Date: 20001208
Dossier: T-614-99
Ottawa (Ontario), le 8 décembre 2000
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER
AFFAIRE INTÉRESSANT l'article 56 de la
Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13
ET l'appel de la décision rendue au nom du
registraire des marques de commerce au sujet de
l'opposition à l'enregistrement de la marque
VIDEO MAIL - no 760,169
ENTRE:
SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
demanderesse
-et-
PAXTON DEVELOPMENTS INC.,
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE PELLETIER
[1] Paxton Developments Inc. a demandé l'enregistrement de la marque de commerce VIDEO MAIL en liaison avec des « services de télécommunications » . La Société canadienne des postes (Postes Canada) a élevé une opposition, affirmant que la marque créait de la confusion avec certaines de ses marques de commerce, notamment les marques FAXMAIL, LASERMAIL et ADMAIL. La Commission d'opposition des marques de commerce (Commission d'opposition) a permis l'enregistrement principalement parce que [TRADUCTION] « en matière de services de télécommunications, le consommateur moyen associerait plus probablement la marque VIDEO MAIL avec des expressions comme « voice mail » , « electronic mail » ou « E-mail » qu'avec les marques de l'opposante » [1]. La Commission d'opposition a donc conclu que l'opposante, Postes Canada, n'avait pas démontré, comme il le lui incombait, que l'emploi de la marque aurait probablement pour effet d'amener les consommateurs à présumer que le fournisseur des services en question était la demanderesse, Postes Canada.
[2] Postes Canada a interjeté appel et a déposé nombre de nouveaux éléments de preuve, dont un sondage sur la réaction des consommateurs à la marque VIDEO MAIL. Elle soutient que la conclusion de la Commission d'opposition voulant que le consommateur moyen associerait la marque proposée avec des services généraux comme la messagerie vocale et le courrier électronique ne reposait sur aucun élément de preuve et que ladite commission a appliqué une norme erronée en examinant la question sous l'angle du consommateur « moyen » . Postes Canada a fait valoir que le sondage qu'elle avait commandé démontrait qu'un nombre considérable de consommateurs concluraient que les services offerts en liaison avec la marque VIDEO MAIL étaient des services de Postes Canada. Selon elle, ces résultats démontrent que la marque crée de la confusion au sens de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi) et amènent à conclure que l'appel devrait être accueilli.
[3] L'audition de cette affaire sort quelque peu de l'ordinaire du fait que la défenderesse, Paxton Developments Inc., n'a déposé aucun élément de preuve et ne s'est pas présentée à l'audition de l'appel. Elle a cependant informé la Cour qu'elle maintenait que l'enregistrement était valide. Dans une affaire analogue, Canadian Schenley Distilleries Ltd. c. Canada's Manitoba Distillery Ltd., le juge Cattanach a tenu les propos suivants sur la position singulière dans laquelle se trouve alors le juge :
Cela place le juge dans un rôle odieux car il doit veiller à ce que l'avocat de l'appelante s'acquitte de cette charge mais il est privé du concours de l'avocat de l'intimée. Cela oblige le juge à soulever les points favorables à l'intimée et défavorables à l'appelante et à demander à l'avocat de l'appelante d'éclairer la Cour à ce sujet, comme il appartient au juge de le faire. En mettant le juge dans l'obligation de procéder de la sorte, on en fait presque l'avocat de l'intimée. C'est pourquoi j'ai dit que la décision de l'intimée de ne pas être représentée m'avait obligé à assumer une tâche « odieuse » .
[4] En ne se présentant pas à l'audience, la défenderesse donne l'impression qu'elle :
n'attache aucune importance à la marque de commerce qu'elle envisageait d'employer en liaison avec son produit, qu'elle a perdu ou abandonné son intérêt dans cette marque et qu'elle doit avoir estimé qu'il ne valait pas la peine de s'efforcer d'établir sa validité.
[5] Cependant, comme il n'y a pas lieu de penser que la défenderesse se soit désistée de sa demande d'enregistrement, elle a droit à l'examen au fond de sa position.
