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Date : 20000713


Dossier : IMM-2770-99

Ottawa, Ontario, ce 13ième jour de juillet 2000

Présent(s) :      L"honorable juge Nadon

Entre :

     IBRAHIM SAAD

     Partie demanderesse

Et:

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Partie défenderesse


     ORDONNANCE


     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Par conséquent, la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié en date du 30 avril 1999, est annulée. L"affaire est renvoyée à un panel différemment constitué pour une nouvelle audition.


     Marc Nadon

     Juge

        



Date : 20000713


Dossier : IMM-2770-99

Entre :

     IBRAHIM SAAD

     Partie demanderesse

Et:

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Partie défenderesse


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE


L"HONORABLE JUGE NADON



Le demandeur attaque une décision de la Section du statut de réfugie de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié ("Section du statut") en date du 30 avril 1999, selon laquelle le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention.


Le demandeur, né en 1967, est citoyen du Djibouti. Il craint d"être persécuté s"il devait retourner dans son pays, en raison de ses opinions politiques et de son appartenance au groupe social de journalistes.


En premier lieu, la Section du statut a conclu que la preuve présentée par le demandeur était crédible. À la page 2 de sa décision, la Section du statut s"exprime comme suit:

     Le tribunal est d"avis que les éléments de preuve présentés par le revendicateur concernant ses expériences à Djibouti sont crédibles. Nous devons déterminer, compte tenu des expériences du revendicateur et de la preuve documentaire dont nous sommes saisis, s"il existe une possibilité raisonnable que le revendicateur soit persécuté s"il retournait dans son pays.

Compte tenu de la preuve présentée par le demandeur, la Section du statut, vu sa conclusion de crédibilité, a accepté les éléments de preuve suivants:

     1.      En juillet 1993, le demandeur a été frappé au genou par un policier, à cause de remarques à caractère politique qu"il avait faites dans un restaurant.
     2.      Le demandeur a été arrêté en février 1998 et il a reçu une offre de travailler pour le parti au pouvoir. Il a refusé l"offre de travail et on l"a dès lors torturé. Après 20 jours de détention, il a été libéré sans aucune condition.
     3.      Au mois de juillet 1998, le demandeur a perdu son emploi au sein de la Radiodiffusion et télévision djiboutienne ("RTD"), le radiotélédiffuseur national, parce qu"il aurait accepté de "produire une annonce de grande qualité" pour le compte du Parti national démocratique ("PND"), l"un des partis d"opposition.

Voici comment la Section du statut a traité de ces divers éléments de preuve qu"elle avait jugé crédibles. Aux pages 2-3 de sa décision, elle a disposé de l"incident lors duquel le demandeur a subi blessure au genou dans les termes suivants:

... Il est parti pour la Tunisie pour faire soigner une blessure qui lui a été infligée avant d"être membre du PND, et en fait, cet incident semble être isolé. Il s"agit d"un hasard si l"agent de sécurité a entendu les propos critiques tenus par le revendicateur à l"égard du régime. Il les a tenus dans un restaurant, dans un pays où, dit-il, tout le monde parle de politique. Lorsqu"il a été interpellé au sujet de ses remarques, il a répondu qu"il dirait ce que bon lui semble, ce qui lui a valu d"être frappé par un policier qu"un agent était allé cherché. Le revendicateur n"a fourni aucune preuve laissant supposer que son identité était connue de l"agent ou de ses collègues de la police. Le revendicateur a conservé son emploi après cet incident. Il travaillait pour la radio télédiffusion, un organisme politiquement délicat. Nous concluons donc que les instances dirigeantes n"avaient aucun intérêt en cours concernant le revendicateur et découlant de l"incident de juillet 1993.

Concernant son arrestation et son séjour en prison en février 1998, et son congédiement au mois de juillet 1998, la Section du statut a traité de ces événements comme suit, aux pages 3-4 de sa décision:

