Date : 20041217
Dossier : IMM-3628-04
Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD
ENTRE :
OSAMA FI SALEH OMAR
demandeur
et
LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire de la décision d'un agent d'examen des risques avant renvoi, datée du 24 février 2004, est accueillie. L'affaire est renvoyée à un autre agent d'ERAR, pour nouvelle décision.
« J. Pinard »
Juge
Traduction certifiée conforme
D. Laberge, LL.L.
Date : 20041217
Dossier : IMM-3628-04
Référence : 2004 CF 1740
ENTRE :
OSAMA FI SALEH OMAR
demandeur
et
LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision d'un agent d'examen des risques avant renvoi (ERAR), en date du 24 février 2004, par laquelle l'agent est arrivé à une conclusion défavorable au demandeur.
[2] Osama Fi Saleh Omar (le demandeur) est un apatride originaire de Palestine (Cisjordanie) qui est arrivé au Canada via les États-Unis d'Amérique. Le demandeur craint la persécution, la torture, les menaces à sa vie ainsi que des traitements ou peines cruels et inusités s'il est expulsé du Canada vers les États-Unis, puis finalement vers la Cisjordanie ou les Territoires occupés.
[3] Après s'être vu refuser la qualité de réfugié le 3 juillet 2002, le demandeur a sollicité le 27 novembre 2003 un examen des risques avant renvoi, qui s'est soldépar une conclusion défavorable dans la décision contestée du 24 février 2004. En conséquence de la mesure de renvoi prononcée contre lui, le demandeur a été informé le 1er avril 2004 qu'il devait quitter le Canada et qu'il allait être expulsé vers les États-Unis le 29 avril 2004.
[4] Le 28 avril 2004, je faisais droit à la requête du demandeur en sursis d'exécution de la mesure prévoyant son renvoi vers les États-Unis (et par la suite vers la Cisjordanie ou les Territoires occupés), jusqu'à ce qu'il soit disposé de la présente demande de contrôle judiciaire. J'étais alors d'avis que le demandeur remplissait les conditions d'un tel sursis d'exécution, à savoir l'existence d'une question sérieuse, le préjudice irréparable et l'équilibre des inconvénients. Le sursis a été accordé sur la foi notamment d'éléments de preuve dont l'agent d'ERAR ne disposait pas. Je suis d'avis que les nouveaux éléments de preuve en question étaient alors recevables à seule fin d'établir un préjudice irréparable.
[5] Ultérieurement durant l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire, l'avocate du défendeur s'est opposée à la recevabilité des nouveaux éléments de preuve en invoquant certains précédents, dont la décision Bovar Waste Management Inc. c. Canada (Ministre de l'Environnement), [2001] A.C.F. n ° 487 (1re inst.) (QL), où madame la juge Dawson écrivait, au paragraphe 9 :
[...] Il est de droit constant qu'une demande de contrôle judiciaire doit être examinée à la lumière des éléments de preuve produits devant l'instance décisionnelle et qu'en principe, la preuve extrinsèque au dossier dont le décideur est saisi ne peut être introduite devant la Cour. Ce principe général ne supporte qu'une exception limitée. En effet, la preuve extrinsèque peut être admissible lorsque le seul moyen « [...] d'attaquer le défaut de compétence est de présenter cette nouvelle preuve devant la cour de révision » : Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees'Union, [2000] 1 C.F. 135 (C.A.F.), à la page 143.
[Non souligné dans l'original.]
[6] Dans l'arrêt Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees'Union, [2000] 1 C.F. 135, un précédent invoqué par la juge Dawson dans la décision Bovar Waste Management, précitée, la Cour d'appel fédérale concluait ainsi, à la page 145 :
[...] La Cour n'examinera pas de nouveaux éléments de preuve dans les circonstances.
[Non souligné dans l'original.]
[7] Comme je l'ai indiqué plus tôt, les nouveaux éléments de preuve en question (un affidavit de Shayana Kadidal et un affidavit de Donald Duran, ainsi que les pièces les accompagnant) ont été examinés à l'occasion de la requête intérimaire du demandeur en vue d'un sursis d'exécution, à seule fin d'éclaircir la question du préjudice irréparable. Après avoir conclu que le demandeur subirait un tel préjudice irréparable, qui prendrait la forme d'une persécution ou d'une grave menace à sa vie ou sa sécurité, je suis d'avis qu'il serait maintenant irresponsable de ma part de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire sans que les nouveaux éléments de preuve soient correctement appréciés et évalués en même temps que le reste de la preuve. C'est la vie et la sécurité du demandeur qui sont ici en jeu. La décision de l'agent d'ERAR est sur ce point déterminante et, en l'absence de mauvaise foi ou de faute lourde de la part du demandeur, je suis d'avis que les preuves significatives les plus récentes doivent être étudiées avant qu'il ne soit renvoyé du Canada.
[8] Il me semble que ces circonstances très exceptionnelles justifient une entorse au principe général de l'exclusion de la preuve extrinsèque au dossier que le décideur avait devant lui, et qu'il s'agit de circonstances qui se distinguent très nettement des circonstances de l'affaire Gitxsan, précitée. Je suis donc disposéà intervenir, et cela bien que l'avocat du demandeur ait négligé de solliciter formellement l'autorisation de faire examiner les preuves nouvelles à l'étape du contrôle judiciaire, ce qui à mon avis eût été une méthode plus convenable (et plus prudente).
[9] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent d'ERAR, pour nouvelle décision.
[10] L'avocat du demandeur a proposé que soient certifiées quatre questions, à savoir l'examen du rôle de l'article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés, des obligations internationales du Canada, de la Convention contre la torture, enfin de la situation qui a cours en Cisjordanie ou dans les Territoires occupés. L'avocate du défendeur a déposé des conclusions écrites par lesquelles elle s'oppose à ce que soient certifiées les questions proposées par l'avocat du demandeur, et elle a aussi informéla Cour qu'elle ne propose aucune question à certifier.
[11] Je souscris en général aux conclusions de l'avocate du défendeur. Par ailleurs, eu égard aux motifs précédemment énoncés, les questions proposées ne peuvent être considérées comme des questions de portée générale au sens de l'alinéa 74d) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. Par conséquent, aucune ne sera certifiée.
« J. Pinard »
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
le 17 décembre 2004
Traduction certifiée conforme
D. Laberge, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3628-04
INTITULÉ: OSAMA FI SALEH OMAR c. LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 9 NOVEMBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS : LE 17 DÉCEMBRE 2004
COMPARUTIONS :
Stewart Istvanfy POUR LE DEMANDEUR
Michèle Joubert POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Stewart Istvanffy POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)