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     T-393-97

ENTRE :

     LA NATION INNU, SEBASTIAN PENUNSI, et

     MATTHEW PENASHUE, POUR LEUR COMPTE

     ET POUR CELUI DE TOUS LES MEMBRES DE LA NATION INNU

     requérants

     c.

     LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES,

     LE MINISTRE RESPONSABLE DE L'AGENCE DE PROMOTION ÉCONOMIQUE

     DU CANADA ATLANTIQUE ET LA EAGLE RIVER DEVELOPMENT ASSOCIATION

     intimés

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

         Le 10 avril 1997, j'ai entendu à Toronto, une requête présentée par Sa Majesté la Reine du chef de Terre-Neuve ("la Province") par laquelle la Province demandait l'autorisation d'intervenir dans des procédures de contrôle judiciaire commencées par les requérants le 7 mars 1997.

         À la fin de l'audition, j'ai indiqué aux parties que la requête de la Province serait rejetée. En conséquence, le 11 avril 1997, j'ai rendu une ordonnance à cet effet. Voici les motifs qui m'ont amené à rendre cette ordonnance.

         La Province demande l'autorisation d'intervenir dans ces procédures de contrôle judiciaire comme si elle avait été constituée partie dans l'avis de requête introductive d'instance.

         Les requérants dans les procédures principales cherchent à faire annuler une décision ou ordonnance ou des décisions ou ordonnances rendues par le Ministre du développement des ressources humaines, l'Agence de promotion économique du Canada Atlantique ou le ministre responsable de l'Agence de promotion économique du Canada Atlantique, l'un ou l'autre d'entre eux ou chacun d'eux, autorisant la fourniture de fonds ou d'assistance financière prévue au paragraphe 5(1)b) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (la "Loi") pour la construction et l'exploitation du sentier Ptarmigan, à Nitassinan, Labrador, et supposées statuer ou statuant que le projet n'est pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants au sens de la Loi.

         Le 10 mars 1997, le juge Teitelbaum a suspendu la décision contestée jusqu'au 12 mars 1997, à 10 h de la matinée. Le 11 mars 1997, le juge Teitelbaum a suspendu la décision contestée pendant neuf jours. Le 20 mars 1997, le juge Rothstein a reconduit l'alinéa 3 de l'ordonnance du juge Teitelbaum datée du 10 mars 1997 et les alinéas 1, 2 et 6 de l'ordonnance datée du 11 mars 1997 jusqu'au vendredi 11 avril 1997.

         La Province a invoqué cinq moyens au soutien de sa requête afin d'intervenir comme partie intimée. Ces cinq moyens sont les suivants :

     (a)      Le sentier Ptarmigan constitue un développement des terres domaniales au Labrador et, à ce titre, la Province sera propriétaire du sentier et des infrastructures qui y sont associées (cabines de réchauffement, etc.) une fois qu'elles seront terminées. Les requérants ont clairement exprimé leur intention d'arrêter le développement du sentier. La Province a un intérêt immédiat au résultat de ces procédures à titre de propriétaire de ses ressources naturelles et a la compétence constitutionnelle exclusive pour gérer ces ressources.
     (b)      Le projet du sentier Ptarmigan est réglementé par la Province en vertu de la délivrance du permis de développement par le ministère provincial des Services gouvernementaux et des terres. De plus, l'abattage des arbres nécessaire pour permettre le passage du sentier Ptarmigan dépend de la délivrance du permis de coupe par le ministère provincial des Ressources forestières et de l'Agro-alimentaire. La compétence constitutionnelle exclusive de la province de s'occuper de ses ressources naturelles englobe le droit de délivrer des permis et licences. La valeur des permis délivrés par la Province pour contrôler le développement du sentier Ptarmigan peut être mis en cause dans la présente affaire.
     (c)      La Province a un engagement financier à l'égard du développement du sentier Ptarmigan en raison de son financement du Comprehensive Labrador Co-operation Agreement. La perte des subventions fournies par Développement des ressources humaines Canada ("DRHC") représenterait une diminution de 50 p. 100 du financement de la phase 1 du développement du sentier Ptarmigan et pourrait entraîner la perte des subventions de DRHC pour le reste du projet. Probablement que la perte des subventions de DRHC serait fatale au développement à venir du sentier Ptarmigan, ce qui entraînerait une perte d'occasion d'emploi et, pour la province, des revenus résultant de l'exploitation du sentier. De plus, les sommes investies par la province à ce jour dans la planification et le développement du sentier Ptarmigan, en vertu du Comprehensive Labrador Co-operation Agreement seraient gaspillées. La Province a donc un intérêt direct à préserver les subventions de DRHC pour ce projet.
     (d)      Dans l'avis de requête introductive d'instance, les requérants demandent un mandamus exigeant des autorités responsables qu'elles prennent en compte, dans le cadre de l'évaluation environnementale, des effets du sentier Ptarmigan sur "l'usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles par les autochtones". Dans l'avis de requête pour redressement intérimaire, les requérants soutiennent que le sentier Ptarmigan "traverse le territoire autochtone traditionnel des membres de la nation Innu qui exercent les droits autochtones de cueillette dans la région affectée" et que les requérants subiront un préjudice irréparable en raison de la transgression de "l'exercice de leurs droits autochtones" et de l'augmentation de la fréquentation d'un secteur sur lequel les requérants soutiennent avoir "un droit constitutionnel prioritaire de cueillette". De plus, les documents déposés à l'appui des requêtes qualifie, sans preuve, les Mealy Mountains de "terres Innu" et de secteur sur lequel les requérants ont un "un droit autochtone de prélever de la nourriture que la Cour suprême du Canada a qualifié de droit constitutionnel visé à l'article 35 dans l'affaire Sparrow et d'autres décisions.
         Le redressement demandé en vertu tant de l'avis de requête introductive d'instance que de l'avis intérimaire présuppose l'existence de droits autochtones en faveur des requérants sur la région des Mealy Mountains, au Labrador (le secteur du sentier Ptarmigan), et dépend de cette hypothèse. On demande à la Cour de tenir pour un fait que les requérants ont des droits constitutionnels garantis dans cette région du Labrador et que les différentes évaluations environnementales fédérales et provinciales sont irrémédiablement déficientes en ce que, dans l'esprit des requérants, elles ne prennent pas "ces droits" en compte. La mise en application invoquée de l'obligation fiduciaire de la Couronne fédérale de consulter les requérants dépend aussi de l'acceptation, sans réserve, de l'opinion qu'ils ont des droits autochtones sur la région des Mealy Mountains.
         Il n'y a pas de traité visant les Innu au Labrador et il reste à déterminer si les Innu peuvent faire valoir des droits autochtones au Labrador. (Les requérants n'ont pas cherché à faire trancher cette question dans la présente affaire). Dans le mesure où la question des droits autochtones a été soulevée dans les requêtes et le redressement demandé dépend de l'existence présumée de ces droits, les répercussions possibles sur la propriété et les droits civils dans la Province et la capacité de la Province de gérer ses ressources naturelles (le sentier Ptarmigan n'étant qu'un exemple, parmi d'autres) sont évidentes. Il est essentiel que la Province ait l'occasion d'être entendue sans réserve sur cette question qui peut être soulevée dans les procédures.
     (e)      Le rapport d'évaluation environnementale préparé pour DRHC par M. Stephen Barbour renvoie le lecteur à The Patarmigan Trail: Environmental Preview Report, préparé par Northland Associates Ltd. en 1994 (le rapport préliminaire d'évaluation environnementale ou "RPEE" ) à titre d'évaluation environnementale de la Province. Les requérants ont exprimé leur opposition au sentier Ptarmigan dans leurs présentations dans le cadre du "RPEE". Les requérants affirment que le RPEE est vicié et que dans la mesure où l'évaluation environnementale fédérale se fonde sur le RPEE, elle doit être aussi viciée. Les questions soulevées par la requête, tel la prétendue menace au troupeau de caribous des Mealy Mountains met directement en cause l'efficacité de RPEE. À ce titre, la contestation par les requérants de l'évaluation environnementale fédérale constitue une contestation indirecte du RPEE de la Province. Pour répondre à ces allégations et défendre l'évaluation préliminaire, il est essentiel que la Province soit constituée partie aux présentes procédures.
        

     Dans l'affaire Edmonton Friends of the North Environmental Society c. Canada (Ministre de la Diversification économique de l'Ouest canadien) [1991] 1 C.F. 416, la Cour d'appel fédérale a brièvement abordé la compétence de notre cour de permettre à des parties d'intervenir dans des procédures lorsque leurs droits seraient directement touchés par le résultat du litige. À la page 426, le juge Stone dit ceci :

     Les tribunaux ont parfois constitué une personne partie défenderesse même si aucun redressement n'était réclamé contre elle. Gurtner v. Circuit [1968] 2 Q.B. 587 (C.A.), ils ont également reconnu que cette partie qui était jointe serait en mesure de s'opposer au redressement demandé et de se faire entendre en ce qui concerne les conditions de tout jugement: comparer Anon v. Raphael Tuck & Sons Ltd. [1956] 1 Q.B. 357, à la p. 383. Cela dépend des circonstances de l'espèce. La présente Cour a bien voulu joindre une partie dans une procédure comme celle-ci pour le simple motif qu'étant donné l'issue de l'affaire influerait directement sur les droits de cette partie, cette dernière devait être en mesure de se prévaloir de son droit d'appel. (Adidas (Can.) Ltd. c. Skoro Enterprises Ltd., [1971] 12 C.P.R. (2d) 67, [1971] C.F. 382 (C.A.); Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1990] 2 W.W.R. 150, [1990] 2 C.F. 18 (C.A.). Le principe énoncé par la présente Cour dans l'affaire Adidas semble s'appliquer encore plus lorsque comme en l'espèce, la demande fondée sur l'article 18 est encore en instance devant la Section de première instance.

     Dans l'énoncé de ses motifs, le juge Stone mentionne l'arrêt anglais Gurtner v. Circuit, [1968] 2 Q.B. 57 dans lequel lord Denning, dit, au nom de la Cour d'appel, à la p. 595 :

         [TRADUCTION] La règle applicable est le nouvel alinéa 6(2)b) de la règle 15 des R.S.C., qui dit que le tribunal peut constituer comme partie toute personne :
         "dont la présence au tribunal est nécessaire pour faire en sorte que toutes les questions en litige dans l'affaire soient effectivement et complètement déterminées et réglées."
         Cette règle est substantiellement énoncée dans les même termes que l'ancien article 11 de la règle 15 des R.S.C. et rien ne découle du changement de l'énoncé. Il y a eu plusieurs affaires décidées en vertu de celle-ci. Il ne m'est pas nécessaire de les analyser aujourd'hui. Cela a été fait par le juge Devlin dans Amon v. Raphael Tuck & Sons Ltd. Il a estimé que la règle devrait recevoir une interprétation plus restreinte et son avis a été suivi par le juge John Stephenson dans Fire Auto and Marine Insurance Ltd. v. Greene. Je crains de ne pas être d'accord avec lui. Je préfère donner une interprétation libérale à la règle, comme lord Esher M.R. a fait dans Byrne v. Brown.Il me semble que lorsque deux parties sont en litige dans une action judiciaire et que la décision de ce litige touchera directement une tierce personne dans ses droits ou dans sa fortune, parce qu'elle sera tenue de payer la note, alors le tribunal peut, à sa discrétion, l'autoriser à être constituée comme partie aux conditions qu'il estime appropriées. En ce faisant, le tribunal réalise l'objet de la règle. Il rend possible que le litige soit effectivement et complètement déterminé et réglé entre les personnes directement concernées par son issue. [les notes en bas de page sont omises]

     Dans Re: Starr and Township of Puslinch et al. (1976), 12 O.R. (2d) 40, après avoir revu les précédents anglais et canadiens sur le droit d'une partie d'intervenir dans les procédures, le juge de la cour divisionnaire de la Haute Cour de l'Ontario énonce le principe applicable de la manière suivante, à la p. 46:

     Je ne puis que conclure de ces affaires qu'il n'y a pas de règle absolue exigeant que, pour être constituée partie, quelqu'un doive avoir un intérêt direct dans l'issue du litige à déterminer. Il suffit, je crois, selon les mots de lord Denning, précité, que "l'issue du litige touche directement une tierce personne dans ses droits ou dans sa fortune". Je crois qu'il est manifeste, d'après le jurisprudence que même lorsque le requérant satisfait à cette condition, il est laissé à l'entière discrétion du tribunal de l'autoriser ou non à intervenir et le tribunal peut toujours refuser la requête s'il estime que l'intérêt du requérant est déjà suffisamment représenté [...]

     Ayant ces principes à l'esprit, je suis d'avis qu'aucun des motifs invoqués par la Province, outre le quatrième, ne justifie d'accorder l'ordonnance qu'elle demande.

     À mon avis, la Province n'a pas fait la preuve que l'issue du litige entre les requérants et les intimés toucherait directement ses droits ou sa fortune. À l'alinéa 17 de leur mémoire sur la requête en intervention de la province, les requérants disent ceci :

     Nous soutenons que la question juridique à résoudre dans le cadre de la présente requête en intervention ne porte pas sur le critère exact en droit, mais plutôt sur son application aux faits de l'espèce. Nous soutenons que la Province n'est pas directement touchée dans ses droits ou dans sa fortune par les décisions ou ordonnances en cause ni qu'elle le sera si celles-ci sont invalidées. Plutôt, dans la mesure où la Province est touchée, si elle l'est, les effets sont clairement indirects puisqu'il s'agit essentiellement d'un projet privé que la Province a simplement autorisé et peut-être indirectement en raison l'abandon1 du Comprehensive Labrador Co-operation Agreement sur le financement partiel. Tout ce que la Province a fait, s'il peut être légitimement fait, peut être fait par la Province indépendamment de l'attribution ou non de fonds fédéraux.

     Je suis entièrement d'accord avec cet argument présenté par le procureur des demandeurs. Ceci dispose des motifs nos 1, 2, 3 et 5 proposés par la Province. Je vais maintenant aborder le quatrième motif invoqué par la Province sur la question des droits autochtones.

     À l'audition, le procureur de la nation Innu et les autres requérants m'ont signalé l'alinéa 12 de son mémoire ainsi conçu :

     [TRADUCTION] 12. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale aborde explicitement la situation des peuples autochtones en raison de la mention dans la définition de "effets environnementaux" des " répercussions ... en matière sanitaire et socio-économique, soit sur l'usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles par les autochtones, ou ... ". Pour ce qui est des droits autochtones, les requérants ont informé les intimés, par voie de clarification de leur avis de motion pour redressement interlocutoire et intérimaire que :
         [Les requérants] ne s'appuient pas sur l'existence de droits autochtones protégé en vertu de la Constitution sauf dans la mesure où ces droits sont reconnus par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et sauf dans la mesure où, il se trouve que les droits respectifs des Innu, du Canada et de Terre-Neuve en matière de terres et de compétences font présentement l'objet de négociations poussées.
     Les requérants sont prêts à verser la présente lettre au dossier si le tribunal leur demande de le faire.
         Loi canadienne sur l'évaluation environnementale L.C. 1992, ch. 37, art. 2.
         Lettre de L. Hoffer aux avocats des intimés, 3 avril 1997.

