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Date : 19971208


Dossier : T-623-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 8 DÉCEMBRE 1997

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE RICHARD

ENTRE


JOHN MATTHEWS,


requérant,


et


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA



et


J. BARRY TURNER, ARBITRE, MEMBRE DE LA COMMISSION DES

RELATIONS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE,

ÉTABLIE CONFORMÉMENT À LA LOI SUR LES RELATIONS

DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE, L.R.C. (1985), ch. P-35,


intimés.



ORDONNANCE



     VU la demande de contrôle judiciaire visant à obtenir une ordonnance infirmant la décision du 5 mars 1997 dans laquelle J. Barry Turner, arbitre et membre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, a conclu que le requérant devrait se voir accorder des dommages-intérêts plutôt que d'être réintégré;

     IL EST ORDONNÉ :

     Que la partie de la décision de l'arbitre dans laquelle est fixé le montant des dommages-intérêts accordés au requérant soit infirmée et que l'arbitre détermine de nouveau le montant des dommages-intérêts après avoir fourni au requérant et à l'intimé la possibilité de présenter des observations et des preuves sur ce point précis.



                                        John D. Richard

                                 Juge







Traduction certifiée conforme


François Blais, LL.L.





Date : 19971208


Dossier : T-623-97

ENTRE


JOHN MATTHEWS,


requérant,


et


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


et


J. BARRY TURNER, ARBITRE, MEMBRE DE LA COMMISSION DES

RELATIONS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE,

ÉTABLIE CONFORMÉMENT À LA LOI SUR LES RELATIONS

DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE, L.R.C. (1985), ch. P-35,


intimés.



MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE RICHARD

Nature de l'instance

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vue de l'obtention d'une ordonnance infirmant la décision du 5 mars 1997 dans laquelle J. Barry Turner, arbitre et membre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, a conclu que le requérant devrait se voir accorder des dommages-intérêts plutôt que d'être réintégré.

[2]      Le requérant sollicite plus précisément les redressements suivants :

     a)      une ordonnance infirmant la décision par laquelle l'arbitre lui a accordé des dommages-intérêts plutôt que la réintégration et prévoyant que le requérant soit réintégré avec toute la rémunération et tous les avantages auxquels il a droit; et
     b)      subsidiairement, une ordonnance infirmant la décision de l'arbitre et enjoignant à celui-ci d'entendre les dépositions et les observations des parties à l'égard de la question du redressement qu'il convient avec raison et à bon droit d'accorder en raison de la conclusion de l'arbitre selon laquelle une mesure disciplinaire déguisée a été prise.

Les faits

[3]      Le requérant a commencé à travailler pour le SCRS en 1989; il occupait le poste d'agent principal (de niveau 8) au sein de la Direction de l'administration et des finances, Direction générale des politiques et des systèmes.

[4]      Le requérant a été licencié le 1er avril 1996 en vertu de la politique de réaménagement des effectifs (la PRE) et à la suite d'un exercice d'ordre inverse du mérite (OIM).

[5]      Le requérant s'est plaint du licenciement en alléguant qu'il s'agissait en réalité d'une mesure disciplinaire déguisée sous le couvert de la PRE et de l'exercice OIM.

[6]      Le requérant a demandé la réintégration comme redressement à tous les paliers de la procédure de présentation des griefs. Le SCRS a rejeté tous les griefs.

[7]      Les griefs ont été renvoyés à l'arbitrage le 18 juin 1996, en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la Loi), étant donné que le SCRS est un employeur distinct spécifié à la partie II de cette loi. Des audiences ont eu lieu devant l'arbitre les 9, 10, 11, 12 et 13 décembre 1996.

[8]      L'arbitre a rendu sa décision par écrit le 5 mars 1997.

[9]      L'arbitre a conclu que le SCRS avait été de mauvaise foi en se débarrassant arbitrairement du requérant sous le prétexte d'une mise en disponibilité et que le requérant avait été licencié pour des motifs d'ordre disciplinaire, l'arbitre a conclu qu'il avait compétence pour entendre et régler les griefs.

[10]      Dans le dossier du greffe T-618-97, j'ai rejeté la demande que l'intimé avait présentée en vue de faire infirmer cette décision.

[11]      L'arbitre a ensuite conclu que la réintégration était le redressement approprié dans la grande majorité des cas où il y avait congédiement injuste, mais que dans ce cas-ci, il ne pouvait pas réintégrer le fonctionnaire s'estimant lésé.

[12]      L'arbitre ne voyait aucun avantage à réintégrer le requérant dans le climat qui prévalait dans ce milieu de travail particulier et il a conclu que le requérant retirerait beaucoup plus d'avantages d'un paiement en remplacement de la réintégration.

[13]      L'arbitre a accordé au requérant un montant de 70 000 $ payable immédiatement au titre des dommages-intérêts.

Les questions en litige

[14]      L'arbitre a-t-il commis une erreur en concluant que le requérant retirerait plus d'avantages d'un paiement en remplacement de la réintégration, sans entendre les dépositions ou les arguments des parties sur ce point? Dans l'affirmative, cette erreur était-elle manifestement déraisonnable?

[15]      L'arbitre a-t-il violé les principes de justice naturelle en ne donnant pas aux parties la possibilité de se faire entendre sur la question du redressement, une fois qu'il avait présumé que la réintégration n'était pas une solution appropriée.

Analyse

[16]      L'avocat du requérant admet que l'arbitre avait la faculté d'accorder des dommages-intérêts plutôt que de réintégrer son client, mais il soutient que le critère préliminaire est fort strict et qu'en l'espèce, il n'a pas été satisfait.

[17]      En fait, rien dans le paragraphe 94(4) de la Loi ne limite le genre de redressement qu'un arbitre peut prescrire par suite de la présentation d'un grief. Le pouvoir que possède l'arbitre d'accorder des dommages-intérêts au lieu de réintégrer l'employé a été confirmé par la Cour d'appel fédérale1.

[18]      Toutefois, l'avocat du requérant soutient que dans le contexte de l'arbitrage, à moins qu'il n'existe un juste motif de licenciement, la permanence et la continuité d'emploi constituent l'un des deux piliers (l'autre étant l'ancienneté) du droit de l'employé à la sécurité d'emploi.

[19]      L'avocat du requérant soutient également que même si les faits donnent fortement à entendre qu'une relation employeur-employé continue et viable n'est pas possible, les arbitres hésitent à refuser de réintégrer l'employé en l'absence d'un juste motif de congédiement.

[20]      Dans ses motifs, l'arbitre tire les conclusions suivantes :

     1)      Après un examen de toutes les circonstances, je suis d'avis que le comportement général de M. Matthews ne justifiait pas la peine ultime de licenciement. Il est très évident qu'on ne lui a jamais signalé officiellement ses lacunes, et il ne s'est jamais vu imposer de mesures disciplinaires avant sa "mise en disponibilité". Je dois donc voir ce qui, à mon avis, pourrait constituer un redressement approprié.
     2)      Le fonctionnaire s'estimant lésé ne conteste pas bon nombre des allégations de l'employeur concernant son mauvais rendement et même des écarts de conduite. Il ne conteste pas non plus qu'on lui a signalé verbalement ses lacunes. Ce qu'il tente de faire valoir, c'est que ces problèmes ne lui ont jamais été officiellement signalés par écrit. Cela étant dit, le fonctionnaire s'estimant lésé ne reconnaît pas ses lacunes. L'employeur a jugé que son rendement ne répondait pas aux attentes, et il a considéré sa conduite comme étant peu professionnelle, et ce pendant une période assez longue, qui remonte à plusieurs années. Les témoins de l'employeur n'ont pas confiance dans le fonctionnaire s'estimant lésé.
. . .
     3)      Néanmoins, je ne peux, en l'espèce, réintégrer le fonctionnaire s'estimant lésé dans l'emploi de cet employeur. Cet employeur a perdu confiance dans le fonctionnaire s'estimant lésé.
. . .
     4)      [J]e ne vois aucun avantage pour le fonctionnaire s'estimant lésé de le réintégrer dans le climat qui prévaut dans ce milieu de travail particulier. Je suis convaincu qu'il retirera beaucoup plus d'avantages d'un paiement en remplacement de la réintégration.


[21]      À coup sûr, l'arbitre a conçu ce qu'il croyait être un redressement approprié fondé sur le dossier mis à sa disposition et il disposait d'un nombre suffisant d'éléments de preuve pour justifier le redressement qu'il avait conçu.

[22]      Toutefois, l'arbitre a déterminé le montant de l'indemnité qui devait être versée au requérant. Cette partie de la décision se lit comme suit :

     Dans le calcul de mon ordonnance, j'ai tenu compte des nombreuses années de service du fonctionnaire s'estimant lésé dans la fonction publique, de l'absence d'un dossier disciplinaire, et du fait qu'il a touché son salaire annuel de 62 522 $ jusqu'au 1er avril 1996. J'ordonne donc par les présentes que le fonctionnaire s'estimant lésé soit indemnisé au montant de 70 000 $, payable immédiatement.

[23]      L'arbitre n'a invité aucune des deux parties à présenter des observations ou des preuves au sujet du calcul de l'indemnité ou du montant des dommages-intérêts. L'arbitre a uniquement fondé son calcul sur le nombre d'années de service du requérant dans la fonction publique, sur l'absence d'un dossier disciplinaire et sur le fait que le requérant avait touché son salaire jusqu'au 1er avril 1996.

[24]      À mon avis, l'arbitre aurait dû donner au requérant ainsi qu'à l'intimé la possibilité de présenter des observations et des preuves sur la méthode de calcul et sur le montant des dommages-intérêts devant être accordés au requérant. Comme l'a souligné l'avocat du requérant, l'arbitre ne disposait d'aucun élément de preuve se rapportant à la perte du droit à pension du requérant, à la possibilité pour le requérant de trouver un autre emploi, aux délais de préavis ou à la valeur des avantages perdus.

[25]      À mon avis, l'équité procédurale exige que le requérant et l'intimé aient la possibilité de traiter de la question du montant des dommages-intérêts en présentant des observations et des preuves. Pour accélérer le processus et si les parties sont d'accord, cela peut être fait au moyen de la présentation d'observations écrites.

Conclusion

[26]      Par conséquent, la partie de la décision de l'arbitre dans laquelle est fixé le montant des dommages-intérêts accordés au requérant est infirmée et il est ordonné à l'arbitre de déterminer de nouveau le montant des dommages-intérêts une fois qu'il aura permis au requérant et à l'intimé de présenter des observations et des preuves sur ce point précis.

                                        John D. Richard

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

le 8 décembre 1997






Traduction certifiée conforme


François Blais, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :      T-623-97


INTITULÉ DE LA CAUSE :      JOHN MATTHEWS c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AUTRE

LIEU DE L'AUDIENCE :      OTTAWA (ONTARIO)


DATE DE L'AUDIENCE :      LE 2 DÉCEMBRE 1997


MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Richard en date du 8 décembre 1997



ONT COMPARU :


SHAWN W. MINNIS      POUR LE REQUÉRANT


GÉRARD NORMAND      POUR LES INTIMÉS



PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


PERLEY-ROBERTSON, PANET      POUR LE REQUÉRANT

HILL & MCDOUGALL

OTTAWA (ONTARIO)


GEORGE THOMSON

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA      POUR LES INTIMÉS

__________________

1      Champagne c. Canada (Commission des relations de travail dans la fonction publique), [1987] A.C.F. 906 (C.A.F.).

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