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                                               Date : 19980708

                                         Dossier : IMM-2545-97

ENTRE

                    MOHAMMAD LARBI B'GHIEL,

                                                    demandeur,

                              et

      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                    défendeur.

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

(Prononcés à l'audience, à Toronto (Ontario) le mercredi 8 juillet 1998)

LE JUGE HUGESSEN

[1]        Il s'agit d'une demande de contrôle et d'annulation de la décision d'une agente des visas. Il est question de l'appréciation par l'agente du facteur « Personnalité » , qui est le facteur 9 de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978. La partie applicable du Règlement est ainsi rédigée :

Des points d'appréciation sont attribués au requérant au cours d'une entrevue qui permettra de déterminer si lui et les personnes à sa charge sont en mesure de réussir leur installation au Canada, d'après la faculté

d'adaptation du requérant, sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables.

[2]        Dans sa lettre adressée au demandeur, l'agente des visas a expliqué en ces termes son attribution de points pour ce

facteur :

[TRADUCTION] En vous attribuant quatre points pour la personnalité, j'ai tenu compte du manque d'expérience de première main que vous avez du Canada. J'estime que ce que vous attendez du Canada n'est pas réaliste. Vous n'avez jamais été au Canada, vous n'avez pas de parents ni d'amis intimes qui s'y sont établis pour vous assister, vous n'avez pas non plus démontré que vous seriez en mesure d'obtenir au Canada un emploi dans votre domaine. Au Royaume-Uni, vous avez résidé illégalement pendant un certain nombre d'années, vous avez illégalement travaillé et vous n'avez pas payé d'impôts, ce qui constitue un manque d'égards envers l'immigration du R.U., le droit travail et le droit fiscal. Vous n'avez pas fait preuve d'initiative en faisant des recherches sur le marché du travail au Canada afin de trouver des employeurs éventuels, mais vous avez compté uniquement sur des contacts fournis par votre consultant. Pour toutes ces raisons, vous avez montré un manque de motivation, de faculté d'adaptation et d'ingéniosité.

[3]        J'estime que ce paragraphe connaît trois sérieux problèmes.

[4]        En premier lieu, l'agente d'immigration mentionne le fait que le demandeur n'a pas de parents ni d'amis intimes qui se sont établis au Canada pour l'assister. À mon avis, avoir des parents ou des amis intimes ou ne pas en avoir ne saurait simplement pas être qualifié de « qualité » personnelle semblable à celles qui figurent au facteur 9 précité. Il existe d'autres dispositions de la Loi et du Règlement où l'existence de parents au Canada peut entrer en ligne de compte mais, à mon avis, il ne s'agit pas d'un facteur qui doit être examiné pour apprécier la personnalité.

[5]        En second lieu, la mention par l'agente des visas de l'omission du demandeur de démontrer qu'il serait en mesure d'obtenir au Canada un emploi dans son domaine constitue clairement un cas de « double comptage » . Le facteur 4, qui fait également partie de l'annexe I, s'intitule « Demande dans la profession » et le premier paragraphe de la colonne 2 de l'annexe se lit comme suit :

Des points d'appréciation sont attribués en fonction des possibilités d'emploi au Canada dans la profession.

[6]       Ces mots sont presque identiques aux mots cités utilisés par l'agente des visas dans l'appréciation de la personnalité. Il est bien établi qu'on ne saurait procéder au double comptage. Il est, bien entendu, permis de tenir compte de facteurs qui sont peut-être entrés en ligne de compte pour d'autres motifs dans d'autres parts de l'annexe, mais il m'est tout à fait impossible de distinguer ce que l'agente des visas dit dans sa lettre dans la partie citée de ce qu'elle était tenue d'apprécier pour le

facteur 4. De plus, l'omission de démontrer la capacité d'obtenir un emploi au Canada n'est également pas une « qualité » personnelle semblable à celles figurant au facteur 9.

[7]        En troisième lieu, l'agente d'immigration s'est préoccupée de ce que le demandeur est illégalement entré au Royaume-Uni, de son emploi illégal au Royaume-Uni et de son omission de payer des impôts dans ce pays. Je ne saurais interpréter la phrase dans laquelle elle exprime ces inquiétudes comme quelque chose d'autre qu'une expression de préoccupation pour la moralité du demandeur. Je comprends que l'agente des visas, dans son affidavit, a tenté de jeter un jour différent sur les préoccupations qu'elle a exprimées dans sa lettre mais, à mon avis, il ne lui est pas loisible de changer les motifs pour lesquels une demande a été rejetée. C'est ce qu'on a tenté de faire en l'espèce. J'ajouterais seulement que je ne nie pas que l'omission par le demandeur de payer des impôts au Royaume-Uni pourrait devenir pertinente sous la rubrique « Personnalité » si on l'exprimait et l'examinait seulement du point de vue selon lequel il ne pouvait subvenir à ses besoins sauf en ne payant pas d'impôts. Toutefois, telle n'est pas la façon dont cela est exprimé dans la lettre, et je suis tout à fait convaincu que tel n'était pas le sentiment que l'agente des visas avait à l'esprit lorsqu'elle a rédigé la lettre.

[8]        Il découle de ce que j'ai dit que la décision ne saurait être confirmée. Toutefois, dans le paragraphe que j'ai interprété au début des présents motifs dans lequel l'agente d'immigration explique sa décision, il existe un certain nombre d'autres facteurs dont il a de façon appropriée été tenu compte. Bien entendu, il m'est tout à fait impossible de connaître le poids que l'agente d'immigration a attribué à chacun de ces facteurs et, en fait, le poids attribué aux facteurs qui ont été examinés de façon non appropriée. Il se peut, étant donné la nature fluide de l'appréciation de la personnalité, que même si les facteurs examinés de façon non appropriée avaient été exclus, la note ultime n'aurait pas été très différente. Puisqu'il est impossible de le dire, la seule solution est de renvoyer l'affaire pour une nouvelle appréciation, et j'estime qu'une telle nouvelle appréciation devrait être faite de la demande tout entière non simplement du point « Personnalité » . Je me propose de rendre une ordonnance à cet égard après avoir entendu les observations des avocats, s'ils en ont, sur la question de savoir s'il existe une question de portée générale soulevée en l'espèce.

                                        James K. Hugessen    

                                                Juge

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet


                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                 SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :IMM-2545-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :Mohammad Larbi B'Ghiel c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :Le 8 juillet 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN

EN DATE DU8 juillet 1998

ONT COMPARU :

M. Max Chaudhary                 pour le demandeur

Bridget A. O'Leary                    pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

M. Max Chaudhary                 pour le demandeur

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

                                pour le défendeur

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