Date : 2001
Dossier : T-2053-99
Référence neutre : 2001 CFPI 1012
ACTION IN PERSONAM CONTRE
AIR CANADA ET EXPEDITORS INTERNATIONAL
ENTRE :
SOCIÉTÉ CANADIENNE DE LA CROIX ROUGE
Demanderesse
ET
AIR CANADA
et
EXPEDITORS INTERNATIONAL
Défenderesses
ET
AIR CANADA
Mise en cause
[1] La Cour est saisie en l'espèce par la demanderesse actuelle au dossier (la Croix Rouge) d'une requête en amendement en vertu de la règle 75 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les règles) afin que la corporation Alpha Therapeutic (ci-après Alpha) soit ajoutée également à l'intitulé de cause à titre de demanderesse.
[2] L'action dans laquelle s'inscrit la requête à l'étude est gouvernée quant à son fondement par la Loi sur le transport aérien, L.R. 1985, ch. C-26 (la Loi) ainsi que la Convention de Varsovie (la Convention) qui est incorporée à ladite loi.
Les faits
[3] Les faits pertinents en l'espèce peuvent être résumés ainsi.
[4] Un envoi de marchandises appartenant à la Croix Rouge ayant été endommagé sévèrement lors d'un transport aérien entre Los Angeles et Ottawa le ou vers le 26 novembre 1997, la Croix Rouge a entrepris le 22 novembre 1999 une action en dommages contre, entre autres, la défenderesse Air Canada en sa qualité de transporteur aux termes d'une lettre de transport aérien où la Croix Rouge est désignée à titre de destinataire, Air Canada à titre de transporteur et Alpha à titre d'expéditeur.
[5] L'action qui fut entreprise uniquement par la Croix Rouge le fut à l'intérieur du délai de prescription de deux ans stipulé par l'article 29 de la Convention qui se lit:
Article 29 (1) L'action en responsabilité doit être intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l'arrivée à destination ou du jour où l'aéronef aurait dû arriver, ou de l'arrêt du transport. (2) Le mode du calcul du délai est déterminé par la loi du tribunal saisi. |
Article 29 (1) The right to damages shall be extinguished if an action is not brought within two years, reckoned from the date of arrival at the destination, or from the date on which the aircraft ought to have arrived, or from the date on which the carriage stopped. (2) The method of calculating the period of limitation shall be determined by the law of the Court seized of the case. |
Analyse
[6] Les procureurs de la Croix Rouge se sont référés aux articles 12 à 14 de la Convention pour tenter d'asseoir la base de l'action aux fins de soutenir que l'action entreprise dans les délais par leur cliente a dans les faits et en droit interrompu la prescription tant pour la Croix Rouge que pour Alpha. Ces articles dans leur version pertinente se lisent comme suit:
Article 12 (1) L'expéditeur a le droit, sous la condition d'exécuter toutes les obligations résultant du contrat de transport, de disposer de la marchandise, soit en la retirant à l'aérodrome de départ ou de destination, soit en l'arrêtant en cours de route lors d'un atterrissage, soit en la faisant délivrer au lieu de destination ou en cours de route à une personne autre que le destinataire indiqué sur la lettre de transport aérien, soit en demandant son retour à l'aérodrome de départ, pour autant que l'exercice de ce droit ne porte préjudice ni au transporteur, ni aux autres expéditeurs et avec l'obligation de rembourser les frais qui en résultent. (...) |
Article 12 (1) Subject to his liability to carry out all his obligations under the contract of carriage, the consignor has the right to dispose of the cargo by withdrawing it at the aerodrome of departure or destination, or by stopping it in the course of the journey on any landing, or by calling for it to be delivered at the place of destination or in the course of the journey to a person other than the consignee named in the air waybill, or by requiring it to be returned to the aerodrome of departure. He must not exercise this right of disposition in such a way as to prejudice the carrier or other consignors and he must repay any expenses occasioned by the exercise of this right. (...) |
(4) Le droit de l'expéditeur cesse au moment où celui du destinataire commence, conformément à l'article 13 ci-dessous. (...) |
(4) The right conferred on the consignor ceases at the moment when that of the consignee begins in accordance with Article 13. (...) |
Article 13 (1) Sauf dans les cas indiqués à l'article précédent, le destinataire a le droit, dès l'arrivée de la marchandise au point de destination, de demander au transporteur de lui remettre la lettre de transport aérien et de lui livrer la marchandise contre le paiement du montant des créances et contre l'exécution des conditions indiquées dans la lettre de transport aérien. (...) |
Article 13 (1) Except in the circumstances set out in the preceding Article, the consignee is entitled, on arrival of the cargo at the place of destination, to require the carrier to hand over to him the air waybill and to deliver the cargo to him, on payment of the charges due and on complying with the conditions of carriage set out in the air waybill. (...) |
