son formulaire de renseignements personnels et au cours de l'audience, en réponse aux questions de son avocat, la demanderesse a fourni à la Commission des renseignements concernant sa santé et son bien-être.

[16]       La Commission a appris que la demanderesse n'était pas heureuse dans son mariage et qu'elle avait eu besoin de soins psychiatriques et qu'elle en avait encore besoin.

[17]       La Commission a conclu que les événements étaient inventés. La Commission a décidé, sachant que la demanderesse était malheureuse et en mauvaise santé, et qu'elle avait toutes ses filles ainsi que sa famille au Canada, qu'elle avait eu des raisons, après son arrivée, d'utiliser à son avantage le régime canadien applicable aux réfugiés.

[18]       Le problème vient du fait que cette conclusion n'était pas fondée sur des incohérences ou des contradictions dans la version des faits de la demanderesse. Celle-ci a décrit les événements de façon identique à toutes les étapes du processus applicable aux réfugiés. De plus, la Commission n'a pas décelé d'invraisemblance particulière. La Commission savait qu'elle ne tirait pas une conclusion traditionnelle quant à la crédibilité et a déclaré à ce sujet :

        Selon la conseil, le récit de la demandeure n'est pas invraisemblable en soi. Mais j'ai examiné l'ensemble de la preuve et, bien qu'il n'y ait aucune incohérence ou contradiction, ce récit ne m'apparaît pas véridique. Un décideur n'est pas tenu d'admettre le témoignage d'un demandeur simplement parce qu'il n'a pas été contredit à l'audience. La Commission peut rejeter un témoignage qui n'est pas contredit, s'il ne concorde pas avec les probabilités de l'ensemble de l'affaire. Dans Faryna c. Chorny, la Cour d'appel a indiqué que, pour établir si le récit est conforme à la vérité dans un cas de cette nature, il faut déterminer si le témoignage est compatible avec celui qu'une personne sensée et informée, selon la prépondérance des probabilités, reconnaîtrait d'emblée comme un témoignage raisonnable, compte tenu des conditions et de l'endroit. À mon avis, la prépondérance de la preuve déposée devant moi suggère que la demandeure a quitté l'Iran pour vivre séparément de son mari et se rapprocher des membres de sa famille au Canada.

[19]       Il est regrettable que la Commission ait utilisé les mots « ne m'apparaît pas véridique » parce que ces mots sont semblables à ceux qui figuraient dans les conclusions qui ont été critiquées par la Cour fédérale dans la décision Khrystych c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 498. Cependant, les termes utilisés ne sont pas déterminants lorsque la décision contient des motifs clairs et non équivoques (voir l'arrêt Hilo c. Canada, [1991] A.C.F. no 228 (C.A.F.).

[20]       J'estime que, compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, il était loisible à la Commission de conclure que « les événements » ne s'étaient pas produits. La décision n'est donc pas manifestement déraisonnable et la demande sera rejetée.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 23 août 2005

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-6166-04

INTITULÉ :                                        FATEMEH VALADKHANI, NILOUFAR DOUSHABCHI et AMIRHOSSEIN DOUSHABCHI

        c.

        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 11 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :                      LE 23 AOÛT 2005

COMPARUTIONS :

Dipo Ola                                               POUR LES DEMANDEURS

Deborah Drukarsh                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dipo Ola

Toronto (Ontario)                                  POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada        POUR LE DÉFENDEUR


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