Date: 20020513
Dossier: T-732-02
Référence neutre: 2002 CFPI 547
Montréal (Québec), le 13 mai 2002
En présence de l'honorable juge Danièle Tremblay-Lamer
ENTRE:
COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE
Demanderesse
- et -
MANON MALO
et
TÉLÉ-MÉTROPOLE INC.
et
NADIA CAZA
Défenderesses
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Vu l'urgence, je n'ai d'autre alternative que d'émettre de brefs motifs dans la présente affaire.
[2] Il s'agit d'une requête visant la suspension des procédures dans l'affaire Caza c. Groupe TVA et Manon Malo, T-633/2101, T-634/2201, devant le Tribunal canadien des droits de la personne (le « Tribunal » ), conformément à l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, c. F-7, telle qu'amendée, jusqu'à ce que jugement soit rendu dans la demande de contrôle judiciaire dans ce dossier.
[3] Dans une plainte amendée en date du 7 novembre 1996 et une plainte en date du 7 janvier 1999, la défenderesse Nadia Caza allègue que les défenderesses Groupe TVA et Manon Malo ont fait preuve de discrimination à son égard au motif de sa nationalité égyptienne et de son origine ethnique arabe.
[4] L'instruction de cette affaire par le Tribunal est présidée par le membre instructeur Me Roger Doyon. Elle doit se poursuivre le 14 mai 2002.
[5] Dans une lettre en date du 8 mars 2002, la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission » ) avisait le Tribunal qu'elle allait présenter une requête demandant la récusation du membre instructeur au motif d'apparence raisonnable de partialité.
[6] Dans sa requête en récusation en date du 11 mars 2002, la Commission reprochait au membre instructeur ses interventions lors du témoignage de la plaignante, le refus de celui-ci d'entendre cette dernière, ainsi que ses propos au sujet de Osama bin Laden.
[7] La requête en récusation a été entendue par le membre instructeur Me Roger Doyon les 12 et 13 mars 2002 et la requête a été rejetée dans une décision en date du 29 avril 2002.
[8] En date du 8 mai 2002, la Commission a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du membre instructeur.
[9] Afin d'éviter le dommage irréparable résultant de la tenue de l'instruction de la plainte dans ce contexte, la Commission a demandé au Tribunal, en date du 6 mai 2002, la suspension des procédures jusqu'à ce que jugement soit rendu sur la demande de contrôle judiciaire dans ce dossier.
[10] En date du 8 mai 2002, le Tribunal n'a pas encore accordé cette demande; la reprise de l'audition étant prévue pour le 14 mai prochain, d'où la présente requête pour suspension des procédures.
[11] Après avoir entendu les représentations des parties et compte tenu de la preuve au soutien de la présente requête, je suis satisfaite que les trois critères établis par la Cour suprême du Canada dans Manitoba (AG) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, ont été rencontrés.
[12] En premier lieu, je suis satisfaite qu'il y a une question sérieuse à trancher, à savoir si la conduite du membre instructeur soulève une crainte raisonnable de partialité dans l'instruction d'une plainte de discrimination au motif de race.
[13] Après avoir relu la transcription, je suis d'avis que les allégations de partialité de la demanderesse sont sérieuses :
D'abord, malgré un protocole d'entente intervenu entre les parties quant au droit d'intervention de la plaignante, j'ai relevé quatre incidents où celle-ci fut privée de son droit d'intervention.
Il est de plus allégué, comme second motif, que le membre instructeur est intervenu au cours du contre-interrogatoire de la plaignante à de multiples reprises. De fait, il serait intervenu à 294 reprises pendant les trois journées d'audition.
La demanderesse reproche également les propos du membre instructeur quant à un lien possible entre celle-ci et Osama bin Laden. Pour la demanderesse, de tels propos sont de nature à créer une apparence de partialité chez leur auteur.
[14] À ce stade, je peux donc conclure que la demanderesse a satisfait au premier critère.
[15] En second lieu, je suis d'avis que forcer la Commission et la plaignante de procéder devant un membre instructeur dont le comportement fait craindre un manquement d'impartialité dans le traitement de cette plainte ne peut que leur créer un préjudice irréparable, lequel ne saurait être corrigé par une décision ultérieure. Le droit à une audience impartiale et équitable est un droit absolu lequel ne peut être remédié lorsqu'il appert que le processus est sérieusement entaché.
[16] Quant à la prépondérance des inconvénients, comme dans l'affaire Bennett v. British Columbia (Superintendent of Brokers), [1993] B.C.J. no. 246, citée par mon collègue le juge Nadon dans Canada (Gendarmerie royale) c. Malmo-Levine, [1998] A.C.F. no. 1912, je suis d'opinion que l'intérêt public n'exige pas que l'on cause un grave préjudice à la demanderesse en menant à terme une audience qui peut s'avérer nulle parce que la cour aura décidé qu'il est raisonnable de craindre la partialité du Tribunal.
[17] Je reconnais qu'il est exceptionnel de surseoir à une instance du Tribunal. Cependant, la question de partialité l'emporte à mon avis sur tout intérêt public qui milite en faveur de la poursuite de l'audience. En conséquence, la requête est accordée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE la suspension des procédures dans l'affaire Caza c. Groupe TVA et Manon Malo, T-633/2101, T-634/2201, devant le Tribunal canadien des droits de la personne, conformément à l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, c. F-7, telle qu'amendée, jusqu'à ce que jugement soit rendu dans la demande de contrôle judiciaire dans ce dossier avec dépens.
Danièle Tremblay-Lamer
J.C.F.C.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20020513
Dossier : T-732-02
Entre :
COMMISSION CANADIENNE
DES DROITS DE LA PERSONNE
demanderesse
et
MANON MALO
et
TÉLÉ-MÉTROPOLE INC.
et
NADIA CAZA
défenderesses
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-732-02
INTITULÉ : COMMISSION CANADIENNE
DES DROITS DE LA PERSONNE
demanderesse
et
MANON MALO
et
TÉLÉ-MÉTROPOLE INC.
et
NADIA CAZA
défenderesses
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : le 13 mai 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : L'HONORABLE JUGE TREMBLAY-LAMER
DATE DES MOTIFS : 13 mai 2002
COMPARUTIONS:
Me Daniel Chénard / Me Jean St-Antoine POUR LA DEMANDERESSE
Me Nicola Di Iorio POUR LES DÉFENDERESSES
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Me Daniel Chénard
Montréal (Québec) POUR LA DEMANDERESSE
Heenan Blaikie
Montréal (Québec) POUR LES DÉFENDERESSES