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Date : 20030813

Dossier : T-1321-97

Référence : 2003 CF 978

ENTRE :

ELI LILLY AND COMPANY

et ELI LILLY CANADA INC.

demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

et

APOTEX INC.

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

ET ENTRE :

APOTEX INC.

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

et

ELI LILLY AND COMPANY

et ELI LILLY CANADA INC.

demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

et

SHIONOGI & CO. LTD.

défenderesse reconventionnelle

MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE PROTONOTAIRE ARONOVITCH

[1]                 Les demanderesses (Lilly) souhaitent modifier leur déclaration dans le cadre d'une poursuite en contrefaçon de brevet visant le médicament antibiotique appelé céfaclor. Apotex fabrique et vend au Canada son propre produit, l'Apo-Céfaclor. Le principe actif en vrac du céfaclor d'Apotex serait contrefaisant parce qu'il utilise les composés ou procédés intermédiaires revendiqués dans les huit brevets visés. On peut résumer correctement les questions de fond qui sont litigieuses entre les parties en disant qu'elles portent sur la contrefaçon et l'invalidité des brevets visés et sur le comportement de Lilly, et de Shionogi, titulaire des droits de brevet à l'égard de quatre des huit brevets litigieux, dont on prétend qu'il serait anti-concurrentiel.

[2]                 Pour la majorité, les modification proposées ne sont pas litigieuses. La modification contestée touche le droit de Lilly à l'attribution des dépens avocat-client et de dommages-intérêts exemplaires, en réparation du fait qu'Apotex aurait retenu des documents pertinents et manqué à ses obligations de communication préalable au cours de la procédure. Le coeur du litige entre les parties est le paragraphe suivant que Lilly demande d'ajouter à la déclaration.

[traduction] 33. De plus, Apotex a retenu des documents et des précisions en sa possession au sujet des procédés utilisés par ses fournisseurs, notamment les documents figurant dans sa présentation de drogue nouvelle visant l'Apo-Céfaclor ou les documents déposés auprès du ministre de la Santé. Le défaut d'Apotex de communiquer les documents pertinents a prolongé la poursuite de l'action et occasionné des dépenses indues aux demanderesses. Les demanderesses prétendent qu'Apotex est responsable des dépens sur la base avocat-client des demanderesses issus du refus de communiquer les documents pertinents relatifs aux procédés et que ce comportement justifie l'attribution de dommages-intérêts exemplaires.                                                                                                                        


[3]                 Lilly dit que la modification devrait être autorisée du fait que le comportement reproché touche les actes de procédure en ce qui a trait au fardeau de la preuve, de même que la demande de Lilly relative aux dommages-intérêts exemplaires et aux dépens avocat-client. Apotex s'oppose à la modification et fait valoir que les allégations contenues dans la requête ne révèlent pas de cause d'action valable, ne sont pas pertinentes, sont frivoles et vexatoires et ne fondent pas une requête en radiation.

[4]                 Il est bien établi et convenu entre les parties que des modifications peuvent être apportées en tout temps aux actes de procédure, dans la mesure où elles ne causent pas un préjudice qui ne serait pas réparable par l'attribution de dépens. En outre, la modification proposée doit répondre au même critère que celui de la requête en radiation (Visx Inc. c. Nidek Co., [1996] A.C.F. n º 1721 (QL) (C.A.F.) au paragraphe 16; Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc., [2002] A.C.F. n º 1304 (QL) (C.F. 1re inst.) aux paragraphes 20 à 27). En fait, les actes de procédure peuvent être radiés pour tous les motifs énumérés au paragraphe 221(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), notamment s'ils ne révèlent aucune cause d'action valable, sont futiles, frivoles et vexatoires, ou risquent de nuire à l'instruction équitable de l'action ou de la retarder. Apotex, nous l'avons vu, invoque plusieurs de ces motifs pour exclure la modification.

Le fardeau de la preuve

[5]                 Lilly renvoie au principe de common law selon lequel, dans le cas où la partie qui est la mieux placée pour établir ou contredire un fait ne présente pas la preuve pertinente, ce défaut peut mener à une déduction qui lui est défavorable. Lilly a fait valoir, au paragraphe 32 de sa déclaration, que les renseignements concernant les procédés de synthèse utilisés par Apotex font partie de ses connaissances particulières, que les demanderesses ne peuvent les découvrir et que le fardeau de la preuve en common law incombe à Apotex, tenue d'établir l'usage d'un procédé non contrefaisant. Lilly maintient dans sa requête que le défaut d'Apotex de communiquer des documents concerne l'argument invoqué du fardeau de la preuve en common law.


[6]                 À l'appui de cette position, Lilly cite l'arrêt Hoffman La-Roche Ltd. c. Apotex Inc. (1983), 71 C.P.R. (2d) 20 (H.C. Ont.), conf. par 1 C.P.R. (3d) 507 (C.A.), autorisation de pourvoi rejetée, 2 C.P.R. (3d) 431 (C.S.C.). Dans cette affaire, l'avocat d'Apotex a donné instruction au fournisseur d'Apotex en Italie de ne pas communiquer certains renseignements pertinents. La Cour a conclu qu'Apotex était la mieux placée pour produire cet élément de preuve et que son refus de le faire justifiait une déduction défavorable à son endroit. En d'autres termes, le fardeau de la preuve a été transféré à Apotex, qui ne s'en est pas acquittée. Lilly s'appuie sur l'observation de la Cour dans l'arrêt Hoffman La-Roche, donnée ci-dessous, qui traite des instructions d'Apotex à son fournisseur de ne pas communiquer de renseignements.

[traduction] Par conséquent, dans une affaire comme la présente où la demanderesse est titulaire d'un brevet de procédé et la défenderesse titulaire d'une licence obligatoire, le fardeau de la preuve est transféré à la défenderesse, qui doit établir que le fournisseur étranger qu'elle a choisi n'utilise pas le procédé breveté de la demanderesse. La défenderesse est la seule des deux parties qui est vraiment en mesure d'établir le procédé étranger effectivement utilisé. C'est particulièrement vrai dans la mesure où la défenderesse et son avocat ont donné ordre au fournisseur étranger de ne communiquer à l'avocat de la demanderesse aucun renseignement sur le procédé de fabrication de la défenderesse. (Non souligné dans l'original.)


[7]                 L'arrêt Hoffman La-Roche n'a pas, en l'espèce, l'effet que suggère Lilly. D'abord, si Apotex était la mieux placée pour présenter certains éléments de preuve et que le fardeau de preuve lui était transféré en conséquence, il le serait en raison de la non-disponibilité de la preuve et des connaissances spéciales que possède Apotex du procédé en question, et non en raison de son comportement. Dans la mesure où la Cour, dans l'arrêt Hoffman La-Roche, a tenu compte des instructions de l'avocat d'Apotex de ne pas communiquer les renseignements, l'espèce se distingue de l'arrêt en ce qu'Apotex a finalement communiqué les éléments de preuve visés. Je ne vois pas comment la non-disponibilité passée des renseignements sur le procédé peut être prise en considération pour transférer le fardeau de la preuve. Je conclus donc que le fardeau de la preuve ne soulève plus de question juridique à l'égard de laquelle le refus de communication d'Apotex pourrait être pertinent.

Les dommages-intérêts exemplaires

[8]                 Apotex soutient que, contrairement aux dépens, les dommages-intérêts exemplaires sont attribués pour punir un comportement malveillant, abusif ou opprimant d'une partie dans la commission de la faute juridique qui fait l'objet du litige. Un comportement inapproprié dans le cours d'un procès peut justifier l'attribution de dépens élevés, dit Apotex, mais il ne peut servir à justifier des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs. Ces dommages-intérêts sont attribués pour punir le comportement exceptionnel d'une partie qui a donné lieu au litige. À l'appui de ces propositions, Apotex renvoie à une jurisprudence abondante, notamment les décisions Olson c. (New Home Certification Program) Alberta, [1986] A.J. n º 347 (QL) (B.R.); Waters c. MTI Canada Ltd. (1996), 19 C.C.E.L. (2d) 24 (Div. gén. Ont.), et Millar c. General Motors of Canada, [2002] O.J. n º 2769 (QL) (C.S.). Apotex fait également valoir qu'une partie ne peut avoir droit à la fois à des dommages-intérêts exemplaires et à des dépens avocat-client pour des allégations portant sur le même comportement, ce qui constituerait une double réparation non permise.


[9]                 S'agissant de la double réparation, je comprends que la position de Lilly est qu'il peut être justifié d'attribuer à la fois des dommages-intérêts exemplaires et des dépens avocat-client pour les mêmes faits. Comme l'explique M. Orkin dans son traité The Law of Costs, [2nd ed. (Aurora: Canada Law Book Inc.) aux pages 2-172 et 2-173]

[traduction] ... les deux questions sont distinctes sur le plan juridique ou, en d'autres termes, la question d'indemniser le demandeur pour ses dépens se distingue suffisamment de celle de punir le défendeur pour une inconduite... Par conséquent, selon les circonstances, les tribunaux n'ont pas hésité à attribuer des dépens avocat-client en plus de dommages-intérêts exemplaires, majorés ou punitifs. Réciproquement, refuser à un demandeur des dommages-intérêts punitifs ne justifie pas le rejet des dépens avocat-client : il s'agit de questions distinctes. [Renvois omis.]

[10]            La position d'Orkin est confirmée par la Cour d'appel de l'Ontario dans les arrêts Ross c. Lamport (1957), 9 D.L.R. (2d) 585 (C.A.) (Ross) et Leenen c. Canadian Broadcasting Corp. (2001), 54 S.O. (3d) 612 (C.A.) (Leenen). Je suis persuadée que la perspective d'une double réparation n'est pas en soi un motif valide de radiation de l'acte de procédure visé.


[11]            Cela étant dit, je conclus après examen de la jurisprudence que l'inconduite prétendue d'Apotex au cours de l'enquête préalable n'est pas de nature ou de caractère à justifier l'attribution de dommages-intérêts exemplaires. De tels dommages-intérêts ont effectivement été attribués dans les arrêts Ross et Leenen notamment, en raison du comportement des défendeurs au cours du procès. Ces affaires se distinguent clairement de l'espèce. Ces deux affaires étaient des actions en diffamation, où l'attribution de dommages-intérêts punitifs ou majorés traduisait la vive condamnation de la Cour à l'égard du comportement du défendeur. Dans l'arrêt Leenen, il n'y [traduction] « a jamais eu d'excuses ou de retrait des propos diffamatoires; au contraire, on a continué jusqu'à la fin et tout au long du procès à défendre avec intransigeance les actes des défendeurs » . La Cour a conclu que les défendeurs, dans le cours de la procédure, s'étaient conduits de manière à [traduction] « augmenter l'anxiété du Dr Leenen et retarder sa chance de laver sa réputation » . Comme dans le cas de l'arrêt Ross, ce comportement constituait une aggravation du préjudice initial causé au demandeur et formaient partie intégrante de la cause d'action.

[12]            Les faits de l'arrêt Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, ressemblent à ceux de l'arrêt Ross. Dans cette affaire, les défendeurs avaient persisté dans leurs déclarations diffamatoires tout au long du procès. La Cour suprême a justifié l'attribution de dommages-intérêts majorés en exposant comme suit les principes applicables (au paragraphe 191) :

Au nombre des facteurs qu'un jury est fondé à considérer en vue de fixer les dommages-intérêts majorés, il y a la question de savoir si le défendeur a retiré la déclaration diffamatoire, s'il a présenté des excuses, si le défendeur a répété le libelle, s'il s'est comporté de façon à empêcher le demandeur d'introduire l'action en libelle, s'il a fait subir au demandeur un contre-interrogatoire long et hostile, ou s'il a invoqué un plaidoyer de justification qu'il savait voué à l'échec.

[13]            À l'évidence, dans le cas où la cause d'action repose sur les déclarations diffamatoires du défendeur, le comportement du défendeur au cours du procès peut faire durer ou aggraver le préjudice initial, en intensifiant l'humiliation et l'anxiété résultant de la diffamation. Dans ces cas, pour évaluer les dommages-intérêts majorés, qui sont de nature compensatoire, « le jury doit considérer l'ensemble du comportement du défendeur avant la publication du libelle et pendant tout le déroulement du procès, jusqu'à la fin » (Hill c. Église de scientologie à la page 1205). Les mêmes facteurs ont persuadé la Cour dans l'affaireAtlas Janitorial Services Co c. Germanis 53 C.P.R. (3d) 1, que Lilly invoque. Dans cette affaire, des dommages-intérêts punitifs ont été attribués pour une conduite [traduction] « désinvolte et subversive » , qui aggravait le manquement à la clause restrictive ayant donné lieu à la poursuite de la demanderesse.

[14]            Tel n'est pas le cas en l'espèce. L'action sous-jacente concerne la contrefaçon d'un brevet. Le prétendu refus d'Apotex de communiquer des documents pertinents de manière à prolonger sans raison la poursuite de l'action et à occasionner des dépenses aux demanderesses n'est ni un moyen, ni une aggravation ni une prolongation de la violation prétendue. Tout retard et toute dépense supplémentaire occasionnés à Lilly dans la poursuite de l'action peuvent être indemnisés par l'attribution de dépens. Il ne s'agit pas d'un comportement susceptible de justifier l'attribution de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires.

[15]            J'ajouterais que la décision Apotex Inc. c. Merck & Co., non publiée, 5 mars 1999, dossier n º T-294-96 (C.F. 1re inst), n'est d'aucun secours à Lilly. Dans cette décision, Madame la juge Reed a accueilli une modification de la défense qui ajoute une demande reconventionnelle visant l'inobservation par Apotex d'une injonction imposée précédemment par la Cour dans une autre procédure. Dans cette affaire, la Cour a acepté que l'inobservation de l'injonction était pertinente à l'égard de prétentions fondées en vue d'obtenir une déclaration et des dommages-intérêts exemplaires.

Les dépens avocat-client

[16]            Contrairement à la question des dommages-intérêts, nul ne conteste que les allégations du paragraphe 33 puissent être pertinentes à l'égard des dépens. La question qui se pose alors est de savoir si cette pertinence suffit à justifier la présence du paragraphe dans les actes de procédure.


[17]            La défenderesse maintient que les actes de procédure ne devraient pas inclure des allégations se rapportant exclusivement à la question des dépens, puisque les faits et les allégations reliés au comportement des parties au cours du procès ne font pas partie de l'objet du procès ou, en d'autres termes, du litige entre les parties, mais sont une question à trancher une fois la décision rendue sur le fond du litige.

[18]            De son côté, Lilly soutient que les actes de procédure qui concernent les dépens ne sont ni inutiles ni inappropriés : quand une partie réclame des dépens, les dépens deviennent l'une des questions à trancher au cours de la procédure. En intégrant les faits pertinents dans les actes de procédure, Lilly dit qu'elle donne avis à Apotex que le comportement de cette dernière au cours du procès donnera lieu à une demande d'attribution de dépens de la part de Lilly. En outre, Lilly fait valoir que la justification des actes de procédure touchant les dépens peut être considérée comme une question de droit litigieuse et qu'à ce titre, elle ne doit pas être décidée dans le cadre d'une requête en radiation (Apotex Inc. c. Glaxo Group Limited and Glaxo Wellcome Inc., 2001 C.F.P.I. n º 1351).

[19]            S'agissant de savoir si la question est véritablement litigieuse, je conclus au terme d'un examen attentif que les contradictions de la jurisprudence sont plus apparentes que réelles. Les décisions suivantes sont fondamentales pour débattre de la question. Bonner c. Day (1985), 49 O.R. (2d) 268 (H.C. Ont.) (Bonner); Royal Bank of Canada c. Fogler, Rubinoff (1985), 3 C.P.C. (2d) 248 (H.C. Ont.) (Royal Bank of Canada) et A.I. MacFarlane & Associates c. Delong (1986), 10 C.P.C. (2d) 25 (H.C. Ont.) (A.I. MacFarlane).


[20]            L'arrêt Bonner est cité à l'appui de la position qu'on peut plaider qu'un comportement seulement justifie des dépens. Il est intéressant de noter que la question, dans cette affaire, était de savoir si les actes de procédure pouvaient inclure des faits touchant les intérêts antérieurs au jugement. Le juge Rosenberg a décidé que le droit des demandeurs à des intérêts antérieurs au jugement était une question importante en litige et que les actes de procédure correspondants devaient être autorisés. Cet arrêt a été suivi par l'arrêt Royal Bank of Canada, où le défendeur cherchait à plaider des faits reliés au motif de la demanderesse pour intenter l'action, parce que pertinents à l'égard des dépens avocat-client. Le juge Potts a confirmé la décision du protonotaire Sandler d'autoriser ces actes de procédure. L'arrêt Bonner a été cité comme seul précédent utile.

[21]            Dans l'arrêt A.I. MacFarlane, la question était la même que dans l'arrêt Royal Bank of Canada : les actes de procédure du défendeur contenaient une allégation du motif de la demanderesse pour intenter l'action et une demande consécutive de dépens avocat-client. Le juge McRae ne s'est pas considéré lié par l'arrêt Royal Bank of Canada et a radié l'acte de procédure irrégulier, expliquant son raisonnement dans les termes suivants (à la page 27) :

[traduction] Il me semble qu'autoriser un acte de procédure qui ne concerne que les dépens, qu'il s'agisse des dépens avocat-client ou des dépens partie-partie, créerait un dangereux précédent. Les dépens ne sont pas une question et ne forment pas partie du litige; ils sont une affaire distincte à trancher une fois que toute les questions soulevées ont été réglées.


[22]            Le raisonnement du juge McRae dans l'arrêt A.I. MacFalane a été suivi par une abondante jurisprudence, notamment : Delray Development Corp. c. Rexe (1986), 13 C.P.C. (2d) 133 (H.C. Ont.), Wood Gundy Inc. c. Financial Trustco Capital Ltd. (1988), 26 C.P.C. (2d) 274 à la page 290 (H.C. Ont.), Drexler c. State Farm Mutual Automobile Insurance Co., [1995] O.J. no 899 (QL) (Div. gén. Ont.) et plus récemment Rundle c. Kruspe, [1998] O.J. no 899 (QL) (Div. gén. Ont.). Ayant examiné la jurisprudence contradictoire, la Cour a également préféré suivre l'arrêt A.I. MacFarlane dans la décision Four Twenty-Seven Investments Ltd. (Trustee of) c. Ryan, [1988] O.J. no 244 (QL) (H.C. Ont.). Fait à noter, cette dernière affaire était instruite par le juge Rosenberg, qui n'a pas cru bon renvoyer à son propre arrêt dans l'affaire Bonner.


[23]            La jurisprudence de notre Cour reprend les deux courants jurisprudentiels. Dans la décision Starline Agencies Inc. c. MacIntosh Graphics Inc. (1988), 24 C.P.R. (3d) 263 (C.F.P.I.), le protonotaire adjoint Giles a noté qu'il était incapable de réconcilier les conclusions des arrêts Royal Bank of Canada et A.I. MacFarlane, mais a néanmoins radié les actes de procédure en question devant lui, n'étant pas convaincu qu'ils étaient pertinents, même sur la question des dépens. Dans la décision Imperial Tobacco Ltd. c. Rothmans, Benson & Hedges Inc., [1998] A.C.F. n º 1085 (QL) (1re inst.), le juge Reed a noté que la jurisprudence relative aux actes de procédure concernant les dépens était « quelque peu flottante » (au paragraphe 9) et a radié les actes de procédure dans cette affaire, au motif qu'elle n'était pas persuadée que les faits avancés pouvaient à juste titre être invoqués à cette étape de l'instance, bien que pertinents à l'égard des dépens. Dans cette décision, le juge Reed fait allusion à deux décisions de notre Cour qui, sans faire référence aux deux courants de la jurisprudence, ont néanmoins radié des actes de procédure comme incorrects, qui invoquaient le motif de la partie demanderesse ou soulevaient des questions portant exclusivement sur les dépens. (Norac Systems International Inc. c. Massload Technologies Inc. (1996), 70 C.P.R. (3d) 88 (C.F. 1re inst.), Nolan c. Silex International Chemical Systems Inc., [1994] A.C.F. n º 1599). Dans cette dernière décision, le juge Richard, tel était alors son titre, a fait valoir qu'il valait mieux laisser à la Cour le soin de trancher la question des dépens une fois la décision rendue sur les questions soulevées par l'action.

[24]            Les dépens sont normalement attribués pour compenser les coûts du procès. Comme le paragraphe 57.01(1) des Règles de procédure civile de l'Ontario, auquel renvoie le protonotaire Donkin dans l'arrêt Delray Development Corp., le paragraphe 400(3) des Règles de la Cour fédérale expose les facteurs dont la Cour doit tenir compte dans l'attribution des dépens. Ces facteurs comprennent notamment « le résultat de l'instance » , « les sommes réclamées et les sommes recouvrées » et « le partage de la responsabilité » , questions qui ne peuvent être tranchées qu'au moment où les questions de fond du procès ont été réglées. Ces dispositions confirment la présomption jouant contre les actes de procédure reliés exclusivement aux dépens, dans la mesure où ces questions ne sont pas l'objet du procès, mais sont normalement réglées après la décision sur les allégations de fond.

[25]            Compte tenu de l'ensemble de la jurisprudence, du contexte particulier des Règles de la Cour fédérale et des principes plus larges qui régissent leur application, je conclus que l'arrêt A.I. MacFarlane constitue la jurisprudence correcte qui fait autorité et que les allégations de faits qui ne concernent que les dépens et sont sans importance par rapport aux questions de fond du litige, ne sont pas appropriées dans les actes de procédure. Même si la jurisprudence continue de citer l'arrêt Bonner et les opinions contradictoires exprimées dans les arrêts Royal Bank of Canada etA.I. MacFarlane, elle privilégie de manière fortement prépondérante le dernier arrêt.


[26]            Je partage cette opinion. Il n'est ni juste ni efficace sur le plan de la procédure de se laisser détourner, par des questions non reliées au litige et portant exclusivement sur le droit aux dépens, des questions de fond à trancher au procès. Autoriser ces actes de procédure incite une partie à se plaindre du comportement de l'autre partie pour justifier la modification des allégations de faits au fur et à mesure des plaintes, ce qui engendre des retards et pourrait inutilement élargir la portée de l'enquête préalable.

Conclusion

[27]            En résumé, je conclus que les allégations du paragraphe 33 de la déclaration proposée par Lilly ne sont ni pertinentes ni importantes à l'égard du fardeau de la preuve dans l'action sous-jacente. Ces allégations ne suffisent pas non plus à fonder une demande de dommages-intérêts exemplaires. Bien que les allégations puissent être pertinentes à l'égard des dépens, je conclus que l'autorisation doit être refusée car elle touche les allégations attaquées. Celles-ci ne sont pas importantes pour les questions de fond à trancher au procès, ne serviront qu'à teinter les actes de procédure et détourneront de la décision au fond de l'instance ou la retarderont. Une ordonnance sera prononcée en conséquence.

« Roza Aronovitch »

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :T-1321-97

INTITULÉ :              Eli Lilly and Company et al.

                                                         et

Apotex Inc. et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 30 avril 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MADAME LA PROTONOTAIRE ARONOVITCH                 

DATE DES MOTIFS :                                     Le 13 août 2003           

COMPARUTIONS :

Patrick Smith et

Kristi Rowe

POUR LES DEMANDERESSES

David Scrimger

A. David Morrow et

Colin Ingram

POUR LA DÉFENDERESSE

(Apotex Inc.)

POUR LA DÉFENDERESSE

(Shionogi & Co. Ltd.)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

Goodmans

Toronto (Ontario)

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

(Apotex Inc.)

POUR LA DÉFENDERESSE

(Shionogi & Co. Ltd.)


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