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     Date : 19981127

     Dossier : IMM-3600-98

Entre

     WING SUM CHOW,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le protonotaire JOHN A. HARGRAVE

[1]      Le demandeur souhaite signifier et déposer un affidavit complémentaire, celui de James Norris, en même temps qu'un dossier modifié. L'affidavit complémentaire, lequel comprend des documents qui n'étaient en la possession ni de M. Norris ni du demandeur au moment de la signification du dossier de ce dernier en septembre 1998, vise à répondre à l'affidavit établi par Elisabeth Klak le 1er octobre 1998 et versé au dossier par le défendeur.

[2]      Alors que le demandeur pensait que la décision qu'il doit contester en l'espèce est celle qui a été rendue le 2 juin 1998, c'est-à-dire celle qui lui a été communiquée, Mme Klak témoigne qu'elle avait tranché seule l'affaire le 7 octobre 1997, ainsi qu'en fait état un document portant la même date et intitulé " Réexamen RH (IE 9.07) ". L'affirmation par Mme Klak qu'elle a rendu seule la décision en question (affidavit Klak du 1er octobre 1998, paragraphe 18) est un facteur important car dans un document daté du 1er juin 1998 et intitulé " Sommaire du rapport fait en application de l'art. 27(2) ", qu'a obtenu récemment le demandeur en vertu de la Loi sur l'accès à l'information , Mme Klak a écrit ce qui suit :

     [TRADUCTION]

     Il est recommandé que la demande de résidence permanente faite par l'intéressé à l'intérieur du Canada soit rejetée, et qu'il lui soit ordonné de quitter le Canada.         

Le gestionnaire à qui le document du 1er juin 1998 était adressé, J. M. Redmond, y a inscrit son approbation le 2 juin 1998. Il semble donc que la décision fut rendue à ce moment-là. Il y a lieu de noter que malgré la décision qu'elle affirme avoir rendue en octobre 1997, Mme Klak continuait à demander d'autres documents à M. Chow et à son conseiller en immigration jusqu'en juin 1998. Il échet donc d'examiner si elle a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en préjugeant de l'affaire avant d'avoir en main tous les documents demandés. Il y a aussi, comme noté supra, la question de savoir qui a rendu la décision applicable, étant donné l'échange entre Mme Klak et son gestionnaire.

[3]      Indépendamment de la question de savoir si le témoin cité par le défendeur, savoir Mme Klak, a induit en erreur le demandeur et son conseiller en immigration, James Norris, il appert que ce témoin a été pris à son propre piège, par l'emploi irréfléchi de la forme passive impersonnelle " Il est recommandé " dans le document du 1er juin 1998 " formule dont Sir Ernest Gowers (rédacteur, 2e édition de l'ouvrage Fowler's Modern English Usage, Oxford University Press 1968) a dit qu'elle [TRADUCTION] " trahit souvent une dérobade pusillanime " " et par l'approbation inscrite par son gestionnaire au-dessous de cette recommandation.

[4]      L'affidavit de M. Norris, que le demandeur Wing Sum Chow demande à déposer, introduit divers documents obtenus, comme noté supra, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Ces documents jettent aussi la lumière sur la documentation que Mme Klak avait demandée et reçue de Hong Kong, laquelle, qui n'est pas incluse dans les documents obtenus par M. Chow, comprend son dossier d'immigration, y compris une renonciation signée par sa mère, Moon Chun Chan, en 1993. Il appert que Mme Klak a tenu compte de cette renonciation dans sa décision du 7 octobre 1997.

[5]      Le demandeur soutient que toute la documentation qu'il demande à déposer représente sa réponse aux allégations contenues dans l'affidavit du 1er octobre 1998 de Mme Klak.

[6]      Aucun de ces documents ne serait particulièrement significatif dans le contexte de la décision du 2 juin 1998, visée par le recours en instance, mais ils pourraient être un facteur en raison de la décision du 7 octobre 1997, dont il a été fait mention pour la première fois, à la grande surprise du demandeur, dans l'affidavit de Mme Klak, car il est clair que le demandeur Wing Sum Chow et son avocat pensaient que leur recours était dirigé contre la décision du 2 juin 1998, que leur a transmise Mme Klak par lettre en date du 3 juin 1998. N'eût été cette confusion, vraiment trompeuse, même sur la question de savoir qui a rendu la décision, tous ces documents pourraient être dénués d'intérêt en l'espèce.

[7]      Le dépôt de nouveaux documents n'est pas habituellement autorisé sur recours en contrôle judiciaire, mais rien n'en prévoit expressément l'inadmissibilité. Il y a lieu de citer à ce propos Nguyen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 107 D.L.R. (4th) 186. Dans cette affaire, Mme le juge Reed de la Section de première instance de la Cour fédérale était appelée à se prononcer sur la requête en dépôt, par affidavit complémentaire, de la transcription de l'audience de la Commission, dont la décision était attaquée en contrôle judiciaire. Elle a rappelé que la règle 6 des Règles de la Cour fédérale en vigueur à l'époque (la règle 55 actuelle) autorisait la Cour, dans les circonstances spéciales et sous réserve de toute condition appropriée, à dispenser de l'observation d'une règle dans l'intérêt de la justice. En conséquence, elle a autorisé le dépôt d'un bref affidavit auquel était jointe la transcription en question.

[8]      La règle 55 prévoit ce qui suit :

     Dans des circonstances particulières, la Cour peut, sur requête, dispenser de l'observation d'une disposition des présentes règles.         

La condition expresse est qu'il y ait des circonstances particulières. Mais ces circonstances particulières impliquent d'une part la justice et, d'autre part, l'absence de préjudice. Certainement, la Cour a à l'occasion refusé l'autorisation de déposer par affidavit des documents en réponse. C'est en particulier le cas lorsque le contenu de la réponse a été ou aurait pu être invoqué par le demandeur dans son affidavit déposé à l'origine à l'appui de la demande d'autorisation et recours en contrôle judiciaire. Dans pareil cas, un affidavit complémentaire est manifestement hors de question; voir par exemple les motifs pris par le juge Strayer dans Lioubimenko c. M.C.I. (1994), 79 F.T.R. 233 en page 234, où, rejetant la requête en dépôt de nouveaux documents par voie d'affidavit complémentaire, il a fait entre autres l'observation suivante :

     Tout d'abord, les documents produits en guise de réponse tardive aux observations de la partie intimée relativement à la demande initiale de prorogation du délai ne sont pas, pour la majeure partie, le sujet adéquat d'une réplique. Ces documents tentent de présenter des arguments que les requérants auraient dû soumettre dans leur demande initiale.         

Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce. Il est vrai que les pièces jointes à l'affidavit Norris faisaient partie du dossier d'immigration du demandeur, mais celui-ci n'en a reçu communication, par l'intermédiaire de M. Norris, qu'à la suite d'une demande faite récemment sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information. Ce ne sont pas des documents qu'il avait en main lors de l'introduction de son recours. De fait, ils n'avaient aucune signification particulière avant que Mme Klak, d'Immigration Canada, n'eût révélé, dans son affidavit du 1er octobre 1998, l'existence d'une décision secrète rendue en octobre 1997, bien longtemps avant celle qui a été effectivement communiquée au demandeur.

[9]      Vu la révélation étonnante faite par Mme Klak qu'elle avait rendu une décision secrète en octobre 1997, bien que ce fût la même décision qu'elle-même et son gestionnaire rendirent en juin 1998, il y a en l'espèce une circonstance extraordinaire. Afin que justice soit rendue et en fait, pour épargner un préjudice au demandeur, il faut autoriser le dépôt des documents en question. Ce dépôt ne causera aucun préjudice au défendeur, tant que celui-ci aura la possibilité d'y répondre.

     Signé : John A. Hargrave

     ________________________________

     Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique),

le 27 novembre 1998

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              IMM-3600-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Wing Sum Chow

                     c.

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE

LE :                      27 novembre 1998

ONT COMPARU :

M. John R. McMillan              pour le demandeur

Mme Lori Jane Turner              pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. John R. McMillan                  pour le demandeur

Wood & McMillan

Victoria (C.-B.)

M. Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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