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Date: 19990312


Dossier : IMM-5430-97

ENTRE


ENRICO VILLANUEVA VALDEZ,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d"appel de l"immigration a rejeté, le 10 novembre 1997, l"appel interjeté contre une mesure de renvoi qui avait été prise le 29 septembre 1993. La mesure de renvoi avait été prise parce que le demandeur n"avait pas pu convaincre l"agent au point d"entrée ou, par la suite, l"arbitre que les personnes à sa charge et lui-même satisfaisaient à toutes les exigences de la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et du Règlement sur l"immigration de 1978, DORS/78-172, soit une exigence prévue à l"article 12 du Règlement.

[2]      Le demandeur, qui est citoyen des Philippines, est arrivé au Canada le 12 septembre 1992 à titre de personne à charge qui accompagnait son père, celui-ci ayant été parrainé par le frère du demandeur. Lorsqu"il est arrivé au Canada, le demandeur avait 23 ans, mais la demande initiale avait été traitée à un moment où il était admissible à titre de personne à charge qui accompagnait un demandeur. En 1990, le demandeur avait signé devant un agent des visas, à Manille, une déclaration sous serment dans laquelle il déclarait ne pas être marié et ne pas avoir d"enfants. La déclaration disait également que le demandeur informerait l"ambassade du Canada de tout changement survenu dans sa situation avant de se rendre au Canada. En mars 1992, lorsqu"il était allé chercher son visa, le père avait également signé une déclaration sous serment dans laquelle il déclarait que son fils (le demandeur) n"était pas marié et qu"il n"avait pas d"enfants.

[3]      Lorsqu"il est arrivé au Canada, le demandeur a dit à l"agent au point d"entrée qu"en fait, il avait trois enfants, nés le 7 avril 1988, le 11 août 1990 et le 22 mars 1992. Il n"était pas marié, mais il avait habité avec sa conjointe de fait, qui était la mère de ses trois enfants.

[4]      Un rapport a donc été préparé en vertu de l"alinéa 20(1)a ) et le cas a été signalé à un agent principal. Le rapport disait que l"agent au point d"entrée estimait que le fait d"admettre le demandeur contreviendrait à la Loi ou aux règlements parce que celui-ci ne pouvait pas satisfaire aux exigences de la Loi sur l"immigration. Au point d"entrée, le demandeur n"a pas pu établir que les personnes à sa charge satisfaisaient aux exigences de la Loi et des règlements aux fins de la délivrance d"un visa. Dans le rapport, il était également mentionné que le demandeur n"avait pas répondu franchement aux questions qui lui avaient été posées lorsqu"il avait demandé son visa et qu"il avait donc enfreint le paragraphe 9(3) de la Loi.

[5]      On a demandé à un arbitre d"effectuer une enquête à l"égard de ces allégations. L"arbitre a rejeté l"allégation selon laquelle le demandeur violait le paragraphe 9(3) en se fondant sur la décision rendue par la Cour d"appel fédérale dans l"affaire Kang c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1981] 2 C.F. 807 (C.A.). Toutefois, il a conclu que les allégations relatives à l"article 12 du Règlement , étaient valides. L"arbitre a statué qu"en vertu de l"article 12 du Règlement , M. Valdez était tenu d"établir, au moment où il entrait au Canada, que les personnes à sa charge et lui étaient admissibles, c"est-à-dire qu"ils satisfaisaient à toutes les exigences de la Loi et des règlements.

[6]      Le demandeur a interjeté appel contre la décision de l"arbitre devant la Section d"appel de l"immigration (la SAI). L"audition de cet appel a eu lieu le 11 décembre 1995, le 20 septembre 1996 et le 21 février 1997. La décision, par laquelle la décision de l"arbitre était confirmée, a été rendue publique le 10 novembre 1997. C"est cette décision qui est ici en cause.

[7]      Le demandeur soutient qu"on ne lui a jamais expressément dit quelles étaient les exigences de la Loi et des règlements auxquelles il ne satisfaisait pas. Il a soutenu que le rapport fondé sur l"alinéa 20(1)a ) était trop vague pour servir de fondement à une enquête régulière. Il a également soutenu qu"il n"avait pas à établir son admissibilité ou celle des personnes à sa charge devant l"agent au point d"entrée. Selon le demandeur, la nature nouvelle de l"audience tenue par la SAI est telle que cette dernière pourrait substituer une conclusion d"admissibilité aux décisions contraires qui ont été prises par les agents d"immigration en se fondant sur la preuve obtenue après que les agents eurent pris leurs décisions, mais avant que la SAI entende l"appel.

[8]      Ces arguments ne sont pas fondés. On ne saurait croire que le demandeur ne connaissait pas le fondement de l"enquête ou les décisions qui étaient prises. Selon la preuve fournie à la SAI, le demandeur avait délibérément omis de révéler l"existence de ses enfants lorsqu"il avait demandé un visa aux Philippines; il avait été conseillé par son frère qui, agissant sur les conseils d"un avocat canadien, lui avait dit de ne pas révéler leur existence tant qu"il n"était pas au Canada.

[9]      La SAI a rejeté l"appel interjeté par le demandeur en disant que l"article 12 du Règlement l"obligeait à démontrer, au point d"entrée, que les personnes à sa charge satisfaisaient à toutes les exigences de la Loi et des règlements et qu"étant donné qu"il n"avait pas révélé l"existence des enfants à sa charge lorsqu"il avait demandé un visa aux Philippines, ses propres actions l"empêchaient de le faire :

         [TRADUCTION]                  
         En vertu de l"article 12, il est tenu de démontrer que les personnes à sa charge satisfont à toutes les exigences de la Loi et des règlements, et notamment aux exigences concernant l"examen médical et l"avis de deux médecins. Même en l"absence du témoignage oral de l"agent d"immigration qui a rédigé le rapport fondé sur l"alinéa 20(1)a ), il serait évident que l"appelant n"aurait pas pu satisfaire aux exigences de la Loi ou des règlements à l"égard de ces enfants.                  

[10]      La décision est clairement correcte en droit et elle est pleinement étayée par les faits dont disposait la SAI.

[11]      L"avocat du demandeur a soutenu que la SAI avait commis une erreur en ne considérant pas comme pertinente aux fins de l"appel la preuve recueillie après que l"arbitre eut rendu sa décision (soit les documents établissant le lien de parenté entre les enfants et le demandeur et les évaluations médicales des enfants) et en ne reconnaissant pas l"admissibilité de son client compte tenu de cette preuve. L"avocat a cité des décisions relatives à des demandes de parrainage dans lesquelles la SAI avait admis des éléments de preuve découverts après que l"agent des visas eut pris la décision visée par l"appel. La compétence de la SAI en pareil cas est différente de celle qu"elle a en l"espèce. Les affaires de parrainage ne s"appliquent pas à la situation du demandeur. De fait, si l"argument de l"avocat était exact, toute la procédure énoncée dans la Loi sur l"immigration deviendrait futile étant donné qu"un immigrant éventuel n"aurait jamais à établir son admissibilité avant d"arriver au Canada ou à un moment donné avant d"interjeter appel devant la SAI.

[12]      La SAI peut utiliser ce que j"ai appelé une preuve nouvellement créée dans les affaires de parrainage et lorsqu"elle effectue des évaluations en vertu de la compétence qu"elle possède en equity , mais elle ne peut pas le faire lorsqu"elle détermine si la décision rendue par un arbitre sur une question de droit ou de fait est correcte. Dans ce dernier cas, c"est la preuve qui existait au moment où l"arbitre a rendu sa décision qui est pertinente.

[13]      De plus, même si la Commission pouvait examiner une preuve nouvellement créée et rendre le genre de décision que le demandeur sollicite en l"espèce, les nouveaux éléments de preuve qui ont été présentés n"étayent pas l"allégation selon laquelle le demandeur a établi qu"il satisfait à toutes les exigences de la Loi. Les évaluations médicales des enfants qui figurent dans les documents ne sont pas des évaluations officielles et, de fait, une des évaluations laisse entendre que l"un des enfants n"est peut-être pas admissible au point de vue médical. Par conséquent, l"argument selon lequel la SAI aurait dû tenir compte de cet élément de preuve et tirer sa propre conclusion au sujet de l"admissibilité ne rime à rien. Je tiens à faire remarquer que les conséquences susmentionnées ne rendent pas inopérant l"alinéa 12b ) du Règlement, en vertu duquel les immigrants doivent révéler à l"agent au point d"entrée tout fait pertinent qui n"a pas antérieurement été révélé. Un grand nombre de faits peuvent ne pas avoir déjà été révélés, ou encore les circonstances peuvent avoir changé, sans pour autant empêcher l"immigrant éventuel de satisfaire aux exigences de la Loi et des règlements au point d"entrée.

[14]      On a mentionné avec insistance la décision Flores dans laquelle le demandeur, qui cherchait à être admis à titre de résident permanent, n"avait pas révélé l"existence d"un enfant qui était né pendant que sa demande était traitée. Le demandeur avait révélé l"existence de deux autres enfants, et les renseignements habituels avaient été donnés dans la demande de visas. Lors de l"appel interjeté devant la SAI contre la décision par laquelle on refusait d"admettre M. Flores, le défendeur avait proposé que l"appel soit entendu " en chambre " et que la SAI rende conformément à l"alinéa 74(1)b ) une ordonnance portant que M. Flores devait faire l"objet d"un interrogatoire comme s"il demandait l"admission au point d"entrée. Selon certains éléments de preuve, l"enfant à charge dont l"existence n"avait pas été révélée avait subi l"évaluation médicale officielle nécessaire. Le ministre défendeur avait demandé à la SAI de faire droit à l"appel conformément à l"alinéa 73(1)a ). C"est ce qui a été fait.

[15]      En l"espèce, en examinant la décision Flores , la SAI a considéré à tort qu"il s"agissait d"une décision rendue sur consentement en vertu de la compétence que la SAI avait en equity. Je suis convaincue que dans l"affaire Flores , la SAI s"est méprise sur les pouvoirs qu"elle possédait lorsqu"elle a signé une ordonnance fondée sur l"alinéa 73(1)a ), même si elle pouvait obtenir le même résultat en exerçant sa compétence en equity. En rendant sa décision, la SAI a cité la mauvaise disposition législative habilitante. Elle a eu raison de dire que les jugements rendus sur consentement n"ont pas valeur de précédents.

[16]      En exerçant la compétence qu"elle possède en equity en l"espèce, la SAI a conclu que le demandeur avait délibérément essayé de contourner la législation canadienne en matière d"immigration et qu"il l"avait fait avec l"appui complet de sa famille. La formation a conclu que l"appelant n"avait au Canada aucune personne à sa charge étant donné que sa conjointe et ses trois enfants habitaient aux Philippines. La formation a reconnu que les emplois peuvent être rares dans ce pays, et les salaires faibles, mais elle a fait remarquer que le demandeur et ses enfants ne faisaient pas face à des difficultés particulières auxquelles il serait possible de remédier en l"autorisant à rester au Canada.

[17]      Par conséquent, la SAI a conclu que rien ne permettait de ne pas renvoyer l"appelant du Canada conformément à une mesure d"exclusion valide.

[18]      Il n"a pas été établi que la décision de la SAI ait été erronée. Pour les motifs susmentionnés, la demande est rejetée.

                 " B. Reed "     

                 _________________

                 Juge

TORONTO (ONTARIO)

Le 12 mars 1999.

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      IMM-5430-97

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ENRICO VILLANUEVA VALDEZ

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :      LE MERCREDI 10 MARS 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Reed en date du 12 mars 1999

COMPARUTIONS :

Peter Haber          pour le demandeur

Marianne Zoric          pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Haber      pour le demandeur

Avocat

Bureau 301, Carlton on the Park

120, rue Carlton

Toronto (Ontario)

M5A 4K2

Morris Rosenberg      pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


                                                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                                                          Date : 19990312
                                                          Dossier : IMM-5430-97
                                                     Entre :
                                                     ENRICO VILLANUEVA VALDEZ,
                                                          demandeur,
                                                     et
                                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
                                                     ET DE L"IMMIGRATION,
                                                          défendeur.
                                                    
                                                     MOTIFS DE L"ORDONNANCE
                                                    

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