Date : 20040414
Dossier : T-2127-01
Référence : 2004 CF 557
Ottawa (Ontario), le 14 avril 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
ENTRE :
ABUBAKAR CHOWDHURY
demandeur
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] M. Abubakar Chowdhury travaille à temps partiel comme agent de la recherche de données pour Développement des ressources humaines Canada. En 2000, il a présenté une demande d'emploi à temps plein auprès de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Il s'agissait d'un concours interne, c'est-à-dire un concours réservé aux personnes employées dans la fonction publique fédérale. La candidature de M. Chowdhury a été retenue. En avril 2001, il a été nommé à un poste à temps plein d'une durée indéterminée.
[2] Le mois suivant, CIC a découvert que M. Chowdhury n'était pas admissible à ce concours parce qu'il travaillait à temps partiel et non à temps plein. CIC a demandé à la Commission de la fonction publique (la Commission) d'établir un comité d'enquête pour que celui-ci examine l'affaire. Un comité d'enquête a par la suite examiné la nomination de M. Chowdhury et il a conclu qu'il n'était pas admissible au concours. Il a recommandé à la Commission de révoquer sa nomination. La Commission a accepté cette recommandation.
[3] M. Chowdhury soutient que la Commission a commis une erreur et me demande d'annuler sa décision. Toutefois, je ne vois aucune erreur dans la décision de la Commission et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.
I. Questions en litige
[4] M. Chowdhury a soulevé trois questions :
1. Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission?
2. La Commission a-t-elle commis une erreur dans son interprétation de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ou du Décret approuvant l'exclusion sur le travail à temps partiel?
3. Les motifs écrits du comité d'enquête étaient-ils adéquats?
II. Analyse
A. Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission?
[5] M. Chowdhury soutient que la Commission a commis une erreur en acceptant l'interprétation donnée par le comité d'enquête à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33. Il prétend que dans des domaines comme l'interprétation législative, les décisions de la Commission devraient respecter la norme de la décision correcte, comme l'a reconnu la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Boucher c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 86 (QL) (C.A.F.).
[6] Pour sa part, le défendeur prétend que la présente affaire porte davantage sur l'interprétation du Décret approuvant l'exclusion sur le travail à temps partiel que sur la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Vu que ce décret a été pris par la Commission elle-même, la Cour devrait s'en remettre à l'interprétation qu'en donne la Commission elle-même. Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable est la décision manifestement déraisonnable, citant la décision Adams c. Canada (Procureur général), 2002 CFPI 80, [2002] A.C.F. no 98 (QL) (1re inst.).
[7] À mon avis, la Commission était tenue d'interpréter et d'appliquer la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et le Décret approuvant l'exclusion sur le travail à temps partiel. Je suis d'accord avec M. Chowdhury pour dire que la norme de la décision correcte devrait s'appliquer à l'interprétation des lois par la Commission : arrêt Boucher, précité. Je suis d'accord également avec le défendeur pour dire qu'il faut faire preuve d'une plus grande retenue envers la Commission lorsqu'elle interprète le Décret. Vu que cette question n'est pas en cause en l'espèce, je vais appliquer la norme de la décision correcte aux deux aspects de la décision de la Commission.
B. La Commission a-t-elle commis une erreur dans son interprétation de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ou du Décret approuvant l'exclusion sur le travail à temps partiel?
[8] La Commission a accepté l'interprétation donnée par le comité d'enquête à la Loi et au Décret. Pour ce qui est de la Loi, le comité d'enquête a conclu que, suivant les définitions données au paragraphe 2(1) de la Loi, un « concours interne » est un concours réservé aux personnes employées dans la fonction publique et un « fonctionnaire » est une personne employée dans la fonction publique et dont la nomination à celle-ci relève de la Commission. Le Décret soustrait à l'autorité de la Commission les personnes qui ne sont habituellement pas tenues de travailler plus du tiers de la durée de travail hebdomadaire normale. Le comité d'enquête a conclu que l'effet combiné des deux textes était d'empêcher les employés à temps partiel de participer aux concours internes. De plus, il a conclu que M. Chowdhury travaillait « habituellement » à temps partiel, telle que cette expression est définie dans le Décret, et qu'il n'était donc pas admissible au concours organisé par CIC.
[9] M. Chowdhury soutient que le comité d'enquête et la Commission ont mal interprété la Loi. Comme je l'ai mentionné précédemment, la Loi prévoit que les concours internes sont réservés aux « personnes employées dans la fonction publique » . Elle ne dit pas que les concours internes sont réservés aux « fonctionnaires » . Le comité d'enquête s'est toutefois fondé sur la définition de « fonctionnaire » prévue dans la Loi pour conclure que les employés à temps partiel ne pouvaient pas participer aux concours internes. M. Chowdhury soutient qu'en tant que « personn[e] employé[e] dans la fonction publique » , il aurait dû être considéré autorisé à participer à un concours interne, et ce, même s'il n'était qu'un employé à temps partiel. Je ne suis pas d'accord. La Commission avait clairement le pouvoir d'exclure certaines personnes de l'application de la Loi (paragraphe 41(1)). Elle a décidé, par voie d'ordonnance, d'exclure les employés à temps partiel, comme elle était autorisée à le faire. Tout autre argument sur l'interprétation de la Loi est donc en réalité superflu. La conclusion de la Commission sur ce point était clairement correcte.
[10] M. Chowdhury soutient également qu'on n'aurait pas dû conclure qu'il était une « personn[e] qui n['est] habituellement pas tenu[e] » de travailler plus du tiers de la durée de travail hebdomadaire normale. En fait, il aurait souvent été appelé à faire plus d'heures.
[11] Je note que M. Chowdhury a été appelé à faire des heures supplémentaires pendant la période de six mois d'avril à septembre 1999, et à l'occasion au cours des années 2000 et 2001. Il travaillait habituellement 12,5 heures par semaine ou moins. Les ententes de travail à temps partiel qu'il avait signées indiquaient qu'il ne devait pas travailler plus de 12,5 heures par semaine, qu'il n'était pas un fonctionnaire et qu'il n'était pas admissible aux concours internes. À mon avis, il était clair que M. Chowdhury travaillait habituellement à temps partiel et qu'il n'était pas admissible aux concours internes. Encore une fois, la décision de la Commission était correcte.
C. Les motifs écrits du comité d'enquête étaient-ils adéquats?
[12] Le comité d'enquête a donné des motifs écrits détaillés. Toutefois, M. Chowdhury prétend que les motifs sont inadéquats parce qu'ils ne tiennent pas compte de son argument selon lequel il aurait dû être considéré comme une personne employée dans la fonction publique et, par voie de conséquence, comme une personne autorisée à participer aux concours internes.
[13] Le comité d'enquête a fait mention de l'argument de M. Chowdhury, mais il n'y a pas répondu explicitement dans sa conclusion. À mon avis, les motifs du comité d'enquête sont adéquats en ce qu'ils apportent une explication claire et cohérente à sa conclusion.
[14] En conséquence, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.
JUGEMENT
LA COUR STATUE QUE :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
_ James W. O'Reilly _
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33
2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi. « concours interne » "closed competition" « concours interne » Concours réservé aux personnes employées dans la fonction publique.
Exemptions 41. (1) Avec l'approbation du gouverneur en conseil, la Commission peut exempter un poste, une personne ou une catégorie de postes ou de personnes de l'application de tout ou partie de la présente loi, si elle estime pareille application difficilement réalisable et contraire aux intérêts de la fonction publique. |
|
Public Service Employment Act, R.S.C. 1985, c. P-33
2. (1) In this Act, "closed competition" « concours interne » "closed competition" means a competition that is open only to persons employed in the Public Service;
Exclusion of persons and positions 41. (1) In any case where the Commission decides that it is neither practicable nor in the best interests of the Public Service to apply this Act or any of its provisions to any position or person or class of positions or persons, the Commission may, with the approval of the Governor in Council, exclude that position, person or class in whole or in part from the operation of this Act. |
|
|
|
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2127-01
INTITULÉ : ABUBAKAR CHOWDHURY
c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 29 MARS 2004
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE O'REILLY
DATE DES MOTIFS : LE 14 AVRIL 2004
COMPARUTIONS :
Sheila Cuthbertson POUR LE DEMANDEUR
James Gorham POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sheila Cuthbertson POUR LE DEMANDEUR
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada