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Date : 19980630


Dossier : T-421-97

OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 30 JUIN 1998

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE McGILLIS

ENTRE :

     FAULDING CANADA INC.,

     demanderesse,

     - et -

     PHARMACIA S.p.A.,

     défenderesse.

     ORDONNANCE

     L"appel est accueilli avec dépens. Les dépens de la requête devant le protonotaire adjoint sont également adjugés à la demanderesse.

                                 _________________________
                                         Juge

Traduction certifiée conforme

________________________

C. Bélanger, LL.L.


Date : 19980630


Dossier : T-421-97

ENTRE :

     FAULDING CANADA INC.,

     demanderesse,

     - et -

     PHARMACIA S.p.A.,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE McGILLIS

INTRODUCTION

[1]          La demanderesse a interjeté appel d"une ordonnance du protonotaire adjoint Giles, datée du 19 juin 1998, lui enjoignant de répondre à certaines questions dans le cadre de l"interrogatoire préalable. L"ordonnance dont il s"agit n"est pas motivée.

LES FAITS

[2]          En 1990, la demanderesse a déposé une présentation de drogue nouvelle auprès du ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (le ministre), en vue d"obtenir l"approbation de la commercialisation du chlorhydrate de doxorubicine sous deux formes posologiques, une poudre lyophilisée et une solution. À la suite de la prise du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) , DORS/93-133 (le Règlement), la demanderesse devait prendre position à l"égard de deux brevets appartenant à la défenderesse, dont le brevet canadien n 1,291,037 ('037). La demanderesse n"a pas fait d"allégation de non-contrefaçon à l"égard du brevet '037. Par la voie d"une demande de contrôle judiciaire formée selon le Règlement , la défenderesse a tenté sans succès d"obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité jusqu"à l"expiration des deux brevets. En 1995, la demanderesse a reçu un avis de conformité pour son produit en poudre. Quant à sa demande d"avis de conformité pour son produit en solution, elle est encore pendante.

[3]          En 1997, la demanderesse a intenté la présente action visant l"invalidation du brevet '037. Dans sa déclaration, la demanderesse a allégué que l"objet du brevet '037 n"était pas une invention et que, de toute façon, l"invention n"était pas nouvelle. Elle alléguait encore que le brevet était invalide en raison de l"insuffisance du mémoire descriptif, de l"insuffisance de la divulgation ou de l"absence d"utilité pour divers motifs. La défenderesse a contesté toutes les allégations d"invalidité et a également plaidé que la demanderesse n"avait pas qualité pour intenter l"action.

[4]          La défenderesse a interrogé au préalable la demanderesse le 24 février 1998. Au cours de l"interrogatoire, la défenderesse a cherché à obtenir de l"information et des documents faisant partie de la présentation de nouvelle drogue, document confidentiel de la demanderesse, à l"égard du produit en solution présenté. En particulier, la défenderesse a demandé de l"information et des documents concernant la formulation, la méthode de fabrication, les spécifications du produit fini, la toxicité, la stabilité et l"efficacité comparative du produit en solution présenté par la demanderesse. Elle voulait également obtenir la production des projections de ventes de la demanderesse et de l"information touchant le développement de son produit en solution, ainsi que des données sur la stabilité du produit. La demanderesse a refusé de répondre à toutes les questions portant sur ces sujets.

LA QUESTION EN LITIGE

[5]          La question à trancher en appel est la suivante : est-ce clairement à tort que le protonotaire adjoint Giles a ordonné à la demanderesse de répondre aux questions en cause?



ANALYSE

i) L"évidence

[6]          L"avocate de la demanderesse a fait valoir que l"information contenue dans la présentation de nouvelle drogue au sujet du produit en solution n"est pas pertinente quant aux questions touchant l"invalidité du brevet pour le motif que ce produit n"était pas présenté comme une antériorité par rapport au brevet '037. En outre, en ce qui touche l"évidence, qui doit s"apprécier à la date de l"invention, elle a noté que le brevet '037 comprend deux composantes, à savoir une divulgation principale et une divulgation supplémentaire, portant respectivement les dates de priorité du 2 août 1985 et du 5 décembre 1986. Comme la présentation de nouvelle drogue n"a été déposée que le 28 septembre 1990, elle plaide que le contenu de ce document ne peut être pertinent à l"égard de l"évidence pour le motif que le document est postérieur à la date de l"invention. J"accepte cet argument. Le contenu de la présentation de nouvelle drogue n"est donc pas pertinent pour apprécier l"évidence.

ii) L"insuffisance de la divulgation

[7]          L"avocate de la demanderesse a également fait valoir que l"information contenue dans la présentation de nouvelle drogue est non pertinente par rapport à la question de l"invalidité du brevet pour insuffisance de la divulgation pour le motif que le brevet '037 a été délivré et est devenu public le 22 octobre 1991, plus d"un an après le dépôt de la présentation de nouvelle drogue. De ce fait, la demanderesse n"aurait pas été en mesure de s"appuyer sur les instructions données dans le brevet '037 pour développer et formuler son produit en solution. À l"appui de sa position, elle invoque l"arrêt Allied Signal Inc. c. DuPont Canada Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 417 (C.A.F.), dans lequel la Cour d"appel fédérale a statué que la date de délivrance du brevet était la date à laquelle il fallait se situer pour apprécier si un brevet est invalide pour insuffisance de la divulgation.

[8]          À quoi l"avocat de la défenderesse oppose que le brevet '037 comportait une revendication hybride, contenant à la fois une divulgation principale et une divulgation supplémentaire. En 1986 ou 1987, un brevet étranger, contenant la même information qu"une partie au moins du brevet '037, a été délivré et rendu public avant le dépôt de la présentation de nouvelle drogue. Il soutient donc que la demanderesse a eu accès à l"information qui s"est retrouvée par la suite dans le brevet '037 avant la rédaction de sa présentation de nouvelle drogue. Il en conclut que le contenu de la présentation de nouvelle drogue était pertinent par rapport à la question de l"invalidité pour insuffisance de la divulgation.

[9]          Je ne puis admettre l"argumentation de l"avocat de la défenderesse. En règle générale, l"insuffisance de la divulgation doit s"apprécier en fonction du brevet en cause, sans référence à d"autres documents ou informations [voir Beecham Canada Ltd. et al. c. Proctor & Gamble Co . (1982), 61 C.P.R. (2d) 1 (C.A.F.); Hi-Qual Manufacturing Ltd. et al. c. Rea's Welding & Steel Supplies Ltd. (1994), 55 C.P.R. (3d) 224 (C.F. 1re inst.)]. Il faut donc traiter cette question en fonction de la date de délivrance du brevet '037, et non de celle d"un brevet étranger. En d"autres termes, on ne peut se servir du brevet étranger pour l"interprétation du brevet '037. De toute façon, je note l"absence au dossier de toute preuve établissant que le brevet étranger et le brevet '037 sont identiques. Je conclus donc que le contenu de la présentation de nouvelle drogue, dont la défenderesse allègue qu"il peut être fondé sur les instructions du brevet étranger, n"est pas pertinent pour apprécier la question de l"insuffisance de la divulgation dans le brevet '037.

iii) L"utilité

[10]          En ce qui concerne la question de l"invalidité du brevet pour absence d"utilité, l"avocate de la demanderesse a rappelé que le critère pour juger de l"utilité d"une invention avait été défini par le juge Simpson dans la décision Visx Inc. v. Nidek Co. Ltd. et al . (1995), 68 C.P.R. (3d) 272; confirmée par 72 C.P.R. (3d) 19 (C.A.F.), dans les termes suivants, à la page 275 :

         Le véritable critère de l"utilité d"une invention consiste à se demander si celle-ci, lorsqu"elle est mise en pratique par une personne compétente, réalisera ce qu"elle est censée réaliser et sera pratiquement utile au moment où le brevet est accordé, pour les fins indiquées par le breveté.                 