     Le revendicateur a indiqué dans son témoignage qu"il a limité ses contacts avec le PND lorsqu"il est retourné à Djibouti en février 1997. Il n"a fait état d"aucun problème avec les autorités de février 1997 à février 1998. Ce n"est qu"après que son père, également membre du PND, eut été détenu après une réunion tenue au siège du parti au début de février 1998, que le revendicateur a été arrêté quelques jours plus tard. Ce n"est qu"après qu"il eut refusé l"offre qui lui a été faite de travailler pour le parti au pouvoir, une offre accompagnée de promesses d"avancement et d"avantages matériels, que la balançoire a été infligée au revendicateur. Ce châtiment semble être directement lié au refus du revendicateur. Il n"a pas subi d"autres sévices. Il a eu droit à un traitement thérapeutique par massage, afin qu"il ne reste aucune trace de torture au moment de sa libération. On peut comprendre que l"État essaie de dissimuler le fait qu"il recourt à la torture, mais qu"il offre un traitement thérapeutique à une victime de torture est tout à fait nouveau pour ce tribunal qui a entendu un grand nombre de revendications contre l"État djiboutien, y compris des revendications dans lesquelles les revendicateurs ont allégué avoir subi de mauvais traitements pendant leur détention. Le fait que le revendicateur n"ait pas subi de mauvais traitements après les tortures infligées et après son traitement thérapeutique par massage donne à penser que l"État n"avait aucune intention de persécuter systématiquement le revendicateur. Cette conclusion repose en outre sur le fait que le revendicateur a été libéré sans condition et qu"il a été autorisé à reprendre son travail à la RTD. Compte tenu du fait qu"un grand nombre de Djiboutiens aient été congédiés d"emplois de l"État du simple fait qu"ils n"étaient pas des Mamasans, compte tenu du grand nombres [sic] d"employés congédiés en raison de leur appartenance à des partis d"opposition, et que ces personnes ont été limogées impunément, le fait que le revendicateur puisse simplement reprendre son travail dans un organisme considéré comme délicat du point de vue politique semble indiquer que le revendicateur n"était pas perçu comme une menace par le régime en place. Le revendicateur a expliqué qu"il n"a pas été congédié par ce [sic] que la RTC avait besoin de ses connaissances spécialisées. Cette explication ne nous semble pas pertinente. La RTC a continué de fonctionner pendant que le revendicateur était en Tunisie pendant deux ans et demi. Le fonctionnement de la RTD ne dépendait pas de sa présence. Sans compter que, de son propre aveu, il avait des collègues qui avaient reçu une formation au Japon avec lui et qui auraient au moins certaines de ses compétences pour effectuer le travail nécessaire. De plus, on peut embaucher de nouveaux employés et les former. En fait, l"État aurait pu le faire n"importe quand, s"il avait l"intention de congédier le revendicateur. Il semble qu"il n"en n"avait nullement l"intention, si ce n"est pendant les derniers mois du revendicateur dans l"organisation.

Le demandeur soumet qu"en vertu du test applicable, il s"agit de déterminer s"il existe en l"instance une crainte raisonnable de persécution si le demandeur devait retourner dans son pays. Par conséquent, le demandeur soumet que la Section du statut a commis une erreur en utilisant un mauvais test, à savoir celui de la persécution systématique. Cette erreur, à mon avis, explique pourquoi la Section du statut, ayant conclu que l"histoire relatée par le demandeur était crédible, en arrive à dire que la torture qui lui a été infligée ne constitue pas de la persécution au sens de la Convention. Je cite à nouveau le passage pertinent:

... Le fait que le revendicateur n"ait pas subi de mauvais traitements après les tortures infligées et après son traitement thérapeutique par massage donne à penser que l"état n"avait aucune intention de persécuter systématiquement le revendicateur.

De plus, la Section du statut semble s"être attardée sur l"intention de l"État plutôt que sur les gestes posés par cet État. Autrement dit, si l"État torture un individu mais n"a pas, semble-t-il, l"intention de le persécuter systématiquement, cette torture ne constituera pas de la persécution au sens de la Convention.


À mon avis, il ne peut faire de doute que la Section du statut a commis une erreur qui vicie sa décision. Par conséquent, la décision rendue par la Section du statut le 30 avril 1999 sera annulée et l"affaire sera renvoyée devant la Section du statut pour une nouvelle audition devant un panel différemment constitué.


Avant de conclure, j"aimerais ajouter quelques mots. En lisant la décision de la Section du statut, j"ai eu l"impression que le panel, malgré sa conclusion de crédibilité, avait de sérieux doutes quant à la crédibilité de certains aspects de l"histoire relatée par le demandeur. En particulier, cela appert de façon évidente lorsque l"on lit les passages de la décision concernant la torture infligée au demandeur suivie par le massage thérapeutique. La Section en profite pour indiquer son étonnement face au massage thérapeutique qui, à son avis, n"est pas chose courante au Djibouti. Selon la Section du statut, d"offrir un traitement thérapeutique à un individu que l"on vient de torturer "... est tout à fait nouveau pour ce tribunal qui a entendu un grand nombre de revendications contre l"État djiboutien, y compris des revendications dans lesquelles les revendicateurs ont allégué avoir subi de mauvais traitements pendant leur détention". Si la Section ne croyait pas le demandeur, elle n"avait qu"à le dire, mais l"ayant trouvé crédible, elle n"avait autre choix que d"être conséquente avec cette conclusion.


Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.


     Marc Nadon

     Juge


O T T A W A (Ontario)

le 13 juillet 2000

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