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Date : 20041203

Dossier : T-2248-03

Référence : 2004 CF 1703

Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

                                                         RIDOUT & MAYBEE LLP

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                          OMEGA SA (OMEGA AG) (OMEGA LTD.)

                                                                             et

                                  LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                                                                                                            défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'un appel interjeté en conformité avec l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), afin que la Cour rende une ordonnance annulant la décision, datée du 30 septembre 2003, d'une agente d'audience pour le compte du registraire des marques de commerce (le registraire).


[2]                Le 2 août 2001, à la demande de Ridout & Maybee LLP (Ridout ou le demandeur), le registraire a fait parvenir un avis en conformité avec les dispositions de l'article 45 de la Loi à la société Omega SA (Omega AG) (Omega Ltd.) (Omega SA ou la défenderesse), le propriétaire inscrit de la marque OMEGA & Design portant le numéro d'enregistrement TMDA 05009 qui dit que :

            1)         Montres et boîtes pour montres;

            2)         Pendulettes, appareils ou instruments à mesurer et à marquer le temps, chaînes de montres, outils et accessoires ainsi que toutes fournitures et parties détachées employées dans l'horlogerie et la bijouterie y soient inclus;

            3)         Étuis et emballages, nommément contenants sous forme de housses en tissus et boîtes; compteurs et chronographes qui servent au chronométrage sportif; et appareils techniques et scientifiques pour l'électricité, l'optique, la télégraphie, le cinéma, la radio, la téléphonie, la télégraphie, nommément : les cellules photo-électriques, portails à contact, appareils coupe-fils, chronomètres à signal acoustique, compteurs enregistreurs sur films, compteurs enregistreurs sur bande de papier, appareils de déclenchement à plusieurs compteurs ou chronographes, appareils de transmission d'impulsion sans fil, pistolets de start à contacts électriques, appareils filmant des passages ou arrivées et les temps y soient inclus.


[3]                L'avis enjoignait au propriétaire inscrit de fournir, dans les trois mois de la date de l'avis, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l'égard de chacune des marchandises que spécifiait l'enregistrement, si la marque de commerce avait été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis, savoir entre le 2 août 1998 et le 2 août 2001.

[4]                Dans une lettre datée du 4 mars 2002, les mandataires de la société Omega SA ont produit en preuve, en réponse à l'avis, une copie certifiée conforme de l'enregistrement portant le numéro TMDA 05009, un affidavit de Peter Stierli daté du 25 février 2002, ainsi qu'un affidavit de Philip Lefebvre daté du 4 mars 2002. Un deuxième affidavit de M. Lefebvre a été déposé le 7 mars 2002.

[5]                Le 30 septembre 2003, l'agente d'audience a décidé que les éléments suivants du registre devaient être biffés des paragraphes (2) et (3) :

            2)         Pendulettes, appareils ou instruments à mesurer et à marquer le temps;

            3)         Appareils coupe-fils; chronomètres à signal acoustique; compteurs enregistreurs sur films; appareils de déclenchement à plusieurs compteurs ou chronographes; appareils de transmission d'impulsion sans fil; appareils filmant les passages ou arrivées et les temps y soient inclus.


[6]                En l'absence d'une preuve supplémentaire produite en appel devant la Cour, il est bien établi que les décisions prises par le registraire en vertu de l'article 45 de la Loi méritent une certaine retenue judiciaire. Plus précisément, la norme de contrôle applicable aux décisions prises en vertu de cette disposition est celle de la décision raisonnable simpliciter (voir Molson Breweries, a Partnership c. John Labatt Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 180 (C.A.F.); Carter-Wallace Inc. c. Wampole Canada Inc. (2000), 8 C.P.R. (4th) 30 (C.F. 1re inst.).

[7]                La Cour suprême a décrit en ces termes la décision dite « déraisonnable » , c'est-à-dire qui ne satisfait pas au critère de la norme de la décision raisonnable simpliciter, dans l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247 :

55. La décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l'a fait. Si l'un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n'est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir (Southam, paragraphe 56). Cela signifie qu'une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n'est pas convaincante aux yeux de la cour de révision (voir Southam, paragraphe 79).

[8]                Ridout fait valoir que la décision prise par l'agente d'audience ne satisfait pas à la norme, pour l'une ou l'autre des raisons suivantes.

Emploi de la marque de commerce enregistrée


[9]                Ridout prétend, en premier lieu, qu'il existe une preuve par affidavit qui révèle l'emploi d'une marque en liaison avec des marchandises lors d'une vente, mais qu'il ne s'agit pas de la marque de commerce OMEGA & Design telle qu'enregistrée. Au contraire, la marque qui apparaît sur les marchandises dont il est question est différente de la marque de commerce déposée, de sorte qu'un consommateur, sur le plan de la première impression, reconnaîtrait la marque OMEGA ELECTRONICS plutôt que la marque OMEGA & Design. Par conséquent, le titulaire de la marque (Omega SA) ne peut profiter de l'emploi des marchandises en cause par le licencié (Omega Electronics SA), et tel emploi ne constitue pas un emploi de la marque de commerce en soi. À mon avis, Ridout a tort sur ce point.

[10]            La décision Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.), établit les deux principes ou situations où l'emploi d'une marque de commerce par son licencié constitue (ou ne constitue pas) l'emploi de la marque de commerce en soi :

[traduction]

L'emploi d'une marque conjointement avec d'autres éléments constitue l'emploi de la marque en soi en tant que marque de commerce si le public, du point de vue de la première impression, considère que la marque est employée en soi en tant que marque de commerce. Il s'agit d'une question de fait qui dépend de facteurs comme la question de savoir si la marque ressort par rapport aux autres éléments, par exemple par l'utilisation de caractères différents ou de dimensions différentes (voir p. ex. : Standard Coil Products (Canada) Ltd. c. Standard Radio Corp. et al. (1971), 1. C.P.R. (2d) 155, à la page 163, [1971] C.F. 106), ou la question de savoir si les autres éléments seraient perçus comme des éléments purement descriptifs ou comme une marque de commerce ou un nom commercial distinct : voir, p. ex. : Carling O'Keefe Ltd. c. Molson Cos. Ltd. (1982), 70 C.P.R. (2d) 279, aux pages 280 et 281, appliquant Bulova Accutron Trade Mark, [1969] R.P.C. 102, aux pages 109 et 110.

[...]

On considérera qu'une marque de commerce donnée est employée si la marque de commerce véritablement employée n'est pas sensiblement différente et que les différences ne sont pas graves au point de tromper le public ou de lui nuire d'une quelconque façon : Honey Dew Ltd.. c. Rudd et al., [1929] 1 D.L.R. 449, [1929] Ex. C.R. 83, à la page 89.


[11]            Dans le cas qui nous occupe, la marque OMEGA & Design est différente de la marque de commerce déposée. Sur les marchandises ou les emballages d'Omega Electronics SA, on trouve une série de traits oblongs et le mot « ELECTRONICS » sous la marque déposée, c'est-à-dire le mot « OMEGA » sous la lettre grecque « Ω » . La dimension de la police du mot ELECTRONICS est plus petite que celle du mot OMEGA et de la lettre grecque « Ω » .

[12]            Compte tenu de la différence de dimension de la police et de la présence de traits oblongs entre la marque et le mot ELECTRONICS, l'agente d'audience a conclu que l'image composite constituait néanmoins l'emploi de la marque OMEGA & Design en soi.

[13]            Ridout fait valoir que l'agente d'audience a erré en droit et en fait en omettant de comparer la marque employée et la marque déposée, contrairement à l'arrêt Registraire des marques de commerce c. Compagnie Internationale pour l'informatique CII Honeywell Bull, Société Anonyme (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.). Ridout prétend que la marque, qui comprend quatre éléments (la lettre grecque « Ω » , le mot « OMEGA » , les traits oblongs et le mot « ELECTRONICS » ), doit être envisagée comme un tout. Selon Ridout, les traits oblongs et le descripteur ELECTRONICS modifient sensiblement la marque de commerce au-delà d'une simple modernisation de la marque, au sens de la décision Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc. (1992), 4 C.P.R. (3d) 59 (C.A.F.).