     L'avocat des requérants a alors demandé l'autorisation au tribunal de déposer une lettre datée du 3 avril 1997 qu'il avait fait parvenir aux avocats des parties adverses, dont ceux de la Province. Puisque personne ne s'est opposé au dépôt de la lettre, j'ai autorisé les avocats à la verser au dossier. La lettre est ainsi conçue :

         Nous avons revu le mémoire de Terre-Neuve à l'appui de sa requête en intervention dans la cause cité en titre. Il nous semble nécessaire d'apporter certaines précisions au sujet de la position des demandeurs relativement aux droits autochtones.
         Le mémoire de Terre-Neuve signale avec justesse que nous ne cherchons pas à faire trancher la question des droits autochtones dans la présente affaire.
         Nous écrivons présentement dans le but de clarifier les moyens mentionnés dans l'avis de requête pour redressement intérimaire et interlocutoire mentionné dans le mémoire de Terre-Neuve. Nous n'invoquons pas l'existence de droits autochtones, sauf dans la mesure où ces droits sont reconnus en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et sauf dans la mesure où il se trouve que les droits respectifs des Innu, du Canada et de Terre-Neuve en matière de terres et de compétences font présentement l'objet de négociations poussées.
         Nous espérons que cette clarification vous sera utile dans l'examen de votre argumentation sur la requête en intervention.
         Nous ferons part au tribunal de notre avis énoncé dans la présente lettre et nous sommes prêts à en déposer une copie si le tribunal nous demande de le faire.

     L'avocat des requérants a affirmé que son affaire n'avait rien à voir avec les droits constitutionnels autochtones et le territoire autochtone sauf dans la mesure où la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale reconnaît ces droits. L'article 2 de la Loi définit " effets environnementaux " de la façon suivante :

     " effets environnementaux " Tant les changements que la réalisation d'un projet risque de causer à l'environnement que les changements susceptibles d'être apportés au projet du fait de l'environnement, que ce soit au Canada ou à l'étranger; sont comprises les répercussions de ceux-ci soit en matière sanitaire et socio-économique, soit sur l'usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles par les autochtones, soit sur une construction, un emplacement ou une chose d'importance en matière historique, archéologique, paléontologique ou architecturale.         

     De la manière dont je comprends l'avocat des requérants, la contestation par son client de la décision en cause se fonde, entre autres, sur les articles 1, 4, 5, 11, 12, 14, 15, 16, 18, 20 et 55 de la Loi. L'alinéa 20(1)a) de la Loi est ainsi libellé :

     20. (1) L'autorité responsable prend l'une des mesures suivantes, après avoir pris en compte le rapport d'examen préalable et les observations reçues aux termes du paragraphe 18(3) :         
         a) sous réserve du sous-alinéa c)(iii), si la réalisation du projet n'est pas susceptible, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants, exercer ses attributions afin de permettre la mise en oeuvre du projet et veiller à l'application de ces mesures d'atténuation;         

     Dans sa lettre datée du 3 avril 1997, l'avocat des requérants a de plus indiqué que ses clients s'appuyaient sur le fait que leurs droits en matière de terres et de compétences faisaient l'objet de négociations détaillées et continues avec le Canada et la Province.

     À l'audition, j'ai indiqué à l'avocat que j'étais d'avis que si la position des demandeurs était celle mentionnée dans sa lettre du 3 avril 1997, la Province ne devrait pas alors être autorisée à intervenir. Les requérants s'appuieront sur l'alinéa 20(1)a) de la Loi et, en conséquence, sur la définition d'"effets environnementaux" de l'article 2 de la Loi qui mentionne l'"usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles par les autochtones ...". Les demandeurs ont manifestement le droit d'invoquer des dispositions de la Loi. Dans la mesure où ils limitent, pour ce qui concerne les droits autochtones, leur argumentation et leur preuve à ce que la Loi prévoit, je ne vois pas de motif de permettre à la Province d'intervenir.

