Date : 20040106
Dossier : T-1900-00
Référence : 2004 CF 2
AFFAIRE INTÉRESSANT LA Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. 1985, ch. A-1
ENTRE :
LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
demanderesse
et
LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS
ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX DU CANADA
défendeur
[1] La présente instance engagée par la Société canadienne des postes (la SCP) est analogue à celle que la SCP a entamée dans le cadre du dossier T-2117-00 et dont les motifs seront également prononcés aujourd'hui.
[2] La présente affaire porte sur un recours en révision exercé en vertu de l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information (la Loi) concernant la communication envisagée de documents par suite de deux demandes soumises au Bureau de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (Travaux publics).
[3] Le présent recours en révision porte sur une décision rendue le 29 septembre 2000 par le coordonnateur de l'accès à l'information (le coordonnateur de l'AAI) de Travaux publics, de communiquer cinq documents en réponse à une demande en date du 26 août 1999 présentée par un demandeur anonyme (dossier 1999-0373) et de communiquer un des cinq documents en réponse à une demande du 2 mai 2000 présentée par Chris Champion (dossier 2000-0091).
[4] En l'espèce, la SCP soulève trois points litigieux, dont deux sont identiques à ceux soulevés dans l'affaire T-2117-00, soit:
(1) les documents dont la communication est envisagée ne relèvent pas du contrôle de Travaux publics mais bien de celui du ministre responsable de la SCP. La SCP est considérée comme une institution fédérale ou un organisme dont le nom ne figure pas à l'annexe I de la Loi;
(2) le fait que le coordonnateur de l'AAI ait omis de fournir les motifs pour lesquels il a rejeté les objections de la SCP à la communication des documents.
[5] Ces deux points ont été examinés dans les motifs que j'ai prononcés au sujet du dossier T-2117 et dans le cadre duquel les arguments de la SCP n'ont pas été acceptés.
[6] L'autre motif soulevé en l'espèce est que le coordonnateur de l'AAI a omis de transmettre à la SCP les avis aux tiers concernant les deux demandes, comme le prescrit l'article 27 de la Loi. Les présents motifs portent sur ce point.
[7] En bref, les parties ont convenu de ce qui suit :
(1) la lettre d'avis du coordonnateur de l'AAI en date du 14 avril 2000, adressée à la SCP pour l'informer de la demande du 26 août 1999, comportait une erreur quant au libellé de la demande. Cependant, cinq documents censément en rapport avec cette demande étaient annexés à la lettre d'avis. De plus, la lettre renvoyait de façon erronée à une ancienne demande de divulgation, numéro 1998-0529, alors qu'il s'agissait du numéro 1999-0373;
(2) le libellé exact de la demande 1999-0373 n'a jamais été divulgué à la SCP dans aucun avis transmis en vertu de l'article 27 avant qu'une décision ait été rendue de communiquer les cinq documents; et
(3) aucun avis en vertu de l'article 27 n'a été transmis à la SCP concernant la demande de divulgation 2000-0091.
[8] Dans une lettre en date du 14 avril 2000, le coordonnateur de l'AAI a invité la SCP à lui soumettre des observations. La SCP lui a répondu le 4 mai 2000 et lui a fait remarquer qu'il y avait de la confusion au sujet de la demande, s'exprimant en ces termes :
[Traduction]
Nous avons été informés qu'il y a apparence de malentendu et que les documents en question n'ont pas rapport avec la demande mentionnée dans votre lettre.
Il semblerait que la question est sur le point d'être réglée, mais le but de la présente est de protéger notre droit de présenter les observations demandées au moment opportun et en rapport avec le matériel documentaire. [Non souligné dans l'original.]
