Date : 20030909
Référence : 2003 CF 1051
ENTRE :
KIRK CHARETTE
demandeur
et
HONEYWELL LIMITED
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
(Prononcés à l'audience après révision)
[1] Voici ma décision relativement aux deux requêtes, la requête en jugement sommaire déposée par le demandeur et la requête incidente en jugement sommaire déposée par la défenderesse.
[2] Il importe en premier lieu de savoir s'il existe une véritable question à mettre en jugement de sorte qu'un jugement sommaire serait inapproprié. Je suis convaincu que les documents dont dispose la Cour sont suffisants pour que la Cour rende un jugement sommaire. À la lumière des observations des deux parties et des pièces au dossier, je suis convaincu qu'il n'y a aucune question de fait d'importance en litige. En conséquence, il n'existe aucune véritable question relativement à un fait important qu'il serait préférable de soumettre à un juge pour jugement. Comme il s'agit là d'une des conditions préalables pour que la Cour examine une requête en jugement sommaire, je suis disposé à considérer que la présente affaire est appropriée pour un jugement sommaire.
[3] La première question en litige est de savoir si l'exigence de la défenderesse Honeywell que le demandeur, M. Charette, s'inscrive au [TRADUCTION] _ Programme des agents intégrateurs autorisés des systèmes de régulation Honeywell _ est un préalable raisonnable pour que M. Charette obtienne des pièces de rechange Honeywell et qu'il soit agréé comme fournisseur de services Honeywell ou s'il s'agit d'une violation de l'article 45 de la Loi sur la concurrence, ou si cela relève plutôt de l'article 75 de la Loi sur la concurrence qui vise le _ refus de vendre _.
[4] Et la deuxième question en litige est de savoir si les indications de la défenderesse Honeywell sur son site Internet constituent une violation de l'article 52 de la Loi sur la concurrence.
[5] Je n'ai pas besoin de renvoyer les parties aux faits étant donné que je rends la présente décision à l'audience après audition des parties au cours d'une matinée régulière de lundi consacrée à l'audition des requêtes. Je procède à mon analyse.
[6] En ce qui concerne l'article 45 de la Loi sur la concurrence qui vise le complot, je suis d'avis que l'article 45, qui est l'un des articles les plus importants en matière pénale dans la Loi sur la concurrence, ne vise pas les préalables comme ceux que Honeywell impose à quiconque veut devenir technicien d'entretien ou fournisseur de services Honeywell. Il n'y a ni complot ni arrangement attribuable à Honeywell : Honeywell a fait clairement savoir à tout le monde que seuls ses fournisseurs de services agréés obtiendront ses pièces de rechange et seront autorisés à entretenir ses équipements. À mon avis, il ne s'agit pas là d'une question visée par l'_ arrangement _ prévu à l'article 45 de la Loi sur la concurrence.
[7] La Cour reconnaît qu'il n'existe aucune obligation de common law qu'une partie conclue des contrats avec une autre et ceci a été énoncé dans l'arrêt Manos Foods International Inc. c. Coca-Cola Ltd. et al. par la Cour d'appel de l'Ontario, publié dans (1999) 2 C.P.R. (4th) 283. Dans cet arrêt, la Cour d'appel de l'Ontario a dit au paragraphe 8, à propos de faits analogues aux faits de l'espèce, que les appelants n'ont pas une obligation de common law correspondante de vendre des produits à la défenderesse :
[TRADUCTION] Il n'y a aucune obligation de common law de conclure des contrats avec une autre partie, les parties sont libres de contracter comme elles le conçoivent. La liberté contractuelle inclut aussi bien la capacité de conclure des contrats que celle de ne pas conclure des contrats.
