Nu-Pharm Inc. c. Canada (Procureur général) (1re inst.) [1999] 1 C.F. 620
Date : 19990217
T-2552-97
E n t r e :
NU-PHARM INC.,
demanderesse,
- et -
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et
MINISTRE DE LA SANTÉ,
défendeurs.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE BLAIS
[1] Dans leur avis de requête, Merck & Co. Inc. (Merck) et Merck Frosst Canada & Co. (Merck Frosst) sollicitent :
- une ordonnance constituant Merck et Merck Frosst parties défenderesses à l'instance en vertu de l'alinéa 104(1)b) et du paragraphe 303(1) des Règles de la Cour fédérale ; |
- à titre subsidiaire, une ordonnance autorisant Merck Frosst et Merck à intervenir dans la présente instance, en vertu du paragraphe 109(1) des Règles de la Cour fédérale ; |
- une ordonnance prorogeant, en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi sur la Cour fédérale, le délai imparti à Merck et Merck Frosst pour interjeter appel de l'ordonnance prononcée le 19 novembre 1998 par le juge Cullen à une date postérieure à celle de l'ordonnance prorogeant ledit délai d'appel de l'ordonnance en question ; |
- une ordonnance identifiant le médicament X et les fabricants A et B aux conditions convenues par les parties ou imposées par la Cour ; |
- une ordonnance sursoyant, en vertu des articles 18.2 et 50 de la Loi sur la Cour fédérale, à l'exécution de l'ordonnance rendue par le juge Cullen le 19 novembre 1998 tant que l'appel interjeté de l'ordonnance du juge Cullen n'aura pas été entendu et tranché ; |
- à titre subsidiaire, une ordonnance annulant ou modifiant, en vertu des paragraphes 399(1) et (2) des Règles de la Cour fédérale, l'ordonnance rendue le 19 novembre 1998 par le juge Cullen. |
[2] Nu-Pharm Inc. (Nu-Pharm) a soumis au ministre de la Santé (le ministre) une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) en vue d'obtenir un avis de conformité pour le médicament X. Le ministre a rejeté la demande d'avis de conformité de Nu-Pharm par lettre datée du 12 novembre 1997.
[3] La décision du ministre n'a pas elle-même été versée au dossier, si l'on fait exception de l'allusion qui y est faite dans l'affidavit de M. Robert Quesnel, à la page 179 du tome II du dossier de la demanderesse, au paragraphe 28, où l'on mentionne la lettre envoyée par M. Dann M. Michols, qui précise que [TRADUCTION] " la Direction générale des produits pharmaceutiques retournera la présentation abrégée de drogue nouvelle de Nu-Pharm sous pli séparé, parce que Nu-Pharm ne compare pas son produit X avec l'autre marque de produit X fabriquée par le fabricant X pour lequel un avis de conformité a été délivré par le ministre en vertu de l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues et que Nu-Pharm ne mentionne pas cet autre produit ".
[4] Sur réception de la décision interlocutoire du ministre, Nu-Pharm a introduit le 24 novembre 1997 une instance en contrôle judiciaire en vue d'obtenir un jugement déclaratoire portant que la décision du ministre de refuser d'examiner sa PADN était illégale et devait être annulée.
[5] Le 19 novembre 1998, le juge Cullen a annulé la décision du ministre de refuser d'examiner la demande et a renvoyé l'affaire au ministre pour qu'il prenne une nouvelle décision.
[6] Merck et Merck Frosst allèguent que le médicament X est en fait un médicament qui est produit par le fabricant A, un fabricant de médicaments génériques, et pour lequel Merck et Merck Frosst sont le fabricant innovateur B.
[7] Merck et Merck Frosst soutiennent que l'ordonnance du juge Cullen a pour effet de contourner l'article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) en obligeant le ministre de la Santé à délivrer un avis de conformité pour le médicament X sans délivrer et signifier un avis d'allégation au fabricant innovateur B du médicament X, la première personne à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise. Merck et Merck Frosst affirment par conséquent qu'elles devraient être autorisées à intervenir dans la présente instance pour défendre leurs droits. En particulier, Merck et Merck Frosst sollicitent la prorogation du délai imparti pour interjeter appel de la décision rendue par le juge Cullen une fois qu'elles auront été autorisées à intervenir à l'instance ou qu'elles auront été constituées parties défenderesses.
[8] Merck et Merck Frosst se fondent principalement sur deux décisions : celle que le juge Richard a rendue dans l'affaire Nu-Pharm c. Procureur général du Canada et al., (1997) 73 C.P.R. (3d) 510, et celle que la Cour d'appel a prononcée sous l'intitulé Nu-Pharm Inc. c. Canada (procureur général), (1998) 80 C.P.R. (3d) 74.
[9] Le juge Richard et la Cour d'appel ont estimé que le ministre ne peut délivrer d'avis de conformité que si les exigences du Règlement sur les aliments et drogues et du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) sont respectées. On ne doit pas perdre de vue l'objectif du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), qui est de protéger les travaux de recherche et de développement des compagnies pharmaceutiques innovatrices.
[10] Il semble ressortir de la lecture des deux décisions en question que celui qui demande un avis de conformité doit satisfaire simultanément aux exigences prévues par les deux régimes réglementaires.
[11] Dans le cas qui nous occupe, Nu-Pharm soutient que le ministre a fondé son refus d'examiner sa demande d'avis de conformité exclusivement sur le fait que Nu-Pharm ne satisfaisait pas aux exigences du Règlement sur les aliments et drogues et qu'en conséquence, la seule question à laquelle le juge Cullen devait répondre était celle de savoir si le ministre avait commis une erreur de droit en concluant que le médicament de la demanderesse n'était pas un " produit de référence canadien " au sens du Règlement sur les aliments et drogues .
[12] En revanche, Merck et Merck Frosst affirment que la décision du ministre qui a fait l'objet d'un contrôle judiciaire devant le juge Cullen aurait dû être examinée en fonction de la conformité de l'avis de conformité avec le Règlement sur les aliments et drogues et le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Elle estime, plus précisément, que les deux décisions " celle du juge Richard et celle de la Cour d'appel " auraient dû être portées à l'attention du juge Cullen dans le cadre du contrôle judiciaire.
[13] Comme il n'a pas eu l'occasion d'examiner ces décisions et qu'il n'était pas dans l'intérêt de Nu-Pharm de les porter à son attention, le juge Cullen a fait droit à la demande de contrôle judiciaire en se fondant exclusivement sur la thèse proposée par Nu-Pharm, et la question du respect du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) n'a pas été abordée.
[14] Quant à l'avocat du ministre de la Santé, qui agissait comme défendeur dans l'instance en contrôle judiciaire, il n'a pas non plus soulevé la question lors de l'audience qui s'est déroulée devant le juge Cullen.
[15] L'avocat du ministre de la Santé a comparu à l'audience qui a eu lieu aujourd'hui. Il a mentionné qu'il n'avait pas d'observations à formuler pour le compte du ministre, mais a confirmé que la décision du ministre ne portait que sur le Règlement sur les aliments et drogues et qu'en conséquence, les exigences prévues par le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) n'avaient pas été débattues devant le juge Cullen.
[16] La Cour accueille par la présente la requête et autorise Merck et Merck Frosst à être constituées parties défenderesses à l'instance. La Cour accorde également une prorogation de délai de trente (30) jours à compter de la date de la présente ordonnance pour permettre à Merck et à Merck Frosst soit d'interjeter appel de la décision rendue le 19 novembre 1998 par le juge Cullen, soit de présenter à la Cour une requête fondée sur l'article 399 des Règles de la Cour fédérale (1998) pour demander au juge Cullen de réexaminer son ordonnance.
[17] Quant à l'ordonnance demandée en vue de surseoir à l'exécution de l'ordonnance du juge Cullen, la requête est rejetée. La Cour n'est pas convaincue qu'il existe un préjudice irréparable qui justifie le prononcé d'une telle ordonnance. Qui plus est, vu la nature de la requête en question, il ne s'agit pas d'une injonction contre le ministre de la Santé, mais d'une requête qui présuppose que la décision du juge Cullen soit confirmée de manière à permettre aux nouvelles défenderesses d'y donner suite.
[18] Les dépens de la requête, qui s'élèvent à la somme de 2 000 $, sont adjugés à la demanderesse.
[19] Le représentant du ministre de la Santé a confirmé à la Cour que, conformément à l'ordonnance du juge Cullen, le ministre de la Santé n'interromprait pas son examen de la demande qui lui a été soumise et qu'il se conformerait à la décision de la Cour.
Pierre Blais
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
LE 17 FÉVRIER 1999
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : T-2552-97 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Nu-Pharm Inc. |
c. |
Procureur général du Canada |
et Ministre de la Santé |
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario) |
DATE DE L'AUDIENCE : Le 4 février 1999 |
MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE
PRONONCÉS PAR LE JUGE BLAIS LE 17 FÉVRIER 1999
ONT COMPARU :
Mes H.B. Radomski pour la demanderesse |
et Andrew R. Brodkin
Me Frederick B. Woyiwada pour les défendeurs |
Mes Alexander Macklin, c.r. pour Merck & Co. Inc. et |
Emmanuel Manolakis Merck Frosst Canada & Co. |
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Goodman, Phillips & Vineberg pour la demanderesse |
Toronto (Ontario)
Me Morris Rosenberg pour les défendeurs |
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
Gowling,Strathy & Henderson pour Merck & Co. Inc. et |
Ottawa (Ontario) Merck Frosst Canada & Co. |