Date : 19980611
T-195-94
E n t r e :
VISX, INCORPORATED,
demanderesse,
- et -
NIDEK CO., LTD.,
707284 ONTARIO INC., faisant affaire
sous la raison sociale de INSTRUMED CANADA
et Drs HOWARD GIMBEL et DONALD JOHNSON,
défendeurs.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
(prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario)
le mardi 9 juin 1998)
LE JUGE HUGESSEN
[1] Je suis saisi d'une requête présentée par la défenderesse Nidek, qui sollicite deux réparations distinctes. En premier lieu, dans la requête qu'elle a déposée avant le 25 avril, date d'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998), la défenderesse Nidek sollicite une ordonnance en vue d'obtenir en vertu de l'ancien article 480 des Règles une ordonnance portant que la question des dommages-intérêts et/ou des profits fasse l'objet d'un renvoi.
[2] L'action est une action en contrefaçon de brevet. Elle est en instance depuis très longtemps. Les défendeurs contestent la validité du brevet dans leur demande reconventionnelle respective. Il y a déjà eu plusieurs jours d'interrogatoire préalable. Il semble toutefois acquis que, si la question des dommages-intérêts et/ou des profits continue à se poser au procès, il faudra plusieurs autres jours d'interrogatoire préalable sur ces seuls sujets.
[3] À mon avis, les principes applicables sont bien connus et ont été posés dans l'arrêt fort récent Dupuy[1] de la Cour d'appel fédérale. Il me semble que ces principes s'appliquent en l'espèce. La seule réticence que j'ai à ordonner la disjonction est attribuable au fait qu'il y a déjà eu une enquête préalable au sujet de la question des dommages-intérêts et des profits, mais le fait que, comme je l'ai déjà dit, il manque encore plusieurs jours avant que cette enquête préalable soit terminée est, à mon avis, déterminant.
[4] L'importance de limiter les coûts afférents au procès et de faire instruire les affaires aussi rapidement que possible, qui sont des considérations primordiales pour l'application des Règles de la Cour fédérale (1998)[2], font en sorte que, selon moi, il y a lieu de prononcer la disjonction du procès. Comme les Règles de la Cour fédérale (1998) sont maintenant en vigueur, j'ai l'intention de rendre cette ordonnance en vertu
de l'article 107[3]. Cet article ne prévoit pas comme tel la tenue d'un renvoi, mais permet tout simplement l'instruction séparée d'une question en litige distincte, notamment par un procès. La question des dommages-intérêts et des profits sera donc instruite séparément de la question de la responsabilité, une fois que celle-ci aura été jugée.
[5] J'ajouterais seulement que le prononcé d'une ordonnance fondée sur l'article 107 des Règles n'exclut pas la possibilité de prononcer, en temps utile, une autre ordonnance en vertu de l'article 153 afin de faire trancher la question des dommages-intérêts et des profits dans le cadre d'un renvoi, s'il y a lieu. L'expérience démontre toutefois que les dommages-intérêts et les profits sont rarement exclusivement des questions de fait. Or, les renvois ne visent qu'à trancher des questions de fait[4].
[6] Dans le second volet de la requête dont je suis saisi, la défenderesse sollicite la délivrance de lettres rogatoires ou la tenue d'une commission rogatoire pour procéder à l'interrogatoire préalable du présumé inventeur du brevet en litige et du cédant de ce brevet à la présente demanderesse. La demanderesse invoque deux moyens distincts pour s'opposer à cette demande.
[7] En premier lieu, elle affirme que le pouvoir de délivrer des lettres rogatoires découle de l'article 272 des Règles qui, de par son libellé, ne s'applique qu'aux interrogatoires dont la tenue a été ordonnée en vertu de l'article 271, lequel porte sur les interrogatoires destinés à être utilisés au procès. Un interrogatoire préalable ne constitue pas un interrogatoire destiné à être utilisé au procès, surtout s'il vise une personne qui n'est pas un plaideur, comme un cédant.
[8] Le second moyen qu'invoque la demanderesse pour contester la requête est que la Cour n'est pas en mesure, compte tenu de son cadre législatif, d'assurer la réciprocité aux tribunaux de l'État de New York, où réside la personne qu'on veut faire interroger.
[9] En réponse à ces moyens, signalons, en premier lieu, que la disposition applicable en ce qui concerne les interrogatoires préalables à l'extérieur du Canada est le paragraphe 90(2) des Règles[5]. Cette disposition prévoit, en des termes très généraux, que lorsque la personne devant être interrogée (notamment par voie d'interrogatoire préalable) réside à l'extérieur du Canada, la Cour dispose d'un pouvoir discrétionnaire très large en ce qui concerne la fixation des modalités de cet interrogatoire. En l'espèce, le droit de la défenderesse d'interroger au préalable le cédant est explicitement énoncé au paragraphe 237(4) des Règles[6] et la commission rogatoire constitue la façon la plus indiquée d'exercer ce droit.