[14]            En outre, l'appelant prétend que la présente affaire est en tous points semblable à la situation dans Brouillette Kosie Prince c. Andrès Wines Ltd., 2004 CF 812, dans laquelle j'ai récemment dit qu'il n'avait pas été démontré que la marque de commerce déposée, l'expression « IN VINO VERITAS » , avait été employée lorsqu'on regardait la marque dans son ensemble.


[15]            Selon moi, la marque de commerce en cause en l'espèce est totalement différente de la marque dans Brouillette, précité. Alors qu'en l'espèce, on remarque immédiatement la marque déposée et d'ailleurs, la lettre grecque « Ω » et le mot « OMEGA » en sont les éléments les plus apparents, l'expression « IN VINO VERITAS » - c'est-à-dire la marque déposée - était totalement encadrée par des armoiries et il n'était pas possible de visu de détacher les mots dans Brouillette, précité. Les traits oblongs séparent la marque déposée et le mot ELECTRONICS, qui n'est que descriptif, ne peut détourner l'attention des éléments essentiels de la marque OMEGA & Design, savoir la lettre grecque « Ω » et le mot « OMEGA » .

[16]            Je ne saurais conclure que la décision de l'agente d'audience était déraisonnable, compte tenu surtout que le registraire a des connaissances spécialisées lorsqu'il s'agit de déterminer la perception probable qu'aura un consommateur des marques et toute confusion ou erreur susceptible d'en découler. Il est clair, à la lecture de la décision de l'agente d'audience, qu'elle a examiné tous les éléments de la marque en cause, y compris la présence des traits oblongs. Le mot ELECTRONICS semble descriptif et la marque demeure tout à fait distincte; par conséquent, il s'agit de la première situation décrite dans l'affaire Nightingale, précitée. Comme il en a été question dans Ryan, précité, la décision de l'agente d'audience est fondée sur une explication défendable même si cette explication n'en est pas une qui soit convaincante, selon la Cour.


Preuve d'emploi

[17]            Subsidiairement, l'appelant prétend que les marchandises suivantes devraient être biffées (ci-après les marchandises en cause) du paragraphe (3) pour absence de preuve démontrant l'emploi desdites marchandises pendant la période en cause :

                        ·           et appareils techniques et scientifiques pour l'électricité, l'optique, la télégraphie, le cinéma, la radio, la téléphonie, la télégraphie, nommément

                        ·            cellules photo-électriques;

                        ·           portails à contact;

                        ·           compteurs enregistreurs sur bande de papier;

                        ·           pistolets de start à contacts électriques.

[18]            Dans son affidavit, M. Lefebvre décrit clairement la vente d'un « computer enregistreur sur bande papier » (photo time item), d' « une cellule photo-électrique » (transtime, Omega photocell), d'un « pistolet de start à contact électrique » (start gun system item) et d' « un portail à contact » (starting gate item).


[19]            Ridout reconnaît que, selon la jurisprudence, la preuve d'une seule transaction peut suffire à démontrer l'emploi au sens de l'article 45 de la Loi (voir p. ex. : Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1987), 13 C.P.R. (3d) 289 (C.F. 1re inst.)). Il ne conteste pas non plus que toutes les marchandises mentionnées dans la vente ci-dessus sont des marchandises de l'industrie du sport qui sont inscrites au paragraphe (3) de l'enregistrement (voir l'enregistrement au complet au début des présents motifs). Toutefois, aucun de ces objets n'a de lien avec « l'électricité, l'optique, la télégraphie, le cinéma, la radio, la téléphonie, la télégraphie » , des domaines certainement étrangers à l'industrie du chronométrage sportif, mais ils sont néanmoins décrits au paragraphe (3). Aucune preuve ne vient donc étayer l'usage de la marque en liaison avec ces marchandises. Par conséquent, selon Ridout, il faudrait modifier l'enregistrement pour limiter les marchandises énumérées au paragraphe (3) aux « étuis et emballages, nommément contenants sous forme de housses en tissus et boîtes, et compteurs et chronographes qui servent au chronométrage sportif » .

[20]            Omega SA prétend que cette soi-disant distinction entre les marchandises de l'industrie du chronométrage sportif et les marchandises qui servent à des fins scientifiques ou techniques n'est pas fondée. En réalité, l'argument a pour objet d'attaquer la validité des termes de l'enregistrement qui, comme la Cour l'a souvent dit, n'est pas le véritable objet d'une action en vertu de l'article 45. (Carter-Wallace, précité; Renaud Cointreau & Co. c. Cordon Bleu International Ltée (2000) 11 C.P.R. (4th) 95 (C.F. 1re inst.), confirmé (2002), 18 C.P.R. (4th) 415 (C.A.F.)). Si Ridout veut soulever la question des termes trop vagues ou qui ont une portée excessive de l'enregistrement, il peut s'en remettre à la Cour en vertu de l'article 57 de la Loi.

[21]            La deuxième question est beaucoup plus difficile. Je suis d'accord avec l'appelant, mais pour les raisons qui suivent.

[22]            Il convient d'examiner d'abord l'objet de l'article 45. La Cour, ainsi que la Cour d'appel fédérale, ont maintes et maintes fois répété que l'article 45 avait pour objet « d'assurer une procédure simple, sommaire et expéditive pour radier du registre les marques de commerce qui ne sont pas revendiquées de bonne foi par leurs propriétaires comme des marques de commerce en usage » : Carter-Wallace, précité, au paragraphe 17, citant Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1987), 13 C.P.R. (3d) 289, à la page 293 (C.F. 1re inst.). Le « bois mort » doit être enlevé, mais le règlement de questions litigieuses entre des intérêts commerciaux opposés ne doit pas faire l'objet d'un examen en vertu de l'article 45 : Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1987), 17 C.P.R. (3d) 237 (C.A.F.).

[23]            Le registraire n'a compétence que pour trancher la question de savoir si le propriétaire inscrit de la marque a démontré l'usage de celle-ci pendant la période en cause. Les agents d'audience n'ont pas le pouvoir de refaire l'état déclaratif des marchandises si tel usage est démontré (Carter-Wallace, précité, au paragraphe 30; Scott Paper Co. (Re), [1997] C.O.M.C. no 139 (QL); Swabey Ogilvy Renault c. Targa Electronics Systems, Inc. (2001), 11 C.P.R. (4th) 413 (C.O.M.C.)). En outre, le critère auquel doit satisfaire le propriétaire inscrit en vertu de cet article n'est pas sévère : Austin Nichols & Co., Inc. c. Cinnabon Inc., [1998] 4 C.F. 569 (C.A.F.).


[24]            Ce qui pose problème, c'est que ce qu'il faut pour démontrer « l'emploi » varie selon l'affaire et selon l'enregistrement. Il semble qu'il ne soit pas toujours nécessaire de démontrer l'emploi de la marque en liaison avec toutes les marchandises d'une certaine catégorie (Saks and Co. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1989), 24 C.P.R. (3d) 49 (C.F. 1re inst.)), alors que, dans d'autres circonstances, la Cour exigera que l'emploi soit démontré pour toutes les marchandises mentionnées dans l'enregistrement (Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.); John Labatt Ltd. c. Rainier Brewing Co. (1984), 80 C.P.R. (2d) 228 (C.A.F.)).

[25]            Selon moi, le critère qui s'impose combine les deux courants jurisprudentiels. Bien entendu, en conformité avec l'objet de l'article 45, il faut établir l'usage de chacune des marchandises - pour enlever le « bois mort » , il faut nécessairement que toutes les marchandises qui apparaissent dans l'enregistrement soient employées activement pour éviter la radiation. Cependant, certaines marchandises peuvent quelquefois représenter légitimement un groupe ou une catégorie plus large de marchandises mentionnées dans l'enregistrement. C'est la raison pour laquelle une seule transaction peut suffire pour démontrer l'usage même si toute la marchandise possible d'une catégorie en particulier ne change pas réellement de mains pendant la transaction.


[26]            Ainsi, le critère applicable doit être formulé plus précisément en ces termes : pour les fins de l'article 45, il faut établir l'emploi de toutes les marchandises décrites dans l'enregistrement, sauf si l'emploi démontré d'une marchandise en particulier peut constituer une preuve de l'usage d'une catégorie de marchandises selon une lecture normale de l'enregistrement. Selon ce scénario, il n'est pas strictement nécessaire de démontrer l'emploi de toutes les marchandises. En outre, la question de savoir si une marchandise peut légitimement représenter une catégorie de marchandises sera propre à chaque cas.

[27]            L'exemple suivant offre un éclairage intéressant. Dans l'affaire Swabey Ogilvy Renault c. Enterprises Krasnow Ltée/Krasnow Enterprises Ltd. (1997), 83 C.P.R. (3d) 259 (C.O.M.C.), la question en litige était de savoir si la preuve de la vente de bottes portant la marque de commerce « BOOTLEGGER » suffisait à démontrer l'emploi de [traduction] « chaussures de toutes sortes pour hommes, femmes et enfants » (men's, women's and children's shoes of all kinds). Même si le critère n'est pas sévère, l'agent d'audience a conclu que la vente de bottes ne pouvait pas établir l'usage de [traduction] « chaussures de toutes sortes » et il a donc rayé la marque. En d'autres termes, des bottes ne pouvaient représenter suffisamment la catégorie plus large revendiquée de sorte que l'usage n'avait pas été établi. J'estime que cette conclusion est raisonnable surtout puisque la demande visait toutes sortes de chaussures pour les deux sexes alors que la seule preuve claire présentée dans cette affaire visait un usage en liaison avec des bottes pour hommes.


[28]            Il est toutefois essentiel de comprendre que le présent exercice est différent, sur le plan conceptuel, d'une évaluation de la portée excessive ou de l'imprécision des termes d'un enregistrement, examen qui serait ultra vires dans une poursuite relative à l'article 45. Dans Carter-Wallace, précité, par exemple, la Cour a conclu que l'usage d'une marque en rapport avec des vitamines, des remèdes phytothérapiques et d'autres articles était suffisant pour démontrer l'usage en rapport avec des « préparations pharmaceutiques » . C'est-à-dire que ces produits représentaient suffisamment la catégorie plus large. Toutefois, la portée de l'expression « préparations pharmaceutiques » ne relevait pas de la compétence du registraire ou de la Cour siégeant en appel. Dans le même ordre d'idées, dans l'affaire BOOTLEGGER susmentionnée, le tribunal ne pouvait examiner régulièrement la question de savoir s'il était justifié de mentionner des [traduction] « chaussures de toutes sortes » dans l'état déclaratif des marchandises d'une marque de commerce.

[29]            En outre, la preuve peut s'avérer insuffisante, qu'une marchandise en particulier représente ou non une catégorie plus large précisée dans l'enregistrement, si, par exemple, la preuve par affidavit n'étaye pas que le propriétaire inscrit exerce un contrôle sur ses licenciés qui prétendent utiliser la marque en liaison avec les services ou les marchandises enregistrés ou lorsque la preuve n'établit pas que les marchandises en cause ont été utilisées (ou vendues) dans le cours normal du commerce au Canada pendant la période en cause (voir p. ex. : Eclipse International Fashions Canada Inc. c. Shapiro Cohen, [2004] A.C.F. no 754 (C.F.)(QL), 2004 CF 617; Boutique Limitée Inc. c. Limco Investments, Inc. (1998), 84 C.P.R. (3d) 164 (C.A.F.); Philip Morris, précité).

[30]            Soulignons également que la question de savoir si une marchandise peut représenter un groupe plus large précisé dans l'enregistrement doit pouvoir être tranchée par une simple lecture de l'état déclaratif. S'il existe une réelle ambiguïté concernant l'interprétation de l'état déclaratif, par exemple, concernant ce qui constitue un emploi en liaison avec un service par opposition à un emploi en liaison avec une marchandise (voir Cordon Bleu, précité), ou si le terme « et » doit être interprété pour dire conjointement ou individuellement (voir ConAgra Foods, Inc. c. Fetherstonhaugh & Co. (2002), 23 C.O.R. (4th) 49 (C.F. 1re inst.)), encore une fois, l'article 45 n'est pas le vecteur opportun et l'ambiguïté doit être résolue dans le cadre d'une autre procédure.

[31]            Dans le cas qui nous occupe, la question relative à la preuve est de savoir si la preuve de la vente de certaines marchandises suffit pour établir la catégorie plus large de marchandises décrite au paragraphe (3) de l'enregistrement.

[32]            Il est évident que les objets vendus par un distributeur du licencié d'Omega SA à un tiers au Canada sont des marchandises qui sont utilisées dans l'industrie du chronométrage sportif. Toutefois, l'enregistrement énumère également clairement d'autres types de marchandises qui ont une application scientifique ou technique et qui ne sont pas utilisés pour les fins du chronométrage sportif, savoir pour les fins de « l'électricité, l'optique, la télégraphie, le cinéma, la radio, la téléphonie, la télégraphie » . Par conséquent, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'aucune des marchandises vendues ne peut représenter la catégorie plus large des applications scientifiques et techniques mentionnées dans l'enregistrement.


[33]            Par voie de conséquence, comme dans Swabey Ogilvy Renault, précité, (l'affaire BOOTLEGGER), la défenderesse n'a pas réussi à démontrer l'emploi de la marque en rapport avec les marchandises décrites dans l'enregistrement parce que les marchandises en question ne sauraient représenter toutes ces catégories d'applications scientifiques et techniques et, selon moi, l'interprétation contraire de l'agente d'audience était déraisonnable. Il n'y a tout simplement aucune preuve démontrant l'usage d'une de ces marchandises qui soit le moindrement relié à quoi que ce soit en dehors du domaine du chronométrage sportif. Cela n'équivaut pas à une nouvelle définition de l'état déclaratif des marchandises. Ces marchandises sont plutôt du « bois mort » qu'il faut radier de l'enregistrement.

[34]            L'appel est donc accueilli et l'enregistrement portant le numéro TMDA 05009 sera modifié en conséquence. L'appelant a droit aux dépens.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que l'appel soit accueilli et que l'enregistrement portant le numéro TMDA 05009 soit modifié comme suit, le tout avec dépens :

1)          Montres et boîtes pour montres;


            2)         [...] chaînes de montres, outils et accessoires ainsi que toutes fournitures et parties détachées employées dans l'horlogerie et la bijouterie y soient inclus;

            3)         Étuis et emballages, nommément contenants sous forme de housses en tissus et boîtes; compteurs et chronographes qui servent au chronométrage sportif.

                                                                 « Danièle Tremblay-Lamer »              

                                                                                                     Juge                                

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2248-03

INTITULÉ :                                        RIDOUT & MAYBEE LLP

c.

OMEGA SA (OMEGA AG) (OMEGA LTD.) ET

REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 24 NOVEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE :                             LA JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                       LE 3 DÉCEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Mitchell Charness                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Barry Gamache                                                                         POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ridout & Maybee LLP                                                  POUR LE DEMANDEUR

150, rue Metcalfe

19e étage

Ottawa (Ontario)

K2P 1P1

Léger Robic Richard, SENC                                                    POUR LA DÉFENDERESSE

55, rue St-Jacques

Montréal (Québec)

H2Y 3X2


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