Article 14 L'expéditeur et le destinataire peuvent faire valoir tous les droits qui leur sont respectivement conférés par les articles 12 et 13, chacun en son propre nom, qu'il agisse dans son propre intérêt ou dans l'intérêt d'autrui, à condition d'exécuter les obligations que le contrat impose. |
Article 14 The consignor and the consignee can respectively enforce all the rights given them by Articles 12 and 13, each in his own name, whether he is acting in his own interest or in the interest of another, provided that he carries out the obligations imposed by the contract. |
[7] Selon moi ces articles sont inapplicables en l'espèce puisqu'ils ne visent pas la situation factuelle vécue par la Croix Rouge, soit la perte ou le dommage subi par la marchandise transportée. Cette dernière situation est visée par l'article 18 de la Convention et cet article se lit:
Article 18 (1) Le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés ou de marchandises lorsque l'événement qui a causé le dommage s'est produit pendant le transport aérien. (...) |
Article 18 (1) The carrier is liable for damage sustained in the event of the destruction or loss of, or of damage to, any registered baggage or any cargo, if the occurrence which caused the damage so sustained took place during the carriage by air. (...) |
[8] On ne saurait donc conclure que l'action de la Croix Rouge a servi à interrompre la prescription à l'égard également de Alpha.
[9] Il m'apparaît que le raisonnement à suivre et la conclusion à tirer se trouvent contenus à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Newfoundland Steamships Ltd. et al. v. Canada Steamship Lines Ltd. et al. (1979), 107 D.L.R. (3d) 84.
[10] Dans cette affaire, des demandeurs listés nommément à une annexe à une déclaration d'action entreprise par eux où ils se décrivent dans l'intitulé de cause comme étant "those persons interested in the cargo laden on board the ship ‘Fort St. Louis'" ont voulu ajouter, une fois la prescription de leur recours en dommages atteinte, une liste de demandeurs additionnels dont l'identité n'était pas connue au moment de l'institution de l'action.
[11] Le juge Pratte qui a été amené à renverser la décision de première instance accordant l'amendement a suivi l'analyse qui suit:
The Judge below, nevertheless, rendered the judgment against which this appeal is directed and granted the application for reasons that he summarized as follows [90 D.L.R. (3d) 79 at p. 83, [1979] 1 F.C. 393]:
On the whole, therefore, I am of the opinion that this is not a case where the claims of any new parties, appearing in the appendix, now sought to be substituted for the former appendix, are really new claimants whose claims are prescribed but rather that they are included in the designation of persons interested in the cargo on the ship. It is merely the substitution of new particulars which have since come to light for former particulars and, moreover, in the great majority of the cases merely adds the name of the shipper as well as the consignee, or conversely, provides defendants with greater details from which to check the claims. It is not necessary to decide at this stage of the proceedings whether the claimant should be the shipper or the consignee but justice requires that whoever suffered the loss should be compensated for it, provided that the total amount of the claim does not exceed $509,443.28 (which includes surveyors and adjusters fees) sought for the "Plaintiff cargo interest for distribution as their interests may appear" as stated in conclusion of the original statement of claim.
This judgment, in my respectful opinion, must be set aside.
It is common ground that the prescription of the plaintiffs' claim was governed by the law of Quebec where the cause of action arose (see s. 38 of the Federal Court Act, R.S.C. 1970, c. 10 (2nd Supp.)). The plaintiffs' claim was based either entirely on delict, as found by the Judge below, or, as argued by the plaintiffs' counsel, both on delict and contract. In either case, the statement of claim asserted a delictual claim which was subject to a prescription of two years (art. 2261 of the Quebec Civil Code) after the expiry of which the debt (in so far as it was founded on delict) was absolutely extinguished (art. 2267 Civil Code). In these circumstances, the Judge could not authorize the addition of new plaintiffs to the action unless he came to the conclusion that the commencement of the action in 1975 had interrupted the prescription of the claims of those new plaintiffs as well as of those who were named as plaintiffs in the original action: see Leesona v. Consolidated Textile Mills (1977), 82 D.L.R. (3d) 56 at p. 62, [1978] 2 S.C.R. 2 at p. 11, 35 C.P.R. (2d) 254.
It is argued, however, that the plaintiffs were not really seeking to add new parties to the action; they merely wanted, it is said, to particularize the description of the plaintiffs in the style of cause ("THOSE PERSONS INTERESTED IN THE CARGO etc. ..."). I do not agree. Had the plaintiffs been merely described as "those interested in the cargo ...", it is certainly arguable that the action would have been irregularly instituted and would not, for that reason, have interrupted the prescription. But this point need not be decided since, in this case, the plaintiffs were not described in that vague and general way: the style of cause as well as para. 3 of the statement of claim contained an express reference to annex A as containing the names of all those having an interest in the cargo. The action, in my opinion, was commenced in the name of the persons enumerated in annex A and the effect of the judgment under attack is clearly, in my view, to authorize that new plaintiffs be added to the action.
The decision of the Supreme Court of Canada in the Leesona case does not, in my opinion, support the decision of the Trial Division. Here the plaintiffs were not seeking to correct a misnomer or to overcome a mere technicality; they wanted to amend the statement of claim so as to add new parties whose identities had been unknown to all persons concerned at the time of the commencement of the action. That, in my view, could not be done because I do not see how the action commenced in 1975 could have interrupted the prescription of claims of persons who were not parties to that action.
In the exercise of its discretion under Rule 424, the Court cannot, even in order to achieve a fuller measure of justice, disregard the effect of prescription. This is, in my view, what the Trial Division has done here.
(Mes soulignés)
[12] En l'espèce, tout comme dans l'arrêt Newfoundland, on ne saurait soutenir qu'il s'agit d'une demande de correction de nom ou la correction d'une simple technicité. Il ne s'agit certes pas non plus ici d'une situation où l'équité demande que les tribunaux interviennent pour que la procédure n'ait pas le dessus sur le fond.
[13] À titre d'exemples on peut se référer à l'affaire Leesona, citée par le juge Pratte dans Newfoundland, où, malgré la prescription atteinte, la Cour suprême a permis de corriger le nom d'une société défenderesse pour s'assurer que l'intitulé de cause corresponde à l'intention de tous, soit que l'action soit dirigée contre la société en sa qualité d'exploitante et non en sa qualité de gestionnaire.
[14] Dans l'arrêt Pateman c. Flying Tiger Line [1987] 3 C.F. 613, confirmé en appel quant au résultat à (1988) 89 N.R. 155, arrêt sur lequel la Croix Rouge se base grandement, la Cour en première instance a permis à un assureur qui avait entrepris une action en dommages en vertu de la Loi et de la Convention d'ajouter à titre de demanderesse à l'action le nom de son assurée, pour laquelle il avait été subrogé en droit, et ce, malgré l'écoulement de la prescription de deux ans de l'article 29 de la Convention, le tout afin de contrer toute attaque potentielle des défendeurs quant à la qualité de l'assureur pour agir en demande.
[15] Il est évident à la lecture du début ainsi que de la fin des motifs de la Cour dans l'arrêt Pateman que l'assureur et l'assurée constituaient aux yeux de la Cour une seule et même personne et qu'il était criant que l'on devait corriger la situation afin que l'action puisse se poursuivre au mérite libre de ce tracas de procédure.
[16] En l'espèce la situation est bien différente de celles prévalant dans les arrêts Leesona ou Pateman ou dans les arrêts similaires mentionnés dans l'une ou l'autre de ces décisions.
[17] Ici, la demanderesse actuelle, soit la Croix Rouge, connaissait dès le départ l'existence de cette entité séparée qu'est Alpha. Bien que l'on ait tenté de soutenir en argumentation que c'est par pure inadvertance qu'Alpha n'a pas été jointe comme demanderesse, aucun affidavit n'a été soumis en preuve à cet égard.
[18] Il ressort donc que deux entités séparées avaient droit d'action contre les défenderesses mais que pour des raisons inconnues en preuve, une seule d'elles s'est prévalue de son droit d'action en temps voulu. Comme je ne peux conclure - à l'instar de la Cour dans l'arrêt Newfoundland - que l'action entreprise par la Croix Rouge a interrompu la prescription en faveur d'Alpha, je dois en conclure que le droit d'action d'Alpha est prescrit et malgré tout le libéralisme dont bénéficie normalement une requête en amendements, celle en l'espèce doit être rejetée avec dépens.
