OTTAWA (ONTARIO), LE 7 MARS 1997
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON
ENTRE
NORAC SYSTEMS INTERNATIONAL INC.,
et
PRAIRIE SYSTEMS AND EQUIP. LTD. et
CALGARY SCALE SERVICES (1988) LTD., exerçant son activité
sous la dénomination CALGARY SCALE SERVICES LTD.,
VU LA REQUÊTE, présentée au nom de la demanderesse, en vue d"une ordonnance:
1. Autorisant la demanderesse à constituer les particuliers William Elliott et Marcel Fendelet, ainsi que la société de personnes Massload Technologies, parties défenderesses, et à modifier sa déclaration modifiée selon les modalités énoncées ci-dessous, telles que formulées dans le projet de déclaration modifiée à deux reprises joint à l"avis de requête comme annexe A:
(i) Modifier l"intitulé de cause dans la présente action afin d"y insérer le nom des défendeurs William Elliott, Marcel Fendelet et Massload Technologies, société de personnes:
(ii) Insérer les alinéas 3a, 3b et 3c ainsi conçus:
3a. Le défendeur William Elliott (ci-après désigné "ELLIOTT") est un particulier habitant 507, Spencer Crescent, à Saskatoon en Saskatchewan, S7K 7T1. Le défendeur ELLIOTT est le président de la défenderesse PRAIRIE SYSTEMS. |
3b. Le défendeur Marcel Fendelet (ci-après désigné "FENDELET") est un particulier habitant 447, Peberdy Court, à Saskatoon en Saskatchewan, S7K 7N3. Le défendeur FENDELET est le vice-président et secrétaire-trésorier de la défenderesse PRAIRIE SYSTEMS. |
3c. La défenderesse Massload Technologies, société de personnes (ci-après désignée "MASSLOAD") est enregistrée dans la province de la Saskatchewan à titre de société commerciale et partage son siège social, 301-47th Street East, à Saskatoon en Saskatchewan, avec la défenderesse PRAIRIE SYSTEMS. Les défendeurs ELLIOTT et FENDELET sont les seuls associés inscrits de la défenderesse MASSLOAD. |
(iii) Remplacer la mention [TRADUCTION] "la défenderesse PRAIRIE SYSTEMS" par [TRADUCTION] "la défenderesse MASSLOAD et/ou PRAIRIE SYSTEMS" dans toutes les clauses de la déclaration modifiée, et apporter toute modification corrélative;
(iv) Insérer en outre les alinéas 11a et 11b ainsi conçus:
11a. Les défendeurs ELLIOTT et FENDELET ont, sans le consentement de la demanderesse NORAC, fabriqué ou fait fabriquer et fabriquent ou font fabriquer des systèmes de pesage mobiles et des cellules de pesage destinées aux systèmes de pesage mobiles, et ont utilisé, vendu et offert en vente au Canada de tels systèmes de pesage mobiles et cellules de pesage. Plus précisément, lesdits particuliers défendeurs ont conçu, fabriqué, utilisé et vendu ledit système de pesage modulaire ML1200 à la défenderesse MASSLOAD et/ou PRAIRIE SYSTEMS. |
11b. Le défendeur ELLIOTT s"est, personnellement et au nom de la défenderesse MASSLOAD et/ou PRAIRIE SYSTEMS, délibérément, intentionnellement et consciemment, livré à la conception, à la fabrication, à la commercialisation et à la vente de cellules de pesage et d"ensembles modulaires de pesage, dont les cellules de pesage ML1200 de la défenderesse MASSLOAD et/ou PRAIRIE SYSTEMS. |
(vi) Modifier l"alinéa 20b ) comme suit:
b) des injonctions interlocutoires et permanentes interdisant à chacun des défendeurs, à leurs dirigeants, administrateurs, préposés, mandataires et associés, selon le cas, et à toutes les personnes sur lesquelles ils exercent un contrôle de faire ce qui suit: |
2. Au cas où l"autorisation de constituer les défendeurs parties défenderesses serait accordée, dispensant la demanderesse de signifier à personne sa déclaration modifiée à deux reprises et la dispensant de signifier toutes les autres plaidoiries antérieures aux défendeurs constitués parties défenderesses, et autorisant la demanderesse à signifier sa déclaration modifiée à deux reprises à tous les défendeurs en faisant la signification aux avocats inscrits au dossier des présents défendeurs.
3. Au cas où l"autorisation de constituer les défendeurs parties défenderesses serait accordée, ordonnant à chacun des défendeurs, y compris ceux constitués parties défenderesses, de déposer et signifier toute plaidoirie en réponse à la déclaration modifiée à deux reprises, y compris tout affidavit de documents applicable, dans les dix jours suivant la réception de la déclaration modifiée à deux reprises de la demanderesse modifiée conformément à toute ordonnance qu"ils auront reçue.
4. Ordonnant aux défenderesses Prairie Systems and Equip. Ltd. et Calgary Scale Services (1988) Ltd. de déposer et signifier un affidavit de documents plus exact ou plus complet dans les dix jours suivant toute ordonnance qu"elles auront reçue.
ORDONNANCE ET MOTIFS DE L"ORDONNANCE
Par sa requête, la demanderesse sollicite premièrement une ordonnance portant obligation pour les défenderesses Prairie Systems and Equip. Ltd. ("Prairie Systems") de déposer et signifier des affidavits de documents plus exacts ou plus complets. Avant l"audition de la présente requête, la défenderesse Calgary Scale a déposé un affidavit de documents supplémentaire, souscrit par Christopher William Hood et déposé le 27 février 1997. En conséquence, personne n"a comparu au nom de Calgary Scale lors de l"audition de la requête. La demanderesse s"est dite satisfaite par cet affidavit de documents supplémentaire.
Quant à la défenderesse Prairie Systems, elle a refusé de déposer un affidavit de documents supplémentaire. En particulier, la demanderesse veut forcer Prairie Systems à inclure à l"annexe 1 de son affidavit une liste de tous les documents relatifs aux ventes de machines à peser ML1200 et de cellules de pesage mobiles Massload, conclues entre Prairie Systems et ses clients. Dans l"affidavit de documents déposé par Prairie Systems le 28 janvier 1997, les documents demandés par la demanderesse sont désignés à l"annexe 2 comme documents confidentiels. L"annexe 2 porte la mention suivante: [TRADUCTION] "Les factures de vente expédiées aux clients de Prairie Systems and Equip. Ltd.".
Ainsi qu"il appert de la mention à l"annexe 2, la défenderesse Prairie Systems s"oppose à la production des factures de vente parce que ces documents sont protégés par un privilège de non-divulgation. Comme je l"ai indiqué à l"avocat à l"audience, j"estime qu"ils ne sont pas ainsi protégés. L"avocat de Prairie Systems a soutenu qu"il serait injuste de forcer sa cliente à divulguer ces documents car les renseignements qu"ils renferment pourraient être utilisés par la demanderesse à d"autres fins que l"obtention de renseignements sur la violation possible ou que la détermination du montant d"indemnité au cas où elle aurait gain de cause. En particulier, Prairie Systems s"inquiète de ce que la demanderesse n"utilise les renseignements pour communiquer avec les clients de Prairie Systems et pour obtenir des secrets commerciaux de Prairie Systems. Même si c"était le cas, cela ne justifierait pas la reconnaissance d"un privilège, mais bien une ordonnance de confidentialité éventuelle.
Par conséquent, il est ordonné à la défenderesse Prairie Systems de déposer un affidavit supplémentaire énumérant tous les documents relatifs à l"achat ou à la vente de machines à peser ML1200 et de cellules de pesage mobiles Massload. Prairie Systems doit déposer et signifier un affidavit supplémentaire conforme à la présente ordonnance au plus tard le 4 avril 1997.
La seconde partie de la requête de la demanderesse sollicite une ordonnance l"autorisant à constituer les défendeurs MM. William Elliott et Marcel Fendelet, respectivement président et vice-président/secrétaire-trésorier de Prairie Systems, parties défenderesses. De plus, elle demande que Massload Technologies, prétendue société de personnes formée par William Elliott et Marcel Fendelet, soit constituée partie défenderesse. Pour les motifs qui suivent, cette partie de la requête de la demanderesse visant à constituer la société de personnes partie défenderesse, sera rejetée.
La preuve qui m"a été soumise, savoir l"affidavit de William Elliott, indique que la dénomination Massload Technologies a été enregistrée il y a plusieurs années comme nom commercial sous lequel la défenderesse Prairie Systems exercerait son activité. Monsieur Elliott dit qu"il n"existe aucune société de personnes faisant affaires sous le nom Massload Technologies. Monsieur Elliott dit aussi que la dénomination Massload Technologies a été enregistrée [TRADUCTION] "simplement au profit de Prairie Systems and Equip. Ltd. qui utilise le nom commercial". Il dit en outre que ni lui-même ni M. Fendelet n"exercent, personnellement, l"activité commerciale exercée par la défenderesse Prairie Systems.
La demanderesse a versé en preuve une copie de l"enregistrement de la dénomination commerciale en Saskatchewan pour ce qui est du nom Massload Technologies. Le formulaire produit par la demanderesse est le renouvellement de l"enregistrement du nom Massload Technologies. Il porte la signature de M. William Elliott qui y dit: [TRADUCTION] "le propriétaire/associé de l"entreprise soussigné certifie que les renseignements qui précèdent concernant l"entreprise sont exacts en date du 6 mars 1996". Ce document ne montre pas qu"il existait une société de personnes appelée Massload Technologies. Il établit tout au plus que M. Elliott détient les droits sur la dénomination Massload Technologies. En conséquence, je n"autoriserai pas la demanderesse à constituer la société de personnes alléguée, Massload Technologies, partie défenderesse.
Je passe maintenant à William Elliott et à Marcel Fendelet, les deux particuliers que la demanderesse voudrait constituer parties défenderesses. Je le répète, M. Elliott est le président de Prairie Systems et M. Fendelet est le vice-président/secrétaire-trésorier de l"entreprise. La demanderesse voudrait constituer ces particuliers parties défenderesses, de façon à pouvoir faire les allégations suivantes à leur endroit:
3a. Le défendeur William Elliott (ci-après désigné "ELLIOTT") est un particulier habitant 507, Spencer Crescent, à Saskatoon en Saskatchewan, S7K 7T1. Le défendeur ELLIOTT est le président de la défenderesse PRAIRIE SYSTEMS. |
3b. Le défendeur Marcel Fendelet (ci-après désigné "FENDELET") est un particulier habitant 447, Peberdy Court, à Saskatoon en Saskatchewan, S7K 7N3. Le défendeur FENDELET est le vice-président et secrétaire-trésorier de la défenderesse PRAIRIE SYSTEMS. |
11a. Les défendeurs ELLIOTT et FENDELET ont, sans le consentement de la demanderesse NORAC, fabriqué ou fait fabriquer et fabriquent ou font fabriquer des systèmes de pesage mobiles et des cellules de pesage destinées aux systèmes de pesage mobiles, et ont utilisé, vendu et offert en vente au Canada de tels systèmes de pesage mobiles et cellules de pesage. Plus précisément, lesdits particuliers défendeurs ont conçu, fabriqué, utilisé et vendu ledit système de pesage modulaire ML1200 à la défenderesse MASSLOAD et/ou PRAIRIE SYSTEMS. |
11b. Le défendeur ELLIOTT s"est, personnellement et au nom de la défenderesse MASSLOAD et/ou PRAIRIE SYSTEMS, délibérément, volontairement et consciemment, livré à la conception, à la fabrication, à la commercialisation et à la vente de cellules de pesage et d"ensembles modulaires de pesage, dont les cellules de pesage ML1200 de la défenderesse MASSLOAD et/ou PRAIRIE SYSTEMS. |
L"argument de la demanderesse veut que les particuliers défendeurs doivent être constitués parties défenderesses parce que, par leur conduite, ils ont engagé leur responsabilité personnelle envers elle. À l"appui de cet argument, celle-ci m"a prié de me référer à la décision de la Cour d"appel fédérale Mentmore Manufacturing Co., Ltd. et al. c. National Merchandise Manufacturing Co. Inc. et al. (1978), 40 C.P.R. (2d) 164. Dans cette affaire-là, les demanderesses avaient intenté une action contre la société défenderesse pour la violation d"un brevet, ainsi qu"une action séparée contre le président et actionnaire principal de la société défenderesse. Les demanderesses dans Mentmore avaient soutenu que le particulier défendeur avait ordonné la violation commise par la société et devait donc être tenu personnellement responsable. Le juge de première instance a donné gain de cause à la demanderesse contre la société défenderesse mais rejeté l"action contre le particulier défendeur. Les demanderesses ont porté la décision en appel et cet appel a été rejeté. Aux pages 171 à 174, le juge Le Dain, qui a donné les motifs du jugement de la Cour, a expliqué la nature de la preuve que doit présenter le demandeur pour avoir gain de cause contre des particuliers défendeurs dans une affaire semblable à la présente espèce:
La présente affaire soulève une délicate question de principe. D"une part, il y a le principe voulant qu"une société soit distincte, aux yeux de la loi, de ses actionnaires, administrateurs et dirigeants, et l"intérêt des buts commerciaux poursuivis par l"entreprise exige que ces personnes jouissent, en règle générale, du bénéfice de la responsabilité limitée qu"offre la constitution en société. D"autre part, il y a la règle selon laquelle chacun doit répondre de ses actes délictueux. Dans le domaine de la violation de brevet, la conciliation de ces deux principes est particulièrement difficile. En effet, la fabrication et la vente qu"un tribunal tient finalement pour des actes de contrefaçon participent de l"activité commerciale générale d"une société que les administrateurs et dirigeants de celle-ci peuvent être présumés avoir ordonnés ou autorisés, du moins de façon générale. Les questions de validité et de contrefaçon sont souvent fort confuses et leur résolution exige de longs et coûteux procès. Cela rendrait les postes d"administrateur ou de dirigeant principal excessivement hasardeux si le degré d"administration normalement requis en matière de fabrication et de vente dans une société pouvait par lui-même rendre l"administrateur ou le dirigeant personnellement responsable des actes de contrefaçon de sa société. |
Il s"agit là d"un principe qui devrait, à mon avis, s"appliquer non seulement à une grande société, mais aussi à une petite société dont les actions sont concentrées en quelques mains. Il n"y a pas de raison pour qu"une petite société à dirigeant unique ou dirigée par deux personnes ne soit régie par des principes de responsabilité différents du seul fait que ses actionnaires et administrateurs jouent généralement, par la force des choses, un rôle direct et actif plus grand dans la gestion des affaires de la société. J"estime que cette opinion est confirmée par la jurisprudence. Il a déjà été jugé que le fait que des défendeurs étaient les deux seuls actionnaires et administrateurs d"une société n"autorisait pas à lui seul à conclure que la société était leur mandataire ou instrument dans la perpétration des actes de contrefaçon, ou qu"ils avaient autorisé ces actes et engagé leur responsabilité personnelle (British Thompson-Houston Company Ltd. c. Sterling Accessories Ltd. (1924), 41 R.P.C. 311; Prichard & Constance (Wholesale) Ltd. c. Amata Ltd. (1924), 42 R.P.C. 63). Il s"ensuit nécessairement, à mon avis, que l"existence des ordres ou autorisations formels requis pour que soit engagée la responsabilité personnelle non seulement ne sera pas déduite du contrôle exercé sur une société, mais ne sera non plus déduite de l"exercice indispensable par ceux qui ont ce contrôle d"un pouvoir général de direction des affaires de celle-ci. Je me vois donc forcé de conclure que c"est à raison que le juge de première instance a décidé que le fait que "Goldenberg et Berkowitz (étaient) à la source des politiques et directives pratiques, commerciales, financières et administratives qui (avaient) finalement résulté dans l"assemblage et la vente de certaines marchandises (de l"inventaire global de National) empiétant ainsi sur les droits du demandeur" ne suffisait pas à donner lieu à leur responsabilité personnelle. |
Mais quand donc la participation aux actes de la société engage-t-elle la responsabilité personnelle? C"est là une délicate question. Il semblerait que ce soit lorsque la nature et l"étendue de la participation personnelle de l"administrateur ou du dirigeant fasse de l"acte délictueux leur acte délictueux. Il s"agit manifestement d"une question de fait qui doit être appréciée à la lumière des circonstances de chaque cas. Les causes où les tribunaux ont conclu que les faits entraînaient la responsabilité personnelle ne m"ont pas été d"un grand secours. Mais dans ces causes, il semble que la participation ait eu un caractère conscient, délibéré et intentionnel (voir, par exemple, Reitzman c. Grahame-Chapman and Derustit Ltd. (1950), 67 R.P.C. 178; T. Oertli A.G. c. E.J. Bowman (London) Ltd. et al., [1956] R.P.C. 282; Yuille c. B. & B. Fisheries (Leigh), Ltd. and Bates, [1958] 2 Lloyd"s Rep. 596; Wah Tat Bank Ltd. et al. c. Chan Cheng Kum , [1975] A.C. 507 (C.P.). |
Bien que les décisions américaines doivent être consultées avec prudence en raison des dispositions législatives particulières qui s"appliquent aux États-Unis en matière de contrefaçon, les principes qui s"en dégagent sur cette question de la responsabilité des dirigeants pour violation de brevet de la part d"une société n"en présentent pas moins, à mes yeux, un intérêt certain. À une époque, il y a eu deux tendances jurisprudentielles opposées: l"une tendant à tenir les dirigeants responsables du seul fait qu"ils avaient autorisé les actes qui avaient été jugés constituer une contrefaçon, l"autre tendant à les tenir personnellement responsables seulement lorsqu"ils avaient agi [TRADUCTION] "en dehors du cadre de leurs fonctions officielles". Voir Dangler c. Imperial Mach. Co. (1926) 11 F. (2d) 945, où ces deux tendances jurisprudentielles font l"objet d"une longue analyse, et où la Cour donne sa préférence à la deuxième, avec la remarque suivante [à la p. 947]: |
[TRADUCTION] Après avoir soigneusement examiné les diverses causes, ainsi que le fondement de chacune des deux positions, la Cour fait sienne la décision rendue dans l"affaire Crazier c. Mackie-Lovejoy Mfg. Co. , [138 F. 654] et décide que, en l"absence de preuve formelle, les dirigeants délégués d"une société ne sont pas responsables des actes de contrefaçon de cette société, quoique ceux-ci aient été commis sous leur direction générale. L"incertitude quant aux questions de validité et de contrefaçon rend toute autre règle excessivement dure et oppressive. |
Cette approche semble avoir prévalu. Voir Panther Pumps & Equipment Co. Inc. c. Hydrocraft, Inc. (1972), 468 F. 2d 225, à la p. 233, où l"analyse faite dans l"affaire Dangler est citée en entier et approuvée. Dans l"affaire Southwestern Tool Co. c. Hughes Tool Co. (1938), 98 F. 2d 42, à la p. 45, je trouve l"exposé suivant de cette tendance: |
[TRADUCTION] Le dirigeant d"une société qui participe à la fabrication et à la vente par la société d"un article contrefait ne répond pas personnellement des dommages découlant d"une telle contrefaçon, à moins qu"il n"agisse sciemment et volontairement, ou qu"il ne se serve de la société comme instrument pour accomplir délibérément ses actes de contrefaçon, ou qu"il ne se serve sciemment d"une société irresponsable dans le but de se soustraire à sa responsabilité personnelle. |
Je ne pense pas qu"on doive aller jusqu"à poser en principe que l"administrateur ou le dirigeant doit savoir ou avoir des raisons de savoir que les actes qu"il ordonne ou accomplit constituent des violations. Ce serait imposer une condition de responsabilité qui n"existe pas, généralement, en matière de violation de brevet. Il convient d"observer qu"une telle connaissance a été jugée, aux États-Unis, non essentielle en matière de responsabilité personnelle d"administrateurs ou dirigeants: voir Deller"s Walker on Patents, 2e éd., 1972, vol. 7, aux pages 117 et 118. À mon avis, il existe toutefois certainement des circonstances à partir desquelles il y a lieu de conclure que ce que visait l"administrateur ou le dirigeant n"était pas la conduite ordinaire des activités de fabrication et de vente de celle-ci, mais plutôt la commission délibérée d"actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l"égard du risque de contrefaçon. De toute évidence, il est difficile de formuler précisément le critère approprié. Il convient de pouvoir dans chaque cas apprécier toutes les circonstances pour déterminer si celles-ci entraînent la responsabilité personnelle. Les termes dans lesquels le premier juge a formulé le critère qu"il a adopté sont peut-être critiquables -- "s"est délibérément, ou de façon téméraire, lancé dans certaines opérations en se servant de la compagnie comme instrument, dans le but de s"assurer des profits ou une clientèle qui appartenait de droit aux demanderesses" -- mais je ne saurais conclure que, sur l"essentiel, ce critère était erroné. Je ne saurais non plus conclure que les faits de la présente affaire sont tels qu"il y a manifestement lieu à responsabilité personnelle aux yeux de la loi. La National s"occupait légitimement d"assemblage et de vente de stylos à pointe rétractable avant que la Rotary ne fasse affaires avec elle et avant que ne s"élève quelque question de violation de brevet. Il y avait beaucoup d"incertitude quant à la portée et à l"applicabilité des revendications du brevet considéré. De plus, le juge de première instance a refusé de conclure que les moules obtenus par la National avaient été fabriqués par copie des éléments essentiels de la Rotary. Ce sont là des faits qui tous distinguent clairement l"espèce présente d"affaires telles que l"affaire Reitzman , précitée, où l"administrateur délégué de la société défenderesse avait, en tant qu"ancien directeur technique de la société demanderesse, une connaissance parfaite du procédé breveté, et où il fut décidé que la société défenderesse avait effectivement imité le procédé de la société demanderesse. |
Pour les motifs exposés ci-dessus, j"estime qu"il y a lieu de rejeter l"appel avec dépens. |
Monsieur le juge Le Dain dit clairement, à la page 174, que les circonstances qu"un demandeur invoque pour alléguer qu"un administrateur ou un dirigeant d"une société engage sa responsabilité personnelle doivent être telles qu"elles amènent la Cour à "conclure que ce que visait l"administrateur ou le dirigeant n"était pas la conduite ordinaire des activités de fabrication et de vente de celle-ci, mais plutôt la commission délibérée d"actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l"égard du risque de contrefaçon". Dans l"affaire dont il était saisi, le juge Le Dain a conclu qu"aucun élément de preuve n"avait été produit qui lui eût permis de tirer cette conclusion. Il a fait une distinction entre l"espèce qu"il devait trancher et les affaires dans lesquelles le tribunal avait reconnu la responsabilité personnelle des administrateurs ou dirigeants. En particulier, il a conclu que l"affaire qu"il était appelé à juger et l"arrêt de la Haute cour de justice anglaise, Chambre de la chancellerie, Reitzman c. Grahame-Chapman & Derustit Ltd. (1950), 67 R.P.C. 178 étaient de nature différente. Dans l"affaire en question, le juge de première instance Harman avait conclu que la preuve établissait la responsabilité personnelle de l"administrateur délégué mais il avait rejeté l"action parce que les brevets en cause étaient invalides. Ce jugement a été confirmé par la Cour d"appel. Le juge Le Dain a dit que les conclusions de l"arrêt Reitzman sur la responsabilité étaient d"une toute autre nature pour la raison que, dans ladite affaire, l"administrateur délégué de la société défenderesse avait pris connaissance du procédé breveté dans l"exécution de ses fonctions à titre de directeur technique de la société demanderesse. De plus, le juge de première instance y avait décidé que la société défenderesse avait imité le procédé de la société demanderesse.
Dans Mentmore, le juge Le Dain a expliqué qu"il n"était pas disposé à conclure qu"un administrateur ou dirigeant n"engageait sa responsabilité personnelle que s"il savait ou aurait dû savoir que les actes qu"il a ordonnés ou accomplis constituaient des violations. Toutefois, il a ajouté que ce qui entraînait la responsabilité personnelle c"était, chez l"administrateur ou le dirigeant, la commission délibérée d"actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflétaient une indifférence à l"égard du risque de contrefaçon. C"est la base sur laquelle le juge Le Dain a refusé de conclure à la responsabilité du président de la société.
De toute évidence, je n"ai pas à décider si les allégations de la demanderesse contre Elliott et Fendelet seront jugées bien fondées. Je dois plutôt décider si ces allégations ont quelque chance de réussir. Autrement dit, est-il manifeste et évident, pour emprunter le critère utilisé relativement à une demande de radiation fondée sur la Règle 419, que la demanderesse n"aura pas gain de cause contre les particuliers défendeurs? À mon avis, cela n"est pas si évident.
En conséquence, mon ordonnance sera ainsi conçue:
1. La demanderesse est autorisée à constituer MM. William Elliott et Marcel Fendelet, parties défenderesses. |
2. L"intitulé de la cause dans la présente action doit être modifié de façon que William Elliott et Marcel Fendelet y figurent comme défendeurs. |
3. Les alinéas 3a. et 3b. proposés doivent être ajoutés à la déclaration. |
4. Les nouveaux alinéas 11a. et 11b. proposés doivent être ajoutés à la déclaration. Toutefois, les mots "la défenderesse MASSLOAD et/ou" qui figurent dans les nouveaux alinéas 11a . et 11b. proposés doivent être supprimés et ne doivent pas figurer dans la déclaration modifiée. |
5. L"alinéa 20b . doit être modifié selon ce que propose la demanderesse dans sa requête. |
6. La demanderesse doit être dispensée de signifier à personne sa déclaration modifiée à deux reprises et être dispensée de signifier toutes les autres plaidoiries antérieures aux personnes constituées parties défenderesses, et la demanderesse doit être autorisée à signifier sa déclaration modifiée à deux reprises à tous les défendeurs en la signifiant aux procureurs inscrits au dossier des défendeurs actuels. |
7. Les défendeurs, y compris MM. William Elliott et Marcel Fendelet, doivent déposer et signifier leur réponse à la déclaration modifiée à deux reprises, au plus tard le 4 avril 1997. |
8. La défenderesse Prairie Systems and Equip. Ltd. doit déposer et signifier un affidavit de documents plus exact au plus tard le 4 avril 1997. Les défendeurs William Elliott et Marcel Fendelet doivent tous deux déposer et signifier leur affidavit de documents au plus tard le 4 avril 1997. |
9. Les dépens suivront l"issue de la cause. |
Juge
Traduction certifiée conforme |
R. Jacques, L.L. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Avocats et procureurs inscrits au dossier
INTITULÉ DE LA CAUSE: Norac Systems International Inc. |
c.
Prairie Systems and Equip. Ltd. et al. |
LIEU DE L'AUDIENCE: Ottawa (Ontario) |
DATE DE L'AUDIENCE: le 4 mars 1997 |
MOTIFS DE L"ORDONNANCE du juge Nadon en date du 7 mars 1997
ONT COMPARU:
pour la défenderesse Prairie Systems Equip. |
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:
Ottawa (Ontario)
pour la demanderesse