[8] Cependant, en vertu de la Loi sur la concurrence, il existe des redressements qui imposeront au fournisseur d'un produit, l'obligation de vendre ce produit à des personnes qui seront sensiblement gênées dans leur entreprise si le fournisseur du produit ne le fait pas. C'est la situation en l'espèce. M. Charette prétend que la défenderesse Honeywell gêne sensiblement son entreprise, en ne lui fournissant pas de pièces de rechange Honeywell et en ne lui donnant pas l'autorisation requise ou en ne le reconnaissant pas comme fournisseur de services agréé.
[9] La Cour d'appel de l'Ontario a dit au paragraphe 10 de l'arrêt Manos Foods que les redressements sont prévus par la Loi sur la concurrence, en particulier à l'article 75 qui vise le _ refus de vendre _. La Cour d'appel a dit :
[TRADUCTION] Les redressements relèvent de la compétence exclusive du Tribunal de la concurrence. L'intimée n'a pas cherché à obtenir le redressement qu'offre la Loi sur la concurrence.
[10] La Cour conclut que l'obligation imposée par Honeywell, aux fournisseurs potentiels de services, de participer à un processus de demande et d'accréditation, n'est pas quelque chose qui, en vertu de l'article 45, peut être qualifié de complot pour diminuer la concurrence. Et pour cette raison, la demande de jugement déclaratoire fondée sur l'article 45 sera rejetée.
[11] En ce qui a trait à la question du refus de vendre (article 75 de la Loi sur la concurrence), la Cour conclut que la plainte de M. Charette est correctement qualifiée de refus de vendre et que cette question relève de la compétence exclusive du Bureau de la concurrence et du Tribunal de la concurrence. En conséquence, la Cour n'est pas compétente pour rendre une ordonnance qui enjoindrait à Honeywell de transiger avec le demandeur, ou de fournir au demandeur ses produits ou sa documentation.
[12] Quant à la deuxième question relative aux indications trompeuses, M. Charette ne l'a pas plaidée activement mais c'était l'objet de la requête incidente en jugement sommaire
présentée par la défenderesse. J'ai examiné le site Internet et je suis convaincu que les indications montrent clairement que certains produits de Honeywell ne peuvent être obtenus que par l'intermédiaire d'un fournisseur de services agréé ou d'un concessionnaire.
[13] En conséquence, il n'est pas établi que les indications sont fausses ou trompeuses sur un point important et cette partie de la demande doit également être rejetée.
[14] En l'espèce, le caractère raisonnable des préalables imposés par la défenderesse Honeywell à M. Charette pour se qualifier comme concessionnaire font correctement l'objet d'une enquête du Bureau de la concurrence et non de notre Cour. À titre incident, je voudrais ajouter à mes motifs prononcés à l'audience que l'entente proposée entre Honeywell et le fournisseur de services peut très bien limiter déraisonnablement ou diminuer la concurrence en matière de pièces de rechange et de service. Le Bureau de la concurrence et le Tribunal de la concurrence ont l'expertise nécessaire pour examiner ce point. Ainsi, pour ces motifs, la requête en jugement sommaire du demandeur sera rejetée et, la requête en jugement sommaire de la défenderesse sera accueillie.
[15] En conséquence, la demande est rejetée.
_ Michael A. Kelen _
Juge
Traduction certifiée conforme
Jean Maurice Djossou, LL.D.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1480-02
INTITULÉ : KIRK CHARETTE
c.
HONEYWELL LIMITED
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : le 8 septembre 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : le juge Kelen
DATE DES MOTIFS : le 9 septembre 2003
COMPARUTIONS :
Kirk Charette pour le demandeur
(se représente lui-même)
Mahmud Jamal pour la défenderesse
Vaso Maric
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Kirk Charette pour le demandeur
Toronto (Ontario)
Osler, Hoskin & Harcourt LLP pour la défenderesse
Toronto (Ontario)
COUR FÉDÉRALE
Date : 20030909
Dossier : T-1480-02
ENTRE :
KIRK CHARETTE
demandeur
et
HONEYWELL LIMITED
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE