Date : 20190611
Dossier : IMM-1757-18
Référence : 2019 CF 798
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 11 juin 2019
En présence de monsieur le juge Norris
ENTRE :
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BRADLEY SHAKA
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
APERÇU
[1]
Le 15 août 2017, le demandeur et son frère se sont présentés au point d’entrée de Cornwall, en Ontario. Tous deux sont citoyens du Burundi. Tous deux s’étaient rendus aux États‑Unis grâce à des visas d’étudiant. Tous deux ont dit qu’ils cherchaient maintenant à obtenir l’asile au Canada. Leurs motifs pour demander la protection sont essentiellement les mêmes. Cependant, à partir de ce point, les demandes qu’ils ont présentées, respectivement, ont pris des chemins très différents.
[2]
La demande d’asile du frère du demandeur a été déférée à la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Bien qu’il soit entré au Canada en provenance des États-Unis par un point d’entrée, sa demande n’était pas irrecevable aux termes de l’alinéa 101(1)e) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), et elle pouvait être déférée à la SPR. Cela s’explique par le fait qu’il avait un membre de sa famille admissible au Canada, à savoir sa mère, qui était arrivée séparément au pays depuis le Rwanda, le 8 juillet 2017, et qui avait présenté une demande d’asile (voir l’alinéa 159.5c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR]). Une mesure de renvoi conditionnelle a été signifiée au frère du demandeur, mais elle n’entrerait en vigueur que si sa demande d’asile n’était pas accueillie par la SPR (voir la LIPR, au paragraphe 49(2)). Il a été autorisé à entrer au Canada. Les demandes d’asile du frère et de la mère du demandeur ont été jointes et entendues ensemble par la SPR. Le 4 octobre 2017, la SPR a accueilli leur demande et leur a conféré l’asile. (Les dispositions législatives et réglementaires pertinentes figurent à l’annexe des présents motifs.)
[3]
Par contre, la demande du demandeur a été jugée irrecevable aux fins du renvoi à la SPR, au titre de l’alinéa 101(1)c) de la LIPR. Cela s’explique par le fait qu’il avait déjà présenté une demande d’asile qui avait été jugée irrecevable pour être déférée à la SPR. Le 16 janvier 2016, le demandeur s’était présenté au point d’entrée de St-Amand/Philipsburg, au Québec, et avait présenté une demande d’asile. Sa demande avait été jugée irrecevable aux fins du renvoi à la SPR au titre de l’alinéa 101(1)e) de la LIPR, parce que le demandeur venait des États-Unis et qu’à l’époque, il n’avait pas de membre de sa famille admissible au Canada. En raison de cette décision antérieure, la demande d’asile présentée par le demandeur en 2017, contrairement à celle de son frère, n’a pas été examinée par la SPR. De même, contrairement à celle de son frère, la mesure de renvoi signifiée au demandeur n’était pas conditionnelle. Toutefois, étant donné qu’aux termes de l’alinéa 49(2)b) de la LIPR, l’ordonnance qui lui a été signifiée n’est entrée en vigueur que sept jours plus tard (c.-à-d. le 22 août 2017), le demandeur a été autorisé à entrer au Canada avec son frère. (Il y a une différence négligeable dans le dossier quant à savoir si l’ordonnance a été signifiée au demandeur le 15 ou le 16 août.)
[4]
Le 17 août 2017, le demandeur a été avisé, au titre de l’article 160 du RIPR, de son droit de demander un examen des risques avant renvoi (ERAR) en vertu du paragraphe 112(1) de la LIPR. Il a été avisé que sa demande devait être présentée au plus tard le 1er septembre 2017 et que ses observations écrites devaient être présentées au plus tard le 17 septembre 2017. Tant que le demandeur respecte ces délais, il est sursis à la mesure de renvoi prise contre lui jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur sa demande (voir les articles 162 et 232 du RIPR).
[5]
Avec l’aide d’un avocat, le demandeur a présenté sa demande d’ERAR et des observations détaillées à l’appui, comme il est prescrit. Des observations supplémentaires concernant la décision favorable de la SPR dans l’affaire de la mère et du frère du demandeur ont été présentées le 7 octobre 2017.
[6]
Le 17 novembre 2017, l’avocat du demandeur a écrit à Citoyenneté et Immigration Canada pour demander une décision concernant la demande d’ERAR. Il a indiqué que, si aucune réponse à cette demande n’avait été reçue le 1er avril 2018, il présenterait une demande visant à obtenir un bref de mandamus et un jugement déclaratoire portant que le gouvernement du Canada a l’obligation légale de décider de la question du statut de réfugié du demandeur au sens de la Convention. Il n’a pas reçu de réponse.
[7]
Le 17 avril 2018, le demandeur a déposé la présente demande en vue d’obtenir un bref de mandamus et un jugement déclaratoire. Toutefois, aux alentours du mois de juillet 2018, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, agissant par l’entremise de son ou ses délégués, a annulé la demande d’ERAR du demandeur. Cette décision a été communiquée au demandeur le ou vers le 30 août 2018.
[8]
Le ministre soutient maintenant que la demande de mandamus est théorique et que le demandeur n’a pas droit au jugement déclaratoire qu’il sollicite.
[9]
Je suis très sensible à la situation délicate dans laquelle se trouve le demandeur. Comme il le sera expliqué plus en détail ci-dessous, sa demande d’asile au Canada est essentiellement au point mort dans un avenir prévisible. Sous cet aspect très important, sa vie reste en suspens pour une période indéterminée.
[10]
Toutefois, pour les motifs qui suivent, je souscris à la position du ministre. Le demandeur n’a pas le droit légal de faire trancher sa demande d’ERAR à ce moment-ci. Le ministre n’a donc pas commis d’erreur en annulant la demande. La seule erreur a été d’avoir, au départ, invité le demandeur à présenter une demande d’ERAR. La demande de mandamus est par conséquent théorique. J’ai également conclu que le demandeur n’avait pas établi son droit au jugement déclaratoire qu’il sollicite. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
II.
LE CONTEXTE PROCÉDURAL
[11]
Il est nécessaire de fournir des éléments additionnels pour replacer la présente demande dans son contexte.
[12]
L’article 162 du RIPR prévoit qu’une demande d’ERAR présentée dans les 15 jours suivant la date à laquelle l’avis a été donné au titre de l’article 160 du RIPR ne peut être tranchée avant l’expiration d’un délai de 30 jours suivant la délivrance de l’avis. En fait, cela donne au demandeur d’un ERAR la possibilité (quoique brève) de présenter des observations et des éléments de preuve à l’appui de sa demande. Par ailleurs, il n’y a pas de contraintes de temps prévues par la loi pour rendre une décision sur une demande d’ERAR. De même, si la décision demeure en suspens après le délai de 30 jours suivant la délivrance de l’avis, rien n’empêche un demandeur de fournir des observations ou des éléments de preuve supplémentaires, comme l’a fait le demandeur en l’espèce. (La seule contrainte qu’impose la loi à la preuve étayant la demande est que celle-ci doit satisfaire aux exigences de l’alinéa 113a) de la LIPR. C’est-à-dire, le demandeur d’asile débouté « ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet »
. Étant donné que la demande d’asile antérieure du demandeur n’a jamais été examinée sur le fond, cette disposition ne s’applique pas à lui.)
[13]
Comme il a été mentionné précédemment, l’avocat du demandeur a avisé le ministre de son intention de demander un bref de mandamus si une décision n’était pas rendue d’ici le 1er avril 2018. Il n’y a eu aucun accusé de réception de cette correspondance, et, bien sûr, aucune décision n’a été rendue.
[14]
Le 17 avril 2018, le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en vue d’obtenir les principales réparations suivantes :
a) un bref de mandamus contre le ministre exigeant que le bureau chargé des ERAR statue sur la demande d’ERAR du demandeur dans les 90 jours suivant l’ordonnance de la Cour;
b) un jugement déclaratoire portant que l’omission du ministre de décider de la question du statut de réfugié du demandeur au sens de la Convention est contraire aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne envers les réfugiés au titre de la Convention relative au statut des réfugiés;
c) un jugement déclaratoire portant que l’omission du ministre de décider de la question du statut de réfugié du demandeur au sens de la Convention viole l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
[15]
Comme la décision d’annuler la demande d’ERAR n’a été rendue qu’environ trois mois après le dépôt de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, il n’est pas étonnant qu’elle n’y soit pas mentionnée. Toutefois, la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire n’a pas été modifiée pour contester la décision d’annuler la demande d’ERAR avant l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire. À l’audience, j’ai dit craindre qu’à moins que la décision d’annuler la demande d’ERAR ne soit cassée, l’annulation serait un fait accompli, et il n’y aurait aucune décision en suspens à l’égard de laquelle un bref de mandamus pourrait être délivré. Le demandeur a accepté de modifier la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en y ajoutant une demande en vue d’obtenir la réparation supplémentaire suivante : [traduction] « une ordonnance annulant la décision de l’agente d’exécution A. Biscotti datée du 19 juillet 2018, dont le demandeur a été avisé le 30 août 2018, qui a annulé sa demande d’examen des risques avant renvoi »
. Le défendeur a consenti à cette modification.
[16]
Bien que cela ne change rien à l’affaire, je m’arrête pour signaler que je ne suis pas d’accord avec le demandeur sur le fait que c’est l’agente d’exécution Biscotti qui a pris la décision d’annuler l’ERAR. Il ressort d’une interprétation juste des documents figurant dans le dossier certifié du tribunal (le DCT) qu’il est évident que la décision d’annuler l’ERAR a été prise à un moment donné par une personne de Citoyenneté et Immigration Canada, et non par l’agente d’exécution Biscotti. Malgré tout, nous ne savons rien de cette personne ni du poste qu’elle occupait. L’agente d’exécution Biscotti (qui avait traité avec le demandeur en août 2017) lui a simplement communiqué cette décision et le motif de celle-ci en lui écrivant une lettre. Elle a ensuite demandé à un bureau local de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) à Mississauga de remettre la lettre au demandeur en personne. Cela étant dit, il aurait été très utile pour les parties et pour la Cour que le DCT indique plus clairement qui a pris la décision d’annuler l’ERAR et à quel moment. Dans une affaire aussi importante que celle qui nous occupe, il ne devrait pas y avoir de place pour le doute sur de telles choses. (Par souci de commodité, je ferai généralement référence à la décision simplement comme étant celle du ministre.)
III.
LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE
[17]
Comme il a été mentionné précédemment, la décision d’annuler la demande d’ERAR a été communiquée au demandeur dans une lettre de l’agente d’exécution Biscotti. Voici la teneur de la lettre :
Votre demande d’Examen Des Risques Avant Renvoi (ERAR) a été annulée puisque vous n’êtes pas prêt à être renvoyé en ce moment.
Il y a présentement un Sursis Administratif aux Renvois pour le Burundi. Lorsque le Sursis Administratif aux Renvois sera annulé, vous serez contacté afin de déposer une autre demande d’Examen Des Risques Avant Renvoi.
[18]
La lettre a été remise au demandeur le ou vers le 30 août 2018.
[19]
Comme l’agente d’exécution Biscotti y fait allusion dans sa lettre, le gouvernement du Canada a adopté, le 2 décembre 2015, un Sursis Administratif aux Renvois (SAR) au Burundi. Cette mesure a été adoptée en raison des conditions qui y régnaient, notamment l’instabilité gouvernementale, la montée de la violence et l’insécurité alimentaire.
[20]
Le pouvoir d’accorder un SAR découle de l’article 230 du RIPR, qui prévoit ce qui suit :
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Le paragraphe 230(3) prévoit un certain nombre d’exceptions à ce type de sursis aux mesures de renvoi, mais aucune ne s’applique au demandeur. Par conséquent, tant que le SAR demeure en place, le demandeur ne peut être renvoyé au Burundi.
[22]
C’est l’agente d’exécution Biscotti qui a avisé le demandeur de son droit de présenter une demande d’ERAR. Dans un affidavit déposé relativement à la présente demande, elle déclare qu’elle s’est trompée lorsqu’elle l’a fait. Comme le demandeur ne pouvait pas être renvoyé du Canada en août 2017 en raison du SAR, il n’aurait pas dû recevoir l’avis prévu à l’article 160 du RIPR.
[23]
Comme il est mentionné précédemment, la raison invoquée pour annuler la demande d’ERAR est essentiellement la même : le demandeur n’a le droit de présenter une demande d’ERAR que lorsqu’il est sur le point d’être renvoyé du Canada, et il ne peut être renvoyé tant que le SAR est en vigueur.
IV.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[24]
Bien que la présente demande soulève plusieurs questions interdépendantes, j’ai articulé mon analyse autour de trois grandes questions :
a) Le ministre a-t-il commis une erreur en annulant la demande d’ERAR du demandeur?
b) La demande en vue d’obtenir un bref de mandamus est-elle théorique?
c) Le demandeur a-t-il droit au jugement déclaratoire qu’il sollicite?
V.
ANALYSE
[25]
Comme il l’a déclaré dans sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, le demandeur prétend qu’il a droit maintenant à une décision quant à son statut de réfugié au Canada et que le ministre a l’obligation correspondante de rendre cette décision. Il s’agit du fondement juridique de la demande de mandamus du demandeur. Cela sous-tend également sa demande en vue d’obtenir un jugement déclaratoire.
[26]
Pour apprécier cette allégation, il est important de garder à l’esprit ce qui est en cause, et ce qui ne l’est pas, dans la présente demande. Le demandeur n’a pas contesté la constitutionnalité d’une loi ou d’un règlement. Il n’a demandé aucune forme de réparation relativement à la législation, que ce soit au titre de l’article 52 de la Loi constitutionnelle ou du paragraphe 24(1) de la Charte. Plus particulièrement, il n’a pas contesté la constitutionnalité de la disposition qui lui interdit l’accès à la Section de la protection des réfugiés, soit l’alinéa 101(1)c) de la LIPR. Il a donc accepté, pour les besoins de la présente demande, que le processus d’ERAR soit le seul processus prévu par la loi dont il dispose pour qu’il soit statué sur sa demande d’asile. Plutôt que de contester la constitutionnalité d’une loi ou d’un règlement qui régit ce processus, le demandeur soutient qu’il a droit maintenant, dans le cadre du processus d’ERAR, à une décision sur sa demande d’asile et que le ministre a une obligation correspondante. Il fonde cette allégation sur la LIPR et le RIPR, sur la Charte et sur le droit international. Sur cette base, le demandeur fait valoir que le refus du ministre de rendre une décision sur sa demande d’ERAR porte atteinte à ce droit et que la réparation convenable et juste est une ordonnance exigeant du ministre qu’il rende une décision sur la demande.
[27]
Si j’étais d’accord avec le demandeur à ce sujet, je casserais la décision d’annuler sa demande d’ERAR et j’examinerais la question de savoir s’il avait rempli les conditions préalables à un bref de mandamus. Par contre, si je ne suis pas d’accord avec le demandeur, rien ne me permet d’intervenir dans la décision d’annuler la demande d’ERAR, et la demande de bref de mandamus serait théorique.
[28]
Dans ce qui suit, j’expliquerai pourquoi je ne suis pas d’accord avec le demandeur.
A.
Le ministre a-t-il commis une erreur en annulant la demande d’ERAR du demandeur?
(1)
La norme de contrôle
[29]
Les parties n’ont pas dit grand-chose sur la norme de contrôle que je devrais appliquer à la décision d’annuler la demande d’ERAR. Le défendeur défend simplement la décision comme étant raisonnable. Le demandeur n’a pas abordé cette question directement.
[30]
Il est bien établi qu’habituellement, la décision d’un agent d’ERAR doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir, par exemple, Thamotharampillai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 352, au paragraphe 18; AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 629, au paragraphe 12; Lakatos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 367, au paragraphe 13). La cour de révision examine la décision afin d’établir s’il y a « justification de la décision, […] transparence et […] intelligibilité du processus décisionnel »
et juge si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »
(Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47). La cour de révision doit faire preuve de retenue à l’égard de l’analyse que fait l’agent d’ERAR des éléments de preuve au dossier, qui relève de son expertise présumée (Belaroui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 863, au paragraphe 10).
[31]
En l’espèce toutefois, il ne s’agit pas d’une décision habituelle en matière d’ERAR. Il ne s’agit pas d’une décision rendue sur le fond d’une demande. Il s’agit d’une décision d’annuler une demande. De même, comme il a été mentionné précédemment, nous ne savons même pas qui a pris cette décision – un agent d’ERAR ou une autre personne de Citoyenneté et Immigration Canada. Il est difficile de savoir s’il faut faire preuve de déférence à l’égard d’un décideur totalement anonyme.
[32]
Les faits sur lesquels se fonde la décision d’annuler la demande d’ERAR ne sont pas contestés. La décision repose sur l’interprétation de l’article 160 du RIPR plutôt que sur l’appréciation de la preuve. On pourrait, d’une part, soutenir qu’il faut toujours faire preuve de retenue à l’égard du décideur et que la norme de la décision raisonnable devrait être appliquée, parce qu’il interprétait et appliquait une de ses lois habilitantes (ou règlements, pour être précis) (Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31, aux paragraphes 27 à 29; B010 c Canada (Citoyenneté et immigration), 2015 CSC 58 [B010], au paragraphe 25). D’autre part, on pourrait également faire valoir qu’en matière de protection contre le non-refoulement, le décideur doit appliquer les bons principes juridiques. Voir, par exemple, l’approche de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Németh c Canada (Justice), 2010 CSC 56 (Németh), au paragraphe 58, quoiqu’elle ne traite pas expressément de la norme de contrôle. Toutefois, il n’est pas nécessaire de résoudre cette question en l’espèce, parce que, comme je l’expliquerai, même en appliquant la norme plus stricte de la décision correcte, j’ai conclu que le ministre n’avait pas commis d’erreur en annulant la demande d’ERAR du demandeur. La décision est conforme à l’objet du processus d’ERAR et aux principes juridiques applicables, tels que je les comprends.
(2)
Le processus d’ERAR
[33]
Pour comprendre le régime juridique qui régit la présentation et le traitement d’une demande d’ERAR, il faut tenir compte à la fois de la LIPR et du RIPR. À cet égard comme à d’autres égards, la LIPR fonctionne comme une « loi-cadre. Elle énonce des politiques et principes fondamentaux, alors que des règlements prescrivent les politiques secondaires, la mise en œuvre ainsi que les détails opérationnels »
(Austria c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 191, au paragraphe 17).
[34]
Comme le prévoient la LIPR et le RIPR, le processus d’ERAR peut comporter de nombreuses exceptions et restrictions, selon divers facteurs. Étant donné qu’aucune de ces exceptions ou restrictions ne s’applique au demandeur, par souci de simplicité, je ne résumerai généralement que les parties du processus qui s’appliquent à lui. Le texte intégral des dispositions applicables est reproduit à l’annexe des présents motifs.
[35]
Le paragraphe 112(1) de la LIPR prévoit que la personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) de la Loi (c.-à-d. une personne protégée ou une personne reconnue comme réfugiée au sens de la Convention par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée) « peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet »
. Le paragraphe 160(1) du RIPR prévoit que « toute personne peut faire une demande de protection après avoir reçu du ministère un avis à cet effet. »
(« ministère »
désigne, naturellement, le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration – voir l’article 2 du RIPR). L’alinéa 160(3)a) du RIPR prévoit que, dans le cas de la personne visée par une mesure de renvoi ayant pris effet, l’avis est donné « avant son renvoi du Canada »
. Dans le cas du demandeur, l’appréciation de la demande d’ERAR serait fondée sur les articles 96 à 98 de la LIPR – en d’autres termes, consisterait à se demander s’il est un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger (LIPR, alinéa 113c)). Si elle est accueillie, la demande a pour effet de conférer l’asile au demandeur (LIPR, alinéa 114(1)a)).
[36]
En termes simples, l’obligation d’entamer le processus d’ERAR en offrant à une personne la possibilité de présenter une demande est soumise à une condition juridique préalable et à une limite temporelle extérieure. La condition juridique préalable est que la personne doit être « visée par une mesure de renvoi ayant pris effet »
(LIPR, au paragraphe 112(1), et RIPR, à l’alinéa 160(3)a)). La limite temporelle extérieure est que l’offre doit être faite « avant son renvoi du Canada »
(RIPR, alinéa 160(3)a)). La Loi et le Règlement ne précisent pas combien de temps avant son renvoi une personne a droit à cet avis.
[37]
Dans les faits, il y a maintenant un partage des responsabilités entre les agents d’ERAR de Citoyenneté et Immigration Canada et les agents d’exécution de l’ASFC. Ce sont les agents d’exécution de l’ASFC qui donnent habituellement les avis au titre du paragraphe 160(3) du RIPR. Si une personne présente une demande, c’est un agent d’ERAR qui en décidera. Une fois la décision rendue, c’est un agent d’exécution de l’ASFC qui la transmet à la personne concernée.
[38]
Il n’est pas contesté que le demandeur fait l’objet d’une mesure de renvoi ayant pris effet, à savoir la mesure d’exclusion qui lui a été signifiée le 15 (ou 16) août 2017 et qui est entrée en vigueur le 22 (ou 23) août 2017. La question fondamentale est de savoir si c’était quand même une erreur de l’aviser, le 17 août 2017, de la possibilité de présenter une demande d’ERAR, une erreur qu’il fallait corriger en annulant la demande d’ERAR. (Incidemment, je tiens à souligner qu’en l’espèce, rien ne repose sur le fait que le demandeur a reçu l’avis d’ERAR avant que la mesure de renvoi n’ait effectivement pris effet. L’avis a été signifié au demandeur le 17 août 2017, mais la mesure de renvoi n’a pris effet que quelques jours plus tard. Il est raisonnable de supposer que, compte tenu de sa compréhension de la situation à ce moment-là, si l’agente n’avait pas signifié l’avis au demandeur le 17 août 2017, elle lui aurait fourni un avis d’ERAR le 22 août 2017 ou peu après.)
[39]
La Cour a observé que, dans la mesure où la personne en question fait l’objet d’une mesure de renvoi ayant pris effet, « la question du moment où l’avis est donné relève des autorités de l’immigration »
(Francis c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1123 [Francis], au paragraphe 22). L’exercice de ce pouvoir discrétionnaire doit être guidé par l’objectif du régime. La Cour et la Cour d’appel fédérale ont toutes deux statué que cet objectif est d’assurer le respect des engagements nationaux et internationaux du Canada relativement au principe de non-refoulement (Figurado c Canada (Solliciteur général), 2005 CF 347, au paragraphe 40; Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385 [Raza], au paragraphe 10).
[40]
Un Résumé de l’étude d’impact de la réglementation concernant l’ERAR (et d’autres aspects du RIPR) (Gazette du Canada, Partie II, vol. 136, Édition spéciale [14 juin 2002]) a clairement mentionné cet objectif (à la page 274) :
La justification, au niveau des politiques, de l’examen des risques avant renvoi se trouve dans les engagements nationaux et internationaux du Canada en faveur du principe de non‑refoulement. En vertu de ce principe, les demandeurs ne peuvent être renvoyés du Canada dans un pays où ils risqueraient d’être persécutés, torturés, tués ou soumis à des traitements ou peines cruels ou inusités. Ces engagements exigent que les risques soient examinés avant le renvoi.
De même, sous l’en-tête « But de ces dispositions réglementaires »
, l’étude d’impact de la réglementation mentionne ce qui suit (à la page 274) :
Les dispositions réglementaires concernant l’examen des risques avant renvoi prévoient un cadre pour la conduite de l’ERAR, de façon que le Canada remplisse les obligations qu’il a prises au niveau national et international et que les garanties fournies par la Charte canadienne des droits et libertés soient respectées.
[41]
Dans l’arrêt Raza, la Cour d’appel fédérale a expressément adopté le premier passage cité ci-dessus comme énonçant l’objet de l’article 112 de la LIPR (au paragraphe 10).
[42]
L’étude d’impact de la réglementation explique ensuite comment le processus d’ERAR a été conçu afin d’inciter « les intéressés à faire preuve de diligence pour présenter leurs demandes dans des délais précis et objectifs, afin de faire en sorte que l’ERAR demeure associé au renvoi dans le temps »
(à la page 274). Par conséquent, l’ERAR est considéré comme étant « étroitement liée [sic] dans le temps aux renvois et son processus les précède immédiatement »
(à la page 276).
[43]
Il n’est pas surprenant que la Cour ait adopté le même point de vue quant à l’importance de la proximité de l’examen par rapport au renvoi. Dans Revich c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 852, la juge Tremblay-Lamer a statué que « pour que cet examen soit efficace et conforme à l’intention qu’avait le législateur en le créant, l’ERAR doit coïncider autant que possible avec le départ de l’intéressé du pays »
(au paragraphe 16). Ce point de vue a été adopté par le juge Zinn dans Asfaw c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 366, où il a conclu qu’un ERAR « ne doit pas avoir lieu immédiatement puisque son efficacité quant à la protection du droit de nonrefoulement de la demanderesse dépend de son exécution peu avant le renvoi »
(au paragraphe 16, souligné dans l’original). Le juge Zinn est revenu sur ce point dans Francis, où il a réitéré que « les décisions relatives aux ERAR doivent être rendues à une date rapprochée de la date de renvoi du demandeur du Canada »
(au paragraphe 21).
[44]
Le demandeur soutient, à juste titre, qu’aucune de ces décisions ne soulevait le même problème que la présente affaire. Néanmoins, cela n’enlève rien au bien-fondé de leur analyse de la meilleure manière d’atteindre l’objectif du régime. Si une personne ne fait pas face à un renvoi, il n’y a aucun risque de non-respect du principe de non-refoulement et il n’est donc pas nécessaire de lui offrir un ERAR à ce moment-là. En outre, si l’examen des risques est fait trop tôt et qu’il est défavorable, il faudra peut-être le refaire avant le renvoi au cas où les conditions dans le pays ou la situation de la personne auraient changé entre-temps. Comme la Cour suprême du Canada l’a statué dans l’arrêt Németh, dans un contexte différent, mais étroitement lié, le moment pertinent pour apprécier le droit à la protection contre le refoulement est le moment où la mesure de renvoi est demandée (au paragraphe 50). Enfin, il convient de souligner qu’il y a une certaine redondance dans la présentation d’une demande d’ERAR alors que d’autres mesures empêchent le renvoi de la personne du Canada. Le sursis à la mesure de renvoi prévu par la loi en attendant une décision sur la demande d’ERAR permet de s’assurer que l’examen des risques est fait avant le renvoi du Canada, et non après (Sogi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 108, au paragraphe 31; Solis Perez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 663, au paragraphe 25). Un tel sursis ne sera généralement pas nécessaire pour empêcher le renvoi d’une personne si un SAR pour le pays concerné est en vigueur.
[45]
Je reconnais que cette interprétation du moment où une personne devient admissible à un ERAR signifie que l’accès à cette forme de protection est plus restreint temporairement que la même forme de protection offerte par la SPR. La présente affaire illustre bien la différence entre les deux : le demandeur ne peut obtenir l’asile en raison du SAR, mais ce dernier n’a pas empêché son frère ou sa mère d’être reconnus comme réfugiés par la SPR. Néanmoins, il faut rappeler que la principale raison pour laquelle le demandeur ne peut obtenir l’asile à l’heure actuelle est que sa demande était irrecevable pour être déférée à la SPR, aux termes de l’alinéa 101(1)c) de la LIPR. Dans l’intérêt public, le Canada a établi certains obstacles à l’accès au processus de détermination du statut de réfugié. Le demandeur n’a pas contesté l’obstacle qui l’a empêché d’avoir accès au processus de détermination du statut de réfugié devant la SPR.
[46]
Le législateur a conçu le processus de détermination du statut de réfugié et le processus d’ERAR de manière à remplir des fonctions étroitement liées, mais distinctes. Le processus d’ERAR a été adopté comme mesure de protection pour assurer le respect du principe de non‑refoulement, mais ne peuvent y recourir que les personnes qui n’ont pas obtenu l’asile, soit parce qu’elles n’en ont pas fait la demande, soit parce qu’elles l’ont demandé, mais ont été déboutées, soit (comme le demandeur) qu’elles ne pouvaient le demander. En bref, l’ERAR a pour but d’empêcher le renvoi contraire au principe de non-refoulement pour les personnes qui, pour quelque raison que ce soit, n’ont pas été en mesure d’obtenir autrement l’asile. Le demandeur ne m’a pas convaincu que le processus d’ERAR était destiné à remplir une autre fonction que celle-ci, qui est d’une importance critique.
[47]
L’exécution d’un ERAR à un moment raisonnablement rapproché du moment où la personne pourrait être renvoyée du Canada est la meilleure façon d’en assurer l’efficacité. C’est la meilleure façon de protéger les droits de la personne concernée, ainsi que la meilleure façon de s’assurer que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales. Je ne peux accepter l’affirmation du demandeur selon laquelle le processus d’ERAR devrait fonctionner de façon plus générale comme solution de rechange au statut de réfugié, même s’il s’agit là d’un résultat possible de ce processus et, pour certains (comme le demandeur), c’est la seule façon de faire reconnaître ce statut. À mon avis, le demandeur ne peut pas réussir à modifier le processus d’ERAR pour imiter le processus de détermination du statut de réfugié simplement par un exercice d’interprétation des lois, comme il a tenté de le faire. Le résultat qu’il cherche à obtenir est contraire à l’objet de la loi et à l’intention claire du législateur lorsqu’il l’a adoptée (Németh, au paragraphe 26). Bien qu’il soit loisible au demandeur de conférer au libellé de l’alinéa 160(3)a) du RIPR l’interprétation large dont il cherche à se prévaloir, il est limité par le contexte et l’objet de la disposition. Ces considérations appuient l’interprétation du ministre, et non celle du demandeur.
[48]
Le demandeur invoque la Charte à l’appui de son argument en faveur d’une interprétation temporelle plus large de l’alinéa 160(3)a) du RIPR et du moment où le droit à une demande d’ERAR est reconnu. Il ressort clairement de l’énoncé de l’objet cité ci-dessus qu’une partie de l’objectif du processus d’ERAR est d’assurer le respect de la Charte. Le demandeur ne m’a pas convaincu que, selon l’interprétation du ministre, le processus d’ERAR ne protège pas les droits garantis par la Charte, comme il a été conçu pour le faire. De plus, la Charte n’accorde aucun droit positif à l’égard de l’asile (Febles c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CSC 68 [Febles], au paragraphe 68). Quant à la tentative du demandeur d’invoquer la Charte pour attribuer une fonction plus large au processus d’ERAR, lorsque l’intention exprimée par le législateur dans une disposition législative est claire et sans ambiguïté, « la Charte ne peut servir d’outil d’interprétation pour donner au texte législatif un sens non voulu par le législateur »
(Febles, au paragraphe 67).
[49]
Le demandeur m’a également exhorté à tenir compte du contexte du droit international dans lequel le régime d’ERAR en général, de même que le paragraphe 112(1) de la LIPR et le paragraphe 160(3) du RIPR en particulier, sont appliqués dans l’interprétation de ces dispositions. Il ne fait aucun doute que cela doit être fait (LIPR, alinéa 3(3)f); B010, aux paragraphes 47 à 50; R c Appulonappa, 2015 CSC 59, au paragraphe 40). Cependant, même en en ayant tenu compte, je ne peux accepter qu’une interprétation du régime qui déclenche l’obligation de donner avis de la possibilité de présenter une demande d’ERAR uniquement lorsque la personne concernée est sur le point d’être renvoyée du Canada soit incompatible avec ce contexte. Au contraire, elle contribue à faire en sorte que le système remplisse la fonction pour laquelle il a été conçu, à savoir promouvoir le respect du principe de non-refoulement, la pierre angulaire de la protection des réfugiés et l’un des principes fondamentaux du droit international des droits de la personne en général (Németh, aux paragraphes 1, 18 et 19).
[50]
En résumé, je conclus qu’une interprétation de l’alinéa 160(3)a) du RIPR qui déclenche l’obligation de donner avis de la possibilité de présenter une demande d’ERAR seulement lorsque la personne concernée fait face à une mesure de renvoi est compatible avec le libellé de la disposition, et « s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »
(B010, au paragraphe 29). Je suis également convaincu que cette interprétation est conforme aux obligations imposées au ministre aux termes de la Charte et du droit international, dans la mesure où elles sont visées par le régime d’ERAR.
[51]
Le demandeur affirme également que le ministre est assujetti à une obligation indépendante, fondée sur la Charte et le droit international, de statuer sur sa demande d’asile en dehors du régime d’ERAR. J’aborderai cet argument ci-dessous en lien avec la demande de jugement déclaratoire du demandeur.
(3)
La décision d’annuler l’ERAR
[52]
Compte tenu de ce qui précède, j’ai conclu que le ministre n’avait pas commis d’erreur en annulant la demande d’ERAR du demandeur. L’agente d’exécution Biscotti a commis une erreur lorsqu’elle a avisé le demandeur, le 17 août 2017, de son droit de présenter une demande d’ERAR. Cela s’explique par le fait que le SAR pour le Burundi étant en vigueur, le demandeur ne risquait pas d’être renvoyé du Canada. Il serait incompatible avec l’objectif du régime d’ERAR de procéder à une évaluation à ce moment-là.
[53]
Divers facteurs entrent en jeu pour donner lieu à l’application de l’alinéa 160(3)a) du RIPR lorsqu’une personne fait face à un renvoi du Canada. Il n’est donc pas nécessaire que j’examine cette question plus générale. Il suffit de conclure que, puisque le demandeur ne peut être renvoyé du Canada en raison du SAR, il ne faisait pas face à un renvoi lorsqu’on lui a offert un ERAR. La seule façon de corriger l’erreur de l’agente était d’annuler l’ERAR. La raison invoquée – le demandeur ne fait pas actuellement l’objet d’un renvoi du Canada – est fondée sur le plan juridique et explique pleinement le résultat. Le demandeur fait l’objet d’une mesure de renvoi ayant pris effet, mais cette mesure n’est pas exécutoire, parce que le ministre y a sursis en vertu de l’article 230 du RIPR (voir la LIPR, au paragraphe 48(1) et à l’alinéa 50e)). Le fait que le demandeur n’avait pas besoin d’un sursis d’origine législative dans le cadre du régime d’ERAR pour empêcher son renvoi du Canada est une autre indication que sa demande d’ERAR n’était pas encore prête à être examinée. Dans de telles circonstances, le ministre n’est pas tenu de procéder à un ERAR, malgré le fait que le demandeur s’en est vu offrir un. En effet, procéder à l’examen des risques pendant que la SAR est en vigueur ne serait pas compatible avec le fonctionnement efficace du régime d’ERAR.
[54]
Cela dit, je dois faire observer que le moment choisi pour annuler l’ERAR du demandeur (près d’un an après le dépôt de sa demande et seulement après qu’il a dû prendre la mesure inhabituelle de demander un bref de mandamus), et l’absence complète d’explication du retard dans la prise de cette décision laissent beaucoup à désirer.
B.
La demande en vue d’obtenir un bref de mandamus est-elle théorique?
[55]
La demande d’ERAR ayant été annulée, le ministre affirme que la demande de bref de mandamus devrait être rejetée comme étant théorique.
[56]
L’analyse du caractère théorique s’effectue en deux temps. Il convient d’abord de déterminer s’il existe toujours un litige actuel qui affecte ou peut affecter les droits des parties. Si la réponse est négative, la procédure est théorique, mais le tribunal doit tout de même se demander s’il doit, malgré tout, exercer son pouvoir discrétionnaire pour trancher l’affaire sur le fond (Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 [Borowski], aux pages 353 à 363; Démocratie en surveillance c Canada (Procureur général), 2018 CAF 195, au paragraphe 10).
[57]
Je suis convaincu qu’il n’y a plus de litige réel qui touche les droits des parties, du moins en ce qui concerne la demande d’ERAR. Cette demande a été annulée pour une raison que j’ai jugée juridiquement fondée (en fait, correcte). Comme il n’y a plus de décision à rendre au sujet d’une demande, je n’ai plus rien en main pour obliger le ministre à agir d’une manière donnée pour le moment (même en supposant que toutes les autres conditions préalables à un bref de mandamus étaient remplies – voir Apotex Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 CF 742, au paragraphe 45 [CA]). La question est donc théorique.
[58]
Dans l’arrêt Borowski, la Cour a formulé des lignes directrices pour déterminer si un tribunal devrait traiter les questions soulevées dans une affaire malgré leur caractère théorique. Trois facteurs ont été relevés : (1) l’existence ou non d’un contexte contradictoire; (2) l’économie des ressources judiciaires; (3) la question de savoir si trancher l’affaire sur le fond serait compatible avec la fonction juridictionnelle de la Cour par rapport à la fonction législative du gouvernement (aux pages 358 à 363). La Cour a souligné qu’il ne s’agissait pas là d’une liste exhaustive : « il n’est pas souhaitable d’aller au‑delà d’une généralisation convaincante parce qu’une liste exhaustive aurait comme conséquence d’entraver indûment, pour l’avenir, le pouvoir discrétionnaire de la Cour »
(à la page 358). Ce pouvoir discrétionnaire est « à exercer de façon judiciaire selon les principes établis »
(ibid.). En outre, l’application de ces facteurs n’est pas un « processus mécanique »
(à la page 363). Il se peut que les facteurs ne tendent pas tous vers la même conclusion dans une affaire donnée, et l’absence d’un facteur peut prévaloir malgré la présence de l’un ou des deux autres, ou inversement (ibid.).