[11]          L"avocate de la demanderesse a fait valoir que, selon le critère correct de l"utilité, la toxicité ou les effets secondaires du produit de la demanderesse sont non pertinents pour décider de la validité du brevet de la défenderesse. Je suis d"accord avec cet argument. À mon avis, l"utilité doit s"apprécier par rapport à l"invention effective décrite dans le brevet, et non par rapport à quelque autre produit. À titre subsidiaire, le contenu de la présentation de nouvelle drogue n"est pas pertinent pour apprécier l"utilité sur le fondement que les instructions contenues dans le brevet '037, qui est devenu public en octobre 1991, n"étaient pas accessibles à la demanderesse au moment de la rédaction de la présentation en 1990. En outre, pour les raisons déjà indiquées, on ne peut utiliser les instructions données dans le brevet étranger pour l"interprétation du brevet '037.

iv) Le développement du produit de la demanderesse

[12]          En ce qui a trait aux questions concernant la chronologie et le développement du produit en solution présenté par la demanderesse, l"avocate de celle-ci a plaidé que les travaux de développement de la demanderesse ne sont pas pertinents pour décider si la défenderesse a exécuté son obligation de divulgation. Je suis d"accord avec cet argument.

v) La qualité pour agir

[13]          L"avocate de la demanderesse a également fait valoir que c"est à tort que le protonotaire Giles a permis à la défenderesse de poser des questions concernant le fond de la présentation de nouvelle drogue pour obtenir des renseignements sur la qualité pour agir de la demanderesse. Celle-ci allègue notamment avoir qualité pour attaquer la validité du brevet pour le motif que le brevet '037 l"empêche d"obtenir un avis de conformité pour son produit en solution. À mon avis, les parties ont accès à une quantité suffisante de faits objectifs pour débattre, à l"instruction, la question de la qualité pour agir. De plus, je suis convaincue que le contenu de la présentation de nouveau médicament n"est pas pertinent pour décider si la demanderesse est une personne possédant l"intérêt pour attaquer la validité du brevet.

vi) La stabilité

[14]          La demanderesse a plaidé que les faits concernant la stabilité de la doxorubicine reconstituée font partie de l"état antérieur de la technique. L"avocate de la demanderesse fait valoir toutefois que tout élément de preuve dans la présentation de nouvelle drogue se rapportant à la stabilité n"est pas pertinent pour le motif qu"il ne pouvait s"agir d"une antériorité à la date pertinente en 1985 ou 1986. À cet égard, l"avocate de la demanderesse a noté que la demanderesse a été constituée en 1988 et n"a fait sa demande d"avis de conformité qu"en 1990.

[15]          Bien que l"avocat de la défenderesse ait traité de la question de la stabilité, il n"a pas répondu directement aux arguments de l"avocate de la demanderesse. Il a plutôt soutenu que la stabilité se rattachait à la question de l"utilité et que toute information sur la stabilité contenue dans la présentation de nouvelle drogue était pertinente.

[16]          Vu que la date à laquelle il faut apprécier la technique antérieure pour décider de la validité du brevet de la demanderesse est 1985 ou 1986, je conviens avec l"avocate de la demanderesse que l"information demandée au sujet de la présentation de nouvelle drogue, qui a été rédigée en 1990, n"est pas pertinente par rapport à la question de la stabilité aux fins de l"action.


vii) Le succès commercial

[17]          Enfin, l"avocate de la demanderesse a soutenu que c"est à tort que le protonotaire adjoint Giles a ordonné la production des chiffres des ventes projetées de son produit en solution. À mon avis, les ventes futures hypothétiques du produit en solution de la demanderesse sont non pertinentes pour apprécier le succès commercial de l"invention de la défenderesse.

DÉCISION

[18]          Pour ces motifs, je conclus que c"est clairement à tort que le protonotaire adjoint Giles a ordonné à la demanderesse de répondre à toutes les questions en cause. L"appel est accueilli avec dépens. Les dépens de la requête devant le protonotaire adjoint Giles sont également adjugés à la demanderesse.

OTTAWA                              _________________________
Le 30 juin 1998                                  Juge

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, LL.L.     

     COUR FÉDÉRALE

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N DU GREFFE :              T-421-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      FAULDING CANADA INC.

                     c. PHARMACIA S.p.A.

LIEU DE L"AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :          LE 25 JUIN 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE McGILLIS

EN DATE DU :              30 JUIN 1998

ONT COMPARU :

SUSAN BEAUBIEN          POUR LA DEMANDERESSE
GUNARS GAIKIS              POUR LA DÉFENDERESSE

et

SONAGH McVEAN

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SHAPIRO COHEN              POUR LA DEMANDERESSE

OTTAWA (ONTARIO)

SMART & BIGGAR              POUR LA DÉFENDERESSE

TORONTO (ONTARIO)

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