[6] Comme c'est souvent le cas en matière d'opposition, la question en litige se réduit à la question de la confusion, une notion définie par la Loi :
2. ... « créant de la confusion » Relativement à une marque de commerce ou un nom commercial, s'entend au sens de l'article 6. 6. (1) Pour l'application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l'emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article. (2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. (5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent. |
2. ..."confusing", when applied as an adjective to a trade-mark or trade-name, means a trade-mark or trade-name the use of which would cause confusion in the manner and circumstances described in section 6; 6. (1) For the purposes of this Act, a trade-mark or trade-name is confusing with another trade-mark or trade-name if the use of the first mentioned trade-mark or trade-name would cause confusion with the last mentioned trade-mark or trade-name in the manner and circumstances described in this section. (2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class. (5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including (a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known; (b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use; (c) the nature of the wares, services or business; (d) the nature of the trade; and (e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them. |
[7] C'est à celui qui demande l'enregistrement d'une marque de commerce qu'il incombe de convaincre le registraire que la marque peut être enregistrée, mais c'est l'opposant qui a la charge de prouver que l'emploi d'une marque peut créer de la confusion (British American Bank Note Co. Ltd. c. Bank of America, [1983] 2 C.F. 778, aux p. 791-792 (1re inst.); (1983), 71 C.P.R. (2d) 26). En appel, le fardeau continue d'échoir au demandeur d'enregistrement, lequel doit démontrer qu'il est peu probable que la marque crée de la confusion (Mitac Inc. c. Mita Industrial Co. Ltd. (1992), 40 C.P.R. (3d) 387, aux p. 391-392, [1992] A.C.F. no 9).
[8] Lorsque la décision du registraire est portée en appel, il est permis, aux termes de l'article 56 de la Loi, d'apporter « une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire » . L'effet de cet apport a été décrit dans la décision Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] A.C.F. no 159; [2000] 3 C.F. 145 :
Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions de fait du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire.
[9] C'est donc la question de savoir si la preuve aurait eu un effet sur les conclusions du registraire qui opère la restriction. S'il est déterminé que la preuve aurait influé sur la décision, la retenue dont il faut généralement faire preuve à l'égard des décisions du
registraire, en raison de son expérience en la matière, devient subordonnée à l'obligation de la Cour de tirer ses propres conclusions.
[10] En l'espèce, les nouveaux éléments de preuve sont importants et pourraient, de par leur nature, influer de façon importante sur la décision du registraire. En conséquence, j'aborde la question comme s'il fallait que je tire mes « propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire »
[11] La Commission d'opposition disposait d'éléments de preuve portant sur diverses marques déposées de Postes Canada, dont diverses marques ADMAIL, FAXMAIL, LASERMAIL, LETTERMAIL, MAILTRAC, POSTE MAIL et dessin, REMITMAIL et SUPERMAILBOX. Les certificats d'enregistrement de ces marques indiquent que certaines d'entre elles (ADMAIL, FAXMAIL et LASERMAIL, par exemple) portent sur des services de télécommunications. La Commission d'opposition a consulté des définitions de dictionnaire pour les termes « voice mail » , « electronic mail » et « E-mail » et a conclu que [TRADUCTION] « le consommateur moyen associerait plus probablement la marque VIDEO MAIL appliquée aux services de télécommunication avec des expressions comme « voice mail » , « electronic mail » ou « E-mail » qu'avec les marques de l'opposante » . Par conséquent, elle n'était pas convaincue que l'emploi de la marque VIDEO MAIL en liaison avec des services de télécommunications porterait les consommateurs à présumer [TRADUCTION] « que ces services sont fournis et utilisés ou sont autorisés du consentement de l'opposante et de ses employés » . La Commission a appliqué ce raisonnement à chacun des motifs d'opposition nécessitant la conclusion qu'il y avait confusion, ce qui fait qu'elle a rejeté l'opposition. Il faut maintenant réévaluer le raisonnement en tenant compte du sondage que Postes Canada a déposé en preuve.