[9] Après avoir fait cette mise en garde, la SCP a soumis de courtes observations expliquant pourquoi les renseignements contenus dans les cinq documents ne devaient pas être divulgués. La SCP a fait valoir ce qui suit :
[Traduction]
i) Il s'agit de renseignements confidentiels contenus dans des documents qui appartiennent à la SCP et qui sont, soit entre les mains du ministre responsable de la SCP, soit entre celles de représentants qu'il a choisis pour l'aider à remplir son rôle de ministre responsable de la SCP.
ii) Les documents contiennent des renseignement commerciaux de nature très délicate, ils sont confidentiels et de propriété exclusive et ils sont donc exemptés en vertu de l'article 20 de la Loi.
iii) Les documents ont été communiqués dans le but d'aider le ministre, le Conseil du Trésor et le ministère des Finances à conseiller le Cabinet sur des questions concernant la SCP. Autrement dit, il s'agit de documents confidentiels du Cabinet.
[10] Le 13 août 2000, des représentants de la SCP et du bureau de l'AIPRP à Travaux publics se sont réunis pour parler de la position de la SCP et déterminer si l'article 20 de la Loi s'appliquait aux cinq documents dont la communication était envisagée. À ce moment-là, la SCP ne savait toujours pas quel était le libellé exact de la demande en date du 26 août 1999, pas plus qu'elle n'était au courant de la demande du 2 mai 2000 (dossier 2000-0091).
[11] Le 29 septembre 2000, le coordonnateur de l'AAI a avisé la SCP que le contenu des cinq documents mentionnés dans sa lettre du 14 avril 2000 serait partiellement divulgué et que certains passages seraient supprimés pour des raisons de confidentialité. Dans cette lettre du 29 septembre 2000, le coordonnateur de l'AAI a fait référence à trois dossiers du bureau de l'AIPRP, soit les numéros 1998-0529, 1999-0373 et 2000-0091.
[12] Le 6 octobre 2000, l'avocat-conseil général adjoint de la SCP a écrit au bureau de l'AIPRP au sujet des trois dossiers mentionnés dans la lettre du 29 septembre. L'avocat-conseil général adjoint y informait le bureau de l'AIPRP que la SCP n'avait pas reçu l'avis concernant la demande 1998-0529 avant le 14 avril 2000, et que la SCP n'avait pas reçu d'avis en vertu de l'article 27 au sujet des demandes 1999-0373 et 2000-0091.
[13] Dans une lettre en date du 13 octobre 2000, le bureau de l'AIPRP a répondu à la lettre de la SCP et a rejeté ses objections. Le bureau de l'AIPRP a affirmé que l'avis avait bel et bien été délivré conformément à la Loi et qu'il avait été décidé que le rapport supplémentaire provisoire présenté au ministre responsable de la SCP n'était pertinent que pour la demande 2000-0091, pour laquelle la SCP n'avait pas reçu avis, mais au sujet de laquelle elle avait déjà eu l'occasion de faire des observations puisqu'il s'agissait d'un des cinq documents qui avaient fait l'objet de discussions relativement à leur communication dans la demande du 26 août 1999.
[14] Les articles 27 et 28 de la Loi sont rédigés en partie comme suit :
27. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une institution fédérale qui a l'intention de donner communication totale ou partielle d'un document est tenu de donner au tiers intéressé, dans les trente jours suivant la réception de la demande, avis écrit de celle-ci ainsi que de son intention, si le document contient ou s'il est, selon lui, susceptible de contenir: a) soit des secrets industriels d'un tiers; b) soit des renseignements visés à l'alinéa 20(1)b) qui ont été fournis par le tiers; c) soit des renseignements dont la communication risquerait, selon lui, d'entraîner pour le tiers les conséquences visées aux alinéas 20(1)c) ou d). La présente disposition ne vaut que s'il est possible de rejoindre le tiers sans problèmes sérieux. |
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27. (1) Where the head of a government institution intends to disclose any record requested under this Act, or any part thereof, that contains or that the head of the institution has reason to believe might contain (a) trade secrets of a third party, (b) information described in paragraph 20(1)(b) that was supplied by a third party, or (c) information the disclosure of which the head of the institution could reasonably foresee might effect a result described in paragraph 20(1)(c) or (d) in respect of a third party, the head of the institution shall, subject to subsection (2), if the third party can reasonably be located, within thirty days after the request is received, give written notice to the third party of the request and of the fact that the head of the institution intends to disclose the record or part thereof. |
27(2) Renonciation à l'avis (2) Le tiers peut renoncer à l'avis prévu au paragraphe (1) et tout consentement à la communication du document vaut renonciation à l'avis. |
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27(2) Waiver of notice (2) Any third party to whom a notice is required to be given under subsection (1) in respect of an intended disclosure may waive the requirement, and where the third party has consented to the disclosure the third party shall be deemed to have waived the requirement. |
27(3) Contenu de l'avis (3) L'avis prévu au paragraphe (1) doit contenir les éléments suivants : |
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27(3) Contents of notice (3) A notice given under subsection (1) shall include |
a) la mention de l'intention du responsable de l'institution fédérale de donner communication totale ou partielle du document susceptible de contenir les secrets ou les renseignements visés au paragraphe (1); |
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(a) a statement that the head of the government institution giving the notice intends to release a record or a part thereof that might contain material or information described in subsection (1); |
b) la désignation du contenu total ou partiel du document qui, selon le cas, appartient au tiers, a été fourni par lui ou le concerne; |
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(b) a description of the contents of the record or part thereof that, as the case may be, belong to, were supplied by or relate to the third party to whom the notice is given; and |
c) la mention du droit du tiers de présenter au responsable de l'institution fédérale de qui relève le document ses observations quant aux raisons qui justifieraient un refus de communication totale ou partielle, dans les vingt jours suivant la transmission de l'avis. . . . |
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(c) a statement that the third party may, within twenty days after the notice is given, make representations to the head of the government institution that has control of the record as to why the record or part thereof should not be disclosed.
. . . |
28(1) Observations des tiers et décision 28. (1) Dans les cas où il a donné avis au tiers conformément au paragraphe 27(1), le responsable d'une institution fédérale est tenu : |
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28(1) Representations of third party and decision 28. (1) Where a notice is given by the head of a government institution under subsection 27(1) to a third party in respect of a record or a part thereof, |
a) de donner au tiers la possibilité de lui présenter, dans les vingt jours suivant la transmission de l'avis, des observations sur les raisons qui justifieraient un refus de communication totale ou partielle du document; |
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(a) the third party shall, within twenty days after the notice is given, be given the opportunity to make representations to the head of the institution as to why the record or the part thereof should not be disclosed; andb) de prendre dans les trente jours suivant la transmission de l'avis, pourvu qu'il ait donné au tiers la possibilité de présenter des observations conformément à l'alinéa a), une décision quant à la communication totale ou partielle du document et de donner avis de sa décision au tiers.
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(b) the head of the institution shall, within thirty days after the notice is given, if the third party has been given an opportunity to make representations under paragraph (a), make a decision as to whether or not to disclose the record or the part thereof and give written notice of the decision to the third party.
. . . |
28(3) Contenu de l'avis de la décision de donner communication (3) L'avis d'une décision de donner communication totale ou partielle d'un document conformément à l'alinéa (1)b) doit contenir les éléments suivants : |
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28(3) Contents of notice of decision to disclose
(3) A notice given under paragraph (1)(b) of a decision to disclose a record requested under this Act or a part thereof shall include |
a) la mention du droit du tiers d'exercer un recours en révision en vertu de l'article 44, dans les vingt jours suivant la transmission de l'avis; |
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(a) a statement that the third party to whom the notice is given is entitled to request a review of the decision under section 44 within twenty days after the notice is given; and |
b) la mention qu'à défaut de l'exercice du recours en révision dans ce délai, la personne qui a fait la demande recevra communication totale ou partielle du document. |
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(b) a statement that the person who requested access to the record will be given access thereto or to the part thereof unless, within twenty days after the notice is given, a review of the decision is requested under section 44. |
28(4) Communication du document (4) Dans les cas où il décide, en vertu de l'alinéa (1)b), de donner communication totale ou partielle du document à la personne qui en a fait la demande, le responsable de l'institution fédérale donne suite à sa décision dès l'expiration des vingt jours suivant la transmission de l'avis prévu à cet alinéa, sauf si un recours en révision a été exercé en vertu de l'article 44. |
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28(4) Disclosure of record (4) Where, pursuant to paragraph (1)(b), the head of a government institution decides to disclose a record requested under this Act or a part thereof, the head of the institution shall give the person who made the request access to the record or the part thereof forthwith on completion of twenty days after a notice is given under that paragraph, unless a review of the decision is requested under section 44. |
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[15] Il ne fait aucun doute que la façon dont Travaux publics a traité les deux demandes constitue une violation de la Loi, ce que l'avocat de l'intimé a d'ailleurs admis.
[16] Selon moi, l'avocat de la SCP a raison quand il fait valoir que :
(1) l'avis que Travaux publics a transmis à la SCP le 14 avril 2000 était vicié parce que le libellé de la demande était complètement erroné;
(2) le délai prescrit par la Loi concernant l'avis du 14 avril 2000 n'a pas été respecté;
(3) aucun avis n'a été donné à la SCP au sujet de la demande du 2 mai 2000.
[17] Quoi qu'il en soit, le recours en révision que la SCP a présenté en vertu de l'article 44 de la Loi devrait être rejeté sans frais parce que la SCP n'a subi aucun préjudice et qu'accueillir l'appel ne ferait que recommencer toute la procédure de dépôt, cette fois-ci dans le respect des délais et en toute conformité avec la Loi. Comme l'a déclaré le juge Stone dans l'arrêt Cyanamid Canada Inc. c. Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (1992), 45 C.P.R. (3d) 390 (C.A.F.), cela _ n'aiderait pas à atteindre l'objet principal visé _ par les articles 27 et 28 de la Loi.
[18] Des copies des cinq documents devant être communiqués étaient annexées à l'avis qui a été transmis à la SCP le 14 avril 2000. Le cinquième document était une version provisoire du rapport supplémentaire remis par TD Valeurs mobilières le 17 avril 1997, le seul document en rapport avec la demande du 2 mai 2000 dont la SCP n'a pas reçu d'avis.
[19] Bien qu'elle ait noté qu'il y avait une certaine confusion, la SCP a fait des observations à Travaux publics, quoique brèves, disant s'opposer à la divulgation des cinq documents. Ce qui est plus important cependant, c'est le fait que des représentants du bureau d'AIPRP à Travaux publics ont rencontré des représentants de la SCP le 13 août 2000 dans le but de déterminer quelle était la position de la SCP. Il a été établi qu'au moment de la réunion, les représentants de la SCP avaient les cinq documents avec eux.
[20] Il est vrai, comme l'a déclaré l'avocat de la SCP, que l'infraction commise par Travaux publics a empêché la SCP de faire des observations sur le fait que les documents devant être communiqués ne correspondaient pas à ce qui était exprimé dans les demandes. Cependant, la SCP n'a pas prétendu sérieusement devant moi que c'était le cas. Il ne faut pas oublier qu'en cas de recours en révision exercé en vertu de l'article 44, la Cour instruit l'affaire de novo.
[21] Le résultat en l'espèce peut être exprimé de la façon que le juge McKeown l'a fait dans l'arrêt Pride Beverages Ltd. c. Canada (Ministre de l'Agriculture), [1996] A.C.F. no 720, en concluant ce qui suit : _ je respecte l'objectif de la Loi qui consiste à établir un équilibre entre le droit du demandeur d'avoir accès à des renseignements et celui d'un tiers de protéger des renseignements confidentiels en donnant la possibilité au tiers de démontrer que ces renseignements ne peuvent être communiqués aux termes de la Loi _.
[22] Pour ces motifs, le recours en révision présenté en vertu de l'article 44 est rejeté sans frais.
« François Lemieux »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 6 janvier 2004
Traduction certifiée conforme
Josette Noreau, B.Trad.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1900-00
INTITULÉ : LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
c.
LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE LE LUNDI 26 MAI 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE LEMIEUX
DATE : LE MARDI 6 JANVIER 2004
COMPARUTIONS :
Ronald D. Lunau POUR LA DEMANDERESSE
Catherine Beaudoin
Christopher Rupar POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Gowling Lafleur Henderson POUR LA DEMANDERESSE
Ottawa (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada