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Date : 20010427

Dossier :IMM-4335-99

OTTAWA (ONTARIO), le 27 avril 2001

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge MacKay

ENTRE :

KAROLY HORVATH, TIMEA SMAJDA, AMANDA HORVATH, LAURA HORVATH, KAROLY HORVATH et RAJMOND HORVATH,

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

Une demande ayant été présentée par les demandeurs en vue du contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu, le 6 août 1999, que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ainsi qu'en vue de l'obtention d'une ordonnance infirmant cette décision;

Les avocats des deux parties ayant été entendus à Toronto le 24 août 2000, la décision ayant alors été reportée, et les observations qui ont alors été présentées ayant été examinées;


ORDONNANCE

CETTE COUR ORDONNE :

1.                   La demande est accueillie.

2.                   La décision contestée est infirmée.

3.                   La demande est renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour réexamen par une formation différente.

« W. Andrew MacKay »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad .a.


Date : 20010427

Dossier : IMM-4335-99

Référence neutre : 2001 CFPI 398

ENTRE :

KAROLY HORVATH, TIMEA SMAJDA, AMANDA HORVATH, LAURA HORVATH, KAROLY HORVATH et RAJMOND HORVATH,

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]         Il s'agit d'une demande présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, dans sa forme modifiée, en vue du contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a conclu, le 6 août 1999, que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.


Les faits

[2]         Les demandeurs sont membres de la même famille; ils sont citoyens hongrois. Ils fondent leurs revendications sur le fait qu'ils craignent avec raison d'être persécutés à cause de leur appartenance à un groupe ethnique, à savoir les Rom. L'intéressé Karoly Horvath est arrivé au Canada le 21 juillet 1998. Sa conjointe de fait, Timea Smajda, est arrivée au pays avec leurs quatre enfants le 23 novembre 1998; peu de temps après, un cinquième enfant est né au Canada. Timea Smajda était la représentante désignée des enfants devant le tribunal.

[3]         Karoly Horvath est né à Aika, en Hongrie, de parents Rom. Après avoir terminé ses études, il a épousé Timea Smajda. Il a été recruté dans l'armée en 1995, mais il a été dispensé du service militaire de façon à pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, qui comprenait alors deux enfants. Il effectuait divers travaux dans l'industrie de la construction. Au cours de l'été 1997, il a été attaqué par trois skinheads pendant qu'il se rendait à son travail. Après l'avoir fait tomber de sa bicyclette, les skinheads lui ont donné des coups de pied à la tête; il lui reste encore une cicatrice. C'est la conjointe qui a soigné la blessure. L'intéressé n'est pas allé à l'hôpital; il craignait d'être maltraité parce qu'il était Rom. Il a également été menacé par des skinheads qui voulaient l'amener à quitter le pays. Enfin, il craignait pour sa sécurité et celle de sa famille après qu'un parti de droite, considéré comme étant contre les romanis, eut réussi à faire élire des représentants au parlement hongrois au mois de mai 1998.


[4]         Timea Smajda a témoigné que de mauvais traitements médicaux avaient été dispensés à sa belle-soeur pendant qu'elle accouchait, le personnel médical ne s'étant pas occupé d'elle. En fin de compte, la belle-soeur a dû subir une césarienne et elle a par la suite eu des complications. Timea Smajda a témoigné, même si la chose n'est pas mentionnée dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP), qu'elle avait subi de mauvais traitements à l'hôpital lorsqu'elle avait accouché de son premier enfant; en effet, on l'avait laissée seule dans la salle d'accouchement. En fin de compte, une infirmière l'a aidée, mais un médecin ne s'est présenté qu'au moment où le cordon ombilical a dû être coupé. Lorsque le médecin est arrivé, elle a été traitée d'une piètre façon et elle a été verbalement haranguée parce qu'elle était d'origine Rom. Elle affirme que lorsqu'elle attendait son cinquième enfant, les médecins n'ont pas effectué les examens habituels. Cela l'a amenée à quitter la Hongrie et à joindre son mari au Canada.

[5]         La mère demanderesse a témoigné, à l'appui des allégations énoncées dans le FRP de son mari, au sujet du mauvais traitement discriminatoire auquel ils avaient été assujettis en Hongrie, y compris les agressions des skinheads, et au sujet des craintes qu'ils avaient pour leurs enfants, dans le domaine de l'enseignement et de l'emploi, eu égard aux circonstances défavorables auxquelles font en général face les Rom dans leur pays. Ils ont revendiqué le statut de réfugié en se fondant sur le fait qu'ils craignaient d'être persécutés en raison de leur appartenance à un groupe ethnique, à savoir la minorité romani en Hongrie.


[6]         Dans sa décision, le tribunal a reconnu que les intéressés sont des Rom, mais il a fait remarquer que les intéressés adultes et leurs enfants n'ont pas les caractéristiques physiques qui permettent d'identifier les membres de la collectivité romani, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas le teint foncé, ou les yeux et les cheveux noirs. Même si la mère a allégué qu'ils seraient identifiés comme des Rom en Hongrie à cause de leurs noms de famille et de l'apparence des membres de leur famille, la formation a conclu qu'étant donné que les enfants [TRADUCTION] « ne sont pas facilement identifiés comme des Rom » , les intéressés mineurs feront face à moins de discrimination et auront de meilleures chances de s'intégrer dans le système d'enseignement régulier. En outre, il vaudrait peut-être mieux que les intéressés restent dans une ville plus grosse où leurs familles ne sont pas bien connues. En somme, la formation a conclu que le traitement discriminatoire infligé aux Rom dans le domaine de l'enseignement ainsi que dans le domaine de l'emploi sont des questions sérieuses, mais que cela ne constitue ni dans un cas ni dans l'autre de la persécution.

[7]         En ce qui concerne les craintes que les demandeurs avaient d'être attaqués par les skinheads, même si chacun des adultes avait été attaqué une fois et même si le père avait été menacé par des skinheads qui voulaient l'amener à quitter la Hongrie, la formation s'est fondée sur la preuve documentaire, à savoir que pareilles agressions avaient diminué et qu'à la fin des années 1990, l'État et la police avaient adopté des mesures destinées à remédier aux agressions dont étaient victimes les membres des minorités ethniques. En fin de compte, la formation a conclu que l'État offre une protection adéquate aux intéressés en Hongrie. Elle a conclu que même si les intéressés pouvaient faire face à de la discrimination s'ils retournaient en Hongrie, il n'existe pas de possibilité sérieuse qu'ils soient persécutés. Par conséquent, leur présumée crainte de persécution n'est pas fondée.


Les points litigieux

[8]         Les demandeurs soutiennent que la formation a commis une erreur de droit

1)                   en laissant entendre, sans effectuer d'analyse appropriée, que les demandeurs disposaient d'une possibilité de refuge intérieur en Hongrie;

2)                   en omettant de tenir compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait;

3)                   en omettant de déterminer si le traitement discriminatoire uniforme infligé aux intéressés à plusieurs égards en Hongrie constituait cumulativement de la persécution.

Possibilité de refuge intérieur

[9]         Dans les motifs de sa décision, le tribunal a dit à deux reprises que les demandeurs devraient chercher une possibilité de refuge intérieur (une PRI) en Hongrie. Dans les deux cas, cette proposition est liée à l'appréciation de la formation selon laquelle, au point de vue de l'apparence, les demandeurs ne présentaient pas les caractéristiques habituelles, le teint foncé, les yeux et les cheveux noirs, de la plupart des Rom.


[10]       À mon avis, le tribunal a commis une erreur en omettant d'examiner les éléments de preuve sur lesquels repose la conclusion qu'il a tirée au sujet d'une PRI et en omettant d'apprécier ces éléments de preuve selon le critère établi dans l'arrêt Rasaratnam c. MEI, [1992] 1 C.F. 706 (C.A.). En outre, même si elle n'avait pas effectué d'appréciation adéquate en soi au sujet d'une PRI, la formation fait ensuite remarquer que les demandeurs n'ont pas fourni de motifs en vue d'établir qu'une PRI ne serait pas raisonnable dans leur cas. À moins que la preuve n'étaye une conclusion appropriée de PRI, il n'y a pas lieu pour un demandeur d'établir qu'une PRI proposée n'est pas raisonnable.

[11]       Le défendeur soutient que même si l'analyse effectuée par la formation au sujet d'une PRI était erronée, la décision devrait être maintenue s'il est correctement conclu que les demandeurs n'avaient pas raison de craindre d'être persécutés en Hongrie. Toutefois, je ne suis pas convaincu que les fondements sur lesquels le tribunal s'est appuyé puissent étayer la conclusion relative à l'absence d'une crainte fondée de persécution.

L'examen de la preuve par la formation

[12]       La conclusion de la formation est en partie fondée sur l'importance qu'elle a accordée au teint clair des demandeurs, ce qui lui fait inférer qu'ils ne sont pas facilement identifiables en tant que Rom, sans tenir compte de certains éléments de preuve documentaire concernant divers facteurs autres que l'apparence qui, en Hongrie, peuvent servir à identifier les Rom. En mettant ainsi l'accent sur la question, la formation omet également de tenir compte du fait qu'elle reconnaît elle-même l'origine ethnique Rom des demandeurs et le témoignage de la mère selon lequel, compte tenu de leurs noms de famille et de l'apparence des membres de leur famille étendue, ils seraient considérés en Hongrie comme appartenant au peuple romani; enfin, elle omet de tenir compte de la preuve non contredite selon laquelle les intéressés adultes sont victimes de discrimination, de harcèlement et d'agressions personnelles parce qu'ils sont connus ou considérés comme des Rom.


[13]       Il n'était clairement pas approprié pour la formation de mettre l'accent sur l'inférence qui a été faite au sujet de l'apparence personnelle des demandeurs, en l'absence d'un examen des éléments de preuve concernant d'autres facteurs pertinents.

[14]       En bonne partie, la conclusion finale que la formation a tirée au sujet de l'absence d'une crainte fondée de persécution repose sur des conclusions accessoires découlant de certains éléments de la preuve documentaire. Il n'appartient pas à la Cour de remettre en question l'appréciation de la preuve par la formation à moins que les conclusions tirées par cette dernière ne soient jugées abusives ou manifestement déraisonnables. Il est reconnu que l'omission de mentionner des documents précis ne donne pas à entendre qu'il n'a pas été tenu compte des documents. Pourtant, lorsque la formation ne fait pas mention d'une preuve documentaire provenant de sources généralement acceptables qui contredit les éléments sur lesquels elle se fonde, il est difficile de conclure qu'elle a tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents.


[15]       En l'espèce, la Commission conclut, tout en reconnaissant les préoccupations que les demandeurs ont au sujet des difficultés auxquelles ils faisaient face dans le domaine de l'enseignement, des soins de santé et de l'emploi, et en ce qui concerne le harcèlement et les agressions des skinheads, que les mesures étatiques et autres visant à régler les problèmes de la minorité Rom en Hongrie constituent maintenant un moyen efficace de protéger leurs intérêts. Cette appréciation est clairement moins défendable compte tenu de certains éléments de la preuve documentaire normalement retenus. À mon avis, l'omission de mentionner ces éléments de preuve eu égard aux circonstances de l'espèce indique que la formation n'a pas tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents. Il en va de même pour l'omission de la formation de tenir compte, sans remettre en question sa crédibilité, de la preuve que les intéressés adultes ont présentée au sujet des agressions dont ils étaient victimes de la part des skinheads comme fondement de menace continue de violence, étant donné le nombre de moins en moins grand d'agressions de ce genre qui sont signalées et compte tenu du fait que la formation considère que, si les demandeurs quittaient leur ville d'origine, ils auraient probablement moins de difficultés puisqu'ils ont le teint clair.

Discrimination ou persécution

[16]       En l'espèce, tout en ne retenant pas complètement la preuve des FRP des demandeurs et le témoignage de la mère, la formation reconnaît que les demandeurs, en leur qualité de Rom, feraient face, s'ils retournaient en Hongrie, à de la discrimination en matière d'enseignement, d'emploi, de soins de santé et qu'ils seraient en général harcelés en ce qui concerne les services publics. Elle reconnaît qu'il existe de la discrimination à l'encontre des Rom dans à peu près tous les domaines de la vie des demandeurs. Elle ne s'est pas demandé si cumulativement le traitement auquel faisaient face les demandeurs pouvait donner lieu à une crainte fondée de persécution.


[17]       Si elle avait tenu compte des effets cumulatifs du traitement discriminatoire infligé aux demandeurs, la formation aurait peut-être conclu que ces effets ne constituaient pas un fondement justifiant une crainte de persécution. Cependant, eu égard à la situation de ces intéressés et compte tenu de la preuve dont elle disposait, la formation a commis une erreur en omettant de tenir compte des effets cumulatifs du traitement qu'elle a toujours reconnu comme discriminatoire et comme indiquant les problèmes sérieux auxquels font face les Rom en Hongrie.

[18]       L'appréciation des effets cumulatifs du harcèlement comme fondement possible permettant de conclure à la persécution est reconnue par la Cour d'appel dans l'arrêt Retnem c. MEI (1991), 132 (N.R.) 53, à la page 55 (C.A.F.). Il en est également fait mention comme suit dans le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du HCNUR :

53. En outre, un demandeur du statut de réfugié peut avoir fait l'objet de mesures diverses qui en elles-mêmes ne sont pas des persécutions (par exemple, différentes mesures de discrimination), auxquelles viennent s'ajouter dans certains cas d'autres circonstances adverses (par exemple une atmosphère générale d'insécurité dans le pays d'origine). En pareil cas, les divers éléments de la situation, pris conjointement, peuvent provoquer chez le demandeur un état d'esprit qui permet raisonnablement de dire qu'il craint d'être persécuté pour des « motifs cumulés » .

Conclusion

[19]       À mon avis, la formation a en l'espèce commis une erreur en se fondant apparemment sur une PRI qui n'était pas étayée par les éléments de preuve mentionnés ou par l'analyse. Elle a également commis une erreur en omettant de tenir compte d'éléments de preuve pertinents, contrairement à un grand nombre de ses conclusions, celles-ci étant par conséquent déraisonnables. En outre, eu égard aux circonstances de l'affaire, la formation a commis une erreur en omettant de déterminer si les effets cumulatifs du traitement discriminatoire, fondé sur l'origine ethnique, constituaient de la persécution.


[20]       Pour ces motifs, la décision contestée de la SSR est infirmée et les revendications sont renvoyées pour réexamen par une formation différente.

[21]       Les avocats des parties n'ont proposé aucune question aux fins d'un examen par la Cour d'appel conformément au paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration et aucune question n'est certifiée conformément à cette disposition.

« W. Andrew MacKay »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 27 avril 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad .a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                                           IMM-4335-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                           Karoly Horvath et autres

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                               Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                              le 24 août 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                        MONSIEUR LE JUGE MacKAY

DATE DES MOTIFS :                                                     le 27 avril 2001

ONT COMPARU

Rocco Galati                                                                      POUR LES DEMANDEURS

David Tyndale                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Galati, Rodrigues & Associés                                              POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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