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     Date : 19980226

     Dossier : T-1723-97

OTTAWA (Ontario), le jeudi 26 février 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

     JOHN ROBERT PINKNEY,

     requérant,

     - et -

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.

     VU LA DEMANDE présentée par le requérant afin d'obtenir un contrôle judiciaire et une ordonnance de certiorari tendant à l'annulation de la décision en date du 9 juillet 1997 par laquelle la Commission nationale des libérations conditionnelles a refusé la demande de semi-liberté du requérant, et le requérant demandant en outre des ordonnances de mandamus à l'appui de sa position;

     APRÈS avoir examiné les observations écrites du requérant et celles qui ont été soumises pour le compte de l'intimé, la demande ayant été présentée en vertu de la règle 324, et vu les conclusions de la Cour selon lesquelles :

     1)      la réparation extraordinaire demandée par le requérant en l'espèce par voie de certiorari et de mandamus est inappropriée car celui-ci n'a pas interjeté appel de la décision contestée comme il aurait pu le faire en application de l'article 147 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20;
     2)      il convient malgré tout de faire de brèves remarques, quoiqu'incidentes, sur le bien-fondé des moyens invoqués par le requérant dans des motifs qui devraient être portés à la connaissance du président de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du commissaire du Service correctionnel du Canada pour qu'ils en tiennent compte dans le cadre de l'examen des façons dont leurs services respectifs ont procédé en l'espèce.

     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.      La demande est rejetée.
2.      De sa propre initiative, la Cour ordonne que l'intitulé de la cause soit remplacé par celui qui est indiqué au début de la présente ordonnance, le procureur général du Canada étant désigné à titre de seul intimé, et les noms des organismes désignés à titre d'intimés dans l'avis de requête introductive d'instance, soit la Commission nationale des libérations conditionnelles (Région du Pacifique) et le Service correctionnel du Canada (Région du Pacifique), sont supprimés en tant que parties à l'instance.

3.      L'avocat de l'intimé fera parvenir au président de la Commission nationale des libérations conditionnelles et au commissaire du Service correctionnel du Canada un exemplaire de la présente ordonnance et des motifs qui l'accompagnent, avec la recommandation de la Cour de tenir compte de ces motifs dans le cadre de l'examen des façons dont leurs services respectifs ont procédé en l'espèce.

                                 W. Andrew MacKay

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     Date : 19980226

     Dossier : T-1723-97

ENTRE :

     JOHN ROBERT PINKNEY,

     requérant,

     - et -

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par écrit en vertu de la règle 324. Le requérant était détenu à l'établissement William Head au moment du dépôt de sa demande. Il s'est représenté lui-même au moyen d'observations écrites soumises en application de la règle 324 des Règles de la Cour. Il demande un contrôle et une ordonnance de certiorari, ainsi que des ordonnances de mandamus à l'appui, relativement à la décision en date du 9 juillet 1997 par laquelle la Commission nationale des libérations conditionnelles a refusé la demande de semi-liberté soumise par M. Pinkney.

[2]      La demande de réparation du requérant repose sur l'allégation que, pour prendre la décision contestée, la Commission s'est fondée [traduction] " en partie sur un outil de diagnostic appelé PCL-R (Échelle de psychopathie de Hare - Révisée) dans les présentes, qu'un technologue accrédité [...] employé par le Service correctionnel du Canada a utilisé sans le consentement du requérant le 20 octobre 1995 ou vers cette date ". L'évaluation qui a été faite par ce moyen, sans le consentement ou la participation du requérant, contreviendrait aux directives du commissaire, aux instructions régionales et au droit canadien. De plus, le psychologue ayant fait cette évaluation n'aurait pas été qualifié pour effectuer ce test en vue de poser un diagnostic concernant le requérant.

[3]      Les deux questions fondamentales en litige sont les suivantes :

     1)      La Cour devrait-elle accorder une réparation extraordinaire par voie de certiorari, compte tenu du fait que le requérant n'a pas interjeté appel de la décision contestée comme le prévoit la loi?
     2)      Si la réponse à la question 1) est négative, des remarques incidentes devraient-elles être faites et, dans l'affirmative, lesquelles, à l'intention des responsables de la surveillance de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada et de ses établissements au Canada?

