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     Date : 19980112

     Dossier : T-223-97

Entre :

     ROXZANNE T. HILTON,

     requérante,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     (Version revue et augmentée des motifs prononcés à l'audience

     à Edmonton (Alberta), le 9 janvier 1998)

LE JUGE REED

[1]      La requérante demande une ordonnance de prohibition afin d'empêcher un comité d'enquête, établi en vertu du paragraphe 6(3) et de l'article 42 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, de faire enquête pour déterminer si elle avait les qualités exigées pour occuper le poste PM-04 au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien auquel elle a été nommée. Cette enquête a également pour but de déterminer si elle a eu recours à des pratiques frauduleuses au cours de la procédure de sélection qui a mené à sa nomination à ce poste.

[2]      La requérante a été nommée au poste PM-04 le 6 juillet 1992. Elle s'est extrêmement bien acquittée de ses fonctions. Elle a obtenu la cote excellent dans ses appréciations du rendement et a même été recommandée pour une promotion. À l'été de 1995, ses supérieurs hiérarchiques ont appris qu'elle n'avait pas le niveau de scolarité qu'elle avait déclaré avoir dans sa demande pour obtenir le poste PM-04, et qui figurait dans les conditions essentielles.

[3]      Des discussions ont suivi auxquelles la requérante a assisté en compagnie de son représentant syndical. Ces discussions ont donné lieu aux réunions des 21 et 22 août 1995, au cours desquelles il a été convenu que la requérante serait rétrogradée au niveau PM-03 et réaffectée à un poste PM-03 dans une autre direction au sein du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et qu'une suspension de cinq jours lui serait imposée. Elle a indiqué qu'elle acceptait la rétrogradation dans une lettre en date du 23 août 1995. La suspension de cinq jours, qui lui a été signifiée par lettre, a pris effet le même jour.

[4]      En vertu des lois pertinentes (p. ex. la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique), qu'il est inutile de décrire en détail pour les fins de l'espèce, les supérieurs hiérarchiques du ministère avaient le pouvoir de mettre fin à son emploi et de lui imposer des sanctions disciplinaires, par exemple une suspension. Cependant, seule la Commission de la fonction publique a le pouvoir de révoquer ou de faire des nominations. Par conséquent, la direction ne pouvait que recommander la révocation de sa nomination au poste PM-04 et une nouvelle nomination à un poste PM-03. Cet aspect n'a cependant aucune importante parce qu'il n'y a aucune raison de croire que la Commission de la fonction publique n'était pas disposée à adopter les recommandations qui ont été faites.

[5]      Peu après le 23 août 1995, mais avant que la rétrogradation prenne effet, la requérante a changé d'idée en indiquant qu'elle n'acceptait plus d'être rétrogradée par suite de son inconduite. À cause de ce revirement de situation, la Commission de la fonction publique a établi le comité d'enquête, dont la compétence est contestée dans la présente demande.

[6]      Dans son mémoire, l'avocat de la requérante fait valoir deux arguments : (1) les questions que le comité d'enquête était chargé d'examiner sont théoriques étant donné que la requérante occupe maintenant un poste PM-03; (2) la sanction disciplinaire pour son inconduite a maintenant été exécutée, c'est-à-dire la suspension de cinq jours, et d'autres sanctions disciplinaires ne peuvent plus être prises.

[7]      L'argument portant sur le caractère théorique de la question n'a pas été débattu verbalement à l'audience parce que la preuve par affidavit, déposée par l'intimé, démontre que le poste PM-03 qu'occupe la requérante lui a été assigné par voie d'affectation seulement. Elle est toujours au niveau PM-04.

[8]      Pour ce qui a trait à l'argument selon lequel la sanction disciplinaire résultant de son inconduite a été imposée et que l'employeur ne peut modifier sa position, cet argument est fondé dans la mesure où les règles du droit du travail dans le secteur privé s'appliquent aux fonctionnaires. On fait valoir que ces règles de droit privé s'appliquent et qu'elles empêchent l'imposition d'une pénalité autre que la suspension de cinq jours qui a déjà été exécutée. Les autorités citées sont les suivantes : Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration (Décembre 1995), p. 7-163 à 7-164; Re United Electrical Radio and Machine Workers, Local 520 v. Tolman Barnes Co. Ltd. (1957), 7 L.A.C. 253 (Arbitre); Re Calgary Cooperative Association Ltd. v. Calco Club (1991), 23 L.A.C. (4th) 142, p. 147 et 149 (Arbitre).

[9]      Il n'y a pas de véritable débat quant à savoir si les règles de droit du travail dans le secteur privé s'appliquent à un fonctionnaire. Les deux avocats conviennent que tel est le cas lorsqu'un aspect particulier du contrat de service n'est pas régi par la loi. Quand il y a une lacune dans le code législatif (lois, règlements et directives émises en vertu de la loi), il est approprié d'appliquer ce que l'avocat de la requérante qualifie de règles de droit privé.

[10]      Comme je l'ai indiqué, je ne pense pas que la question en l'espèce soit de déterminer si les lois de droit privé (les lois de droit commun) s'appliquent ou non. La raison en est que, même si une analogie est établie avec le cas d'un emploi dans le secteur privé, il ne s'agit pas en l'espèce d'une situation dans laquelle l'employeur a imposé une sanction disciplinaire et cherche ensuite à imposer une sanction plus rigoureuse. En l'espèce, l'employeur et l'employée ont convenu des conséquences qui découleraient d'une conclusion d'inconduite et, par la suite, l'employée a décidé que ce qu'elle a accepté était trop sévère. On ne m'a cité aucune autorité qui établisse que, dans le contexte d'un emploi dans le secteur privé, dans les mêmes circonstances, le respect partiel d'une entente empêche l'application du reste de cette entente ou le recours à une procédure de règlement des différends.

[11]      Si un employeur ne peut désavouer une entente, comme les autorités citées par l'avocat de la requérante le démontrent, peut-être qu'en général un employé ne peut pas non plus se dédire. Quoi qu'il en soit, comme il a été noté, l'intimé a accepté que la requérante retire son consentement à la rétrogradation et ait recours à la procédure de règlement des différends prévue par la loi. Cela n'est pas sans rappeler la procédure suivie dans le cas d'un emploi dans le secteur privé. C'est-à-dire que la différence d'opinion serait réglée, dans le secteur privé, au moyen des procédures prévues dans le contrat de travail pertinent, savoir la convention collective, le cas échéant. Le retrait de son consentement par l'employé n'empêche pas l'employeur de prendre d'autres mesures.

[12]      La requérante et ses supérieurs étaient parvenus à une entente. Elle a ensuite eu l'impression d'avoir agi trop rapidement. Les dispositions législatives pertinentes qui régissent l'emploi de la requérante prévoient l'établissement d'un comité d'enquête quand des questions sont soulevées au sujet des qualifications d'une personne ou d'un comportement frauduleux dans une procédure de sélection. C'est la raison pour laquelle la question de savoir si sa nomination devrait ou non être révoquée a été renvoyée à un comité d'enquête. Le comité (M. Rosenbaum) a le pouvoir de recommander la révocation de sa nomination. Il a également le pouvoir de recommander qu'elle soit nommée à un poste pour lequel elle est qualifiée (p. ex. un poste PM-03). Il n'y a rien dans les faits qui ont été produits qui porte atteinte à la compétence de ce comité.

[13]      Il est allégué que la requérante a fait de fausses déclarations sur son niveau de scolarité quand elle a postulé le poste PM-04. Si tel est le cas, il s'agit d'une inconduite très grave, du genre de celles qui entraînent une rupture du lien de confiance essentiel aux rapports entre un employeur et un employé. Je dois toutefois réitérer une observation que j'ai faite à l'audience. Il arrive parfois que les qualifications pour un poste soient établies en fonction de titres de compétence (des diplômes), alors que certaines personnes, sans avoir les diplômes exigés, accomplissent mieux ce travail en particulier que d'autres personnes qui les ont obtenus. C'est peut-être ce qui s'est produit dans la situation de la requérante. Toutefois, cela n'excuse pas son inconduite et ne modifie pas les règles juridiques applicables.

[14]      Par ces motifs, la demande en vue d'obtenir une ordonnance de prohibition est rejetée.

                             "B. Reed"

                        

                         Juge

Toronto (Ontario)

le 12 janvier 1998

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU DOSSIER :              T-223-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ROXZANNE T. HILTON

                     - et -

                     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 9 JANVIER 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :      EDMONTON (ALBERTA)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE JUGE REED

DATE :                  LE 12 JANVIER 1998

ONT COMPARU :

                     Bruce King

                         Pour la requérante

                     Ursula Tauscher

                         Pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                     Bruce King

                     CRUICKSHANK KARVELLAS

                     Avocats et procureurs

                     3400 - 10180, 101e Rue

                     Edmonton (Alberta)

                     T5J 4W9

                         Pour la requérante

                     George Thomson

                         Sous-procureur général du Canada

                             Pour l'intimé


                            COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                            Date : 19980112
                            Dossier : T-223-97
                       Entre :
                       ROXZANNE T. HILTON,
                            requérante,
                       - et -
                       LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
                            intimé.
                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

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