[12] Il faut d'abord déterminer le degré de méprise qui doit exister chez les consommateurs pour que la confusion soit démontrée. La Commission d'opposition a semblé fonder ses conclusions sur son appréciation de ce que le consommateur « moyen » pourrait penser. Ce raisonnement est contesté car il suppose une majorité de consommateurs. Autrement dit, il y aurait méprise de la part du consommateur moyen si une majorité de consommateurs se méprenaient. La Loi n'exige pas qu'une majorité de consommateurs se méprennent pour que la conclusion de confusion soit fondée. Il suffit que la confusion frappe ou risque de frapper un nombre substantiel de consommateurs - un nombre plus que suffisant pour satisfaire à toute règle de minimis, mais moins que la majorité :
[TRADUCTION]
Quel doit être le niveau de confusion ou de risque de confusion? Young, dans son texte, s'exprime ainsi à ce sujet (à la p. 37) :
La preuve nécessaire pour établir la probabilité de confusion est la preuve qu'un nombre substantiel de personnes - tels les acheteurs ou utilisateurs ordinaires des biens ou services en cause - exerçant une prudence ordinaire, risqueraient de se tromper. Pour rendre sa décision, la Cour ne doit pas préférer la déposition d'un témoin à la formation indépendante de son propre jugement (voir Parker Knoll Ltd. v. Knoll International Ltd., [1962] RPC 265, à la p. 279 (CL), Lord Morris).
D'autres auteurs affirment clairement que la notion de nombre substantiel ou appréciable ne signifie pas majorité, il s'agit du nombre suffisant pour faire passer le seuil de la règle de minimis. Dans son ouvrage Trade Marks and Unfair Competition (2e éd.), J. Thomas McCarthy relève, à la p. 785, qu'un tribunal américain a jugé que 8,5 % pouvait constituer une preuve solide de confusion.
Walt Disney Productions v. Triple Five Corp. et al. (1994), 53 C.P.R. (3d) 129 (C.A. Alb.), confirmant 43 C.P.R. (3d) 321.
[13] Dans la mesure où la Commission d'opposition a employé les mots « consommateur moyen » en voulant dire une majorité, elle a commis une erreur.
[14] Le sondage présenté en preuve par la demanderesse met radicalement en cause le degré de confusion qui doit exister pour entraîner un refus d'enregistrement. La demanderesse a fait faire un sondage auprès des consommateurs. L'entreprise de sondage a réalisé 600 entrevues de consommateurs choisis au hasard dans des centres commerciaux de Vancouver, Toronto, Montréal et Halifax. L'échantillonnage était aléatoire au sens où les consommateurs interrogés se trouvaient dans le centre commercial cette journée-là et ont consenti à participer au sondage; il était également contrôlé au sens où des critères relatifs au sexe et à l'âge de ceux qui consentaient à participer ont été appliqués pour que l'échantillon soit représentatif de la population. Les participants étaient conduits à l'une ou l'autre des deux salles d'entrevue où on leur montrait soit une carte portant les mots VIDEO ROUTE soit une carte portant les mots VIDEO MAIL. Les participants ne voyaient que l'une des deux cartes et n'avaient pas connaissance de l'autre. Ceux à qui l'on a montré la carte VIDEO MAIL se sont faits poser la question suivante :
[TRADUCTION]
Veuillez s'il-vous-plaît, regarder la carte avec attention. Je vais nommer et épeler une marque de commerce visant un service de télécommunication. Il s'agit de VIDEO MAIL. La marque se compose de deux mots, épelés V-I-D-E-O-M-A-I-L. À votre avis, quelle compagnie ou quel organisme offre un tel service?
[15] Les participants auxquels on a montré la carte VIDEO ROUTE se sont fait poser la même question, mais avec les mots VIDEO ROUTE au lieu de VIDEO MAIL. Les réponses étaient ensuite notées mot à mot. Ceux qui pensaient que le service était offert par un autre fournisseur que Postes Canada se sont fait demander si d'après eux une autre compagnie pouvait offrir le service. Les résultats du sondage, après compilation, indiquent que 6 % de ceux à qui l'on a montré la carte VIDEO MAIL ont répondu que le fournisseur était probablement Postes Canada, alors que seulement 0,3 % de ceux qui ont vu la carte VIDEO ROUTE ont donné cette réponse. Chez les participants qui ont nommé un autre fournisseur que Postes Canada, 3 % de ceux à qui l'on a montré la carte VIDEO MAIL ont pensé que Postes Canada pourrait aussi offrir le service, alors qu'aucun de ceux à qui la carte VIDEO ROUTE avait été montrée n'a nommé Postes Canada comme fournisseur possible. La demanderesse soutient que l'identité du fournisseur des services commercialisés sous le nom VIDEO MAIL portait à confusion pour 9 % des participants ayant vu la carte VIDEO MAIL. Selon les auteurs de l'étude, la différence entre 0,3 % de confusion pour la marque VIDEO ROUTE et 9 % pour la marque VIDEO MAIL est significative au plan statistique, ce qui, selon moi, signifie qu'on peut dire avec confiance que le résultat n'est pas le fruit du hasard.
[16] Les critères applicables à l'utilisation en preuve de sondages en matière de marques de commerce ont été passés en revue dans la décision Walt Disney Productions v. Triple Five Corp., précitée. Ils comprennent des critères structurels visant à s'assurer que les résultats du sondage soient globalement représentatifs de la population générale et qu'ils ne soient pas faussés par des questions non pertinentes. Ces critères ont été respectés en l'espèce. Dans la décision Joseph E. Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1990), 33 C.P.R. (3d) 454, [1990] A.C.F. no 909, le juge MacKay a décrit ainsi comment la preuve par sondage doit être utilisée :
L'admissibilité et la fiabilité des sondages d'opinion publique ont fait l'objet de débats dans de nombreux arrêts sur les marques de commerce. Toutefois, après avoir lu la jurisprudence à cet effet, je comprends que le principe général consiste à accepter que l'admissibilité de cette preuve et sa valeur probante soient tributaires de la pertinence du sondage à l'égard des questions dont la Cour est saisie et de la façon dont il a été effectué; par exemple, il s'agit de la période visée par le sondage, des questions posées, de l'endroit où elles l'ont été et de la méthode de sélection des participants (voir Canadian Schenley Distilleries Ltd. c. Canada Manitoba Distilleries Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 1, aux p. 9-10 (C.F. 1re inst.), juge Cattanach).
[17] Le sondage déposé en preuve en l'espèce satisfait aux critères structurels. L'échantillonnage a été assez large et assez aléatoire pour que l'échantillon soit globalement représentatif du grand public. Les questions étaient factuelles et les réponses ont été notées sans être qualifiées par l'intervieweur. Ce sont les recherchistes qui les ont catégorisées par la suite.
[18] La demanderesse souligne que dans l'affaire Walt Disney, la Cour d'appel de l'Alberta, constatant que de 4,8 % à 8,2 % des répondants avaient donné des réponses confuses, a conclu qu'il y avait confusion au sens de la Loi. Compte tenu de ces pourcentages et de l'affirmation, dans l'ouvrage Trade Marks and Unfair Competition (2e éd.), précité, selon laquelle un pourcentage de 8,5 est indicatif de confusion, la demanderesse soutient qu'elle a fait la preuve qu'un nombre substantiel de consommateurs étaient en proie à la confusion.
[19] Il appert toutefois, à l'examen des résultats du sondage, que 9,3 % des participants à qui l'on a montré la carte VIDEO MAIL ont d'abord répondu que le fournisseur du service serait l'entreprise de câblodistribution Rogers ou une société affiliée exploitée sous le nom de Rogers. Neuf pour cent des participants à qui la carte VIDEO ROUTE a été montrée ont tiré la même conclusion. Il s'impose de comparer ces résultats avec les 6 % de participants qui ont initialement désigné Postes Canada comme fournisseur. En poursuivant l'examen, on constate que 11,6 % des participants qui ont vu la carte VIDEO MAIL ont d'abord désigné une société de téléphone comme le fournisseur alors que 7,6 % de ceux à qui la carte VIDEO ROUTE a été montrée ont donné la même réponse. Le second choix de fournisseur possible, pour 4,1 % des participants exposés à la carte VIDEO MAIL, a été Rogers. Ainsi, en utilisant la même unité de comparaison, on constate que 13,4 % des participants ont désigné Rogers comme le fournisseur du service par opposition à 9,3 % pour Postes Canada.
[20] Ces chiffres modifient-ils l'interprétation à donner au résultat de 9 %? Il s'agit d'établir au-delà de quel niveau un résultat dépasse le seuil de minimis déterminant l'existence de confusion chez un nombre substantiel de consommateurs. On peut se demander ensuite si la constatation qu'un pourcentage plus important de consommateurs désignent erronément un autre fournisseur de service peut influer sur l'appréciation du « nombre substantiel de consommateurs » . Il est possible d'imaginer la situation où 25 % de l'échantillon opte pour l'un de quatre choix possibles et où chaque réponse recueille le quart des réponses possibles. Il n'est pas nécessaire d'effectuer une analyse statistique pour dire que 25 % constitue un pourcentage substantiel de consommateurs. Cette proportion perd-elle de son importance pour une réponse parce que les trois autres ont obtenu le même résultat? Je ne le crois pas. Un niveau déterminé de confusion est significatif, qu'une autre réponse ait ou non été donnée par une proportion plus élevée de l'échantillon.
[21] Je conclus que le sondage déposé en preuve, lequel indique que 9 % des consommateurs croyaient qu'un produit appelé VIDEO MAIL serait offert par Postes Canada, démontre l'existence d'une confusion réelle chez un nombre substantiel de consommateurs.
[22] Bien que la preuve d'un confusion réelle soit pertinente et constitue même un facteur de poids, elle n'est pas déterminante. Aux termes de l'article 6 de la Loi, il faut prendre en considération toutes les circonstances de l'espèce. Relativement aux autres circonstances à examiner, j'estime que la décision du registraire est généralement bien fondée :
a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;
b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;
[TRADUCTION] « Compte tenu de ce qui précède, la preuve de la mesure dans laquelle les marques de commerce en cause sont devenues connues (al. 6(5)a) favorise l'opposante. De la même façon, la durée de la période où les marques de commerce ont été en usage constitue une circonstance supplémentaire favorable à l'opposante, puisque la présente demande repose sur l'utilisation proposée de la marque de commerce VIDEO MAIL au Canada alors que l'opposante a démontré qu'elle utilisait sa marque déposée ... »
c) le genre de marchandises, services ou entreprises;
d) la nature du commerce;
[TRADUCTION] « Ainsi, les services des parties et, par conséquent, leurs voies commerciales respectives, se recoupent car la déclaration de la requérante quant aux services n'est assortie d'aucune restriction empêchant les services de télécommunications. »
e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.
[23] Le registraire a conclu, à cet égard, que les marques de la défenderesse ne suggéraient pas le genre de services offerts par la demanderesse mais plutôt des services comme la messagerie vocale ou le courrier électronique. Cette conclusion est erronée. Le sondage présenté en preuve par la demanderesse démontre qu'un nombre significatif de personnes pensaient que les marques de la défenderesse suggéraient des services postaux.
[24] L'ensemble de ces facteurs m'amènent à conclure que le registraire a commis une erreur en enregistrant telle quelle la marque de commerce de la défenderesse, laquelle crée de la confusion avec les marques déposées de la demanderesse, alors que l'alinéa 12(1)d) de la Loi interdit un tel enregistrement.
[25] L'appel est accueilli et l'enregistrement de la marque de commerce est annulé.
ORDONNANCE
Pour les motifs exposés ci-dessus, l'appel est accueilli et l'enregistrement de la marque de commerce de la défenderesse est annulé.
J.D. Pelletier
Juge
Traduction certifiée conforme
Ghislaine Poitras, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : T-614-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES c. PAXTON DEVELOPMENTS INC.
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 5 JUIN 2000
MOTIFS ET ORDONNANCE DU JUGE PELLETIER
RENDUS LE : 8 DÉCEMBRE 2000
ONT COMPARU :
M. A. DAVID MORROW POUR LA DEMANDERESSE
AUCUNE COMPARUTION POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
SMART & BIGGAR POUR LA DEMANDERESSE
OTTAWA (ONTARIO)
RIDOUT & MAYBEE
OTTAWA (ONTARIO) POUR LA DÉFENDERESSE