IMM-668-97
OTTAWA (ONTARIO), le mercredi 8 octobre 1997
En présence de M. le juge suppléant Darrel V. Heald
Entre :
YAN-LING SU,
requérant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
O R D O N N A N C E
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agente des visas, Cheryl Athoe, en date du 13 janvier 1997, est infirmée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle audition à l'issue de laquelle une nouvelle décision sera prise conformément aux motifs ci-joints.
Darrel V. Heald
Juge suppléant
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau
IMM-668-97
Entre :
YAN-LING SU,
requérant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE SUPPLÉANT HEALD
Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas, Cheryl Athoe, en date du 13 janvier 1997, dans laquelle la demande de résidence permanente au Canada du requérant a été refusée. La raison de ce refus est que le requérant n'a pas assisté à une entrevue.
QUESTIONS PROCÉDURALES
À l'audition de cette demande, le requérant a demandé à déposer un affidavit établi sous serment par Priscilla Lee le 18 septembre 1997. J'ai accepté l'affidavit, et les pièces qui y étaient jointes, aux fins du dépôt et réservé mon jugement sur la question de son admissibilité.
À la réflexion, j'ai conclu que l'affidavit de Lee et les pièces qui y sont jointes sont admissibles étant donné qu'elles sont pertinentes dans une certaine mesure aux questions en litige.
LES FAITS
Le 7 novembre 1995, la demande de résidence permanente du requérant au Canada a été présentée au Consulat général à Buffalo (New York). Au cours d'une évaluation préliminaire, le requérant a été apprécié comme cuisinier de plats exotiques et 73 points lui ont été attribués. L'analyste a recommandé qu'une entrevue ait lieu de façon à pouvoir évaluer le degré d'expérience du requérant. Celui-ci a été convoqué à une entrevue personnelle au bureau du Consulat général à Buffalo (New York) le 21 octobre 1996. La lettre adressée au requérant l'informait que s'il ne se présentait pas à l'entrevue, sa demande pourrait être refusée. La lettre indiquait également que le Consulat général ne pouvait intervenir au cas où les autorités américaines refuseraient son admission. Elle indiquait aussi qu'il n'était pas possible de l'assurer qu'il pourrait être admis de nouveau au Canada après l'entrevue. Dans un fac-similé daté du 18 octobre 1996, le requérant a informé le Consulat qu'il lui était impossible de se présenter à l'entrevue prévue pour le 21 octobre 1996. Dans une lettre datée du 27 novembre 1996, le requérant a été convoqué à une autre entrevue personnelle le 13 janvier 1997. Dans une autre lettre datée du 6 janvier 1997, le requérant a de nouveau fait savoir qu'il ne pouvait se présenter à l'entrevue parce qu'il ne pouvait pas obtenir le visa B-2 américain requis. Le requérant demandait dans sa lettre l'aide du Consulat canadien pour obtenir un visa qui lui permettrait de se présenter à l'entrevue à laquelle il était convoqué. Il n'a pas reçu de réponse à cette lettre.
Par la suite, le requérant a reçu la lettre de refus datée du 13 janvier 1997, indiquée ci-dessus, de l'agente des visas Athoe, qui indique ce qui suit : [TRADUCTION] "Comme vous ne vous êtes pas présenté aux entrevues prévues pour le 21 octobre 1996 et le 13 janvier 1997, l'évaluation requise n'a pu être faite. Par conséquent, vous faites partie de la catégorie des personnes non admissibles décrite à l'alinéa 19(2)d ) de la Loi sur l'immigration, étant donné que vous n'avez pas respecté les conditions de la Loi sur l'immigration et de son Règlement, et votre demande a été refusée."
QUESTION EN LITIGE
La seule question en litige est de savoir si l'agente des visas a commis une erreur en rejetant la demande en l'espèce simplement parce que le requérant n'avait pas assisté à l'entrevue à laquelle il était convoqué.
ANALYSE
L'intimé fait valoir qu'une fois qu'une entrevue est recommandée, il est obligatoire de s'y présenter. Si ce raisonnement est exact, alors le fait de ne pas se présenter à une entrevue constitue en soi un motif d'inadmissibilité parce que les exigences de la Loi ne sont pas respectées. Un tel argument pourrait être fondé si l'agent des visas devant effectuer l'évaluation, et qui a finalement rejeté la demande, était celui qui avait ordonné la tenue de l'entrevue. Ce n'est pas le cas en l'espèce. En l'espèce, l'analyste qui a fait l'évaluation initiale a recommandé que le requérant se présente à une entrevue de façon à ce que les renseignements qu'il avait fournis puissent être vérifiés. Ce dossier appuie la conclusion selon laquelle l'agent des visas qui a finalement rejeté la demande du requérant en a décidé ainsi parce qu'il était manifeste que le requérant ne s'était pas présenté à l'entrevue. Rien ne permet de croire qu'elle a examiné l'ensemble des circonstances et le bien-fondé de la demande.
À mon avis, le paragraphe 9(2) de la Loi exige clairement qu'un agent des visas évalue la demande selon son bien-fondé. Habituellement, la décision de l'agent des visas renferme une recommandation concernant la tenue d'une entrevue. À cet égard, la décision du juge McGillis dans Baluyut c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)1 est instructive. Dans cette affaire, la question était de savoir si l'agent des visas avait commis une erreur en refusant de tenir l'entrevue avec la requérante en l'absence de son époux. En analysant la décision, la Cour a conclu que l'agent avait entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en refusant d'examiner la demande de la requérante en respectant à la lettre les instructions de son superviseur sans examiner en détail l'ensemble des circonstances du cas. Le juge McGillis déclare ceci :
Les faits montrent que Mme Roa a omis de faire preuve d'un jugement indépendant dans cette affaire et qu'elle a ainsi entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Confrontée à l'explication donnée par Mme Baluyut, à la date prévue pour l'entrevue, Mme Roa a consulté des supérieurs au consulat et a fait exactement ce qu'on lui a dit de faire ... En agissant de la sorte, elle n'a pas examiné au fond le cas de Mme Baluyut. |
Les faits de l'espèce sont semblables en ce sens que, en l'espèce, l'agente des visas Athoe n'a pas non plus exercé son jugement de façon indépendante et, en conséquence, elle a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Elle n'a pas évalué la demande au fond.
CONCLUSION
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agente des visas, Cheryl Athoe, en date du 13 janvier 1997 est infirmée et la question est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle audition à l'issue de laquelle une nouvelle décision sera prise conformément aux motifs de cette ordonnance.
Je ne suis pas convaincu que des raisons spéciales, comme celles que prévoit la règle 1618 des Règles de la Cour fédérale, ont été établies d'après les faits de l'espèce. Par conséquent, il n'y aura pas d'adjudication de dépens.
CERTIFICATION
L'avocat du requérant a proposé la certification aux termes de l'article 83 de la Loi sur l'immigration de quelque dix questions différentes :
Pour qu'une question soit certifiée elle doit2 : |
1. se poser dans le contexte des procédures engagées devant la Cour; |
2. ne pas être uniquement fondée sur une question de fait, mais soulever un point de droit; |
3. soulever des questions de droit de portée générale qui n'ont pas déjà été tranchées par la Cour fédérale. |
Je ne suis pas persuadé que l'une des questions suggérées respecte les exigences de l'article 83 et de la jurisprudence pertinente. À l'exception de la deuxième question posée par le requérant, aucune des questions ne se pose carrément dans le contexte des procédures engagées devant la Cour. À mon avis, la deuxième question ne soulève pas de question de droit de portée générale justifiant la certification. Les faits particuliers de l'espèce ont créé une situation dans laquelle l'agente des visas qui a refusé la demande au motif que le requérant ne s'était pas présenté à l'entrevue, a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en n'examinant pas la demande au fond. L'erreur apparente au dossier dont était saisie la Cour est l'omission d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon indépendante, et non pas le fait d'avoir refusé la demande au motif que le requérant ne s'est pas présenté à l'entrevue.
Darrel V. Heald
Juge suppléant
Ottawa (Ontario)
le 8 octobre 1997
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NE DU GREFFE : IMM-668-97 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : YAN-LING SU
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 24 SEPTEMBRE 1997
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR LE JUGE SUPPLÉANT DARREL V. HEALD
DATE : LE 8 OCTOBRE 1997
ONT COMPARU :
Timothy E. Leahy
(416) 226-9889
pour le requérant
Sally Thomas
(416) 954-8230
pour l'intimé
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Timothy E. Leahy
Avocat et procureur
5075, rue Yonge, bureau 408
North York (Ontario)
M2N 6 C6
pour le requérant
George Thomson |
Sous-procureur général
du Canada
pour l'intimé
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