Date : 19990930
Dossier : IMM-5511-98
ENTRE :
YINGYING CHEN,
demandeur,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS D"ORDONNANCE
LE JUGE SHARLOW
[1] Le demandeur, M. Yingying Chen, est un résidant de la Chine. Il ressort du dossier que le demandeur a une expérience considérable en tant que gestionnaire financier pour des institutions financières étatiques chinoises. Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada sur le fondement qu"il entendait exercer la profession de gestionnaire financier. Il a été apprécié dans le cadre de cette catégorie et jugé admissible à exercer cette profession. Cependant, compte tenu de l"appréciation que l"agente des visas a faite des aptitudes linguistiques et de la personnalité de M. Chen, il manquait deux points d"appréciation à ce dernier pour que sa demande soit accueillie. Sa demande ayant été rejetée, M. Chen cherche à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision.
[2] Il ressort du dossier qu"en plus d"avoir une expérience en tant que gestionnaire financier, M. Chen a une expérience en tant qu"analyste financier. Il est fort probable que s"il avait été apprécié en tant qu"analyste financier, M. Chen aurait obtenu les deux points qu"il lui manquait, car même si la catégorie d"analyste financier exige moins de formation et d"expérience que celle de gestionnaire financier, il s"agit d"une profession qui, semble-t-il, est davantage en demande au Canada.
[3] La jurisprudence a établi qu"un agent des visas doit apprécier un demandeur relativement à toute profession à l"égard de laquelle ce dernier veut être apprécié : Gaffney c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration) (1991), 12 Imm. L.R. (2d) 185 (C.A.F.).
[4] Les circonstances dans lesquelles l"agent des visas est avisé qu"il doit faire une telle appréciation supplémentaire comprennent, à tout le moins, une demande à cet effet soit à l"entrevue, soit dans le cadre de la demande : Adami c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (5 mai 1999), no du greffe IMM-3193-98 (C.F. 1re inst.), Shen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (30 août 1999), no du greffe IMM-3808-98 (C.F. 1re inst.), Hajariwala c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1989] 2 C.F. 79 (C.F. 1re inst.), Il c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration) (1990), 31 F.T.R. 290 (C.F. 1re inst.).
[5] La question en litige en l"espèce est de savoir si une telle demande a été faite. Monsieur Chen dit dans son affidavit qu"à l"entrevue, il a demandé d"être apprécié en tant qu"analyste financier et en tant que gestionnaire financier, et qu"il a fourni à l"agente des visas un exemple de rapport d"analyse financière qu"il avait préparé pour sa société. Monsieur Chen n"a pas été contre-interrogé relativement à cet affidavit.
[6] L"agente des visas a soumis un affidavit dans lequel elle dit ne pas se souvenir d"avoir reçu une telle demande. Elle a admis avoir reçu le rapport d"analyse financière, mais elle dit qu"elle croyait simplement que M. Chen lui demandait de réexaminer sa décision; elle a donc accepté le rapport vu l"insistance du demandeur, mais ne l"a pas lu parce qu"elle avait déjà décidé qu"il était admissible en tant que gestionnaire financier. L"affidavit de l"agente des visas ne contredit nullement la prétention de M. Chen selon laquelle il a demandé d"être apprécié en tant qu"analyste financier.
[7] Je suis convaincu qu"une telle demande a été faite. Il s"ensuit que l"agente des visas a commis une erreur lorsqu"elle a omis d"apprécier M. Chen en tant qu"analyste financier. Cela est suffisant pour annuler la décision de l"agente des visas et renvoyer la demande de M. Chen pour qu"un autre agent des visas l"examine à son tour.
[8] Cependant, plusieurs autres questions ont été débattues, parmi lesquelles deux méritent des remarques.
[9] L"agente des visas paraît avoir estimé qu"aucune obligation ne lui incombait d"examiner la demande de M. Chen relativement à d"autres professions, vu qu"elle avait conclu qu"il était admissible en tant que gestionnaire financier. En d"autres termes, elle a considéré qu"aucune obligation ne lui incombait d"apprécier le demandeur relativement à toute autre profession, étant donné que la demande de ce dernier a, en bout de ligne, été rejetée sur le fondement du nombre de points d"appréciation qui lui ont été accordés au titre des aptitudes linguistiques et de la personnalité.
[10] À mon avis, une interprétation aussi restrictive de l"obligation de l"agente des visas d"examiner une demande relativement à d"autres professions n"est fondée ni sur le droit, ni sur de quelconques principes. L"objectif de la Loi sur l"immigration vise à permettre l"immigration et non à l"empêcher : Hajariwala (précité). Le fait qu"un demandeur a les compétences requises pour exercer une profession relativement en demande ne doit pas l"empêcher d"être apprécié à l"égard d"une profession moins prestigieuse mais pour laquelle la demande est plus forte, s"il demande d"être apprécié en fonction de cette dernière demande, comme c"est le cas en l"espèce.
[11] L"avocate du demandeur a également soutenu que l"agente des visas a commis une erreur en appréciant la personnalité de M. Chen. Elle paraît avoir estimé qu"il n"avait aucune chance de s"établir avec succès au Canada vu qu"il avait acquis son expérience au sein d"institutions financières étatiques chinoises. Invitée à fonder cette conclusion sur des faits, elle n"a mentionné que la connaissance personnelle qu"elle avait acquise pendant qu"elle avait vécu à Hong Kong et sa supposition selon laquelle les institutions financières étatiques chinoises sont des organismes à but non lucratif. Elle n"a pas, à l"entrevue, soulevé cette question devant M. Chen et elle n"a pas fourni à ce dernier l"occasion de réfuter cette supposition ou, subsidiairement, d"expliquer comment son expérience lui permettrait de s"adapter au Canada. Il s"agit là d"une autre erreur que l"agente des visas a commise et qui aurait justifié l"annulation de sa décision.
[12] Comme le règlement de la présente demande dépend entièrement d"une question de fait, il ne s"agit pas d"une affaire appropriée en ce qui concerne la certification d"une question.
[13] Je ne rendrai une ordonnance qu"après avoir reçu des observations concernant les dépens. Les observations de l"avocate du demandeur devront être signifiées et déposées au plus tard le 8 octobre 1999. Celles de l"avocate du ministère public devront l"être au plus tard le 15 octobre 1999.
" Karen R. Sharlow "
juge
Winnipeg (Manitoba)
Le 30 septembre 1999.
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-5511-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : YINGYING CHEN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION
LIEU DE L"AUDIENCE : Winnipeg (Manitoba)
DATE DE L"AUDIENCE : le 27 septembre 1999
MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE LA COUR EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE SHARLOW
EN DATE DU : 30 septembre 1999
ONT COMPARU :
Mira Thow pour le demandeur
Jessica Cogan pour le défendeur
Ministère de la Justice
310, Broadway, pièce 301
Winnipeg (Manitoba)
R3C 0S6
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Zaifman Associates pour le demandeur
191, avenue Lombard, 5e étage
Winnipeg (Manitoba)
R3B 0X1
Morris Rosenberg pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada