Date : 20000627
Dossier : IMM-2386-99
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
demandeur
ET :
YU LAN FU
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE ROULEAU
[1] Par la présente, le demandeur sollicite une ordonnance visant l'annulation de la décision de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section d'appel), datée du 13 avril 1999.
[2] La défenderesse, Yu Lan Fu, a parrainé les demandes de résidence permanente de ses parents et de six frères et soeurs. Par une lettre datée du 28 février 1995, un agent des visas du commissariat du Canada à Hong Kong a rejeté les demandes en vertu du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration et du paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration.
[3] Le 14 juin 1995, la défenderesse a déposé un avis d'appel auprès de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié aux termes de l'article 77 de la Loi sur l'immigration. L'appel de la défenderesse a été entendu par la Section d'appel le 12 août et le 16 décembre 1998. L'appel, pour la partie qui avait trait aux parents de la défenderesse et à leurs deux plus jeunes enfants, qui avaient moins de dix-neuf ans à la date de présentation de la demande de résidence permanente, a été accueilli sur consentement.
[4] La question en litige devant la Section d'appel était de savoir si les enfants « à charge » qui étaient âgés de plus de dix-neuf ans au moment de la présentation de la demande étaient visés par la définition de « fils à charge » prévue dans la Loi. Dans une décision datée du 13 avril 1999, la Section d'appel a accueilli l'appel pour la partie qui avait trait à ces deux enfants, et a décidé que la période pertinente pour déterminer si un enfant à charge est « inscrit et [...] a suivi sans interruption ce genre de cours depuis la date de ses 19 ans » était la date à laquelle l'agent des visas avait pris la décision de ne pas délivrer un visa, à savoir, le 28 février 1995. À cet égard, la décision énonce ce qui suit :
[TRADUCTION] L'avocat de l'intimé est d'avis que même si l'appelante était en mesure de prouver maintenant dans le cadre de l'appel qu'un ou plusieurs des fils satisfaisaient aux exigences selon lesquelles ils doivent être des étudiants à temps plein, et que l'agent des visas a simplement commis une erreur, il importe peu que l'appelante réussisse maintenant à prouver une telle erreur dans le cadre d'un appel devant la Section d'appel. Le fils doit toujours satisfaire à l'exigence selon laquelle il doit être un étudiant à temps plein à la date de l'audition de l'appel , sans égard à l'écoulement du temps. |
Pour les motifs énoncés dans la décision Balanay, qui a depuis été confirmée par la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans Yep, notre formation rejette la prétention selon laquelle les droits d'appel prévus dans la Loi sur l'immigration peuvent être ainsi rendus inopérants. Par conséquent, la formation tiendra compte des faits tels qu'ils étaient à la date où l'agent des visas a pris la décision de délivrer ou non le visa : le 28 février 1995. |
[5] Le ministre vise maintenant l'annulation de cette décision au motif que la Section d'appel a eu tort de considérer que la date pertinente pour déterminer si un enfant à charge satisfait au critère prévu par la Loi est la date à laquelle l'agent des visas a pris sa décision. Il soutient que puisqu'un appel devant la Section d'appel constitue une audition de novo, la Section d'appel doit déterminer si un demandeur du droit d'établissement parrainé est visé par la définition de parent à la date de l'audience devant la Section d'appel. La Couronne allègue qu'aucun des deux enfants en question n'était visé par la définition de parent prévue au Règlement, à la date de l'audience devant la Section d'appel. Par conséquent, la décision de la Section d'appel est erronée et devrait être annulée.
[6] Je ne suis pas d'accord avec le point de vue du ministre et je rejette la demande pour les raisons suivantes.
[7] La question sous-jacente en l'espèce est de savoir si les frères de la défenderesse satisfaisaient au critère énoncé dans la loi relativement à l'inscription et à la fréquentation à titre d'étudiants à temps plein, au moment où l'agent des visas a reçu la demande de visa et selon les renseignements reçus par cet agent des visas. Il s'agissait de la question juridique dont était saisi l'agent des visas et il s'agissait également de la question juridique dont était saisie la Section d'appel.
[8] Le libellé du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration est très clair quant au fait que la détermination de « personne à charge » et de « fils à charge » est directement liée au moment où un agent d'immigration reçoit la demande de visa d'immigrant et est fondée sur les renseignements reçus par cet agent. Les dispositions pertinentes sont les suivantes :
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[9] L'écoulement du temps qui résulte de l'exercice d'un droit d'appel prévu par la loi ne change pas la question à laquelle la loi commande que l'on réponde. Cela ne signifie pas que l'audition devant la Section d'appel ne sera pas de la nature d'un procès de novo ou que la formation saisie ne pourra pas entendre de nouveaux éléments de preuve. Ce que cela signifie, c'est que la question de droit dont était saisi l'agent des visas était la même que celle dont était saisie la Section d'appel. La formation a donc eu entièrement raison de décider que la date pertinente aux fins de déterminer si un enfant est un « fils à charge » était la date à laquelle l'agent des visas a pris la décision de ne pas délivrer les visas.
[10] Le fait d'accepter l'argument du ministre aurait bien sûr l'effet de transférer tout le fardeau sur la défenderesse. Elle aurait alors non seulement à établir que ses frères satisfaisaient aux exigences selon lesquelles ils devaient être des étudiants à temps plein au moment de la demande de visa d'immigrant, mais qu'ils satisfaisaient toujours à ces exigences au moment de l'audience devant la Section d'appel. Je ne vois rien dans le libellé de la loi au soutien de cette prétention.
[11] Pour ces motifs, la demande est rejetée.
« P. ROULEAU »
JUGE
OTTAWA (Ontario)
Le 27 juin 2000
Traduction certifiée conforme
Kathleen Larochelle, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-2386-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
c. Yu Lan Fu
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 18 mai 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR : Monsieur le juge Rouleau
EN DATE DU : 27 juin 2000
ONT COMPARU :
Neeta Logsetty pour le demandeur
Yu Lan Fu
en son propre nom pour la défenderesse
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada pour le demandeur