Date : 20020715
Dossier : IMM-1474-02
Vancouver (Colombie-Britannique), le lundi 15 juillet 2002
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE
ENTRE :
MACH PHUI
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
LA COUR, STATUANT SUR la requête présentée le 20 juin 2002 au nom du demandeur en vue d'obtenir, en vertu de l'article 399 des Règles de la Cour fédérale (1998), une ordonnance annulant ou modifiant l'ordonnance en date du 10 juin 2002 par laquelle la demande a été radiée, et prorogeant le délai imparti au demandeur pour déposer et signifier sa réponse au dossier de requête déposé le 21 mai 2002 par le défendeur :
- 1. ANNULE l'ordonnance du 10 juin 2002 et ACCORDE au demandeur jusqu'à la fermeture du greffe le 6 août 2002 pour déposer et signifier une réponse au dossier de requête du 21 mai 2002, à la suite de quoi le défendeur aura jusqu'à la fermeture du greffe le 20 août 2002 pour déposer et signifier une réponse;
- 2. DIT que bien que le demandeur obtienne gain de cause en ce qui concerne la présente requête, celle-ci n'a été rendue nécessaire que par la confusion créée au sein du cabinet de l'avocat du demandeur, en conséquence de quoi la Cour refuse d'adjuger des dépens au demandeur. Toutefois, compte tenu du fait que le défendeur s'est contenté de produire une lettre expliquant que le ministre ne soutenait aucune autre thèse que celle qu'il avait adoptée dans ses premiers documents, les dépens adjugés au défendeur sont fixés à la somme forfaitaire de 100 $ payable sur-le-champ. Les dépens de la requête en radiation seront fixés lorsque cette requête sera tranchée.
« John A. Hargrave »
Protonotaire
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
Date : 20020715
Dossier : IMM-1474-02
Référence neutre : 2002 CFPI 791
ENTRE :
MACH PHUI
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE PROTONOTAIRE HARGRAVE
[3] Les présents motifs font suite à une requête présentée en vertu de l'alinéa 399(1)b) des Règles de la Cour fédérale (1998) en vue de faire annuler l'ordonnance que j'ai prononcée le 10 juin 2002. L'alinéa 399(1)b) permet à la Cour d'annuler ou de modifier l'ordonnance qui a été rendue « [...] en l'absence d'une partie qui n'a pas comparu par suite d'un événement fortuit ou d'une erreur ou à cause d'un avis insuffisant de l'instance » . Aux termes de l'ordonnance en question, j'ai radié la demande de contrôle judiciaire.
[4] J'ai radié la demande de contrôle judiciaire pour deux raisons. En premier lieu - et c'est le facteur le plus important -, le défendeur avait invoqué des arguments très solides au soutien de sa thèse que la demande de contrôle judiciaire devait être radiée et ce, en dépit du principe général qui a été posé dans l'arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.F.), suivant lequel une demande de contrôle judiciaire ne doit être radiée que dans des circonstances exceptionnelles lorsque la demande est « manifestement irrégulière au point de n'avoir aucune chance d'être accueillie » (à la page 600). En second lieu, le demandeur n'avait pas contesté la requête.
[5] L'avocat du demandeur présente maintenant des éléments de preuve tendant à démontrer que le dossier a été égaré ou mal classé par le nouveau personnel de son cabinet. La raison ou l'excuse invoquée pour expliquer le fait qu'aucune diligence n'a été faite en ce qui concerne la requête est, à mon avis, justifiée et acceptable dans les circonstances. Il nous est tous arrivé à notre plus grande honte de mal classer des dossiers. Je tiens ici à rappeler le principe qu'une partie ne devrait pas être privée de ses droits en raison d'une erreur commise par son avocat, lorsqu'il est possible de remédier aux conséquences de cette erreur sans causer d'injustice à la partie adverse :
Le principe est qu'une partie ne doit pas être privée de son droit par l'erreur de ses procureurs, lorsqu'il est possible de remédier aux conséquences de cette erreur sans injustice à l'égard de la partie adverse.
(Bowen c. Ville de Montréal, [1979] 1 R.C.S. 511, à la page 519)
L'erreur de classement du dossier et l'ordonnance qui a été prononcée à la suite de cette erreur devraient donc être corrigées de manière à ne pas causer de préjudice permanent au client ou à son avocat. Il faut cependant satisfaire à un critère quelconque avant de pouvoir réclamer l'annulation d'une ordonnance, outre le fait que l'ordonnance n'a par erreur pas été contestée parce que le dossier avait été mal classé, car il y va de l'intérêt du public en ce qui concerne la stabilité des jugements et des ordonnances.
[4] Le juge Lutfy (maintenant juge à la Cour d'appel) s'est penché sur un cas analogue dans l'affaire Taylor Made Golf Co. c. 1110314 Ontario Inc., (1998), 148 F.T.R. 212 (C.F. 1re inst.). Dans cette affaire, la Cour avait rendu un jugement par défaut parce que, pour une raison ou pour une autre, la défenderesse avait par erreur pris la déclaration pour une simple mise en demeure. Après avoir conclu que l'erreur sur la nature du document constituait une raison valable qui justifiait le prononcé du jugement par défaut, le juge Lutfy a ensuite demandé à la défenderesse de présenter une preuve prima facie démontrant pourquoi le jugement par défaut n'aurait pas dû être rendu. C'était selon lui le critère qui est prévu au paragraphe 399(1) des Règles. Je tiens à signaler que la troisième condition énoncée dans le jugement Taylor Made était que la requête en annulation d'un jugement par défaut doit être présentée promptement. Ce n'est pas une question en litige en l'espèce.
[5] En l'espèce, le défendeur ne défend aucune thèse au sujet de la présente requête. Il se contente de renvoyer la Cour aux observations qu'il a formulées au départ au sujet des raisons pour lesquelles la Cour devait radier l'instance. Les arguments invoqués par le défendeur pour demander la radiation de la demande sont, comme je l'ai déjà dit, solides. J'ai toutefois également déclaré dans mon ordonnance du 10 juin 2002 que, si certains des points soulevés par l'avocat du défendeur dans les observations écrites étaient contestés, ces points pourraient donner lieu à un débat.
[6] La preuve prima facie démontrant pourquoi l'ordonnance n'aurait pas dû être rendue se trouve dans les observations que le demandeur a formulées au sujet de ses éléments de preuve et arguments essentiels ainsi que dans le critère que la Cour a formulé dans l'arrêt David Bull et suivant lequel une demande ne doit pas être radiée mais plutôt être contestée selon la procédure habituelle à moins qu'elle ne soit « manifestement irrégulière au point de n'avoir aucune chance d'être accueillie » . Ce critère se veut de tout évidence une norme plus exigeante que celle qui a été énoncée, par exemple, dans l'arrêt Hunt c. Carey Canada, [1990] 2 R.C.S. 959, où la Cour a statué que, pour pouvoir radier une demande, il doit être évident et manifeste qu'elle ne révèle aucune cause d'action valable. Je crois que, dans le jugement Bonspille c. Conseil Mohawk de Kanesatake, une décision non encore publiée qui a été rendue le 13 juin 2002 dans le dossier T-824-02, référence neutre 2002 CFPI 659, le juge Pinard a formulé des commentaires fort utiles au sujet du critère posé dans l'arrêt David Bull en ajoutant qu'avant de pouvoir la faire radier, il faut démontrer que la demande est « vouée à l'échec en raison d'un vice irrémédiable » .
[7] Appliquant ce critère et tenant compte des observations de l'avocat du demandeur, je ne suis pas prêt à laisser subsister l'ordonnance aux termes de laquelle la demande a été radiée sans accorder à l'avocat du demandeur une véritable possibilité de contester pleinement la requête. Cela ne veut pas dire pour autant que l'opposition à la requête en radiation réussira ou que la demande de contrôle judiciaire elle-même pourrait prospérer. Cela veut plutôt dire que le demandeur ne devrait pas, compte tenu des circonstances de l'espèce, subir un préjudice en raison d'une confusion au sein du cabinet de l'avocat du demandeur, mais qu'on devrait plutôt lui permettre maintenant de faire valoir ses meilleures preuves et ses meilleurs arguments pour démontrer pourquoi la demande ne devrait pas être radiée.
[8] Le demandeur aura 21 jours pour déposer et signifier une réponse au dossier de requête du 21 mai 2002, à la suite de quoi le défendeur aura 14 jours pour déposer et signifier une réponse.
« John A. Hargrave »
Protonotaire
Vancouver (Colombie-Britannique)
Le 15 juillet 2002
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1472-02
INTITULÉ : Mach Phui c. M.C.I.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE HARGRAVE
DATE DES MOTIFS : 15 juillet 2002
REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER (RÈGLE 369)
OBSERVATIONS ÉCRITES :
Austin Q. Nguyen POUR LE DEMANDEUR
Rick Garvin POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Austin Q. Nguyen POUR LE DEMANDEUR
Calgary (Alberta)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20020715
Dossier : IMM-1474-02
ENTRE :
MACH PHUI
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE