Date : 19990615
Dossier : IMM-2884-99
ENTRE :
VINCENZO TRASMUNDI,
demandeur,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE SHARLOW
[1] Le demandeur est arrivé au Canada en 1959 à l'âge de 13 ans accompagné de sa famille et a obtenu le statut d'immigrant admis. En 1964, il a été expulsé en raison de ses activités criminelles. Il est revenu au Canada en 1985 sans obtenir l'autorisation du Ministre, devenant donc une personne visée à l'alinéa 27(2)h) de la Loi sur l'immigration.
[2] Dans un rapport présenté en février 1999, on a déclaré qu'il était une personne visée à l'alinéa 27(2)h).
[3] Le 4 mars 1999, il a été arrêté et détenu sur la foi du rapport fondé sur l'alinéa 27(2)h) et de la décision d'un agent d'immigration selon laquelle il constitue un danger pour le public et risque de prendre la fuite1. Généralement, l'article 103 permet l'arrestation et la détention d'une personne à certaines conditions, l'une d'elles étant que la personne doit faire l'objet d'une décision aux termes du paragraphe 27(4) ou qu'elle est frappée par une mesure de renvoi. L'article 2 définit l'expression " mesure de renvoi " comme étant une mesure d'interdiction de séjour, d'exclusion ou d'expulsion.
[4] Le 5 mars 1999, un agent d'immigration a pris une mesure d'interdiction de séjour en application du sous-alinéa 27(4)b). Le demandeur était déjà détenu en ce temps-là. Il est en détention à la date de la présente audience. Les motifs de sa détention ont été révisés périodiquement conformément au paragraphe 103(6) et la détention a toujours été prolongée2.
[5] Le demandeur a présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire sur le fondement que sa détention est illégale. Comme mesure de redressement provisoire, il sollicite une ordonnance de mise en liberté ou, subsidiairement,
une ordonnance instruisant les agents qui ont révisé ou qui réviseront les motifs de sa détention que celle-ci est illégale3.
[6] L'argumentation du demandeur s'appuie uniquement sur un argument juridique quant à l'interprétation de la Loi sur l'immigration. Il n'y a aucune allégation selon laquelle l'ordonnance de détention a été rendue autrement que de bonne foi et dans un but légitime.
[7] L'avocate du ministre prétend que je n'ai pas la compétence pour ordonner la mise en liberté du demandeur : Naseem c. Canada (Solliciteur général) [1993] 68 F.T.R. 230, et Kaneva c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (7 novembre 1994), IMM-4388-94 (C.F. 1re inst.).
[8] Il n'est pas nécessaire que je tranche cette question. Si je possédais cette compétence, je ne l'exercerais pas en l'espèce parce que je ne suis pas convaincue que la détention du demandeur est illégale.
[9] Le demandeur soutient qu'en raison de l'article 32.02 de la Loi sur l'immigration, la mesure d'interdiction de séjour et la détention sont incompatibles sur le plan du droit et que cette dernière est donc illégale.
[10] Si je le comprends bien, l'argument peut être résumé comme suit. La mesure d'interdiction de séjour exige du demandeur qu'il quitte le Canada mais sa détention l'empêche de s'y conformer. Par une mesure d'interdiction de séjour, le ministre donne à une personne le droit de quitter le Canada volontairement, à condition seulement qu'elle signale son départ au fonctionnaire compétent en la matière, conformément à l'article 32.01, afin de permettre à celui-ci de lui remettre une attestation de départ. Selon le paragraphe 32.02(1), si aucune attestation de départ n'est délivrée dans le délai prévu au Règlement, la mesure d'interdiction de séjour devient une mesure d'expulsion4. En vertu du paragraphe 32.02(3), la présomption prévue au paragraphe 32.01(1) ne s'applique pas à une personne qui est détenue après la prise d'une mesure d'interdiction de séjour contre elle et qui se trouve encore en détention à l'expiration de la période prescrite. En conséquence, en l'espèce, la mesure d'interdiction de séjour ne peut pas devenir une mesure d'expulsion tant que le demandeur se trouve en détention. Non seulement la détention du demandeur l'empêche de partir volontairement, mais elle empêche le ministre de le renvoyer contre son gré, ce qui signifie qu'il pourrait demeurer en détention à perpétuité. Il doit s'en suivre que la détention est illégale.
[11] L'erreur dans ce raisonnement est que le ministre n'est pas empêché de renvoyer le demandeur contre son gré (à l'expiration du sursis). Une mesure d'interdiction de séjour, à l'instar d'une mesure d'expulsion, constitue une mesure de renvoi et est exécutoire de la même façon. Il y a une différence entre ces deux types de mesure en ce sens que la personne qui est frappée par une mesure d'interdiction de séjour peut avoir un droit supérieur en vertu de l'article 55 de revenir au Canada après avoir quitté ce pays. On ne sait pas exactement à quel point cela pourrait affecter le demandeur parce qu'il a également, jadis, été frappé par une mesure d'expulsion. Cependant, la détention du demandeur ne devient pas illégale du seul fait que l'article 32.02 ne peut avoir d'effet pendant la durée de la détention.
[12] La demande visant à obtenir une mesure de redressement provisoire est rejetée.
" Karen R. Sharlow " |
Juge |
TORONTO (ONTARIO)
Le 15 juin 1999
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
NO DU GREFFE : IMM-2884-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : VINCENZO TRASMUNDI |
- et - |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
DATE DE L'AUDIENCE : LE LUNDI 14 JUIN 1999
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE SHARLOW |
DATE DES MOTIFS : LE MARDI 15 JUIN 1999 |
ONT COMPARU : M. Laurence Cohen
pour le demandeur |
Mme Toby Hoffman
pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER Laurence M. Cohen
Avocat
902-347, rue Bay
Toronto (Ontario)
M5H 2R7
pour le demandeur
Morris Rosenberg
Sous-procureur général
du Canada |
pour le défendeur
__________________1 Ces décisions ne sont pas à l'étude dans le cadre de la présente demande.
2 Le demandeur a également interjeté un appel devant la Section d'appel de l'immigration, qui, compte tenu d'une ordonnance du juge Gibson, a donné lieu à un sursis de la mesure d'interdiction de séjour en application de l'alinéa 49(1)b). Aux fins de l'examen de l'argumentation du demandeur, je n'ai tenu aucun compte de l'existence du sursis.
3 Une requête semblable a été présentée le 17 mai 1999; le juge McGillis l'a rejetée parce qu'il n'y avait aucun affidavit du demandeur.
4 La question du délai relève du pouvoir discrétionnaire de la personne qui délivre l'attestation de départ; toutefois, le délai ne peut généralement pas dépasser 30 jours à partir de la date de la prise de la mesure d'interdiction de séjour. S'il y a sursis de la mesure d'interdiction de séjour, le délai est suspendu tant que le sursis est en vigueur (par. 27(1) du Règlement).