[10] Le second moyen qu'invoque la défenderesse au sujet du pouvoir de la Cour d'assurer la réciprocité n'est pas pertinent, selon moi. Si j'avais des doutes au sujet du pouvoir de la Cour de délivrer un subpoena pour faire respecter une commission rogatoire délivrée par un tribunal étranger, je n'ai pas le moindre doute qu'il existe dans chacune des provinces du Canada des tribunaux qui ont ce pouvoir. À mon avis, ce qui importe, ce n'est pas que la Cour elle-même soit en mesure de garantir la réciprocité, mais plutôt qu'elle soit en mesure de démontrer qu'un tribunal du même pays possède ce pouvoir. C'est incontestablement le cas pour ce qui est des commissions rogatoires délivrées par des tribunaux des États-Unis d'Amérique. La courtoisie internationale découle du droit international et ne dépend pas de la compétence de tribunaux déterminés[7].
[11] La Cour d'appel s'est penchée précisément sur ce type de question dans une affaire récente, l'arrêt Richter[8]. Elle a examiné les dispositions qui ont précédé les paragraphes 90(2) et 237(4) actuels. Se fondant sur ces deux dispositions, la Cour a délivré des commissions et des lettres rogatoires en vue de l'interrogatoire préalable d'inventeurs qui résidaient à l'extérieur du Canada. C'est précisément ce qu'on me demande de faire en l'espèce.
[12] J'ajouterais seulement qu'on a porté à ma connaissance des éléments de preuve qui me convainquent qu'au moins un, et plus probablement deux tribunaux de l'État de New-York, donneraient effet à la commission rogatoire, en supposant que notre Cour la délivre.
[13] En conséquence, je me propose de prononcer une ordonnance accueillant la requête et accordant les deux réparations sollicitées. J'inviterai les avocats à formuler d'abord des observations au sujet de la question des dépens, si cette question est pertinente, et, en second lieu, au sujet de la forme précise des ordonnance qui doivent être rendues.
« James K. Hugessen »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : T-195-94
INTITULÉ DE LA CAUSE : VISX, INCORPORATED
c. NIDEK CO. LTD. et al.
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : 9 juin 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Hugessen
en date du 11 juin 1998
ONT COMPARU :
Me A. David Morrow / pour la demanderesse
Me Dennis S. K. Leung
Me Arthur Renaud pour la défenderesse Nidek
Me Shu Tai Cheng pour les défendeurs, les docteurs Gimbel et Johnston
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
Smart & Biggar pour la demanderesse
Ottawa (Ontario)
Sim, Hughes, Ashton & McKay pour la défenderesse
Toronto (Ontario) Nidek
Gowling, Strathy & Henderson pour les défendeurs, les docteurs Gimbel et Johnston
[1] Dupuy (Canada) Ltd. et al c. Joint Medical Products Corp. et al (1996), 67 C.P.R. (3d) 145 (C.A.F.)
3. These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits. |
3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. |
107. (1) The Court may, at any time, order the trial of an issue or that issues in a proceeding be determined separately.
(2) In an order under subsection (1), the Court may give directions regarding the procedures to be followed, including those applicable to examinations for discovery and the discovery of documents. |
107.(1) La Cour peut, à tout moment, ordonner l'instruction d'une question soulevée ou ordonner que les questions en litige dans une instance soient jugées séparément.
(2) La Cour peut assortir l'ordonnance visée au paragraphe (1) de directives concernant les procédures à suivre, notamment pour la tenue d'un interrogatoire préalable et la communication de documents. |
153. (1) The Court may, for the purpose of making an inquiry and report, refer any question of fact in a proceeding to a judge or other person designated by the Chief Justice.
(2) Notwithstanding rules 155 to 160, the Court may at any time give directions regarding the conduct of a reference. |
153. (1) La Cour peut renvoyer toute question de fait pour enquête et rapport devant un juge ou toute autre personne désignés par le juge en chef pour agir à titre d'arbitre.
(2) Malgré les règles 155 à 160, la Cour peut à tout moment donner des directives concernant le déroulement d'un renvoi. |
[5] Le paragraphe 90(2) dispose :
90. (1) ...
(2) Where a person to be examined on an oral examination resides outside Canada, the time, place, manner and expenses of the oral examination shall be as agreed on by the person and the parties or, on motion, as ordered by the Court. |
90.(1) ...
(2) Lorsque la personne devant subir un interrogatoire oral réside à l'étranger, l'interrogatoire est tenu aux date, heure et lieu, de la manière et pour les montants au titre des indemnités et dépenses dont conviennent la personne et les parties ou qu'ordonne la Cour sur requête. |