Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040115

Dossier : T-275-03

Référence : 2004 CF 54

Ottawa (Ontario), le 15 janvier 2004

Présent : L'honorable juge Blais

ENTRE :

                       NAVIGATION MADELEINE INC.

                                                             Demanderesse

                                    et

                      PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                    

                                                                Défendeur

                                    et

             ADMINISTRATION DE PILOTAGE DES LAURENTIDES

                                                             Défenderesse

                     MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT


[1]                 La demanderesse Navigation Madeleine Inc. (la « demanderesse » ) demande un jugement déclaratoire contre l'office fédéral Administration de pilotage des Laurentides ( « l'A.P.L. » ) à l'effet que le navire C.T.M.A. Vacancier ( « navire Vacancier » ), propriété de la demanderesse, n'est pas assujetti au pilotage obligatoire en vertu de la Loi sur le pilotage, L.R.C. 1985. c. P-14 (la « Loi » ) et du Règlement de l'Administration de pilotage des Laurentides, C.R.C. c. 1268

(le « Règlement » ). La demanderesse prie la Cour de déclarer que le navire Vacancier est un traversier, et par conséquent exempté des dispositions sur le pilotage obligatoire en vertu de la Loi et du Règlement.

FAITS

[2]                 La demanderesse est une filiale à part entière de la Coopérative de transport maritime et aérien (C.T.M.A.), coopérative spécialisée dans le transport maritime. La demanderesse est propriétaire du navire Vacancier, navire immatriculé au Canada.

[3]                 La défenderesse A.P.L. est un office fédéral constitué, à des fins de sécurité de la navigation, pour l'administration d'un service de pilotage dans la région qui lui est attribuée en vertu de la Loi. L'action intentée par la demanderesse nommait le Procureur général du Canada comme défendeur dans l'action. L'A.P.L. a demandé le statut d'intervenante; par une décision du 10 mars 2003, le protonotaire Morneau a joint l'A.P.L. comme partie défenderesse.


[4]                 L'enjeu du litige est assez simple. Aux termes de la Loi, l'A.P.L. est responsable des questions de pilotage dans les eaux canadiennes de la province de Québec et est habile, en vertu de l'article 20, à établir les zones de pilotage obligatoire dans ces eaux ainsi que les navires qui y sont assujettis ou en sont dispensés.

[5]                 L'A.P.L. a établi deux zones de pilotage obligatoire qui couvrent le fleuve St-Laurent depuis l'écluse de St-Lambert, à Montréal, jusqu'à la hauteur des Escoumins, sur la Côte-Nord. Les navires à partir d'un certain tonnage et d'une certaine taille doivent avoir à bord, sur cette distance, deux pilotes brevetés ou titulaires d'un certificat émis par l'A.P.L. Il est possible pour les capitaines et officiers des navires d'obtenir le brevet ou le certificat de l'A.P.L. en prenant des cours et en passant des examens.

[6]                 À défaut d'avoir comme membres de l'équipage des pilotes brevetés ou titulaires d'un certificat de pilotage agréés par l'A.P.L., un navire visé par le Règlement qui navigue dans la zone de pilotage obligatoire est tenu d'en aviser l'Administration et d'embarquer, pour la durée de la navigation dans la zone, des pilotes certifiés par l'A.P.L. Le Règlement dispense certains navires de l'exigence de pilotage obligatoire, et notamment les traversiers.


[7]                 Le navire Vacancier a été racheté d'une société de traversiers irlandaise. Il s'agit d'un navire qui accueille des passagers et des véhicules, et qui comprend également des cabines et restaurants. Le navire Vacancier, de mai à décembre, circule entre le port de Montréal et Cap-aux-Meules aux Îles-de-la-Madeleine, avec escales à Québec et à Matane.

[8]                 La demanderesse soutient que le navire Vacancier est un traversier; l'A.P.L. affirme qu'il s'agit d'un navire à passagers, de type croisière.

ARGUMENTS DES PARTIES

La demanderesse

[9]                 La demanderesse s'appuie sur le texte même du Règlement pour soutenir sa prétention que le navire Vacancier est un traversier. Le Règlement prévoit que ne sont pas assujettis au pilotage obligatoire: « les traversiers affectés au transport payant de passagers entre plusieurs terminus, selon un horaire établi » . Puisque le navire Vacancier transporte des passagers entre plusieurs terminus, contre paiement, selon un horaire établi, la demanderesse est d'avis qu'il répond à la description prévue dans le Règlement.

[10]            Le chemin emprunté par le navire Vacancier s'avère, d'après la demanderesse, le chemin le plus direct entre le port de Cap-aux-Meules, Matane et Montréal. En outre, il correspond aux diverses définitions de « traversier » données par le législateur fédéral, qu'on pourrait résumer comme étant le transport de passagers et de marchandises selon un horaire régulier.


La défenderesse

[11]            L'A.P.L. soutient qu'on ne pourrait prétendre que le navire Vacancier est un traversier, au sens ordinaire de ce terme. Le navire Vacancier offre plutôt un service de desserte maritime, semblable aux services offerts sur la Côte-Nord et la Basse-Côte-Nord, où un navire fait non pas la traverse d'un bras de mer mais la desserte de plusieurs ports, suivant le principe du cabotage.

[12]            L'argument principal de la défenderesse en est un de sécurité maritime. La raison pour laquelle le pilotage est obligatoire entre Montréal et Les Escoumins, c'est que le chenal de navigation est difficile, que la navigation est assez dense, qu'il y a des glaces une partie de l'année, bref, qu'il faut les services d'un pilote breveté ou détenant un certificat de l'A.P.L.

[13]            À l'encontre de l'argument de la demanderesse que le navire Vacancier offre un service de traversier, l'A.P.L. oppose la publicité qui est faite, dans nombre de publications, sur la croisière de Montréal aux Îles-de-la-Madeleine à bord du C.T.M.A. Vacancier. L'exploitation du navire Vacancier est rentable à des fins de tourisme, et la publicité mise sur cet aspect de croisière touristique.

PREUVE D'EXPERTS


[14]            Les experts des deux parties présentent évidemment la preuve qui étaie leurs arguments respectifs. En voici un bref résumé.

Expert de la demanderesse, M. Jean Paul Turcotte

1)         Le navire Vacancier répond à un besoin important pour une communauté insulaire, soit assurer le lien avec la terre ferme. Il existe un traversier qui assure le lien entre les Îles-de-la-Madeleine et l'Île-du-Prince-Édouard (entre Cap-aux-Meules et Souris), subventionné par le gouvernement fédéral. Le navire Vacancier est le seul bateau subventionné par le gouvernement du Québec qui assure le même lien entre les Îles et le Québec.

2)         L'absence d'un simulateur de navigation au Québec empêche les employés (capitaines ou officiers) de la demanderesse d'obtenir le brevet de pilote décerné par l'A.P.L.

3)         La définition de « traversier » , selon le Barême des droits de la Garde côtière canadienne, parle du transport de passagers, de marchandises et de véhicules, selon un horaire fixe, entre deux ou plusieurs points, sur le trajet maritime le plus direct. Cette description correspond tout à fait au navire Vacancier.

4)         En Colombie-Britannique, le navire Queen of the North navigue sur une longue distance dans le Inside Passage. Le bateau est exempté de l'obligation de pilotage obligatoire, alors que son parcours et son exploitation - à la fois transporteur de personnes, véhicules et marchandises, et navire de croisière - sont très semblables à ceux du navire Vacancier.

Expert de la défenderesse, M. Pierre Boisvert


1)         Le navire Vacancier assure effectivement un lien entre le Québec et les Îles, mais sous forme de desserte maritime, non de traverse. Si, à la rigueur, on peut parler de traverse pour le tronçon Cap-aux-Meules - Matane, à partir de Matane, le navire longe les rives du fleuve, et on ne peut à proprement parler de traverse. C'est en fait à partir de Matane, ou à proximité, (Les Escoumins, plus exactement) que le pilotage devient obligatoire, donc, dans la partie qui ne correspond pas à l'idée de traverse ou traversier.

2)         Le simulateur de navigation, bien que souhaitable, n'est pas essentiel à la formation des pilotes. Il est disponible dans les Maritimes. D'autres navigateurs ont obtenu leur brevet de pilote de l'A.P.L. sans utiliser le simulateur.

3)         Différents règlements correspondent à différentes réalités et différents besoins. Il ne suffit pas d'invoquer un autre règlement pour permettre de déterminer que le navire Vacancier est un traversier aux fins du Règlement de l'Administration de pilotage des Laurentides. La notion de « traversier » , particulièrement sur le fleuve St-Laurent, vise la traversée du cours d'eau, pour relier les deux rives du fleuve. L'exemption est accordée aux traversiers parce qu'ils n'ont pas à emprunter le chenal de navigation sur la distance du pilotage obligatoire, des Escoumins à Montréal. C'est cette différence fondamentale entre les traversiers du fleuve et le navire Vacancier qui motive l'A.P.L. à refuser de voir dans le navire Vacancier un traversier.

4)         Il n'est pas possible, ni souhaitable, de comparer la réglementation et les modalités d'exemption d'une région à l'autre du pays. Les deux navires, Queen of the North et Vacancier, sont effectivement très semblables, et offrent des services semblables. Toutefois, les raisons pour lesquelles l'Administration de pilotage du Pacifique choisirait d'exempter le navire Queen of the North du pilotage obligatoire s'expliquent en fonction de l'évaluation qui est faite là-bas de la sécurité et des dangers de navigation. Le fait est que dans le fleuve St-Laurent, la navigation est particulièrement difficile, et c'est la raison pour laquelle l'A.P.L. a établi les deux zones de pilotage obligatoire.

QUESTION EN LITIGE

[15]            Le C.T.M.A. Vacancier est-il un traversier au sens du Règlement de l'Administration de pilotage des Laurentides?


LÉGISLATION

[16]            La Loi sur le pilotage crée des Administrations de pilotage, chacune chargée d'assurer la sécurité de la navigation dans une région donnée.


18. Une Administration a pour mission de mettre sur pied, de faire fonctionner, d'entretenir et de gérer, pour la sécurité de la navigation, un service de pilotage efficace dans la région décrite à l'annexe au regard de cette Administration.                              

18. The objects of an Authority are to establish, operate, maintain and administer in the interests of safety an efficient pilotage service within the region set out in respect of the Authority in the schedule.


[17]            L'A.P.L. est chargée de la région suivante : (Annexe)


Toutes les eaux canadiennes sises dans la province de Québec et eaux limitrophes, au nord de l'entrée septentrionale de l'écluse de Saint-Lambert, à l'exception des eaux de la Baie des Chaleurs, au sud du Cap d'Espoir par 48 degrés 25 minutes 08 secondes de latitude nord et 64 degrés 19 minutes 06 secondes de longitude ouest.

All Canadian waters in and around the Province of Quebec, north of the northern entrance to St. Lambert Lock, except the waters of Chaleur Bay, south of Cap d'Espoir in latitude 48 degrees 25 minutes 08 seconds N., longitude 64 degrees 19 minutes 06 seconds W.


[18]            L'Administration établit, par Règlement, les zones de pilotage obligatoire, et les navires qui y sont assujettis ou en sont dispensés :



20. (1) Une Administration peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, prendre les règlements généraux nécessaires à l'exécution de sa mission et, notamment:

a) établir des zones de pilotage obligatoire;

b) déterminer les navires ou catégories de navires assujettis au pilotage obligatoire;

c) établir les circonstances dans lesquelles il peut y avoir dispense du pilotage obligatoire;

(...)

20. (1) An Authority may, with the approval of the Governor in Council, make regulations necessary for the attainment of its objects, including, without restricting the generality of the foregoing, regulations

(a) establishing compulsory pilotage areas;

(b) prescribing the ships or classes of ships that are subject to compulsory pilotage;

(c) prescribing the circumstances under which compulsory pilotage may be waived;(...)


[19]            Le Règlement de l'Administration de pilotage des Laurentides décrit ainsi la zone de pilotage obligatoire : (Annexe I du Règlement)                   


La zone de pilotage obligatoire comprend:

a) toutes les eaux navigables du fleuve Saint-Laurent entre l'entrée septentrionale de l'écluse de Saint-Lambert et une ligne tirée en travers dudit fleuve sur un relèvement de 121 ° (V) à un point situé par 48 ° 20'48" de latitude N. et 69 ° 23'24" de longitude O.;

b) toutes les eaux navigables dans les limites d'un port situé dans la région dont il est question à l'alinéa a), nonobstant le fait que les limites d'un tel port puissent s'étendre dans des eaux qui ne sont pas considérées comme des eaux du fleuve Saint-Laurent; (...)

The compulsory pilotage area consists of the following waters:

(a) all the navigable waters of the St. Lawrence River between the northern entrance to St. Lambert Lock and a ligne bearing 121 ° (True) and drawn across the said River at Latitude 48 ° 20'48"N., Longitude 69 ° 23'24"W.;

(b) all the navigable waters lying within the limits of any harbour situated within the area referred to in paragraph (a) notwithstanding that the limits of any such harbour may extend into waters not considered part of the St. Lawrence River; (...)


[20]            Le Règlement prévoit les catégories de bateaux qui y sont assujettis ou qui en sont dispensés :



4. (1) Sous réserve du paragraphe (3), sont assujettis au pilotage obligatoire les navires suivants :

a) les navires immatriculés au Canada qui, selon le cas :

(i) naviguent dans les circonscriptions nos 1 ou 1-1 et qui ont plus de 70 m de longueur et une jauge brute de plus de 2 400 tonneaux,

(ii) naviguent dans la circonscription no 2 et qui ont plus de 80 m de longueur et une jauge brute de plus de 3 300 tonneaux; (...)

(3) Les navires ou catégories de navires ci-après immatriculés au Canada et armés de capitaines et d'officiers canadiens ne sont pas assujettis au pilotage obligatoire :

(...)

b) les traversiers affectés au transport payant de passagers entre plusieurs terminus, selon un horaire établi;(...)

4. (1) Subject to subsection (3), the following ships are subject to compulsory pilotage:

(a) any ship registered in Canada that

(i) is operated in District No. 1 or District No. 1-1 and is over 70 m in length and over 2 400 tons gross tonnage, or

(ii) is operated in District No. 2 and is over 80 m in length and over 3 300 tons gross tonnage; (...)

(3) The following ships or classes of ships, if registered in Canada and manned by Canadian masters and officers, are not subject to compulsory pilotage:

(...)

(b) any ferry operating in the passenger carrying trade on a regular schedule between two or more terminals;(...)


ANALYSE

[21]            Les parties présentent certains arguments en vertu de la jurisprudence et de textes législatifs, pour illustrer ce que l'on doit entendre par « traversier » , mais je ne crois pas qu'ils soient essentiels pour décider une question finalement assez simple. Ainsi, on trouve dans le Barème des droits pour les services maritimes (droits pour les services à la navigation maritime fournis par la Garde côtière canadienne) la définition suivante de traversier :

« Navire équipé des installations pour transporter principalement des passagers, des marchandises, des véhicules ou des wagons de chemin de fer ro-ro, exploité selon un horaire fixe entre deux ou plusieurs points sur le trajet maritime le plus direct » .


[22]            La demanderesse soutient que cette définition correspond en tous points à la situation du navire Vacancier. La défenderesse oppose que le « trajet maritime le plus direct » présume qu'il n'y a pas par ailleurs un parcours routier qui remplirait le même objectif. La défenderesse cite la jurisprudence où l'on a défini la notion de traversier comme continuation d'une route, remplacement d'un pont ou moyen de traverser un plan d'eau :

Prince Edward Island v. Canada, [1976] 2. F.C. 712 (T.D.), para. 45 :

An ancient definition of the word "ferry" was the right of ferrying men, animals and goods across a body of water and of levying a toll for so doing. (...) In this day and age (...) the language of the Order in Council must be interpreted as meaning that a ferry service for the conveyance of passengers is to include the automobile of the passenger, just as it would include the passenger's baggage and like appendages.

Dinner v. Humberstone (1896), 26 S.C.R. 252, p. 267 :

(...) ferries are a kind of highways which have their peculiar incidents, (...)

[23]            La demanderesse réplique que la définition dans la loi devrait l'emporter sur les définitions générales ou jurisprudentielles. Je crois que la Loi d'interprétation, ch. I-21, répond à la question de savoir comment interpréter le terme que l'on trouve au Règlement :


12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

12. Every enactment is deemed remedial, and shall be given such fair, large and liberal construction and interpretation as best ensures the attainment of its objects.


[24]            On pourrait discuter longuement de savoir si le navire Vacancier est un


« traversier » , mais je crois que ce qui importe ici, c'est la raison même du Règlement. L'idée du pilotage obligatoire est d'assurer la sécurité des navires et des passagers dans des zones où la navigation, pour diverses raisons, est difficile. C'est à l'A.P.L. qu'il revient de déterminer quelles sont ces zones dangereuses, et les modalités qui s'appliqueront aux navires qui naviguent dans ces zones.

[25]            À la rigueur, on peut considérer que son parcours des Îles-de-la-Madeleine à Matane constitue un parcours de traversier. Cependant, peu importe la définition que l'on donne de traversier, le fait est que le navire Vacancier, lorsqu'il navigue dans la zone de pilotage obligatoire, des Escoumins à Montréal, n'a pas un parcours de traversier. Il ne traverse pas d'une rive à l'autre, mais remonte le fleuve, à partir de l'escale de Matane, sur une distance de 340 milles nautiques. Il emprunte le chenal de navigation qu'empruntent les autres bateaux soumis au pilotage obligatoire. Sa jauge, ses dimensions et le nombre de passagers qu'il transporte justifient la présence à bord de pilotes qualifiés.

[26]            L'A.P.L. prévoit une exemption pour les navires qui se trouvent sur le fleuve, mais dont le parcours est transversal au chenal de navigation. Il n'y a pas raison de croire qu'un navire dont le parcours suit le chenal sur toute sa longueur devrait être exempté des conditions faites aux autres navires de même tonnage et dimensions, quelle que soit par ailleurs la désignation que le navire se donne, ou encore sa classification par le Lloyd's Register.

[27]            La partie demanderesse suggère que la Cour devrait considérer favorablement la demande en s'inspirant du fait que le bateau Queen of the North, un « ferry » opérant en Colombie-Britannique entre Prince Rupert et Port Hardy sur l'Île de Vancouver, emprunte un parcours de plusieurs centaines de milles nautiques entre ces deux destinations, et n'est pas visé par le pilotage obligatoire.

[28]            Le Règlement sur le pilotage dans la région du Pacifique, C.R.C., ch. 1270 prévoit désormais l'exemption des traversiers. Par une modification publiée dans la Gazette du Canada le 12 juin 2003, Règlement modifiant le Règlement sur le pilotage dans la région du Pacifique, DORS/2003-224, on ajoute la définition de traversier à l'article 1 et on exempte dorénavant les traversiers de l'exigence de pilotage obligatoire :


« traversier » Navire, ou ensemble de navires, qui transporte des passagers ou des marchandises selon un horaire régulier entre des terminaux.

"ferry" means a ship or an arrangement of ships that carries passengers or goods according to a fixed schedule between terminals;




9. (1) Tout navire d'une jauge brute supérieure à 350 tonneaux est assujetti au pilotage obligatoire.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), si un navire fait partie d'un ensemble de navires, il est tenu compte de la jauge combinée de tous les navires composant l'ensemble de navires pour décider si le navire est assujetti au pilotage obligatoire.

(3) Le paragraphe (1) ne s'applique pas à l'égard des navires suivants :

a) les navires d'État au sens de l'article 2 de la Loi sur la marine marchande du Canada;

b) les traversiers.

9. (1) Every ship over 350 gross tons is subject to compulsory pilotage.

(2) For the purposes of subsection (1), if a ship is part of an arrangement of ships, then the combined tonnage of all the ships in the arrangement of ships is taken into consideration in determining whether the ship is subject to compulsory pilotage.

(3) Subsection (1) does not apply in respect of

(a) a government ship as defined in section 2 of the Canada Shipping Act; or

(b) a ferry.


[29]            Cette décision administrative, à mon sens, n'ajoute rien à la cause de la demanderesse. Le Inside Passage où navigue le Queen of the North n'est pas une zone de pilotage obligatoire d'après le Règlement. L'exemption des traversiers ne concerne donc pas ce navire, qu'il soit ou non « ferry » au sens du Règlement. Le Règlement de l'administration de pilotage des Laurentides, pour sa part, ne définit pas le mot « traversier_ » , pas plus que la Loi sur le pilotage. Le problème demeure entier.


[30]            La demanderesse soutient que son équipage est amplement qualifié pour naviguer sur le fleuve St-Laurent. Il n'appartient pas à cette Cour de juger de la compétence des capitaines et officiers de la demanderesse. Le législateur a choisi de donner cette responsabilité à l'A.P.L., qui offre un programme d'agrément pour obtenir le brevet de pilote ou le certificat de pilotage. La demanderesse ne m'a pas convaincu qu'il était impossible pour ses employés d'obtenir le brevet ou le certificat en raison de l'absence d'un simulateur de navigation au Québec. Le simulateur est disponible ailleurs dans les Maritimes, et son utilisation ne constitue pas une condition impérative pour l'obtention du brevet. Bref, la condition imposée par l'A.P.L. d'avoir des pilotes brevetés ou titulaires d'un certificat à bord pour pouvoir être exempté de l'obligation d'embaucher des pilotes de l'A.P.L. ne me paraît pas excessivement onéreuse, et elle rencontre les obligations d'assurer une circulation sécuritaire sur le St-Laurent.

[31]            Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter la demande. Pour les fins de l'application du Règlement sur l'Administration de pilotage des Laurentides, le C.T.M.A. Vacancier n'est pas un traversier.

                                                                        JUGEMENT

-          La Cour rejette la demande de jugement déclaratoire;

-          La Cour conclut que le C.T.M.A. Vacancier n'est pas un traversier pour les fins de l'application du Règlement sur l'administration du pilotage des Laurentides;

-          Le tout avec dépens en faveur de la défenderesse Administration de pilotage des Laurentides.

                  « Pierre Blais »                 

    J.C.F.


                                                                 COUR FÉDÉRALE

                                                                                   

                                NOMS DES AVOCATS AYANT COMPARUS LORS DE     L'AUDITION

                                                                                                                                                                       

DOSSIER :                                                 T-275-03

INTITULÉ :                                        NAVIGATION MADELEINE INC.

c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et

L'ADMINISTRATION DE PILOTAGE DES LAURENTIDES

LIEU DE L'AUDIENCE :                        MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :                      26 NOVEMBRE 2003 et 7 JANVIER 2004

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT:                      M. le juge Blais

EN DATE DU :                                           Le 15 janvier 2003

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                                                                                 

Me FRANCIS GERVAIS                                                             DEMANDERESSE

LAVAL, QUÉBEC,                                                    

ME GUY P. MAJOR                                                                     DÉFENDERESSE

MONTREAL, QUÉBEC                                                              ADMINISTRATION DE PILOTAGE DES LAURENTIDES


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.