Genèse de l'instance

[4]      Au moment du dépôt de sa demande en août 1997, le requérant purgeait des peines globales de plus de dix-huit années infligées relativement à des infractions commises en 1985 et à des infractions subséquentes. Il a passé la majeure partie de sa vie d'adulte en prison par suite de nombreuses condamnations. Il a été libéré sous condition à onze reprises et chaque fois il a enfreint les conditions qui avaient été imposées et a été réincarcéré, souvent après avoir été reconnu coupable de nouvelles infractions commises pendant sa mise en liberté sous condition.

[5]      Le requérant était détenu dans un établissement à sécurité minimale au moment de sa plus récente mise en liberté sous condition, soit le 23 juin 1995. Puis, après avoir violé les conditions voulant qu'il s'abstienne de consommer de l'alcool, il a été accusé de conduite avec facultés affaiblies, ce à quoi il a plaidé coupable. Il a été réincarcéré le 1er juillet 1995, à peine huit jours après avoir été mis en liberté.

[6]      Quelques mois après sa réincarcération à l'établissement de Mission en juillet 1995, le requérant a demandé à être de nouveau transféré dans un établissement à sécurité minimale. Ses efforts pour obtenir ce transfèrement ont donné lieu à des griefs et ont été cause de friction apparente entre le requérant et les responsables de la gestion de son cas. Dans le cadre de certaines divergences non réglées entre le requérant et ses " gestionnaires ", un psychologue agréé employé par l'établissement a, sans la connaissance préalable du requérant et sans son consentement ni sa participation, préparé un rapport d'évaluation psychologique/psychiatrique entièrement fondé sur l'examen du dossier psychologique et du dossier de gestion du cas du requérant. Ce rapport incorporait des rapports psychologiques antérieurs et les [traduction ] " impressions [de l'évaluateur] concernant des entrevues antérieures " subies par le requérant.

[7]      Cet examen s'est soldé par [traduction] " l'attribution [par le psychologue] de notes à M. Pinkney dans les vingt épreuves de l'Échelle de psychopathie de Hare (connue sous le nom de PCL-R). La conclusion du rapport en date d'octobre 1996 est la suivante :

     [traduction] [...] la notation globale de M. Pinkney selon l'Échelle de psychopathie atteindrait la note de césure pour une notation élevée en ce qui concerne le facteur de psychopathie et, à trente-cinq ans, M. Pinkney présente encore un mauvais pronostic quant à une mise en liberté sous condition et un risque élevé de récidive. [...]         

[8]      Le dossier ne contient aucun autre élément de preuve d'une évaluation antérieure du requérant en tant que personne ayant " une notation élevée en ce qui concerne le facteur de psychopathie ". Le dossier de l'intimé contient bien un rapport sur le requérant qui a été préparé par un psychiatre, le Dr D. Eaves, le 24 novembre 1987. Comme l'avocat de l'intimé le fait remarquer, il est mentionné dans ce rapport qu'[traduction]" un diagnostic de psychopathie a été envisagé et il [le requérant] montre de nombreux signes qui permettraient de poser un tel diagnostic dans son cas [...] ". Selon mon interprétation de ce rapport, le Dr Eaves n'a pas, dans les faits, classé le requérant dans la catégorie des psychopathes ni posé un diagnostic de psychopathie. L'intimé a peut-être évoqué ce premier rapport en partie pour étayer la remarque suivante faite par la Commission dans sa décision écrite en date du 14 juillet 1997, qui confirme la décision qu'elle a rendue oralement le 9 juillet 1997 :

     [traduction] Au cours de l'exécution de cette sentence, vous avez subi onze évaluations psychologiques et psychiatriques. Selon le diagnostic qui a été établi, vous avez un trouble de la personnalité antisociale et vous avez été diagnostiqué comme un psychopathe dans deux de ces rapports.         

[9]      Sauf le respect dû à l'opinion de la Commission sur des questions qui relèvent de sa compétence particulière, les dossiers du requérant ou de l'intimé ne contiennent tout simplement pas d'éléments de preuve même d'un diagnostic acceptable de psychopathie.

[10]      Avant d'examiner le bien-fondé de la demande, j'aborde l'exception préliminaire soulevée au nom de l'intimé. L'avocat affirme que puisque le requérant n'a pas exercé le droit d'appel que lui accorde la loi, la Cour ne peut pas contrôler la décision de la Commission.

Octroi d'une réparation extraordinaire par la Cour et appel prévu par la loi

[11]      L'article 147 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi), confère à un délinquant le droit d'interjeter appel d'une décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles auprès de la Section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles pour les motifs suivants :

     147. (1) An offender may appeal a decision of the Board to the Appeal Division on the ground that the Board, in making its decision,

     (a) failed to observe a principle of fundamental justice;
     (b) made an error of law;
     (c) breached or failed to apply a policy adopted pursuant to subsection 151(2);
     (d) based its decision on erroneous or incomplete information; or
     (e) acted without jurisdiction or beyond its jurisdiction, or failed to exercise its jurisdiction.

     147.(1) Le délinquant visé par une décision de la Commission peut interjeter appel auprès de la Section d'appel pour l'un ou plusieurs des motifs suivants:

     a) la Commission a violé un principe de justice fondamentale;
     b) elle a commis une erreur de droit en rendant sa décision;
     c) elle a contrevenu aux directives établies aux termes du paragraphe 151(2) ou ne les a pas appliquées;
     d) elle a fondé sa décision sur des renseignements erronés ou incomplets;
     e) elle a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou omis de l'exercer.

[12]      Dans des décisions antérieures, la Cour a refusé d'intervenir par voie de contrôle judiciaire ou d'accorder une réparation extraordinaire, comme les ordonnances de certiorari et de mandamus que le requérant demande en l'espèce, avant que le requérant n'ait interjeté appel de la manière prévue par la loi auprès de la Section d'appel de la Commission. (Voir Fragoso c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles) (1995), 101 F.T.R. 131 (1re inst.); Fehr c. Commission nationale des libérations conditionnelles (1995), 93 F.T.R. 161 (1re inst.).)

[13]      Dans la décision Fehr (précitée), le juge McKeown a fait les remarques suivantes :

     Il est exact que l'existence d'un droit d'appel ne fait pas automatiquement obstacle à l'obtention du certiorari. Toutefois, je suis d'avis que, en l'espèce, la requérante aurait dû interjeter appel devant la Section d'appel de la Commission avant de s'adresser à notre Cour, puisque la Loi prévoit un redressement adéquat comme solution de rechange au certiorari. La voie de recours est clairement énoncée à l'art. 147 qui, selon moi, reprend presque les dispositions du par. 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale.         

     [...]

         L'appel tend à éviter la multiplication des procédures devant la Cour. Pour cette raison, lorsqu'une voie de recours est prévue, il convient généralement de l'exercer avant de demander un contrôle judiciaire. [à la p. 16]         

[14]      Aux termes du paragraphe 147(3) de la Loi, les délais et les modalités d'appel d'une décision de la Commission auprès de la Section d'appel sont fixés par règlement, et l'article 168 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620, dispose qu'un avis écrit donnant les motifs d'appel et accompagné de tous les renseignements et documents à l'appui peut être envoyé dans les deux mois suivant la décision de la Commission dont est appel. Il se peut que l'appel de la décision dont le requérant en l'espèce demande le contrôle soit maintenant prescrit. J'estime toutefois que, même si tel est le cas, la Cour ne devrait pas intervenir par voie de certiorari ou de mandamus, à moins qu'il ne s'ensuive manifestement une grave injustice qu'il est impossible de réparer autrement. Selon moi, c'est une possibilité qui peut être écartée, surtout si des mesures administratives sont prises maintenant pour garantir que le requérant ne sera pas à nouveau lésé. Dans l'analyse du bien-fondé de la présente demande qui est faite plus loin dans les présents motifs, la Cour suggère de revoir les mesures qui ont été prises en l'espèce, afin de prendre des précautions raisonnables pour ne pas léser le requérant.

[15]      Par conséquent, je rejette la demande du requérant en vue d'obtenir une ordonnance de certiorari et plusieurs ordonnances de mandamus enjoignant aux responsables des opérations de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada de prendre différentes mesures pour examiner la situation du requérant et éviter la mauvaise utilisation possible des tests psychologiques effectués sans consentement dans son cas comme dans n'importe quel autre cas. Faire droit à la demande en l'absence d'éléments de preuve d'une injustice grave devant être réparée dans les circonstances de l'espèce encouragerait la présentation de demandes de contrôle judiciaire simplement en retardant l'introduction d'un appel prévu par la loi jusqu'à l'expiration du délai fixé par règlement. Il serait ainsi possible d'éviter la procédure qui, comme le législateur l'a clairement voulu, devrait être suivie en tant que moyen simple et rapide de contester une décision de la Commission.

[16]      Pour ces motifs, comme le requérant n'a pas interjeté appel de la décision de la manière prévue par la loi, la Cour rejette la demande de contrôle judiciaire.

Le bien-fondé de la demande du requérant

[17]      En temps normal, la Cour n'a ni le droit ni le pouvoir de commenter le bien-fondé d'une demande qu'elle a refusé d'examiner. Les remarques qu'elle fait sont des remarques incidentes et ne sont pas exécutoires pour les parties. Il convient toutefois, en l'espèce, de faire des commentaires, dans le but d'aider le Service correctionnel et la Commission nationale des libérations conditionnelles à s'acquitter de leurs importantes fonctions sans exposer le requérant, ou d'autres personnes dans sa situation, au préjudice que peuvent occasionner les procédures suivies dans son cas.

[18]      Le principal motif d'inquiétude du requérant réside dans l'utilisation par les deux organismes du rapport d'évaluation que le psychologue a rédigé à son sujet en octobre 1996. Selon le requérant, cette utilisation était abusive étant donné que l'évaluation a été faite sans son consentement ou sa participation, par un psychologue n'ayant pas la formation voulue pour poser un diagnostic clinique de psychopathie. L'avocat des intimés nommés n'a pas contesté les éléments essentiels du motif d'inquiétude exprimé par le requérant. Au soutien de sa conclusion, il invoque plutôt d'autres arguments, qui reposent en partie sur la transcription de l'audience de la Commission et ne portent pas directement sur le bien-fondé de la demande.

[19]      On définit la " psychopathie " en ces termes dans le Compact Edition of the Shorter Oxford Dictionary , Vol. II, p. 2348 (Oxford University Press, 1987) :

     [traduction]         
     1.      Maladie ou trouble mental; trouble mental considéré séparément de la maladie cérébrale.         
     2.      Le traitement d'une maladie au moyen d'une influence " psychique ", p. ex. l'hypnotisme.         

De toute évidence, le terme employé dans le dossier du requérant en l'espèce se rapporte à la première définition. Dans le Stedman's Medical Dictionary, p. 1459 (26th Ed., 1995, Williams and Wilkins, Baltimore), le terme " psychopathie " est ainsi défini :

     [traduction] Terme vieilli et inexact désignant un modèle de comportement antisocial ou manipulateur adopté par un psychopathe.         

Dans ce même ouvrage, le terme " psychopathologie " est ainsi défini :

     [traduction]

     1. La science qui étudie la pathologie de l'esprit et du comportement;         
     2. La science des troubles mentaux et de comportement, y compris la psychiatrie et la psychologie anormale.         

Enfin, dans l'ouvrage ITP Nelson Canadian Dictionary of the English Language (1997, Thomson, Scarborough, Ontario), le terme " psychopathologie " est ainsi défini :

     [traduction] Trouble mental, particulièrement lorsqu'il se manifeste par un comportement antisocial.         

[20]      Ces définitions diffèrent, mais elles ont en commun un élément fondamental, soit la classification d'un trouble mental. Il est hors de doute qu'il faut des compétences, des connaissances et une formation spécialisées pour établir un diagnostic à l'égard d'une personne dans un tel état. On ne sait pas très bien si l'évaluation de la notation du requérant selon l'Échelle de psychopathie révisée qui a été faite le 20 octobre 1996 se voulait un diagnostic du requérant en termes médicaux, mais elle a été trop facilement utilisée en tant que telle, vraisemblablement par le Service correctionnel lui-même et certainement par la Commission nationale des libérations conditionnelles. Les efforts faits par le requérant au moyen de la procédure de grief pour empêcher la prise en considération de ce rapport ont été vains.

[21]      Les parties initialement nommées à titre d'intimées, soit la Commission nationale des libérations conditionnelles (Région du Pacifique) et le Service correctionnel du Canada (Région du Pacifique), qui sont représentées par un avocat du ministère de la Justice, ne contestent pas l'affirmation du requérant que l'évaluation dont il a fait l'objet le 20 octobre 1996 a été faite sans son consentement ni sa participation. Le dossier du requérant contient une lettre en date du 16 mai 1997 dans laquelle l'Enquêteur correctionnel du Canada confirme au requérant qu'il a examiné son dossier psychologique et [traduction] " n'a pas vu de consentement signé en vue d'un traitement ou d'une évaluation concernant les tests de l'Échelle de psychopathie qui ont été faits dans votre cas ".

[22]      Il semble évident que l'évaluation de l'état mental du requérant sans son consentement contrevient aux paragraphes 2 et 6 de la Directive du commissaire no 803, aux termes desquels " [l]e consentement du délinquant doit être obtenu pour a. tous les actes médicaux, et b. toutes les évaluations et tous les traitements psychiatriques et psychologiques ".

[23]      Par ailleurs, simplement à première vue, le rapport d'évaluation psychologique/psychiatrique en date du 20 octobre 1996, qui évalue entre autres le requérant selon le régime PCL-R, n'aurait pas dû être envisagé, ni utilisé comme un outil de diagnostic de l'état mental du requérant1. Il serait étonnant qu'un thérapeute compétent ayant une formation supérieure en psychologie clinique ou en psychiatrie, condition essentielle énoncée par le concepteur du test, le Dr Hare, et prévue dans les normes cliniques professionnelles, prétende établir un diagnostic de la manière dont l'évaluation a été faite, et l'évaluation ne se voulait peut-être pas un diagnostic.

[24]      À mon avis, les responsables de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada devraient songer à prendre des mesures propres à ne pas léser le requérant, au moins en déposant un exemplaire des présents motifs dans les dossiers relatifs à l'audition de l'espèce par la Commission et dans les dossiers psychologiques du requérant. De cette façon, ces dossiers contiendraient les passages des présents motifs dans lesquels la Cour déclare que le dossier qui lui a été soumis ne renfermait aucun élément de preuve selon lequel un diagnostic de psychopathie a été correctement posé à l'égard du requérant. La Cour ordonne à l'avocat de l'intimé de faire parvenir les présents motifs au président de la Commission nationale des libérations conditionnelles et au commissaire du Service correctionnel pour qu'ils en tiennent compte dans le cadre de l'examen des mesures qu'il convient de prendre. Ceux-ci devraient envisager d'éviter l'utilisation de tests ou d'évaluations psychologiques douteux dans des situations futures mettant en cause le requérant ou d'autres personnes détenues. Un examen adéquat par le Service correctionnel peut être particulièrement important.

[25]      En résumé, il paraît justifié de procéder à un nouvel examen administratif des préoccupations du requérant résultant de l'utilisation par la Commission nationale des libérations conditionnelles et, antérieurement, par le Service correctionnel du Canada, d'évaluations psychologiques douteuses effectuées au moyen du PCL-R sans le consentement ou la participation du requérant. Malgré tout, je ne suis pas convaincu, en l'espèce, qu'une injustice grave serait commise si la Cour n'intervient pas ou qu'une saine gestion n'éviterait pas de léser le requérant à l'avenir.

Conclusion

[26]      La Cour refuse d'exercer son pouvoir d'intervenir et rejette la demande de réparation du requérant, étant donné qu'il a eu la possibilité d'interjeter appel de la décision litigieuse en l'espèce mais n'en a rien fait. Le législateur entendait que le mécanisme d'appel prévu par la loi soit le mode de contestation des décisions de la Commission. En temps normal, il n'y a donc pas de contrôle judiciaire à moins qu'on ne considère que la décision de la Section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles soulève des craintes qui justifient l'intervention de la Cour.

[27]      Aux termes de l'ordonnance rendue en l'espèce, l'intitulé de la cause est modifié et les noms de la Commission nationale des libérations conditionnelles (Région du Pacifique) et du Service correctionnel du Canada (Région du Pacifique) sont supprimés à titre d'intimés, puisqu'aucun d'eux n'est une entité juridique et que le procureur général du Canada, au nom de Sa Majesté la Reine, est le représentant compétent des deux services. Aux termes de l'ordonnance rendue en l'espèce, celui-ci est le seul intimé désigné dans l'intitulé.

[28]      L'ordonnance prévoit également que l'avocat de l'intimé fera parvenir un exemplaire des présents motifs au président de la


Commission nationale des libérations conditionnelles et au commissaire du Service correctionnel.

                                 W. Andrew MacKay

                                         Juge

Ottawa (Ontario)

Le 26 février 1998

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                  T-1723-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :              JOHN ROBERT PINKNEY C. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MACKAY

EN DATE DU :                      26 FÉVRIER 1998

ARGUMENTATION ÉCRITE :

JOHN ROBERT PINKNEY                      REQUÉRANT

DAVID HANSEN                          POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

GEORGE THOMSON                          POUR L'INTIMÉ

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

__________________

     1      [traduction] Dans des remarques faites sur l'utilisation des tests PCL-R dans The Hare Psychopathy Checklist - Revised (par Robert D. Hare, publié par Multi-Health Systems, Inc., Toronto 1990, 1991), le Dr Hare signale ceci, à la p. 5, relativement à l'administration du PCL-R :
                         Utilisation et utilisateurs
             Milieux cliniques
                 Dans des milieux cliniques, le PCL-R est utilisé pour poser un psychodiagnostic. Comme les résultats obtenus par un individu peuvent avoir des conséquences importantes pour son avenir, la valeur absolue est extrêmement importante. Le risque de préjudice est considérable si le PCL-R est mal utilisé ou si l'utilisateur ne connaît pas bien la documentation clinique et empirique relative à la psychopathie. Les cliniciens devraient :
                 a. être titulaires d'un diplôme d'études supérieures en sciences sociales, en sciences médicales ou en science du comportement, comme un doctorat, un doctorat en éducation ou un doctorat en médecine;                  [...]                  e. s'assurer d'avoir une formation et une expérience suffisantes relativement à l'utilisation du PCL-R (voir ci-dessous). Nous recommandons en outre, dans la mesure du possible, de faire la moyenne des résultats du PCL-R obtenus par deux évaluateurs indépendants afin d'accroître la fiabilité de l'évaluation.
             Milieux de recherche
                 Dans des milieux de recherche, les résultats du PCL-R dans un cas donné sont habituellement gardés confidentiels et ne sont pas mis à la disposition du personnel de correction ou d'établissement, de commissions de libérations conditionnelles et ainsi de suite. Les qualifications de l'utilisateur n'ont pas un caractère aussi impérieux que si les évaluations ont des conséquences directes ou indirectes sur des détenus ou des patients.
                 Les chercheurs (ou, s'ils sont actuellement inscrits à un programme de deuxième ou de troisième cycle ou dans une faculté de médecine, leurs superviseurs) devraient :
                 a. être titulaires d'un diplôme d'études supérieures en sciences sociales, en sciences médicales ou en science du comportement, comme une maîtrise, une maîtrise en éducation, un doctorat, un doctorat en éducation ou un doctorat en médecine.
                         Procédure d'évaluation
                 La procédure d'évaluation PCL-R consiste habituellement en une entrevue et un examen des renseignements connexes existants.
             [...]         

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