     En conséquence, toute mention, dans les plaidoiries principales et celles ayant trait à l'obtention d'une injonction, soit intérimaire ou interlocutoire et dans les déclarations sous serment produites à leur appui, des droits autochtones et des territoires autochtones de la nation Innu, hors de la portée des articles 2 et 20 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, sera rayée de ces plaidoiries et déclarations sous serment. Pour être plus précis, les requérants auront le droit de mentionner et d'invoquer l'"usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles par les autochtones" et de présenter des éléments de preuve à cet égard, mais ils n'auront pas ce droit pour ce qui est "du territoire traditionnel autochtone des membres de la nation Innu qui exercent ces droits autochtones dans le secteur touché" ni pour ce qui est de leur "droit constitutionnel prioritaire de cueillette". En conséquence, le débat entre les requérants et les intimés se limitera à ces droits autochtones, s'il en est, qui sont mentionnés dans la Loi.

     Comme je l'ai mentionné plus haut, les requérants veulent aussi s'appuyer sur le fait qu'il y a présentement des négociations en cours entre le Canada et la Province au sujet de leurs droits en matière de terres et de compétences. Les requérants ne seront pas autorisés à mentionner ce sujet, ni à présenter des éléments de preuve à son égard. Cependant, le fait que de telles négociations ont lieu sera tenu pour prouvé. Ce sera là la portée de la preuve des requérants sur cette question.

     Je veux dire expressément que si ce n'était du point de vue révisé des requérants au sujet de leurs droits autochtones, j'aurais autorisé la province à intervenir comme si elle avait été constituée partie dans l'avis de requête introductive d'instance. À cause de cela, les requérants signifieront, à compter de maintenant jusqu'à ce que le tribunal se prononce en première instance, copies de toutes les plaidoiries, déclarations sous serment et autres pièces qu'ils invoquent, au ministère de la Justice de Terre-Neuve, à l'attention de M. Don Burradge ou à l'attention de toute personne désignée par M. Burradge aux avocats des requérants. Si, à tout moment avant l'audition de la procédure principale, la Province était d'avis que les plaidoiries écrites, les déclarations sous serment ou quelque autre pièce invoquée par les requérants dépasse la portée de mon ordonnance, elle aura le droit de demander à nouveau l'autorisation d'intervenir dans les procédures.

     Pour ces motifs, je rejette la requête en intervention de la Province.

                                                 "MARC NADON"      Juge

Ottawa (Ontario)

16 avril 1997.

Traduction certifiée conforme

                                 Raymond Mercure

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


no du greffe :

T-393-97


Intitulé :

LA NATION INNU et autres

c.

LE MINISTRE DU DéVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES et autres

LIEU DE L'AUDITION :

TORONTO (ONTARIO)


DATE DE L'AUDITION :

LE 10 AVRIL 1997

MOTIFS DE JUGEMENT DU JUGE NADON


EN DATE DU :

16 AVRIL 1997


COMPARUTIONS


LLOYD HOFFER

et

ROGER TOWNSEND

POUR LES REQUÉRANTS


ROGER LAFRENIÈRE

POUR L'INTIMÉ

(MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET L'APÉCA)


EDWARD HEARN, c.r.

POUR L'INTIMÉ

(EAGLE RIVER DEV. ASSOC.)


DON BURRADGE

POUR LA DEMANDERESSE EN INTERVENTION

(PROVINCE DE TERRE-NEUVE)


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


MORRIS, ROSE, LEGETTE

TORONTO (ONTARIO)

POUR LES REQUÉRANTS


GEORGE THOMSON

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

POUR L'INTIMÉ

(MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET L'APÉCA)


MILLER & HEARN

LABRADOR CITY (TERRE-NEUVE)

POUR L'INTIMÉE

(EAGLE RIVER DEV. ASSOC.)


GEORGE THOMSON

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

POUR LA REQUÉRANTE EN INTERVENTION

(PROVINCE DE TERRE-NEUVE)


__________________

     1      À l'audition, le procureur de la Province a déposé des pièces démontrant que le Comprehensive Labrador Co-operation Agreement a été reconduit et qu'en conséquence il n'a pas été abandonné.

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