Date : 20190524
Dossier : T‑1463‑17
Référence : 2019 CF 738
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), le 24 mai 2019
En présence de monsieur le juge Diner
ENTRE :
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RICHARD GLATT
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
Table des matières
III. Questions en litige et analyse
(i) La Cour fédérale est‑elle le tribunal compétent pour trancher le litige?
(ii) Le défendeur a‑t‑il rendu une décision et, dans l’affirmative, quand l’a‑t‑il fait?
a. La nouvelle cotisation constitue‑t‑elle une décision définitive?
b. Un réexamen est‑il en cours?
c. Les motifs ont‑ils été communiqués ou étaient‑ils suffisants?
(iv) Quelle est la norme de contrôle applicable?
(v) La décision du défendeur était‑elle raisonnable?
a) Méthode d’interprétation législative dans les affaires fiscales
b) À qui revient le fardeau de la preuve?
c) Le refus de payer des intérêts était‑il déraisonnable?
(vi) Quelle est la mesure de réparation appropriée?
I.
Introduction
[1]
La Cour est saisie d’une question inédite : le ministre avait‑il l’obligation de verser des intérêts sur une somme remboursée au demandeur, qui s’était vu imposer une pénalité importante en vertu des dispositions applicables aux planificateurs. Par suite de l’imposition de cette pénalité, le demandeur a fait un paiement anticipé d’un million de dollars au ministre à titre de somme en litige, pour couvrir les intérêts s’il devait ultimement être tenu responsable. Cette éventualité ne s’est jamais réalisée. Le demandeur a déposé un avis d’opposition et un appel. Les parties sont parvenues à une entente avant le procès.
[2]
Le ministre a établi une nouvelle cotisation annulant la pénalité et il a restitué la somme d’un million de dollars au demandeur sans lui verser d’intérêts sur celle‑ci. La question centrale est de savoir si le ministre aurait dû payer des intérêts. Après avoir lu et écouté les solides observations des deux parties, j’ai conclu que le refus du ministre de verser des intérêts était déraisonnable. Avant d’exposer mes motifs, je vais résumer les faits et traiter de trois questions préliminaires.
II.
Contexte
[3]
L’Agence du revenu du Canada (ARC) a établi un avis de cotisation (la cotisation) à l’égard du demandeur le 12 juin 2012, par lequel elle lui imposait une pénalité de 2 890 050 $ en vertu de l’article 163.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.) (la Loi). Sauf indication contraire, toute mention d’une disposition législative dans les présents motifs renvoie à une disposition de la Loi. La cotisation applicable au demandeur ne mentionnait aucune année d’imposition en particulier. L’avis de cotisation précisait plutôt qu’il ne se rapportait à aucune année d’imposition : la mention [traduction] « S/O »
figurait dans la case année d’imposition (voir la version expurgée de l’avis de cotisation à l’annexe A).
[4]
Le 30 août 2012, le demandeur a déposé un avis d’opposition visant la cotisation et il a versé un million de dollars le 8 novembre 2013 à titre de somme en litige (le montant du principal ou le principal) en vue de réduire les frais d’intérêts au cas où sa contestation de la cotisation serait infructueuse.
[5]
Il a ensuite déposé un avis d’appel à la Cour canadienne de l’impôt (la Cour de l’impôt) le 7 décembre 2015. Le 25 mai 2016, le défendeur a accepté un « jugement sur consentement »
faisant droit à l’appel, lequel a été entériné par la Cour de l’impôt le 10 août 2016 (le jugement); il est reproduit à l’annexe B des présents motifs. C’est ainsi que, à la suite de ce jugement, le défendeur a produit le 7 décembre 2016 un avis de nouvelle cotisation (la nouvelle cotisation; voir l’annexe C) qui annulait la cotisation initiale et prévoyait le remboursement du principal. Toutefois, aucun intérêt n’était versé sur ce montant. Il convient de noter que, contrairement à la cotisation du 12 juin 2012, la nouvelle cotisation précisait une année d’imposition, soit 2012.
[6]
Les parties ont communiqué par téléphone et par courriel entre le 9 janvier et le 1er mars 2017 sur la question des intérêts.
[7]
Le 28 février 2017, l’avocat du défendeur a envoyé à l’avocat du demandeur un courriel dans lequel il indiquait que la Loi n’autorisait pas le versement d’intérêts parce que les dispositions pertinentes exigent qu’une année d’imposition soit précisée pour que des intérêts puissent être payés. Il mentionnait, à titre d’exemple, le paragraphe 164(3), qui oblige le ministre à verser des intérêts lorsqu’un montant à l’égard d’une année d’imposition est remboursé ou restitué; or, il n’était fait mention d’aucune année d’imposition dans l’avis de cotisation. L’avocat du défendeur invitait par ailleurs le demandeur à présenter des observations sur la question.
[8]
En réponse, le demandeur a déposé le 18 avril 2017 une lettre contenant des observations écrites en bonne et due forme et exposant les motifs, donc ceux reposant sur la Loi, pour lesquels il demandait que le remboursement comprenne des intérêts. Le défendeur a répondu par courriel le 9 juin 2017, disant avoir fait [traduction] « un examen exhaustif de la question »
et ajoutant que [traduction] « le problème est qu’aucune disposition de la Loi ne permet le versement d’intérêts »
et que, par conséquent, [traduction] « il ne peut verser d’intérêts sur la somme remboursée »
.
[9]
Il y a eu deux communications ultérieures entre les avocats du demandeur et du défendeur. D’abord, le 26 juin 2017, le demandeur a sollicité une explication écrite du refus de verser des intérêts sur le montant du principal. Ensuite, le 22 août 2017, l’avocat du défendeur a avisé celui du demandeur qu’on lui ferait parvenir une réponse. Aucune n’est venue. C’est pourquoi le demandeur a déposé la présente demande de contrôle judiciaire le 20 septembre 2017.
III.
Questions en litige et analyse
[10]
Le demandeur soulève les trois questions préliminaires suivantes :
La Cour fédérale est‑elle le tribunal compétent pour trancher le litige?
Le défendeur a‑t‑il rendu une décision et, dans l’affirmative, quand l’a‑t‑il fait?
Le demandeur est‑il hors délai et, dans l’affirmative, une prorogation du délai est‑elle justifiée?
[11]
Les trois autres questions que soulève la présente affaire sont toutefois les questions centrales à trancher en l’espèce :
Quelle est la norme de contrôle applicable?
Le défendeur a‑t‑il commis une erreur en ne payant pas d’intérêts sur le montant du principal?
Si tel est le cas, quelle est la réparation appropriée?
Je vais d’abord examiner les trois premières questions.
(i)
La Cour fédérale est‑elle le tribunal compétent pour trancher le litige?
Positions des parties
[12]
Les parties conviennent, pour des raisons légèrement différentes, que la Cour fédérale est le tribunal compétent pour entendre la contestation de la nouvelle cotisation (voir l’annexe C).
[13]
Le demandeur soutient qu’il ne peut saisir la Cour de l’impôt d’une affaire dans laquelle aucun impôt n’est dû. Pour ce qui est des montants dus à M. Glatt, la nouvelle cotisation indique qu’il n’a droit qu’à un remboursement d’un million de dollars. La règle établie est que le contribuable ne peut pas interjeter appel d’une cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable. Dans l’arrêt Canada c Interior Savings Credit Union, 2007 CAF 151 (Interior), au paragraphe 17, le juge Noël énonce ce qui suit :
Néanmoins, l’expression « cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable » (ou cotisation « néant ») est souvent employée dans la jurisprudence pour désigner une cotisation dont on ne peut faire appel. Il existe deux raisons pour lesquelles ce type de cotisation ne peut faire l’objet d’un appel. Premièrement, l’appel doit viser une cotisation et la cotisation aux termes de laquelle aucun impôt n’est payable n’est pas une cotisation (voir l’arrêt Okalta Oils Limited c. MNR, 55 DTC 1176 (CSC), à la page 1178 : [traduction] « Aux termes de ces dispositions, il n’y a pas de cotisation si aucun impôt n’a été réclamé »). Deuxièmement, il n’existe aucun droit d’en appeler d’une cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable puisque [traduction] « [t]oute opposition que celle qui se rapporte au montant réclamé [au titre des impôts] est dépourvue de l’objet dont découle le droit d’appel… » (Okalta Oils, précité, à la page 1178).
[14]
Le défendeur invoque un motif connexe à l’appui de sa thèse voulant que la Cour fédérale soit le tribunal compétent pour trancher le litige. Il s’appuie en cela sur l’arrêt Imperial Oil Resources Ltd c Canada (Procureur général), 2016 CAF 139 (Imperial Oil CAF), au paragraphe 61, pour faire valoir que la Cour de l’impôt n’a pas compétence sur les questions relatives aux trop‑payés. Voici le passage clé des motifs exposés par le juge en chef Noël dans cet arrêt :
[61] La procédure d’opposition devant le ministre et le droit subséquent de porter la décision en appel devant la Cour de l’impôt ne s’appliquent qu’aux sommes visées par une cotisation (Perley, aux paragraphes 1 et 7). Une cotisation a pour but de déterminer ou de confirmer l’obligation pour un contribuable de payer un montant précis. Aux termes du paragraphe 152(1) de la LIR, les seuls montants pouvant faire l’objet d’une cotisation sont les impôts, les intérêts et les pénalités. Pour que les choses soient claires, les intérêts visés par une cotisation sont les intérêts réclamés par le ministre en vertu de la LIR (voir, par exemple, l’article 161); les intérêts payables par le ministre aux termes de l’article 164 ne sont pas visés par cette définition. Comme le juge Rip (tel était alors son titre) l’a expliqué dans McMillen Holdings Ltd c. M.N.R., [1987] A.C.I. 825 (QL) (McMillen), le montant d’un remboursement découlant d’un paiement en trop, bien que souvent énoncé dans l’avis de cotisation, n’est pas établi par la cotisation (McMillen, au paragraphe 47). La procédure d’opposition ne s’applique pas à la contestation d’un remboursement, et la Cour de l’impôt n’a donc pas compétence pour entendre un appel concernant son calcul […]
[15]
S’appuyant sur ces explications, le défendeur soutient qu’il n’est permis d’interjeter appel d’un avis de cotisation ou de nouvelle cotisation devant la Cour de l’impôt que dans les cas où un montant est établi dans la cotisation. En l’espèce, l’avis de cotisation porte sur un remboursement et non sur un montant établi et, à l’instar du demandeur, le défendeur soutient que la Cour fédérale est le tribunal compétent pour trancher le litige.
Analyse
[16]
Quelle que soit la perspective retenue – celle du demandeur ou du défendeur – il faut conclure que la Cour fédérale est à bon droit saisie de la demande de contrôle judiciaire en l’espèce. Comme le remboursement devait être effectué par le ministre, aucune cotisation n’était établie et, par conséquent, comme l’a fait remarquer le défendeur, aucun droit d’appel devant la Cour de l’impôt n’avait pris naissance. Il en va de même, comme l’a fait observer le demandeur, d’une cotisation établissant qu’aucun impôt n’est payable (parfois appelée cotisation néant). Enfin, je signale que, lorsque l’arrêt Interior Savings (tout comme les autres arrêts déjà cités Okalta Oils et Imperial Oil CAF) énonce le principe selon lequel une cotisation n’établissant aucun impôt à payer n’en est pas une, seule la question du tribunal compétent est visée. La nature même de la cotisation n’est pas en cause. En d’autres termes, le document de l’ARC demeure une cotisation (ou une nouvelle cotisation), même si aucun montant d’impôt n’est dû suivant ce document, et il peut aussi faire mention d’un remboursement.
[17]
Je conclus donc, sur ce point, que la demande a été déposée devant le tribunal compétent, peu importe que l’on considère qu’il s’agit d’une cotisation néant ou d’un remboursement.
(ii)
Le défendeur a‑t‑il rendu une décision et, dans l’affirmative, quand l’a‑t‑il fait?
[18]
La question comporte trois sous‑questions, soit celles de savoir si a) la nouvelle cotisation constitue une décision définitive; b) un réexamen est en cours; et c) les motifs communiqués étaient suffisants.
a.
La nouvelle cotisation constitue‑t‑elle une décision définitive?
Thèses des parties
[19]
Selon le demandeur, le défendeur n’a pas encore rendu de décision sur le paiement des intérêts. M. Glatt fait valoir que la nouvelle cotisation ne pouvait constituer une décision, parce qu’elle est antérieure à sa demande écrite de paiement des intérêts. Il affirme donc que le défendeur n’a toujours pas rendu de décision écrite, ce qui explique également son refus de verser des intérêts. Il soutient que la nouvelle cotisation n’a pas un caractère définitif et ne fournit ni justification ni explication. Il ajoute que ni les discussions de février 2017, qui ont eu lieu après la nouvelle cotisation, ni le courriel du 9 juin 2017 de l’avocat du défendeur ne pouvaient constituer une décision faute de substance et de caractère formel et définitif.
[20]
Le défendeur ne souscrit pas à ce point de vue et il soutient que la nouvelle cotisation constituait bel et bien une décision. Elle permettait au demandeur de comprendre qu’aucun intérêt n’était payable, et elle contenait donc suffisamment de renseignements pour lui permettre de présenter en temps utile une demande de contrôle judiciaire.
Analyse
[21]
Je ne suis pas d’accord avec le demandeur pour dire que la nouvelle cotisation n’était pas une décision par laquelle le défendeur refusait de payer des intérêts et j’estime qu’il s’agissait bien d’une décision définitive. La nouvelle cotisation indique clairement qu’aucun intérêt n’est payable et mentionne plutôt que seule la somme d’un million de dollars est remboursée. Elle [traduction] « annule »
également la cotisation initiale, imposant la pénalité applicable aux planificateurs fiscaux (voir l’annexe C). Il n’était pas nécessaire que le ministre expose des motifs plus formels ou plus étoffés à l’appui de la décision. La nouvelle cotisation fournit une explication claire, précisant notamment que la cotisation antérieure a été annulée en raison du jugement de la Cour de l’impôt.
[22]
Le ministre n’a pas à fournir des motifs longs ou détaillés dans ses avis de cotisation (ou de nouvelle cotisation). Ces avis constituent des sommaires de l’impôt dû ou remboursé et, s’il y a lieu, des intérêts et des pénalités applicables, tels qu’établis par le ministre « avec diligence »
après examen d’une déclaration de revenus (paragraphe 152(1)). Les cotisations sont censées représenter le calcul d’un montant et confirmer ou rejeter la position du contribuable. Elles n’ont pas à être très détaillées et, de fait, elles sont souvent très concises.
[23]
Les tribunaux ont d’ailleurs jugé que les avis de nouvelle cotisation étaient des décisions. Dans l’arrêt Imperial Oil Resources Ventures Limited c Canada (Procureur général), 2014 CF 839 (confirmé par Imperial Oil CAF), la juge Gagné dit au paragraphe 64 :
Comme le concède Imperial Oil, l’opinion du ministre selon laquelle Imperial Oil n’avait pas droit à des intérêts sur remboursement pour son année d’imposition 1996 lui a été communiquée dans l’avis de nouvelle cotisation daté du 10 juin 2003. Cette communication, qui s’accordait avec la pratique antérieure, était considérée comme une décision.
[24]
En somme, je conclus que la nouvelle cotisation dont a fait l’objet le demandeur était une décision définitive indiquant que le montant du principal était remboursé sans intérêts. Vu l’absence de droit d’interjeter appel de cette nouvelle cotisation devant la Cour de l’impôt, il est difficile de conclure que cette cotisation était autre chose qu’une décision définitive.
b.
Un réexamen est‑il en cours?
Thèses des parties
[25]
Le demandeur nie qu’une décision définitive a été rendue, parce que, selon lui, le défendeur a offert de réexaminer sa position, selon laquelle aucun intérêt ne pouvait être versé. M. Glatt fait valoir que, même si une décision avait bel et bien été rendue, cette offre de réexamen l’annulait et la remplaçait – mais que ce réexamen n’avait pas débouché sur une décision malgré les observations présentées par le demandeur en avril 2017 en réponse à l’offre de réexamen. Ce dernier soutient qu’il attend toujours la décision promise sur le réexamen et que la réponse par courriel du 28 février 2017 de l’avocat du défendeur, indiquant que le paiement d’intérêts n’est pas autorisé par la Loi, ne peut être considérée comme étant cette décision. Il s’appuie à cet égard sur la décision Dumbrava c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1995), 101 FTR 230, dans laquelle le juge Marc Noël, plus tard juge en chef, dit ce qui suit :
[15] […] Chaque fois qu’une autorité décisionnaire qui y est habilitée accepte de revoir une décision à la lumière de faits nouveaux, il en résultera une nouvelle décision, peu importe que la décision initiale soit changée, modifiée ou maintenue.
[26]
Le défendeur estime quant à lui qu’il n’y a pas eu réexamen de la décision ni même d’offre de la réexaminer. Il affirme plutôt que son avocat a seulement offert d’examiner toute observation soumise par le demandeur à titre de suivi. D’après lui, il ne s’agit pas d’une offre formelle de réexaminer la décision et [traduction] « le ministre n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de réexaminer sa décision : ou bien il pouvait verser des intérêts (auquel cas il en avait l’obligation), ou bien elle n’était pas en droit de de le faire. Une fois la question de droit tranchée par le ministre, il n’y avait rien à réexaminer »
(mémoire du défendeur, au paragraphe 29).
Analyse
[27]
Je partage l’avis du défendeur sur ce point préliminaire. La Loi ne prévoit pas de mécanisme de réexamen. Les cotisations sont plutôt réputées être définitives sous réserve d’une nouvelle cotisation (paragraphe 152(8)). En l’espèce, tant une cotisation qu’une nouvelle cotisation ont été établies. La cotisation a été contestée, d’où le jugement de la Cour de l’impôt et, par suite de celui‑ci, la cotisation initiale a été annulée par la nouvelle cotisation.
[28]
De plus, bien que l’avocat du défendeur ait communiqué avec celui du demandeur à la suite de ses demandes visant à obtenir le versement d’intérêts sur le montant du principal et qu’il lui ait donné la possibilité de présenter d’autres observations, cela ne constituait pas un « réexamen »
formel de la décision. Le législateur n’a pas établi de procédure de réexamen dans la Loi. Il convient de mettre en contraste le silence de la Loi à cet égard avec, notamment, l’article 397 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), qui illustre ce qu’est une procédure formelle de réexamen. L’article 397 des Règles limite les possibilités de réexamen aux rares situations où des erreurs administratives ont été commises, par exemple, dans le cas de fautes de transcription, d’une ordonnance qui ne concorde pas avec les motifs de la décision ou de l’omission, alors que cela aurait dû être fait, de traiter d’une question (voir Première Nation de Cowessess no 73 c Pelletier, 2017 CF 859, au paragraphe 16).
[29]
Il existe certes des moyens classiques d’interjeter appel des décisions rendues en vertu de la Loi, notamment par voie d’oppositions et d’appels et, parfois, de contrôle judiciaire. Ces mécanismes sont tous prévus par la Loi, ce qui n’est pas le cas du réexamen d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation. Le simple fait que l’avocat du défendeur, dans la foulée d’une nouvelle cotisation établie après que M. Glatt eut obtenu gain de cause devant la Cour de l’impôt, ait offert d’examiner les observations de l’avocat du demandeur n’a pas déclenché un réexamen.
[30]
Précisons enfin que, dans son courriel du 9 juin 2017, l’avocat du défendeur a déclaré de façon concluante, en ce qui concerne le remboursement, qu’[traduction] « aucune disposition de la Loi ne permet le versement d’intérêts »
. Cela confirme qu’une décision définitive a été rendue.
c.
Les motifs ont‑ils été communiqués ou étaient‑ils suffisants?
Thèses des parties
[31]
Le demandeur soutient également qu’on ne lui a communiqué aucun motif et que le défendeur a seulement fait connaître par courriel sa position à son avocat. L’avis de nouvelle cotisation ne comportait pas de motifs. Pour sa part, le défendeur soutient que la nouvelle cotisation constituait une décision comportant des motifs adéquats.
Analyse
[32]
Premièrement, pour ce qui est de l’absence d’explication détaillée dans la nouvelle cotisation, le demandeur a raison d’affirmer que, dans certaines circonstances, les exigences d’équité procédurale nécessitent une explication écrite (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (Baker), au paragraphe 43). La Cour suprême a aussi clairement indiqué que, lorsque des motifs sont fournis, l’insuffisance de ceux‑ci ne permet pas à elle seule de justifier le contrôle d’une décision (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 14). Comme la Cour suprême le dit au paragraphe 16 : « En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans l’arrêt Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables »
(voir aussi un arrêt plus récent, Delta Air Lines Inc. c Lukács, 2018 CSC 2, aux paragraphes 21 à 24).
[33]
Cela dit, lorsqu’on ne peut comprendre les motifs, la Cour est en droit d’intervenir malgré la grande déférence que commande un contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Et il arrive que cela se produise (voir, par exemple, Lloyd c Canada (Procureur général), 2016 CAF 115, au paragraphe 24; Leahy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 227, au paragraphe 137).
[34]
Pour revenir aux premiers principes, il convient de reconnaître que l’équité procédurale pourrait commander que des motifs soient fournis, en ayant à l’esprit la réalité quotidienne des organismes administratifs (Baker, au paragraphe 43). L’existence et l’étendue de l’obligation de donner des motifs varieront donc selon les situations. Les décideurs occupent diverses positions à l’intérieur d’un large continuum. Certains procèdent seulement à des examens administratifs sur papier, appliquent des critères d’admissibilité clairs et ont un pouvoir discrétionnaire restreint. D’autres, comme les membres d’un tribunal qui jouissent de plus de latitude et d’autonomie, peuvent être habilités à entendre des témoins lors d’une audience. Les décisions des premiers sont invariablement plus courtes et peu ou pas motivées. Les autres commandent davantage d’explications.
[35]
L’Agence du revenu du Canada envoie quelque 29 millions d’avis de cotisation à des particuliers chaque année; voir David M. Sherman, Practitioner’s Income Tax Act, 55e éd., (Toronto, Thomson Reuters Canada Limited, 2019, à la page 1144).
[36]
Vu la nature du processus d’établissement des cotisations, le pouvoir discrétionnaire restreint des agents de l’ARC et le cadre législatif, j’estime que l’obligation de donner des motifs à l’appui des cotisations d’impôt sur le revenu se situe nécessairement tout au bas du continuum. De fait, la CAF a conclu qu’aucune forme prescrite de la cotisation n’est même nécessaire dans l’affaire Stephens c La Reine, 88 DTC 1170, à la page 1171 :
[TRADUCTION]
Le paragraphe 152(2) exige que le ministre « envoie un avis de cotisation » au contribuable. Nulle part la Loi ne fait état d’exigences relatives à la forme de cet avis. Il s’ensuit, à notre avis, que la forme de l’avis importe peu et que le paragraphe exige simplement que l’avis soit formulé en des termes qui permettent au contribuable d’être parfaitement conscient de la cotisation établie par le ministre.
[37]
D’ailleurs, dans la décision Greene c La Reine, 2010 CCI 162 (Greene), la Cour de l’impôt dit au paragraphe 18 : « Une cotisation peut être valide même si les motifs invoqués par le ministre sont erronés »
(voir Riendeau c La Reine, 91 DTC 5416 (CAF), cité dans Les Entreprises Ludco Ltée et al c La Reine, 94 DTC 6221, à la page 6223).
[38]
À mon avis, le demandeur aurait dû comprendre à la lecture de l’avis de nouvelle cotisation que le ministre ne versait pas d’intérêts. M. Glatt l’a lui‑même affirmé lorsqu’il a été contre‑interrogé sur son affidavit du 30 octobre 2017 (dossier du défendeur, aux pages 9 et 10). L’avocat du défendeur a de manière constante indiqué dans les communications qui ont suivi qu’aucun intérêt ne serait versé parce que le ministre était d’avis que la Loi ne permettait pas de le faire. Ainsi, les motifs donnés à M. Glatt dans la nouvelle cotisation étaient à la fois clairs et suffisants.
(iii)
Le demandeur est‑il hors délai et, dans l’affirmative, une prorogation du délai est‑elle justifiée?
Thèses des parties
[39]
Le défendeur fait valoir que, comme la nouvelle cotisation constitue une décision définitive en date du 7 décembre 2016 et que la demande de contrôle judiciaire a été déposée seulement le 20 septembre 2017, le demandeur a largement dépassé le délai de 30 jours prescrit pour déposer une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale et que sa demande devrait être rejetée pour cause de retard. Il soutient en outre que le demandeur n’a pas demandé de prorogation du délai et que, de toute manière, il ne répond pas aux critères applicables à ce stade du litige.
[40]
Le demandeur réplique que le délai de 30 jours ne s’applique pas en l’espèce. Il ne s’applique qu’à l’égard des décisions et des ordonnances, et aucune n’a été rendue en l’espèce. M. Glatt affirme que le ministre n’a en réalité jamais rendu de décision, et qu’il a plutôt accompli un [traduction] « acte »
ou poursuivi une [traduction] « procédure »
en précisant que, bien que les procédures et les actes administratifs soient susceptibles de contrôle par la Cour fédérale, ils ne sont pas assujettis au délai fixé au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 (citant à l’appui la décision Markevich c Canada, [1999] 3 CF 28, au paragraphe 11). M. Glatt ajoute qu’aucun délai ne saurait être considéré comme injustifié ou déraisonnable dans les circonstances puisqu’à toutes les époques pertinentes il a manifesté son intention de contester la décision du ministre de refuser de payer des intérêts.
Analyse
[41]
Je ne souscris pas à l’idée que la nouvelle cotisation puisse être considérée comme une « procédure ou un acte »
, ainsi que l’affirme le demandeur. Il faut un examen du contexte pour établir si un acte ou une procédure émane d’un décideur. Comme le juge Evans le dit dans la décision Markevich, au paragraphe 11 :
Les mots « procédure ou tout autre acte » ont clairement une portée générale et peuvent comprendre une grande diversité d’actions administratives qui ne sont pas pour autant des « décisions ou ordonnances », par exemple les règlements, rapports ou recommandations relevant de pouvoirs légaux, les énoncés de politique, lignes directrices et guides, ou l’une quelconque des formes multiples que peut prendre l’action administrative dans la prestation d’un programme public par un organisme public […]
[42]
Bien que la catégorie des « actes et procédures » soit vaste, la nouvelle cotisation n’en fait pas partie. Comme nous l’avons expliqué, les droits et les intérêts du demandeur y étaient énoncés de manière concluante. Ainsi, le délai de 30 jours fixé au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales s’applique à la décision communiquée au demandeur dans l’avis de nouvelle cotisation du 7 décembre 2016.
[43]
Par conséquent, je conviens avec le défendeur que l’application du paragraphe 18.1(2) mène à la conclusion que le demandeur est hors délai. Une prorogation du délai est donc nécessaire pour que puisse être traitée la question centrale dans le présent contrôle judiciaire, soit celle de savoir si la décision du ministre de ne pas payer d’intérêts sur le remboursement était raisonnable.
[44]
Pour qu’une prorogation soit accordée, les éléments suivants doivent être établis : (i) une intention constante de présenter la demande; (ii) la demande a un certain fondement; (iii) l’absence de préjudice pour le défendeur; et (iv) l’existence d’une explication raisonnable du retard (Canada (AG) c Hennelly (1999), 244 NR 399 (CAF) (Hennelly). Les intérêts de la justice peuvent l’emporter sur le défaut du demandeur de satisfaire au critère de l’arrêt Hennelly (Canada (Développement des Ressources humaines) c Hogervorst, 2007 CAF 41, au paragraphe 33; Canada (Procureur général) c Larkman, 2012 CAF 204, au paragraphe 62).
[45]
À mon avis, le demandeur satisfait au critère de l’arrêt Hennelly. C’est ce que démontrent les tentatives répétées du demandeur pour recouvrer les intérêts sur le montant du principal. Elles ont commencé dès le 9 janvier 2017, moins d’un mois après la réception de l’avis de nouvelle cotisation. De plus, les parties ont continué à discuter de la question des intérêts après la production de cet avis; mentionnons à cet égard le courriel du 17 février 2017 dans lequel le défendeur invite le demandeur à présenter ses observations sur la question de l’obligation de payer des intérêts, ainsi que les observations juridiques de ce dernier présentées en réponse. Moins d’un mois avant que la présente demande n’ait été déposée, l’avocat du défendeur a avisé celui du demandeur qu’une réponse serait fournie, mais elle ne l’a pas été. Malgré l’absence de processus de réexamen formel, il ne s’agit pas d’une situation où le retard a porté préjudice au défendeur. J’ajoute que rejeter la demande de contrôle judiciaire pour cause de retard nuirait selon moi aux intérêts de la justice.
[46]
Après avoir traité de chacune des questions préliminaires, nous pouvons maintenant passer à la question primordiale de savoir si la décision de ne pas ajouter des intérêts au remboursement du principal était raisonnable.
(iv)
Quelle est la norme de contrôle applicable?
Positions des parties
[47]
S’il reconnaît qu’en général la jurisprudence prône l’application de la norme de la décision raisonnable, le demandeur fait valoir que, dans l’arrêt Grenon c Canada (Revenu national), 2017 CAF 167 (Grenon), le juge Webb a donné à entendre que la norme de contrôle appropriée pourrait être celle de la décision correcte (aux paragraphes 9 et 10). Il ajoute que, même si on devait juger que la norme de la décision raisonnable s’applique, l’éventail des issues raisonnables est restreint, puisque comme il est énoncé dans l’arrêt Grenon, en ce qui concerne des circonstances analogues à celles de l’espèce, dans le cas des questions d’interprétation législative l’éventail des interprétations raisonnables est limité (Grenon, au paragraphe 10). En revanche, le défendeur affirme que, selon le critère de la décision raisonnable, la déférence s’impose à l’égard du ministre et de ses fonctionnaires qui possèdent une expertise en matière fiscale et dans l’interprétation de la Loi.
Analyse
[48]
Je me range aux arguments de chaque partie sous certains rapports. Le défendeur a raison de dire qu’on demande à la Cour de revoir l’interprétation que fait le ministre de la Loi, qui est sa loi habilitante. Les interprétations que font les décideurs administratifs de leurs lois habilitantes commandent l’application de la norme de la décision raisonnable, comme il a été établi dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), au paragraphe 54. Lorsque le contrôle judiciaire d’une décision repose sur cette norme, l’analyse s’attachera « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »
(Dunsmuir, au paragraphe 47; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable en ce qu’elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables.
[49]
L’applicabilité de cette norme a été confirmée à plusieurs reprises depuis l’arrêt Dunsmuir par la Cour suprême du Canada (CSC) (voir par exemple, Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31, au paragraphe 55; Groia c Barreau du Haut‑Canada, 2018 CSC 27, au paragraphe 46; West Fraser Mills Ltd c Colombie‑Britannique (Workers’ Compensation Appeal Tribunal), 2018 CSC 22, au paragraphe 8).
[50]
Le défendeur a également raison de dire qu’aucune des présomptions ou aucun des facteurs de l’arrêt Dunsmuir favorisant l’application de la norme de la décision correcte n’entre en jeu en l’espèce, comme la présence de questions juridiques de première importance ou d’une décision ne relevant pas de la compétence particulière du décideur (l’ARC) ayant une connaissance spécialisée du domaine (AFD Petroleum Ltd c Canada (Procureur général), 2016 CF 547, au paragraphe 20). Je ne peux donc pas conclure que la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable a été réfutée.
[51]
Ayant établi que la norme de la décision raisonnable s’applique, je conviens néanmoins avec le demandeur que la ligne de démarcation entre une décision correcte et une décision raisonnable peut commencer à s’estomper lorsque la question centrale en est une d’interprétation législative, que le libellé de la loi est clair et qu’elle n’appelle qu’une seule réponse raisonnable (McLean c Colombie‑Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, au paragraphe 38 (McLean); Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2011 CSC 53, aux paragraphes 34 et 64). Dans l’arrêt Grenon, la CAF a cité l’arrêt Imperial Oil CAF, dans lequel cette dernière a conclu qu’une décision portant sur l’interprétation de la Loi appartiendra nécessairement à un éventail restreint d’issues raisonnables (au paragraphe 10).
[52]
Dans le cas qui nous occupe, il incombe en définitive au demandeur de s’acquitter de la double charge de démontrer que, sur la question des intérêts, non seulement son interprétation est raisonnable, mais que celle du défendeur est déraisonnable (McLean, au paragraphe 41).
(v)
La décision du défendeur était‑elle raisonnable?
[53]
En bref, le demandeur fait valoir qu’il aurait fallu, selon une analyse contextuelle des dispositions applicables de la Loi, que le remboursement du principal comprenne des intérêts. Le défendeur réplique qu’il n’y a aucun lien entre les dispositions de la Loi portant sur les intérêts payables par le ministre et celles relatives aux remboursements avec intérêts. Ces notions se rattachent à des dispositions distinctes de la Loi, et le ministre n’avait pas en l’occurrence le pouvoir discrétionnaire de payer des intérêts sur le montant du principal. Les dispositions législatives pertinentes invoquées par les parties sont reproduites à l’annexe D des présents motifs et mentionnées dans le résumé qui suit des thèses des parties, la question primordiale étant de savoir si l’article 163.2 (la pénalité du planificateur) exige qu’une année d’imposition soit visée, comme le soutient le demandeur, ou n’exige pas qu’une année d’imposition le soit, comme le soutient le défendeur.
Thèse du demandeur
[54]
Le demandeur fait valoir que les pénalités imposées à des tiers en application du paragraphe 163.2(2) doivent se rattacher à une année d’imposition en raison du libellé du paragraphe 152(4). Plus précisément, comme le paragraphe 152(4) permet d’établir des cotisations et des nouvelles cotisations à l’égard d’une année, une cotisation en vertu de l’article 163.2 doit aussi être établie à l’égard d’une année. Le demandeur soutient que la mention du mot « année »
au paragraphe 152(4) renvoie à une année d’imposition (voir Desroches c R, 2013 CCI 81, aux paragraphes 26 et 27).
[55]
Le demandeur porte à notre attention la nouvelle cotisation elle‑même dans laquelle il est clairement indiqué que l’année d’imposition pertinente est l’année 2012. Cela concorde avec son analyse législative quant aux raisons pour lesquelles les pénalités imposées à des tiers en vertu de l’article 163.2 doivent être infligées à l’égard d’une année d’imposition.
[56]
Selon lui, le paragraphe 164(1.1) confère le pouvoir d’effectuer des remboursements par suite d’oppositions ou d’appels et, bien qu’il ne fasse pas expressément mention des intérêts, il y est fait mention du remboursement de sommes d’argent; si les conditions qu’il fixe sont réunies, des intérêts devraient être payés conformément au paragraphe 164(3).
[57]
Le demandeur s’appuie sur la décision de la CAF dans l’arrêt Grenon pour justifier cette thèse. Il affirme que, dans cette affaire, des intérêts ont dû être versés dans des circonstances semblables et que, par conséquent, toute approche compatible avec cet arrêt commande le versement d’intérêts à M. Glatt en application du paragraphe 164(3) de la Loi.
[58]
Le demandeur reconnaît que, bien que suivant le paragraphe 164(1.1) le ministre doive « rembourser »
une « somme »
au contribuable, ces termes doivent être interprétés de manière cohérente et recevoir la même signification que ceux qui sont employés à l’alinéa 164(3)e), lequel utilise les mêmes termes pour exiger que le ministre paie des intérêts sur les remboursements lorsque les conditions y énoncées sont remplies. Il fait valoir que l’emploi des termes « somme »
, « somme payable »
et « somme remboursée »
porte à conséquence, car suivant l’interprétation qui leur a été donnée dans la décision Subsidiaries Holding Co c R, [1956] Ex CR 443, CTC 240 (au paragraphe 37), ils comprennent les intérêts.
[59]
Généralement parlant, le demandeur fait valoir qu’il faut en ce qui concerne l’application de l’article 163.2, comme pour toute autre disposition de la Loi portant sur les cotisations, un rattachement avec une année d’imposition. Étant donné que l’imposition à des planificateurs ou à des préparateurs de pénalités prévues à l’article 163.2 (contrairement, par exemple, à ce que prévoient les dispositions relatives aux logiciels de suppression électronique des ventes (zapper) du paragraphe 163.3) n’est pas assujettie à un délai de prescription particulier, toute cotisation établie sur le fondement de la Loi est assujettie au délai de prescription de trois ans applicable par défaut (voir le paragraphe 152(3.1)).
[60]
Enfin, en ce qui concerne l’article 161, le demandeur soutient que le non‑paiement des intérêts permet au gouvernement de réaliser un gain fortuit. Le ministre est autorisé à percevoir des intérêts à un taux élevé qui continuent à courir pendant le processus judiciaire, de sorte que M. Glatt a versé le principal. Le ministre pourrait tirer un gain fortuit du fait que le demandeur ne soit pas en mesure de recouvrer des intérêts après avoir eu gain de cause par suite de sa contestation.
Thèse du défendeur
[61]
Le défendeur commence par énoncer les principes fondamentaux de chacune des principales lois qui entrent en jeu dans le présent contrôle judiciaire. D’abord, l’article 26 de la Loi sur la gestion des finances publiques, LRC 1985, c F‑11 (LGFP) permet au ministre d’effectuer des paiements seulement si la loi l’y autorise. Dans le même ordre d’idées, la CAF a conclu que cet article s’applique aux remboursements effectués en application de l’article 164 de la Loi (Union Gas Ltd. c Ministre du Revenu national, [1991] 1 CTC 1, au paragraphe 6). Par implication logique, l’article 26 de la LGFP doit également s’appliquer au ministre lorsqu’il verse des intérêts sur des remboursements. Par conséquent, le défendeur soutient que cette disposition ne permet au ministre de payer des intérêts sur des remboursements que s’il y est autorisé par l’article 164 de la Loi.
[62]
En second lieu, il fait valoir que la Loi constitue un code complet permettant de déterminer les intérêts payables sur les remboursements liés à des obligations fiscales; le paragraphe 164(3) dispose que le ministre doit payer des intérêts seulement lorsque des sommes ont été perçues à l’égard d’une année d’imposition. Le défendeur soutient que les pénalités imposées en vertu de l’article 163.2 à des tiers représentant un contribuable ne concernent pas une année d’imposition. Il consacre la majeure partie de ses arguments juridiques à ce point central et expose son interprétation législative à l’appui.
[63]
Le ministre fait remarquer que l’article 163.2 compte quinze paragraphes et qu’aucun ne mentionne l’année d’imposition d’un tiers responsable. En fait, il n’est question d’année d’imposition ni dans les dispositions relatives à l’imposition de pénalités (paragraphes 163.2(2) et (4)) ni dans les dispositions relatives à leur calcul (paragraphes 163.2(3) et (5)). En revanche, il en est expressément question dans la disposition du paragraphe 163(2) relative aux pénalités pour faute lourde. Le défendeur soutient que la distinction est intentionnelle étant donné que [traduction] « le législateur a examiné ces dispositions à deux reprises au même moment »
(mémoire, au paragraphe 71).
[64]
Ainsi, le défendeur soutient qu’en ce qui concerne le paragraphe 163(2) et l’article 163.2, le législateur a pris la décision délibérée d’énoncer en termes exprès que les pénalités prévues au paragraphe 163(2) se rapportent à une année d’imposition. Il est donc permis de penser que le législateur l’aurait précisé s’il avait également voulu que les pénalités infligées à des tiers en vertu de l’article 163.2 visent une année d’imposition. Ainsi, l’exclusion était voulue et la règle de l’exclusion implicite s’applique, ce qui rend l’interprétation du défendeur conforme au sens ordinaire du libellé de la Loi, ainsi que l’exige l’arrêt dans Hypothèques Trustco Canada Co c Canada, 2005 CSC 54 (Trustco Canada). Le défendeur fait donc valoir que l’exigence du paragraphe 164(3) qu’il y ait une année d’imposition sous‑jacente – plus particulièrement en ce qui concerne les trop‑payés (alinéa 164(3)e)) – n’est pas remplie en l’espèce.
[65]
Il ajoute que les dispositions du paragraphe 161(11) (intérêts sur les pénalités) montrent que le législateur voulait que les cotisations relatives à la pénalité prévue à l’article 163.2 ne soient pas établies à l’égard d’une année d’imposition. Le paragraphe 161(11) dispose que les intérêts commencent à courir sur les pénalités prévues aux articles 162, 163 ou 235 à l’égard d’une année d’imposition, comme c’est le cas pour les intérêts sur une pénalité prévue à l’article 163.1. Si le législateur avait souhaité que les cotisations visées à l’article 163.2 soient établies à l’égard d’une année d’imposition, le paragraphe 161(11) aurait traité de ces pénalités. La cotisation dont fait l’objet un particulier sous le régime de l’article 163.2 concerne sa « rétribution brute »
ou ses « droits à paiement »
, lesquels peuvent s’étendre sur un certain nombre d’années d’imposition. Dans ce cas, il est impossible de rattacher les intérêts à une année d’imposition précise et ceux‑ci commencent à courir à la date d’envoi de l’avis de cotisation.
[66]
Le défendeur fait remarquer que la prémisse sur laquelle se fonde le demandeur est que les cotisations donnant lieu au paiement et au remboursement sont établies à l’égard d’une année d’imposition, mais que le demandeur n’a pas précisé à quelle année d’imposition se rapporte sa cotisation. Cela est compatible avec la thèse du défendeur selon laquelle il n’est pas nécessaire de préciser une année d’imposition dans le cas d’une pénalité du planificateur visée à l’article 163.2.
[67]
En ce qui concerne les arguments du demandeur relatifs au paragraphe 152(4), le défendeur reconnaît que les cotisations visées à l’article 163.2 sont établies sous le régime du paragraphe 152(4). Il fait toutefois valoir que, selon une juste interprétation dudit paragraphe, le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire à l’égard d’une période allant au‑delà d’une année d’imposition. Selon lui, le fait que le groupe de mots « pour une année d’imposition »
figure après le mot « impôt »
confirme l’intention du législateur de faire en sorte que seules les cotisations concernant l’impôt soient liées au concept d’année d’imposition. Le législateur aurait tout aussi bien pu choisir le libellé suivant : [traduction] « […] une cotisation […] concernant l’impôt, les intérêts ou les pénalités pour une année d’imposition »
et ainsi rattacher les cotisations relatives à des pénalités et à des intérêts à une année d’imposition, ce qu’il n’a pas fait, selon le défendeur.
[68]
La seule déduction possible est que le législateur a choisi d’astreindre uniquement les cotisations concernant l’impôt à l’exigence d’être établies à l’égard d’une année d’imposition. Le défendeur fait remarquer que c’est ce que confirme le libellé français du paragraphe 152(4) : « […] cotisation […] concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités »
. L’emploi de « ainsi que »
et de « ou »
indique que le législateur avait l’intention de séparer le groupe de mots « l’impôt pour une année d’imposition »
du groupe de mots « les intérêts ou les pénalités »
.
[69]
Le défendeur soutient que le reste de la disposition liminaire du paragraphe 152(4) étaye également sa thèse, puisqu’il y est énoncé que « [p]areille cotisation ne peut […] »
, de manière à permettre au ministre d’établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire après l’expiration de la « période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année »
seulement lorsque certaines conditions sont réunies. Les mots « pour l’année »
renvoient directement à l’« année d’imposition »
. Le défendeur fait remarquer que les deux mentions doivent s’interpréter de façon harmonieuse. D’un point de vue pratique, il fait observer que toute autre interprétation mènerait à un résultat absurde, en ce sens que le ministre aurait à rattacher une pénalité infligée à des tiers à l’année d’imposition d’un contribuable, alors que la conduite coupable ou le montant de la pénalité pourrait viser plusieurs premières parties (des contribuables) à l’égard de diverses années d’imposition.
[70]
Le ministre a fait valoir à l’audition du présent contrôle judiciaire que la nouvelle cotisation n’en était pas vraiment une. Il s’agissait plutôt d’un simple avis de remboursement – rien de plus et rien de moins – puisque la cotisation initiale avait été annulée par la Cour de l’impôt au moment où la nouvelle cotisation a été établie. Interrogé ensuite sur le présumé caractère définitif des cotisations établies par le ministre en vertu du paragraphe 152(8), l’avocat a répondu que, comme le ministre n’avait pas le pouvoir d’établir la nouvelle cotisation, le paragraphe 152(8) ne s’appliquait pas.
[71]
Sur la question de l’établissement« erroné »
de la nouvelle cotisation, le défendeur a fait valoir que la Loi ne prévoit pas l’établissement d’avis de remboursement alors qu’elle prévoit l’établissement d’avis de nouvelle cotisation. C’est pourquoi la nouvelle cotisation (reproduite à l’annexe C des présents motifs) est en réalité un [traduction] « avis »
ou un [traduction] « reçu »
pour le remboursement de la somme d’un million de dollars. Le défendeur soutient en outre que le fait d’avoir inscrit l’année d’imposition 2012 dans la nouvelle cotisation était tout autant une erreur. C’est au contraire la cotisation initiale établie en 2012, sans mention d’année d’imposition, qui reflète la thèse juridique que le ministre continue à juste titre de défendre.
[72]
Quant à l’argument du demandeur concernant le gain fortuit, le défendeur fait remarquer que cet argument est fondé sur l’équité plutôt que sur la logique de la Loi. Il peut sembler injuste que le ministre demande des intérêts aux contribuables dans certains cas et refuse de payer des intérêts dans d’autres, mais cela ne mène pas à un résultat déraisonnable ni absurde. Le défendeur fait remarquer que, dans l’arrêt Canada c Cheema, 2018 CAF 45 (Cheema), la CAF, au paragraphe 80, met en garde contre l’adoption d’une approche consistant à rechercher un résultat rationnel, pratique et raisonnable susceptible de ne pas faire consensus parmi les juges, citant à l’appui de son observation la décision du juge Stratas :
Une telle question, qui n’est pas sans rappeler celle de savoir « ce que nous croyons être ce qu’il y a de mieux pour la société canadienne » et de choisir « le sens que nous voulons donner à la loi », n’appartient pas au devoir réel des juges, qui est de déterminer « le véritable sens de la loi » […]
[73]
Le défendeur fait valoir que le demandeur s’appuie à tort sur l’arrêt Grenon. Dans cette affaire, il était question d’un paiement qui à l’évidence avait été fait à l’égard d’une année d’imposition et conformément à une ordonnance conservatoire qui avait été annulée. Contrairement à la présente affaire, l’affaire Grenon, fait observer le défendeur, portait sur une demande de remboursement fondée sur le paragraphe 164(1.1) de la Loi, et non sur une somme en litige devant être remboursée en application du paragraphe 164(4.1), comme ce fut le cas pour M. Glatt.
[74]
Enfin, le défendeur signale que, dans le contexte des paiements d’intérêts par un organisme gouvernemental, des décisions ont reconnu l’existence de lacunes dans la mesure où le législateur exige du contribuable qu’il paie des intérêts sur des sommes dues, sans créer l’obligation correspondante à l’organisme public d’en verser sur les remboursements. Dans de tels cas, dit‑il, le tribunal ne devrait pas – ainsi que l’a fait observer la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Gorecki c Attorney General of Canada, [2006] O.J. 1130, au paragraphe 7 – se livrer à une interprétation législative visant l’atteinte d’un résultat qu’il juge équitable :
[TRADUCTION]
Le RPC est un code exhaustif qui ne contient aucune disposition prévoyant le versement d’intérêts sur les prestations versées en retard par rapport à la date de l’ouverture du droit. La jurisprudence pose en principe que lorsqu’un régime exhaustif ne prévoit pas le paiement d’intérêts par l’État, celui‑ci n’a pas à en payer […] [i]l est bien réglé par la jurisprudence qu’on ne peut accorder de l’intérêt contre le trésor public, à moins qu’une loi ou un contrat ne le prévoie.
Analyse
[75]
Les faits soulevés par le présent contrôle judiciaire sont pour une large part établis. La nouvelle cotisation vise en définitive à faire en sorte que le ministre rembourse un million de dollars à M. Glatt sans intérêts. Le problème que doit résoudre la Cour est de savoir s’il était raisonnable de ne pas ajouter d’intérêts au remboursement dans les circonstances de l’espèce. La question fondamentale qui sous‑tend donc le contrôle judiciaire – celle de savoir si des intérêts doivent être payés – concerne donc l’interprétation de la Loi et son application à des faits établis. À l’audience, lorsqu’il a présenté ses observations sur cette question, l’avocat du ministre a énoncé succinctement la question fondamentale à trancher :
[TRADUCTION]
À son niveau le plus fondamental, cette affaire soulève une question d’interprétation législative : la somme d’un million de dollars versée par le demandeur en paiement de la cotisation imposant la pénalité se rapportait‑elle à une année d’imposition? Le demandeur répond par l’affirmative, alors que le ministre répond par la négative. Je ne pense pas qu’un important fossé sépare les parties. Si la somme d’un million de dollars se rapporte à une année d’imposition, le ministre se verra contraint par la Loi de l’impôt sur le revenu de payer des intérêts sur le remboursement. Si cette somme ne se rapporte pas à une année d’imposition, la Loi sur la gestion des finances publiques lui interdira de payer des intérêts sur le remboursement. Le ministre ne jouit d’aucun pouvoir discrétionnaire en l’espèce.
a)
Méthode d’interprétation législative dans les affaires fiscales
[76]
L’approche « textuelle, contextuelle et téléologique »
actuellement utilisée pour interpréter les dispositions législatives dans les affaires fiscales est ainsi résumée au paragraphe 10 de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c Canada :
L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.
[77]
Auparavant, la Cour suprême avait jugé que « l’examen de la “réalité économique” d’une opération donnée ou de l’objet général de l’esprit de la disposition en cause ne peut jamais soustraire le tribunal à l’obligation d’appliquer une disposition non équivoque de la Loi à une opération du contribuable. Lorsque la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée »
(Shell Canada Ltée c Canada, [1999] 3 RCS 622, aux paragraphes 39 et 40).
[78]
Des décisions récentes ont confirmé la justesse de l’approche « textuelle, contextuelle et téléologique »
pour interpréter une disposition législative en matière fiscale, notamment l’arrêt Cheema (qui traite d’une disposition relative au remboursement pour habitation neuve figurant dans la Loi sur la taxe d’accise) où le juge Stratas, s’exprimant pour la majorité, a conclu :
Lorsque, tel que dans la présente affaire, le législateur accorde un remboursement dans un article spécifique pour un motif en matière de politique, il ne formule habituellement pas son intention par un libellé approximatif, et n’oblige pas les juges à un survol tortueux, sinueux et détourné de diverses autres dispositions de la loi pour établir s’il y a lieu d’autoriser le remboursement. Pour comprendre qui peut demander un remboursement et dans quelles circonstances, il nous suffit, normalement, de lire le libellé clair qui accorde le remboursement (au paragraphe 86).
[79]
En l’espèce, compte tenu de la preuve et du droit applicable, et plus particulièrement de la nouvelle cotisation et des articles 152 et 164, je conclus qu’il n’y a qu’une réponse raisonnable à la question de savoir si la somme d’un million de dollars que le demandeur a versée en paiement de sa cotisation se rapporte à une année d’imposition. Elle se fonde sur une interprétation claire et directe de la Loi au regard de son texte, de son contexte et de son objet, permettant d’éviter de recourir à une analyse tortueuse et fertile en détours des dispositions de la Loi et des éléments de preuve. Toutefois, avant d’aller plus loin, un bref commentaire s’impose sur le fardeau de la preuve.
b)
À qui revient le fardeau de la preuve?
[80]
Il incombe au ministre, en vertu du paragraphe 163(3), d’établir les faits justifiant l’imposition d’une pénalité. En l’espèce, le ministre n’a finalement pas réussi à infliger la pénalité souhaitée parce que le contribuable, M. Glatt, a eu gain de cause en appel devant la Cour de l’impôt. La cotisation a été annulée en appel. La nouvelle cotisation découlant du jugement de la Cour de l’impôt annulait la pénalité de 2,8 millions de dollars et le remboursement du principal s’élevant à un million de dollars était effectué. Faute d’autres éléments de preuve, le ministre ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait en vertu du paragraphe 163(3) de justifier la pénalité infligée à M. Glatt.
[81]
Le ministre semble inverser le fardeau de la preuve lorsqu’il affirme que M. Glatt n’a pas indiqué à quelle année d’imposition se rattache la cotisation relative à la pénalité du planificateur qui lui a été imposée, ce qui, toujours selon le ministre, s’accorde avec le fait que les cotisations établies sous le régime de l’article 163.2 ne sont pas établies à l’égard d’une année d’imposition. Il ne revient toutefois pas au contribuable de déterminer si la cotisation relative à la pénalité est établie à l’égard d’une ou de plusieurs années d’imposition, s’il en est surtout lorsque, comme en l’espèce, la nouvelle cotisation indique une année d’imposition.
c)
Le refus de payer des intérêts était‑il déraisonnable?
[82]
Le but de cette analyse est de répondre à la question au cœur du présent contrôle judiciaire – et qui est de savoir s’il était raisonnable pour le ministre de ne pas payer d’intérêts sur le montant du principal –, et non pas de trancher la question de savoir comment les articles de la Loi portant sur les pénalités imposées aux tiers représentants devraient s’appliquer et si ces mêmes pénalités devraient ou non se rapporter à une année d’imposition.
[83]
Une approche directe pour évaluer le caractère raisonnable de la décision du ministre de ne pas payer d’intérêts consisterait simplement à examiner les trois éléments de preuve principaux, à savoir la cotisation, le jugement de la Cour de l’impôt et la nouvelle cotisation (annexes A à C) à la lumière des articles 152 et 164.
[84]
Commençons cette analyse par la nouvelle cotisation dont voici un extrait :
[TRADUCTION]
Cette nouvelle cotisation annule la cotisation datée du 12 juin 2016 [sic] qui a été établie en vertu du paragraphe 163.2(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Elle découle du jugement sur consentement en date du 6 juin 2016. (Extrait de l’avis de cotisation à l’annexe C)
[85]
Bien que l’ARC indique 2012 comme année d’imposition dans la nouvelle cotisation (dans l’angle supérieur droit à l’annexe C), le ministre soutient, notamment pour les raisons exposées dans ses observations résumées plus haut, qu’il s’agissait d’une erreur et que cette mention n’aurait pas dû figurer dans la nouvelle cotisation; après tout, la cotisation initiale de 2012 portait seulement la mention « S/O »
dans l’espace réservé à l’année d’imposition dans ce formulaire (voir l’annexe A).
[86]
Le paragraphe 152(8) énonce qu’une cotisation (ou la nouvelle cotisation qui la remplace) « est réputée être valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la présente loi »
(je souligne). Selon le paragraphe 248(1), « [e]st assimilée à la cotisation la nouvelle cotisation »
. Ainsi, la disposition déterminative au paragraphe 152(8) vaut tout autant pour les nouvelles cotisations que pour les cotisations initiales (voir aussi Canadian Marconi Co c Canada (C.A.), [1992] 1 CF 655 (CAF), au paragraphe 10).
[87]
Suivant une interprétation stricte de la loi, on peut donc présumer que la nouvelle cotisation de 2016 est valide et exécutoire compte tenu du jugement intervenu, et non la cotisation de 2012. La première cotisation a été « annulée »
par la Cour de l’impôt. L’ARC a ensuite pris acte de cette annulation dans sa nouvelle cotisation.
[88]
Personne n’a obligé le ministre à mentionner une année d’imposition dans la nouvelle cotisation. Je conviens avec lui qu’aucune année d’imposition ne figure dans la cotisation initiale. Il reste que cette cotisation est devenue nulle et non avenue à la suite du jugement de la Cour de l’impôt en juin 2016, ce que devait confirmer la nouvelle cotisation du ministre environ six mois plus tard. En d’autres termes, la cotisation de 2012 est réputée ne plus exister et avoir été remplacée par la nouvelle cotisation (voir, par analogie, l’arrêt Grenon, aux paragraphes 20 à 25).
[89]
Le ministre soutient en outre que la nouvelle cotisation est à juste titre décrite comme un [traduction] « avis de remboursement »
ou un [traduction] « reçu de remboursement »
et qu’elle a été désignée à tort par l’ARC comme une nouvelle cotisation malgré son titre, sa forme et son contenu.
[90]
Je signale que le ministre a amplement de ressources à sa disposition. Si un reçu de remboursement était prévu, un tel formulaire aurait pu être fourni. Et s’il n’existe pas de formulaire type pour un [traduction] « avis de remboursement »
ou un [traduction] « reçu de remboursement »
, il serait sûrement possible d’en créer un sans grande dépense ni effort. À défaut, l’ARC aurait pu joindre une simple lettre au remboursement fait à M. Glatt expliquant brièvement la source dudit remboursement.
[91]
D’une manière ou d’une autre, s’agissant du remboursement d’un trop‑payé, se chiffrant à la somme non négligeable d’un million de dollars, qui constitue une étape non sans importance dans le contexte d’une longue saga relative à une pénalité exceptionnellement élevée, on se serait attendu à ce que l’ARC prête une attention particulière à ce qui aurait dû en constituer le dernier chapitre. À tout le moins, il était certainement permis de s’attendre à ce que le ministre utilise le document pour corriger des lacunes plutôt que pour en créer.
[92]
Le paragraphe 152(8) a été interprété de manière à protéger l’ARC contre les erreurs; la jurisprudence reconnaît que les erreurs administratives ne vicient pas une cotisation et que cette disposition vise à protéger le ministre contre des contribuables qui tentent de faire invalider des cotisations pour des raisons techniques. Comme il a déjà été mentionné dans les présents motifs à l’égard de la question (ii), la décision Greene a confirmé que le fait que les motifs invoqués par le ministre soient erronés ne compromet pas nécessairement la validité d’une cotisation. On peut également citer la décision La Reine c Riendeau, [1990] 1 CTC 141 (CF 1re instance), confirmée par [1991] 2 CTC 64 (CAF) (Riendeau), dans laquelle il est énoncé au paragraphe 21 que le paragraphe 152(8) [traduction] « vise à libérer le ministre des conséquences néfastes résultant des erreurs de son ministère »
, et qu’il ne peut être invoqué pour faire en sorte que le ministre soit lié par une erreur de libellé dans un avis de cotisation.
[93]
Il reste que, dans la présente affaire, le ministre tente d’utiliser les erreurs qui lui sont reprochées comme une épée plutôt que comme un bouclier. L’utilisation de ce que le ministre prétend être une erreur irait à l’encontre du raisonnement avancé dans des décisions comme Riendeau et Greene et une telle pratique introduirait beaucoup d’incertitude à l’égard des cotisations ou nouvelles cotisations établies par l’ARC à l’égard d’un contribuable. Selon ces décisions, le ministre pourrait certainement faire valoir qu’une erreur mineure, comme une erreur typographique dans l’année de cotisation mentionnée (la mention du 12 juin 2016 alors qu’il s’agissait du 12 juin 2012), ne donne pas toute latitude au contribuable pour exposer le ministre aux conséquences néfastes des erreurs commises par son ministère; il va de soi que le contribuable ne devrait pas pouvoir utiliser ce genre d’erreur pour attaquer une cotisation qui serait autrement valide ou pour échapper à ses obligations fiscales à cause d’un détail technique.
[94]
L’inverse non plus ne saurait tenir. Le ministre ne devrait pas, du simple fait qu’il estime maintenant pouvoir invoquer une erreur fondée sur son interprétation de la Loi, pouvoir soulever un élément comme l’année d’imposition et affirmer qu’il s’agit d’une erreur compromettant la validité de la nouvelle cotisation, ce qui aurait opportunément comme effet net de le soustraire à l’obligation de payer des intérêts à un contribuable.
[95]
C’est une chose pour le ministre de tenter d’empêcher un contribuable d’invoquer des lacunes mineures dans un document émanant de son ministère; c’est une tout autre chose pour lui de prétendre qu’une erreur mineure compromet la validité de son propre document pour pouvoir s’y soustraire, alors que toutes les autres mentions du formulaire sont entièrement exactes, notamment celles concernant les soldes actuel et antérieur applicables au contribuable et l’annulation de la pénalité, sans oublier l’explication qui figure dans la nouvelle cotisation pour justifier le remboursement, dans laquelle il est à juste titre fait mention de l’annulation de la cotisation initiale par suite du jugement de la Cour de l’impôt.
[96]
C’est pourquoi la Cour conclut en l’espèce que la nouvelle cotisation établie par le défendeur est valide, même si elle fait état à l’égard de M. Glatt à la fois d’un remboursement et d’un solde nul. D’autres éléments étayent cette conclusion, comme je l’explique ci‑dessous.
[97]
On ne m’a présenté aucun élément de preuve convaincant ni fondement juridique établissant que la pénalité infligée à M. Glatt par l’ARC ne pouvait se rattacher à une année d’imposition. D’ailleurs, les cotisations et les pénalités se rattachent à une année d’imposition dans la vaste majorité des cas. C’est le fondement même de l’application de la Loi. Et cela ressort de la récente décision de la CAF dans laquelle il est indiqué que les cotisations visent habituellement une période d’un an (Canada c 594710 British Columbia Ltd., 2018 CAF 166, au paragraphe 84). Cela sous‑tend également les propos du juge Hirshfeld dans la décision Sicoli c La Reine, 2013 CCI 207, au paragraphe 9 :
[98]
J’ai examiné les observations détaillées du défendeur, résumées ci‑dessus, quant aux raisons pour lesquelles la pénalité du planificateur ne peut se rattacher à une année d’imposition. Toutefois, j’estime qu’il s’agit d’une interprétation sinueuse compte tenu des dispositions législatives comme l’article 152 et des éléments de preuve.
[99]
D’un point de vue conceptuel, il peut certainement être logique qu’un planificateur, plus qu’un préparateur, tombe dans la mire de l’ARC pour des activités s’étant déroulées pendant une longue période plutôt que pendant une seule année d’imposition étant donné qu’un préparateur pourrait fort bien ourdir un stratagème fiscal allant à l’encontre de la Loi que ses utilisateurs appliqueraient à l’égard de plusieurs années d’imposition. Toutefois, cela ne veut pas dire que la pénalité ne peut pas avoir été imposée à l’égard d’une année d’imposition donnée (ou même que plusieurs pénalités auraient peuvent être imposées à l’égard d’années d’imposition données), comme l’indique clairement la nouvelle cotisation, surtout lorsque les utilisateurs d’un stratagème illégal font l’objet de poursuites à l’égard de déclarations de revenus relatives à certaines années d’imposition.
[100]
En d’autres termes, est‑il possible que la pénalité applicable aux planificateurs ait été infligée à M. Glatt sans égard à une année d’imposition? Cela est sûrement possible. Toutefois, la Cour ne dispose d’aucune preuve sur ce sujet, si ce n’est une affirmation concernant la cotisation de 2012. Des éléments de preuve pertinents ont peut‑être été présentés à la Cour de l’impôt, mais très peu des éléments de preuve considérés au stade de l’appel figurent au dossier relatif au présent contrôle judiciaire. Il n’est donc pas nécessaire ni souhaitable, dans le cadre du contrôle judiciaire dont la Cour est saisie, de procéder à une analyse détaillée du fonctionnement des régimes de pénalités imposées à des tiers ni de répondre à la question de savoir si les pénalités imposées aux planificateurs ou aux préparateurs doivent se rattacher à une année d’imposition. Ces questions seront tranchées un autre jour, lorsque ce point et les éléments de preuve à l’appui seront présentés à la Cour.
[101]
De toute manière, la Cour serait mal outillée pour se prononcer sur la façon dont les pénalités applicables aux planificateurs devraient leur être imposées étant donné l’insuffisance des outils d’interprétation, s’il en est, mis à la disposition de la Cour (à titre d’exemple aucun extrait du hansard ni résumés des débats parlementaires n’ont été versés au dossier). Ainsi, aucune des parties n’a produit ni invoqué la circulaire d’information IC 01‑1, « Pénalités administratives imposées à des tiers »
(18 septembre 2001), laquelle fournit à tout le moins des renseignements quant au contexte historique et présente des études de cas.
[102]
En fait, le principal point en litige dans l’appel interjeté par M. Glatt devant la Cour de l’impôt était la pénalité du planificateur qui lui avait été infligée. Une question subsidiaire de première importance aurait été celle de savoir quelles années d’imposition étaient visées, le cas échéant. Mais nous ne saurons jamais comment la question aurait été tranchée, parce qu’il y a eu une entente à l’amiable et que le juge Guy Smith l’a entérinée dans son jugement sur consentement. Ce qui est en cause dans le présent contrôle judiciaire, c’est la question de savoir si la nouvelle cotisation était raisonnable à la lumière des renseignements qu’elle contenait, à savoir la mention d’une année d’imposition et de l’annulation de la cotisation initiale. Je conclus qu’elle ne l’est pas compte tenu du paragraphe 152(8) et de l’alinéa 164(3)e), lequel exige que des intérêts soient versés sur le remboursement d’une somme en litige versée à l’égard d’une année d’imposition.
[103]
Se fondant sur la prémisse qu’il est impossible de rattacher la pénalité imposée à M. Glatt à une année d’imposition, le ministre affirme que la totalité de la nouvelle cotisation est viciée. L’idée que la totalité de la nouvelle cotisation ne puisse être considérée comme une cotisation parce que le ministre n’adhère pas à l’interprétation législative qui a été donnée à la pénalité applicable aux planificateurs et au concept sous-jacent d’année d’imposition dépasse l’entendement.
[104]
Ainsi, presque tous les renseignements contenus dans le document paraissent exacts, notamment tous les renseignements concernant le contribuable, les détails de la cotisation sous‑jacente, les renseignements comptables à jour sur le solde applicable et la pénalité annulée ainsi que les raisons justifiant la nouvelle cotisation. Seul le détail technique susmentionné semble erroné. On ne peut pas dire que le document est foncièrement entaché ou truffé d’erreurs. Ainsi, je ne peux accepter l’argument du défendeur voulant que l’ensemble du document ne constitue pas la nouvelle cotisation qu’elle est censée être.
[105]
Pour revenir à la Loi, le ministre reconnaît que suivant le paragraphe 152(8) une cotisation est réputée être exécutoire, mais il ne reconnaît pas l’effet déterminatif de cette disposition en l’espèce en raison des erreurs qu’aurait commises l’ARC dans la nouvelle cotisation et de l’impossibilité légale de rattacher une année d’imposition à la pénalité du planificateur. Je ne peux accepter la thèse du défendeur à cet égard.
[106]
L’interprétation proposée ci‑dessus est conforme à la méthode d’interprétation législative, exposée dans les décisions de principe susmentionnées, que le défendeur exhorte la Cour à adopter. Le ministre soutient notamment que la Loi doit être interprétée de manière limitative, qu’il s’agit d’un code complet et qu’il ne s’agit pas pour le juge de trouver une solution équitable à ses yeux – ou de déterminer ce « qu’il y a de mieux pour la société canadienne »
(Cheema, au paragraphe 80). En revanche, il rappelle à la Cour que, lorsque le libellé d’une disposition de la Loi est précis et sans équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle prédominant dans la démarche d’interprétation (Trustco Canada, au paragraphe 10).
[107]
Le sens ordinaire et sans équivoque des mots mène à une seule conclusion en l’espèce à la lumière de la preuve présentée, à savoir que la mention d’une année d’imposition dans une nouvelle cotisation signifie que des intérêts doivent être payés en application du paragraphe 152(8) et de l’alinéa 164(3)e) de la Loi. Dans les circonstances de l’espèce, il s’agit de la seule interprétation raisonnable compte tenu du libellé clair de la Loi.
[108]
Une interprétation favorable au ministre serait également incompatible avec la jurisprudence. Le non‑paiement des intérêts dans les circonstances de l’espèce va à l’encontre de l’arrêt récent rendu par la CAF dans l’affaire Grenon. Dans la présente instance, le versement de la somme d’un million de dollars – la somme en litige – par M. Glatt était nettement destinée à empêcher que les intérêts ne courent relativement à une cotisation qui a par la suite été annulée. Cela s’apparente aux circonstances de l’affaire Grenon dans laquelle le contribuable a versé 12,75 millions de dollars au ministre en réponse à une ordonnance conservatoire rendue contre lui ayant été par la suite annulée. La CAF a écrit ce qui suit au sujet de l’appel en instance relatif aux nouvelles cotisations établies à l’égard de M. Grenon :
[TRADUCTION]
S’il devait avoir droit aux intérêts sur cette somme si elle lui est remboursée à la suite de l’annulation des nouvelles cotisations, je ne vois vraiment pas pourquoi le législateur aurait eu l’intention de faire en sorte qu’il ne reçoive pas d’intérêts sur cette même somme si elle lui est remboursée avant l’annulation des nouvelles cotisations. Dans l’un ou l’autre cas, dans ce scénario, la conclusion ultime est que les nouvelles cotisations sont annulées et que, par conséquent, la somme remboursée n’était pas exigible de M. Grenon (au paragraphe 29).
La CAF a conclu que le versement d’intérêts :
[TRADUCTION]
s’accorderait avec l’interprétation contextuelle selon laquelle des intérêts devraient lui être versés sur la somme remboursée […] [et] l’interprétation que fait le ministre du paragraphe 164(1.1) de la Loi en l’espèce, suivant laquelle aucun intérêt n’est payable au titre du paragraphe 164(3) à M. Grenon sur la somme remboursée, est erronée et déraisonnable (aux paragraphes 34 et 35).
[109]
Les parties n’ont cité aucune décision - et il ne semble pas y en avoir - portant directement sur la question de savoir s’il convient de dire que les pénalités imposées aux préparateurs ne se rapportent pas à une année d’imposition. Il semble donc que les tribunaux ne se soient pas prononcés sur la double question de savoir i) si les pénalités imposées aux planificateurs et aux préparateurs se rattachent à une année d’imposition et ii) si des intérêts doivent être payés par le ministre au contribuable en cas de remboursement de sommes en litige par suite de pénalités imposées à des tiers en vertu de l’article 163.2 de la Loi.
[110]
Le seul arrêt de la Cour suprême portant sur les pénalités imposées à des tiers est l’arrêt Guindon c Canada, 2015 CSC 41, qui traite de questions qui ne sont pas soulevées dans le présent contrôle judiciaire (l’obligation de donner un avis de question constitutionnelle et le bien‑fondé d’une contestation constitutionnelle des dispositions relatives aux pénalités infligées à des tiers).
[111]
Je ne trouve pas utiles les décisions invoquées par le demandeur, à savoir Subsidiary Holdings et Desroches. Ces deux décisions s’intéressent à d’autres dispositions de la Loi, chacune dans des circonstances très différentes. Dans Subsidiary Holdings, il s’agissait d’impôts sur le revenu des sociétés payés en trop ainsi que de dividendes ultérieurement reçus d’une filiale. Les commentaires portant sur les intérêts et les pénalités étaient accessoires. De même, l’affaire Desroches portait sur des questions différentes de celles dont la Cour est saisie en l’espèce, à savoir des questions relatives aux pénalités pour faute grave visées au paragraphe 163(2) de la Loi.
[112]
Bref, j’estime que la jurisprudence actuelle amène à conclure que des intérêts doivent être payés sur le principal. Comme la nouvelle cotisation existe toujours malgré le fait qu’il s’agit pour ce qui est de déterminer le tribunal compétent d’une cotisation « néant », le paragraphe 152(8) continue de s’appliquer, tout comme les autres dispositions de la Loi qui en découlent, dont l’alinéa 164(3)e), et qui confirment que le remboursement doit être effectué avec intérêts au taux prescrit. Il s’agit de la seule interprétation raisonnable des dispositions de la Loi en l’espèce (voir l’arrêt McLean, au paragraphe 38).
(vi)
Quelle est la mesure de réparation appropriée?
[113]
La Cour déclare que des intérêts doivent être payés sur le montant du principal, soit un million de dollars, remboursé au demandeur en décembre 2016 conformément à la Loi. L’affaire est donc renvoyée au ministre pour que le calcul et le paiement des intérêts sur le remboursement soient effectués conformément à la Loi et aux présents motifs.
IV.
Dépens
[114]
Les dépens sont adjugés au demandeur.
V.
Conclusion
[115]
Je conclus que la nouvelle cotisation est valide et qu’elle est exécutoire à l’égard du ministre. Rien ne permet de conclure que la nouvelle cotisation était autre chose que ce qu’elle était censée être ni que la mention d’une année d’imposition constitue une erreur.
[116]
Il se peut fort bien que dans un avenir rapproché l’imposition de pénalités à des tiers amène les tribunaux à se prononcer sur la question des pénalités; cette question est mûre pour décision judiciaire. Toutefois, nous n’en sommes pas là parce que la question dont la Cour est saisie aujourd’hui est seulement celle de savoir si la décision du ministre de refuser de payer des intérêts sur le remboursement était raisonnable. J’ai conclu qu’elle ne l’était pas. Au contraire, lorsqu’on interprète la Loi d’une manière incompatible avec son libellé, son contexte et son objet et comme un tout harmonieux, une seule issue raisonnable s’impose en appliquant le droit aux faits : des intérêts doivent être versés à M. Glatt sur le montant du principal. C’est pourquoi la question est renvoyée en vue du calcul et du remboursement des intérêts sur le montant du principal.
JUGEMENT dans T‑1463‑17
LA COUR ORDONNE :
La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
La décision est annulée.
L’affaire est renvoyée au défendeur pour que des intérêts soient payés sur le remboursement du principal conformément aux dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu et aux présents motifs.
Les dépens sont adjugés au demandeur.
« Alan S. Diner »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 21e jour d’août 2019.
Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.
ANNEXE A
ANNEXE B
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ANNEXE C
ANNEXE D
Cadre législatif
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T‑1463‑17
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INTITULÉ DE LA CAUSE :
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RICHARD GLATT c LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 17 OCTOBRE 2018
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE DINER
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DATE DES MOTIFS :
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LE 24 MAI 2019
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COMPARUTIONS :
Jacob Yau
Larry Nevsky
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POUR LE DEMANDEUR
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Arnold H. Bornstein
Peter Swanstrom
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Dentons Canada LLP
Avocats
Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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