[59]
À mon avis, seul le premier de ces facteurs justifie l’instruction de la présente affaire sur le fond. Il ne fait aucun doute qu’il existe ici un contexte contradictoire. Le statut de réfugié du demandeur reste indéterminé, et il a clairement un intérêt continu dans l’affaire. Le ministre a également un intérêt continu. Les deux parties ont fait valoir habilement leur position sur le fond de la demande. Toutefois, les deux autres facteurs pèsent lourdement contre l’instruction sur le fond de cette partie de la demande. L’économie des ressources judiciaires ne serait pas servie si l’on entreprenait une analyse plus poussée des obligations du ministre envers le demandeur dans le cadre du processus d’ERAR, alors que ces questions se cristalliseront plus tard (en supposant qu’il devienne nécessaire d’entreprendre l’ERAR à un moment donné). Dans la mesure où il y a d’importantes questions juridiques à trancher, je suis d’avis que l’analyse qui précède relativement au processus d’ERAR, combinée à l’analyse qui suit concernant les demandes du demandeur en vue d’obtenir un jugement déclaratoire, suffit pour les besoins actuels. Le mandamus est déjà une mesure de réparation exceptionnelle et discrétionnaire (Farhadi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 926, au paragraphe 28). Il ne servirait à rien de poursuivre l’examen de la demande de réparation, qui est maintenant tout à fait hypothétique.
[60]
Pour ces motifs, je refuse d’exercer mon pouvoir discrétionnaire d’examiner plus à fond la demande théorique du demandeur en vue d’obtenir un bref de mandamus.
C.
Les demandes de jugement déclaratoire du demandeur
[61]
Un tribunal peut, à sa discrétion, prononcer un jugement déclaratoire « lorsqu’il a compétence pour entendre le litige, lorsque la question en cause est réelle et non pas simplement théorique, lorsque la partie qui soulève la question a véritablement intérêt à ce qu’elle soit résolue et lorsque l’intimé a intérêt à s’opposer au jugement déclaratoire sollicité »
(Ewart c Canada, 2018 CSC 30, au paragraphe 81).
[62]
La demande de jugement déclaratoire faisait partie de la demande initiale d’autorisation et de contrôle judiciaire, qui a été déposée alors qu’une décision sur la demande d’ERAR était toujours en suspens. Le demandeur espérait clairement que cette réparation, si elle était accordée, exercerait une pression juridique supplémentaire sur le ministre afin qu’il rende une décision sur sa demande d’ERAR. Si l’annulation de la demande d’ERAR a rendu la demande de bref de mandamus théorique, elle n’a pas eu le même impact sur la demande de jugement déclaratoire. Il s’agit toujours d’un litige réel entre les parties qui affecte ou pourrait affecter leurs droits.
(1)
L’article 7 de la Charte
[63]
Le demandeur sollicite un jugement déclaratoire à titre de réparation au titre du paragraphe 24(1) de la Charte.
[64]
Comme condition préalable à l’obtention d’une telle réparation, le demandeur doit établir qu’il y a eu violation ou négation de ses droits garantis par la Charte. Le demandeur affirme que l’omission du ministre de statuer sur son statut de réfugié au sens de la Convention viole les droits que lui confère l’article 7 de la Charte.
[65]
Une prétention fondée sur l’article 7 doit établir deux choses : premièrement, qu’il y a atteinte à un droit protégé par l’article 7 (vie, liberté ou sécurité de la personne); deuxièmement, que cette atteinte ne respecte pas les principes de justice fondamentale (Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9 [Charkaoui], au paragraphe 12).
[66]
À mon avis, le demandeur n’a pas réussi à établir son droit à un jugement déclaratoire, parce qu’il n’a pas réussi à établir que sa situation actuelle donne lieu à l’application de l’article 7 de la Charte.
[67]
Les protections prévues à l’article 7 de la Charte peuvent trouver application de diverses façons, mais le demandeur n’a pas établi qu’elles trouvent application dans sa situation – du moins, pas pour le moment. Il n’est pas détenu ni assujetti à d’autres restrictions sérieuses à sa liberté (Charkaoui, au paragraphe 13). Il ne risque pas actuellement d’être renvoyé du Canada vers un endroit où sa vie ou sa liberté seraient menacées ou vers une destination où il risque la torture (Charkaoui, au paragraphe 14). Il n’a pas été étiqueté par le Canada d’une manière qui risque de causer un tort irréparable à sa vie (ibid.).
[68]
Dans son affidavit, le demandeur déclare que la perspective de demeurer au Canada indéfiniment sans que sa demande d’asile soit réglée est [traduction] « déprimante »
. Il est [traduction] « attristé »
par le fait que son cas ne soit toujours pas réglé, alors que les demandes d’asile de son frère et de sa mère ont mené à une conclusion favorable. La perspective qu’il puisse un jour être contraint de retourner au Burundi est une source d’anxiété pour lui. Il ne peut se sentir [traduction] « entièrement en sécurité »
au Canada. Aucune autre preuve n’a été fournie concernant les répercussions psychologiques sur le demandeur que pourrait causer son statut non réglé.
[69]
Le droit à la sécurité de la personne garanti par l’article 7 de la Charte protège l’intégrité psychologique d’une personne (Blencoe c Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, aux paragraphes 55 à 57). Toutefois, pour donner lieu à l’application de l’article 7 sur ce motif, les répercussions de l’acte de l’État doivent être plus importantes qu’une tension ou une angoisse ordinaires; elles doivent être graves et profondes (Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c G (J), [1999] 3 RCS 46, au paragraphe 60). Je ne doute pas de la sincérité de la preuve du demandeur quant aux répercussions psychologiques du refus du ministre de statuer sur son statut de réfugié, de quelque façon. Toutefois, elles sont bien en deçà du seuil élevé nécessaire pour mettre en jeu l’article 7 de la Charte.
[70]
Le demandeur déclare également qu’il a eu de la difficulté à avancer dans la vie. Il n’a pas les moyens de fréquenter l’école (parce qu’il n’a pas les moyens de payer les frais de scolarité des étudiants étrangers) et il a de la difficulté à trouver du travail (en raison de son statut temporaire au Canada). Toutefois, la jurisprudence révèle clairement que le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne garanti à l’article 7 englobe les choix fondamentaux qu’une personne peut faire dans sa vie, et non des intérêts purement économiques (Siemens c Manitoba (Procureur général), 2003 CSC 3, au paragraphe 45). Les répercussions du statut non réglé du demandeur sur son éducation ou son employabilité ne donnent pas lieu non plus à l’application de l’article 7 de la Charte.
[71]
Je dois souligner que ces conclusions ne doivent en aucun cas donner à penser que les répercussions sur le demandeur de son statut non réglé ne devraient pas lui donner droit à une autre forme de réparation (p. ex. une réparation fondée sur des considérations d’ordre humanitaire au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR). Tout ce que j’ai conclu, c’est que le demandeur n’a pas réussi à établir son droit à une réparation au titre de la Charte dans la présente instance, parce qu’il n’a pas réussi à établir que sa situation actuelle donnait lieu à l’application de l’article 7 de la Charte.
