Date : 20011025
Dossier : T-2406-93
Référence neutre : 2001 CFPI 1162
ENTRE :
JAMES W. HALFORD et
VALE FARMS LTD.
demandeurs
et
SEED HAWK INC., PAT BEAUJOT,
NORBERT BEAUJOT, BRIAN KENT et
SIMPLOT CANADA LIMITED
défendeurs
[1] La Cour doit se prononcer sur un problème inusité qui a son origine dans le déroulement particulier de la présente affaire. Un des témoins des demandeurs, le Dr Tessier, a produit trois affidavits. Le premier contenait son témoignage recueilli à l'interrogatoire principal, conformément à l'article 279 des règles. Au cours du déroulement des procédures préparatoires au procès, des affidavits supplémentaires ont été déposés en réponse à des affidavits des experts des défendeurs portant tant sur la question de la contrefaçon, à savoir l'action principale des demandeurs, que sur celle de la nullité, soit une demande reconventionnelle dans laquelle les demandeurs sont les défendeurs. Certains paragraphes du deuxième affidavit auraient trait à la contrefaçon et peuvent être considérés de façon autonome, sans faire référence aux affidavits qui ont pu causer leur préparation. Les demandeurs cherchent à inclure ces paragraphes additionnels à leur preuve principale, au lieu d'attendre que les experts des défendeurs aient témoigné.
[2] M. Macklin s'oppose à cette façon d'agir au motif qu'elle prive son client de son droit de répondre aux paragraphes additionnels comme ce dernier aurait pu le faire si ces éléments de preuve avaient fait partie du premier affidavit. En vertu des règles, la preuve d'expert recueillie à l'interrogatoire principal n'est pas admissible si elle ne figure pas dans un affidavit reproduisant entièrement le témoignage offert. Ayant en main l'affidavit de la partie adverse, les défendeurs préparent alors leur affidavit qui est censé contenir leur preuve principale, ainsi que leurs observations visant à réfuter le témoignage initial de l'expert. Selon la procédure habituelle, le témoignage complet de l'expert des demandeurs est présenté à l'instance, en une seule fois, et les défendeurs ont une seule possibilité de faire valoir leurs prétentions et de réfuter celles des demandeurs.
[3] Je suis certain qu'aujourd'hui tout le monde souhaiterait sincèrement que la présente affaire se soit déroulée conformément à la procédure ci-haut décrite. Si le témoignage du témoin des demandeurs provenant du deuxième affidavit est admis à titre de preuve principale, les défendeurs se verront privés de la possibilité d'avoir un aperçu complet des prétentions des demandeurs, d'y répondre et de présenter leur argumentation à un moment donné. Par contre, l'on pourrait envisager l'argument selon lequel si le témoignage n'est pas admis à ce stade-ci, à titre de preuve principale, les défendeurs pourront plus tard s'opposer à sa présentation en invoquant que les demandeurs ne peuvent pas diviser leur argumentation et que seule la contre-preuve doit être entendue. La Cour a autorisé le dépôt de tous les affidavits visés. Il serait injuste d'obliger les parties à suivre les directives de la Cour et ensuite d'alléguer qu'elles n'ont pas agi conformément aux règles.
[4] Si l'on tente de résoudre la question en se basant sur les principes fondamentaux, le postulat de départ est qu'une partie doit présenter la totalité de ses prétentions en une seule fois. Ce principe est prévu aux articles 279 et 281 des règles mais ces articles sont sujets à une ordonnance contraire de la Cour. À mon avis, toute la preuve des demandeurs concernant la contrefaçon doit être présentée en une seule fois, sans égard au moment où elle est apparue pour la première fois dans la série des affidavits, mais sous réserve d'une opposition. La preuve visant purement à réfuter les affidavits des défendeurs ne doit être présentée qu'après le dépôt de la preuve des défendeurs. Cependant, étant donné l'historique de la présente affaire, toute preuve concernant la contrefaçon qui peut être présentée de façon autonome, sans faire référence aux affidavits de l'adversaire, devrait faire partie du témoignage principal.
[5] Il reste la question du préjudice causé aux défendeurs. Le préjudice qu'ils ont subi ne peut résulter d'un effet de surprise puisque les affidavits des demandeurs sont en leur possession depuis quelque temps déjà. Le préjudice subi est la perte de la possibilité de répondre dans leurs affidavits principaux à la preuve des demandeurs. La Cour est en droit d'ordonner que les défendeurs soient autorisés à répondre aux prétentions des demandeurs même si la preuve qu'ils doivent produire n'a pas été présentée sous forme d'affidavit. Une telle façon d'agir pourrait entraîner des surprises pour les demandeurs, mais étant donné le nombre d'affidavits produits et le long historique de la présente affaire, j'ai le sentiment qu'il reste peu de place pour la surprise. Il y a bien des raisons d'agir selon la procédure prévue aux règles mais, eu égard aux circonstances de l'espèce, les deux parties subiraient un préjudice si on le faisait. Par conséquent, j'autoriserai les demandeurs à produire à titre de preuve principale tout le témoignage du Dr Tessier portant sur la contrefaçon, sans égard au moment où cette preuve a été consignée sous forme d'affidavit. Par souci de justice envers les défendeurs, j'ordonnerai que les experts de ces derniers appelés pour réfuter le témoignage du Dr Tessier soient autorisés à présenter des témoignages oraux sur des questions ne figurant pas dans leurs affidavits. Ces témoignages que l'on projette de présenter devront cependant se limiter à la réfutation de la preuve autorisée par la présente décision et, s'ils ne figurent pas dans les affidavits d'experts, ils devront être exposés dans un résumé écrit qui devra être remis aux avocats des demandeurs un jour avant la date fixée pour leur présentation. S'il devient nécessaire d'agir de la même façon pour d'autres témoins experts, la même procédure devra être suivie.
[6] Si les demandeurs souhaitent citer un témoin expert pour qu'il présente une contre-preuve sur une question soulevée pour la première fois dans les témoignages oraux autorisés en vertu de la présente décision, un résumé écrit de cette contre-preuve sera remis aux avocats des défendeurs un jour avant que le témoin ne vienne à la barre ou, avec l'autorisation de la Cour, avant que le témoin ne vienne à la barre, si des témoins sont cités à comparaître à la toute fin de l'argumentation des défendeurs.
[7] On arrive maintenant à la question des essais sur le terrain. Dans ma décision précédente, j'ai dit que je ne permettrais pas la production de la preuve des essais sur le terrain effectués en 1999 parce que les défendeurs n'avaient pas été avisés de leur tenue et n'ont pas eu la possibilité d'y assister. On me demande maintenant de rendre une décision semblable pour les essais sur le terrain effectués en juillet 2000, soit après la conférence sur la gestion de l'instance au cours de laquelle ces questions paraissent avoir été soulevées. Il est admis que les défendeurs ont effectué des essais sur le terrain en mai 2000 et j'en tiendrai également compte dans ma décision concernant les essais des demandeurs.
[8] La présente instance a été sous gestion d'instance pendant longtemps. À mon avis, les deux parties croyaient agir conformément aux directives de la Cour quand elles ont effectué leurs tests en 2000. Je ne suis pas entièrement certain que le témoignage de M. Halford soit incompatible avec le procès-verbal de la conférence sur la gestion d'instance en ce sens que le fait qu'aucune ordonnance n'a été rendue au sujet de la présence des demandeurs aux tests des défendeurs est compatible avec l'interprétation selon laquelle les représentants des demandeurs n'y assisteraient pas. Dans la mesure où le procès-verbal ne mentionne pas d'ordonnance, personne n'a prétendu que l'ordonnance à l'étude interdisait aux demandeurs d'assister aux essais sur le terrain des défendeurs. J'estime qu'il est beaucoup plus probable que les ordonnances envisagées permettaient aux représentants des demandeurs d'assister aux essais des défendeurs. Si la Cour a refusé de rendre une telle ordonnance, cela ne peut qu'indiquer une interprétation compatible avec celle exprimée dans l'affidavit de M. Halford, c'est-à-dire que chaque partie effectuerait ses tests en l'absence de la partie adverse.
[9] Cela explique donc la façon dont les événements se sont déroulés en 2000 et la raison pour laquelle les parties n'ont pas agi selon la procédure prévue par la loi pour les tests et les essais. Cette explication règle-t-elle le problème de l'admissibilité? Je pourrais refuser d'entendre des témoignages relativement à l'une ou l'autre série de tests. Bien que je n'aie pas entendu beaucoup de témoignages, j'ai le sentiment que les parties ont structuré leur argumentation en fonction des résultats de ces essais. Décider que ces derniers sont inadmissibles aurait probablement pour conséquence de priver les parties de la possibilité de présenter leurs meilleurs arguments. Je préfère autoriser l'admission des résultats des tests, soumettre les experts à un contre-interrogatoire sur leurs tests et utiliser les résultats pour juger du poids à accorder à la preuve. Je permettrai donc la présentation d'éléments de preuve portant sur les essais sur le terrain effectués en juillet 2000 mentionnés dans l'affidavit du Dr Tessier. La présente décision s'appliquera aussi aux essais des défendeurs effectués en mai 2000. La décision que j'ai rendue concernant les essais sur le terrain effectués en 1999 reste cependant toujours valide et aucune preuve provenant de ces essais ne sera autorisée.
[10] Il ne s'agit pas d'une solution idéale mais, étant donné l'historique des présentes procédures, j'estime qu'agir autrement causerait un sentiment légitime d'injustice.
« J.D. PELLETIER »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉ RALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2406-93
RÉFÉRENCE NEUTRE : 2001 CFPI 1162
INTITULÉ : James W. Halford et Vale Farms Ltd. c. Seed Hawk Inc., Pat Beaujot, Norbert Beaujot, Brian Kent et Simplot Canada Limited
LIEU DE L'AUDIENCE : Winnipeg (Manitoba)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 15 octobre 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE PELLETIER
DATE : LE 25 OCTOBRE 2001
COMPARUTIONS :
Steven Raber pour les demandeurs
Dean Giles
Alexander Macklin pour la défenderesse Seed Hawk
Doak Horne
Wolfgang Riedel pour la défenderesse Simplot
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Fillmore Riley pour les demandeurs
Tour de la Bourse de Winnipeg, bureau 1700
360, rue Main
Winnipeg (Man.) R3C 3Z3
Gowlings pour la défenderesse Seed Hawk
bureau 1400
700 - 2nd Street S.W.
Calgary (Alb.) T2P 4V5
Meighen, Haddad & Co. pour la défenderesse Simplot
Avocats
C.P. 22105
110 - 11th Street
Brandon (Man.) R7A 6Y9