[19] Bien que dans l'affaire Pateman la Cour en première instance se soit référée à l'ancêtre des règles 103 et 104, soit l'ancienne règle 1716, je pense en l'espèce que l'application des règles 76, 77 ou 104(1)b) serait inappropriée et qu'une telle application pour ajouter Alpha à titre de demanderesse aurait pour effet de mettre de côté les règles substantives de prescription contenues à la Convention.
[20] Pour ces motifs, cette requête en amendement de la demanderesse sera rejetée avec dépens. De manière à disposer ici de l'autre requête présentée par cette dernière, soit une prorogation de délais pour la signification de son affidavit de documents, la demanderesse devra signifier tel affidavit dans les dix (10) jours de l'ordonnance accompagnant les présents motifs.
protonotaire
MONTRÉAL (QUÉBEC),
le
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU DOSSIER DE LA COUR:
INTITULÉ DE LA CAUSE:
T-2053-99
ACTION IN PERSONAM CONTRE AIR CANADA ET EXPEDITORS INTERNATIONAL
ENTRE:
SOCIÉTÉ CANADIENNE DE LA CROIX ROUGE
Demanderesse
ET
AIR CANADA
et
EXPEDITORS INTERNATIONAL
Défenderesses
ET
AIR CANADA
Mise en cause
LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE:le 9 juillet 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE
DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le
ONT COMPARU:
Me Isabelle Pillet |
pour la demanderesse |
|
Me Timothy Trembley |
pour la défenderesse et mise en cause Air Canada |
|
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:
De Man, Pilotte Montréal (Québec) |
pour la demanderesse |
|
Paterson, MacDougall Toronto (Ontario) |
pour la défenderesse et mise en cause Air Canada |
|
Klein & Schonblum Associates Toronto (Ontario) |
pour la défenderesse Expeditors International |
Date : 2001
Dossier : T-2053-99
Montréal (Québec), le
En présence de : Me Richard Morneau, protonotaire
ACTION IN PERSONAM CONTRE
AIR CANADA ET EXPEDITORS INTERNATIONAL
ENTRE :
SOCIÉTÉ CANADIENNE DE LA CROIX ROUGE
Demanderesse
ET
AIR CANADA
et
EXPEDITORS INTERNATIONAL
Défenderesses
ET
AIR CANADA
Mise en cause
ORDONNANCE
Cette requête en amendement de la demanderesse est rejetée avec dépens. De manière à disposer ici de l'autre requête présentée par cette dernière, soit une prorogation de délai pour la signification de son affidavit de documents, la demanderesse devra signifier tel affidavit dans les dix (10) jours de la date de la présente ordonnance.
protonotaire
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU DOSSIER DE LA COUR:
INTITULÉ DE LA CAUSE:
T-2053-99
ACTION IN PERSONAM CONTRE AIR CANADA ET EXPEDITORS INTERNATIONAL
ENTRE:
SOCIÉTÉ CANADIENNE DE LA CROIX ROUGE
Demanderesse
ET
AIR CANADA
et
EXPEDITORS INTERNATIONAL
Défenderesses
ET
AIR CANADA
Mise en cause
LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE:le 9 juillet 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE
DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le
ONT COMPARU:
Me Isabelle Pillet |
pour la demanderesse |
|
Me Timothy Trembley |
pour la défenderesse et mise en cause Air Canada |
|
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:
De Man, Pilotte Montréal (Québec) |
pour la demanderesse |
|
Paterson, MacDougall Toronto (Ontario) |
pour la défenderesse et mise en cause Air Canada |
|
Klein & Schonblum Associates Toronto (Ontario) |
Date : 2001
Dossier : T-2053-99
Montréal (Québec), le
En présence de : Me Richard Morneau, protonotaire
ACTION IN PERSONAM CONTRE
AIR CANADA ET EXPEDITORS INTERNATIONAL
ENTRE :
SOCIÉTÉ CANADIENNE DE LA CROIX ROUGE
Demanderesse
ET
AIR CANADA
et
EXPEDITORS INTERNATIONAL
Défenderesses
ET
AIR CANADA
Mise en cause
ORDONNANCE
Cette requête en amendement de la demanderesse est rejetée avec dépens. De manière à disposer ici de l'autre requête présentée par cette dernière, soit une prorogation de délai pour la signification de son affidavit de documents, la demanderesse devra signifier tel affidavit dans les dix (10) jours de la date de la présente ordonnance.
protonotaire