[72]
Dans son affidavit, le demandeur déclare ce qui suit : [traduction] « Dans un avenir prévisible, il n’y a aucune perspective d’amélioration de la situation des droits de la personne au Burundi. Si le sursis administratif se poursuit indéfiniment, je resterai indéfiniment ici sans que mon statut soit réglé. »
Toute personne à l’esprit juste ferait preuve d’empathie à l’égard du demandeur. Cependant, pour les motifs que j’expose dans la section suivante, je ne suis pas convaincu que la situation du demandeur soit aussi peu réjouissante qu’il le pense.
(2)
Le droit international
[73]
Je tiens tout d’abord à faire remarquer que j’ai de sérieux doutes quant à la compétence de la Cour pour rendre un jugement déclaratoire concernant le droit international. Néanmoins, en supposant, pour les besoins de l’argumentation, qu’il est approprié pour moi d’examiner la demande, j’ai conclu que le demandeur n’a pas réussi à établir qu’il avait droit à une telle réparation.
[74]
Si je comprends bien l’argument du demandeur, il invoque principalement l’article 34 de la Convention relative au statut des réfugiés pour soutenir que le ministre a violé le droit international en refusant de traiter sa demande d’asile.
[75]
L’article 34 est ainsi libellé :
Les États contractants faciliteront, dans toute la mesure possible, l’assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s’efforceront notamment d’accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure possible, les taxes et les frais de cette procédure.
[76]
Le demandeur soutient que l’obtention de l’asile au Canada est une étape nécessaire vers la naturalisation. En refusant de statuer sur sa demande d’asile pour une période indéterminée, le ministre n’a pas facilité « dans toute la mesure possible »
l’assimilation et la naturalisation du demandeur et ne s’est pas efforcé « d’accélérer »
sa naturalisation.
[77]
Je ne suis pas de cet avis.
[78]
L’argument du demandeur repose sur la prémisse que l’obtention de l’asile est le seul moyen efficace pour lui de devenir admissible à demander le statut de résident permanent au Canada. Je ne suis pas convaincu que cette prémisse est exacte. Le demandeur fait valoir que la seule autre option – demander le statut de résident permanent pour des considérations d’ordre humanitaire, aux termes du paragraphe 25(1) de la LIPR – n’est pas une voie de naturalisation aussi efficace que l’obtention du statut de réfugié. Toutefois, les éléments de preuve contenus dans la présente demande ainsi que les observations du demandeur ne suffisent pas à démontrer que tel est le cas.
[79]
Je reconnais que les décisions relatives aux demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire sont intrinsèquement discrétionnaires et qu’elles se basent sur un éventail plus large et différent de considérations qu’une demande d’asile. Toutefois, il n’y a, en principe, aucune raison de penser qu’il ne s’agit pas d’une voie de naturalisation appropriée et efficace pour une personne dans la situation du demandeur. Une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire se veut une solution souple dans les cas exceptionnels où le droit s’applique de façon injuste ou inéquitable (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, aux paragraphes 13 et 19). On peut à tout le moins soutenir que la situation actuelle du demandeur s’inscrit tout à fait dans le cadre visé par le paragraphe 25(1) de la LIPR (voir ma récente analyse relative à une décision fondée sur des considérations d’ordre humanitaire à l’endroit d’une personne faisant l’objet d’un SAR dans Bawazir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 623).
[80]
Rien dans la preuve dont je dispose n’indique que le demandeur a présenté une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. L’avocat du demandeur soutient qu’il existe des considérations pratiques qui limitent l’efficacité de ce recours (p. ex. les coûts et les délais), mais aucune preuve concernant ces obstacles ne m’a été présentée. Même en supposant que ce soit le cas, de telles choses ne supposent pas nécessairement qu’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire soit par sa nature un moyen moins efficace d’obtenir la naturalisation. C’est une option offerte par la loi. Son inefficacité (si tel est le cas) ne peut être établie qu’en engageant ce processus et en examinant ensuite comment il fonctionne dans un cas donné. De plus, à mon humble avis, les arguments par ailleurs solides du demandeur, fondés sur le droit international et avancés en l’espèce, seraient mieux adaptés pour appuyer une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ou, si nécessaire, le contrôle judiciaire d’une décision défavorable relative aux considérations d’ordre humanitaire ou d’un retard déraisonnable pour rendre la décision. En l’absence d’une raison d’écarter la possibilité qu’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire constitue une voie de naturalisation convenable et efficace pour le demandeur, rien ne permet de conclure que le ministre a violé le droit international en ne statuant pas sur le statut de réfugié du demandeur, comme l’allègue celui-ci.
D.
La question à certifier
[81]
Le demandeur propose la question suivante en vue de la certification :
Le Canada a-t-il l’obligation, au titre du droit international relatif aux droits de la personne, de statuer sur une demande de statut de réfugié au sens de la Convention si le renvoi du demandeur d’asile a été reporté, suspendu ou arrêté?
[82]
Le défendeur ne semble pas s’opposer en principe à la certification d’une telle question, mais propose plutôt la question suivante, formulée de façon plus étroite :
Le Canada a-t-il l’obligation, au titre du droit international relatif aux droits de la personne, de statuer sur une demande de protection (plus précisément, l’examen des risques avant renvoi) si le renvoi de l’étranger a été reporté, suspendu ou arrêté?
[83]
Le critère de certification a récemment été énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Lunyamila c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22, au paragraphe 46.
[84]
À mon avis, bien que les deux questions posées par les parties soient graves, transcendent les intérêts des parties et soient importantes, ni l’une ni l’autre n’aurait pour effet de régler l’appel. Par conséquent, aucune des deux questions ne sera certifiée.
VI.
CONCLUSION
[85]
Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale n’est certifiée.
JUGEMENT dans le dossier IMM-1757-18
LA COUR STATUE :
que la demande de contrôle judiciaire est rejetée;
qu’aucune question de portée générale n’est énoncée.
« John Norris »
Juge
ANNEXE A
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27
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Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227
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Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, (R-U), 1982, c 11
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-1757-18
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INTITULÉ :
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BRADLEY SHAKA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 10 décembre 2018
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE NORRIS
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DATE DU JUGEMENT
ET DES MOTIFS :
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Le 11 juin 2019
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COMPARUTIONS :
Raoul Boulakia
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Pour le demandeur
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Nadine Silverman
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Raoul Boulakia
Avocat
Toronto (Ontario)
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Pour le demandeur
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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Pour le défendeur
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