Date : 20030905
Dossier : T-615-01
Référence : 2003 CF 1031
Ottawa (Ontario), le 5 septembre 2003
En présence de Monsieur le juge Blais
ENTRE :
KURT A. THOMAS
demandeur
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et
LE COMMISSAIRE ADJOINT D.G. CLEVELAND
en sa capacité de _ tribunal d'appel _conformément à
l'article 9 des Consignes du commissaire
(perte de compétences de base)
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La présente requête a été présentée par écrit par Kurt A. Thomas (le demandeur), conformément aux articles 8, 369, 397 et 399 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles) pour fins de réexamen de l'ordonnance rendue par la Cour le 19 février 2003, par laquelle une demande présentée au nom du demandeur a été rejetée pour cause de retard.
LES FAITS
[2] La déclaration relative à la présente affaire a été déposée le 9 avril 2001. Le demandeur y réclamait ce qui suit :
_traduction_
- des dommages-intérêts au montant de 50 000 $ pour perte de salaire;
- les dépens de la présente action sur la base avocat-client;
- tout autre jugement, déclaration ou ordonnance que la Cour estime approprié, y compris une ordonnance résultant du contrôle judiciaire de la décision de D.G. Cleveland du 14 juin 1999.
[3] La défense a été déposée le 15 mai 2001.
[4] L'affidavit de documents du demandeur a été déposé le 24 octobre 2001.
[5] Le 12 juillet 2002, la Cour a délivré un avis d'examen de l'état de l'instance. Le 23 août
2002, le demandeur a déposé ses observations sur cet examen.
[6] Le 3 octobre 2002, la Cour a délivré une ordonnance autorisant la poursuite de l'action dans laquelle elle déclarait :
_traduction_
La présente action doit être poursuivie, les interrogatoires préalables devront être terminés au plus tard le 29 novembre 2002, le demandeur doit déposer et signifier une demande de conférence préparatoire, et un mémoire au plus tard le 20 décembre 2002.
[7] Parce qu'il ne l'a pas fait, le 19 février 2003, la Cour à rejeté l'action pour cause de retard.
[8] Le 3 mars 2003, le demandeur à déposé une requête en réexamen de l'ordonnance susmentionnée.
[9] Le demandeur fait valoir que pour réexaminer son ordonnance du 19 février 2003, la Cour peut se fonder sur les trois dispositions suivantes :
1. Le paragraphe 399(1) : l'ordonnance a été rendue ex parte ou en l'absence d'une partie et cette partie présente une preuve prima facia démontrant pourquoi elle n'aurait pas dû être rendue;
2. L'alinéa 399(2)a) : des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l'ordonnance a été rendue;
3. L'alinéa 397(1)b) : une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement.
(Dossier de requête du demandeur, pages 21 à 23.)
[10] Les défendeurs demandent le maintien du rejet de l'action conformément à l'ordonnance du 19 février 2003, avec dépens.
DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES PERTINENTES
397(1) Within 10 days after the making of an order, or within such other time as the Court may allow, a party may serve and file a notice of motion to request that the Court, as constituted at the time the order was made, reconsider its terms on the ground that
(a) the order does not accord with any reasons given for it; or
(b) a matter that should have been dealt with has been overlooked or accidentally omitted.
(2) Clerical mistakes, errors or omissions in an order may at any time be corrected by the Court.
399. (1) On motion, the Court may set aside or vary an order that was made
(a) ex parte; or
(b) in the absence of a party who failed to appear by accident or mistake or by reason of insufficient notice of the proceeding, if the party against whom the order is made discloses a prima facie case why the order should not have been made.
399(2) On motion, the Court may set aside or vary an order
(a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order; or
(b) where the order was obtained by fraud.
[emphasis added] |
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397(1) Dans les 10 jours après qu'une ordonnance a été rendue ou dans tout autre délai accordé par la Cour, une partie peut signifier et déposer un avis de requête demandant à la Cour qui a rendu l'ordonnance, telle qu'elle était constituée à ce moment, d'en examiner de nouveau les termes, mais seulement pour l'une ou l'autre des raisons suivantes :
a) l'ordonnance ne concorde pas avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour la justifier;
b) une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement.
(2) Les fautes de transcription, les erreurs et les omissions contenues dans les ordonnances peuvent être corrigées à tout moment par la Cour.
399. (1) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier l'une des ordonnances suivantes, si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi elle n'aurait pas dû être rendue :
a) toute ordonnance rendue sur requête ex parte;
b) toute ordonnance rendue en l'absence d'une partie qui n'a pas comparu par suite d'un événement fortuit ou d'une erreur ou à cause d'un avis insuffisant de l'instance.
399(2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l'un ou l'autre des cas suivants : a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l'ordonnance a été rendue;
b) l'ordonnance a été obtenue par fraude.
[Non souligné dans l'original.] |
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ANALYSE
[11] Tel qu'énoncé dans l'affidavit de Deborah Scott, assistante juridique de l'avocat du demandeur, après la délivrance de l'ordonnance du 3 octobre 2002, une série d'échanges a eu lieu entre les avocats des parties, du 17 octobre 2002 jusque vers le 22 janvier 2003.
[12] Dans une lettre du 6 novembre 2002, les défendeurs ont consenti à ce que le délai fixé par l'ordonnance du 3 octobre 2002 concernant la tenue des interrogatoires préalables soit prorogé.
[13] En réponse, le 13 novembre 2002, l'avocat du demandeur a écrit ce qui suit :
[traduction ]
Notre client a récemment appris que le commissaire adjoint McDermid est peut-être à l'étranger en ce moment. Le cas échéant, il serait préférable de confirmer sa disponibilité avant de fixer ces dates.Nous proposons que les interrogatoires préalables aient lieu n'importe quand pendant les deux dernières semaines de janvier et la première semaine de février 2003. Dès que nous pourrons confirmer ces dates, nous serons en mesure de demander une prorogation de l'ordonnance du juge Blais.
[Non souligné dans l'original.]
[14] Comme je l'ai dit plus haut, le 3 octobre 2002, la Cour a autorisé la poursuite de l'action. Elle a établi un calendrier qui, entre autres, accordait la prorogation que demandait le demandeur dans ses observations sur l'examen de l'état de l'instance déposées le 22 août 2002. Le calendrier accordait presque deux mois aux parties pour déposer leurs interrogatoires préalables, deux mois au demandeur pour déposer et signifier une demande de conférence préparatoire et presque trois mois au demandeur pour déposer et signifier un mémoire.
[15] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le commentaire suivant exprimé par le protonotaire Morneau dans la décision Ferrostaal Metals Ltd. c. Evdomon Corp., (2000) 181 F.T.R. 265, [2000] A.C.F. no 589, est d'une grande pertinence :
[paragraphe 14] La Cour pouvait s'attendre à ce que cet échéancier soit respecté puisqu'il intervenait dans un dossier déjà en contravention des règles (le dossier avait dûrecevoir un avis d'examen de l'état de l'instance) et pour lequel la Cour permettait la poursuite. Tout échéancier imposépar la Cour se devait certes alors d'être pris au sérieux. Ceci est d'autant plus vrai pour tout demandeur puisqu'ultimement c'est son action qui est en jeu et c'est à lui à voir avant tout à l'avancement du dossier. Il en va de la crédibilitéet du respect des ordonnances de cette Cour.
...
[paragraphe 20] À mon avis, un manquement injustifiéà une ordonnance de la Cour établissant un échéancier est en soi une chose sérieuse. Quand cette ordonnance vient suite à un exercice d'examen de l'instance, un manquement injustifiéest encore plus sérieux et le degréde tolérance de la Cour sera d'autant moindre. Après tout, la Cour fait alors face à un dossier qui se trouve pour une deuxième occasion en état de délinquance. Le test à appliquer alors m'apparaît devoir être encore plus simple que celui que l'on peut tirer des arrêts France-Canada Éditions et Publications Inc. et al c. 2845-3728 Québec Inc., [1999] A.C.F. no 321, décision du 9 mars 1999, dossier de la Cour T-2278-92, et Baroud v. Canada, [1998] F.C.J. No 1729. À mon sens, une saine administration de la justice justifie que la constatation d'un manquement injustifié est alors suffisante en soi pour qu'un demandeur voit son action rejetée pour cause de retard.
[paragraphe 21] Certes, une radiation d'action entraîne à coup sûr un préjudice certain pour un demandeur. Toutefois, en termes d'examen de l'état de l'instance, l'appréciation du préjudice pour une partie ne fait pas partie de l'équation à retenir (voir l'arrêt Multibond Inc. c. Duracoat Powder Manufacturing Inc., [1999] A.C.F. no 1698, 4 octobre 1999, dossier de la Cour T-1703-94). Ceci m'apparaît d'autant plus vrai lorsque l'on se situe, comme ici, dans une situation post-avis d'examen de l'état de l'instance. S'il y a un préjudice à prendre alors en considération c'est celui de la Cour et de ses utilisateurs qui se conforment aux règles et aux ordonnances.
_paragraphe 24_ Une partie qui dispose d'une ordonnance de la Cour, et spécialement une partie demanderesse, ne peut laisser les diverses étapes prévues à cette ordonnance venir à expiration sans en temps opportun chercher à obtenir par requête une modification de l'ordonnance.
[Non souligné dans l'original.]
[16] Dans la décision susmentionnée, les demandeurs en ont appelé de la décision du protonotaire Morneau. Ils n'ont cependant pas réussi à persuader la Cour (le juge Denault) que le protonotaire Morneau avait commis une erreur en rejetant leur action pour cause de retard. Les demandeurs ont ensuite porté appel de la décision du juge Denault devant la Cour d'appel fédérale (motifs rendus par le juge en chef Richard), qui a rejeté l'appel avec dépens payables par les demandeurs au défendeur.
[17] Il est malheureusement fatal que le demandeur et son avocat aient laissé expirer tous les délais énoncés dans l'ordonnance du 3 octobre 2002 sans essayer, en temps opportun, d'obtenir par requête une modification de l'ordonnance.
[18] Pour ces motifs, je suis d'avis que l'action du demandeur soit rejetée pour retard.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE QUE :
[1] La requête en réexamen soit rejetée.
[2] Les défendeurs ont réclamé les dépens. J'estime cependant qu'une adjudication des dépens n'est pas appropriée étant donné qu'ils ont acquiescé au retard. Je fonde ma conclusion sur la décision Lignum Ltd. c. Azur (Le) (1998), 158 F.T.R. 228 (1re inst.), où la juge Reed a déclaré ce qui suit :
[paragraphe 5] J'accepte les arguments des avocats des défendeurs suivant lesquels les défendeurs n'ont pas été une cause de retard. Ils ont, toutefois, acquiescé à celui-ci. Il convient de citer les propos tenus par le juge MacKay dans l'affaire Knight Maintenance Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics) (1989), 31 F.T.R. 173 à la page 176, une décision rejetant la demande sur requête du défendeur : _traduction_ _ l'attitude apparemment désinvolte adoptée par les deux parties face à la présente action milite contre l'adjudication des dépens à l'une ou l'autre partie » . Voir également la décison rendue dans l'affaire Collins c. Canada et al. (1994), 87 F.T.R. 82. Par ailleurs, je continue de considérer particulièrement important le fait que le rejet de l'action des demanderesses ait été le fruit d'une initiative de la Cour et non le résultat de mesures prises par les défendeurs.
[paragraphe 6] Compte tenu de l'ensemble des circonstances, la Cour conclut qu'il n'y a pas lieu d'adjuger des dépens.
_ Pierre Blais _
Juge
Traduction certifiée conforme
Josette Noreau, B.Tra.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-615-01
INTITULÉ : KURT A. THOMAS c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL.
REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS LA COMPARUTION DES PARTIES
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
DATE : LE 5 SEPTEMBRE 2003
OBSERVATIONS ÉCRITES :
KENNETH R. McLEOD POUR LE DEMANDEUR
DAVID STAM POUR LES DÉFENDEURS
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
WALSH WILKINS CREIGHTON LLP POUR LE DEMANDEUR
Calgary (Alberta)
MORRIS A. ROSENBERG POUR LES DÉFENDEURS
Sous-procureur général du Canada