Date : 20031006
Dossier : IMM-463-02
Référence : 2003 CF 1159
Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2003
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN
ENTRE :
GALYNA MALOVANA
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Madame Galyna Malovana (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire d'une décision rendue par l'agente des visas Iwona Dabrowska-Duda (l'agente des visas). Dans une décision en date du 2 janvier 2002, l'agente des visas a rejeté la demande de résidence permanente au Canada présentée par la demanderesse.
[2] La demanderesse, une citoyenne de l'Ukraine, avait sollicité l'admission au Canada à titre de membre de la catégorie des immigrants indépendants en septembre 1999. Dans sa demande, elle avait désigné son fils de son premier mariage, son mari et le fils de son mari comme étant les personnes à charge qui l'accompagnaient. Elle avait l'intention de travailler comme ingénieure électricienne au Canada.
[3] La demanderesse a obtenu un diplôme de génie électrique en Ukraine en 1987. Sa demande a été évaluée par rapport à la catégorie 2133 de la Classification nationale des professions (la CNP), qui correspond aux « Ingénieurs électriciens et électroniciens » . Elle a présenté des certificats d'études, des références de son employeur actuel en Ukraine et des références de l'employeur canadien auprès duquel elle avait travaillé au début des années 1980, lors de son séjour de trois ans au Canada. Elle a également fourni une appréciation favorable émanant du Conseil canadien des ingénieurs (le CCI).
[4] Selon la lettre de refus de l'agente des visas, la demanderesse s'est vu accorder soixante-neuf points d'appréciation. Elle n'a pas obtenu le minimum de soixante-dix points requis pour pouvoir devenir un résident permanent.
[5] Pour situer les présents commentaires dans leur contexte, il faut mentionner que la demanderesse avait déjà revendiqué le statut de réfugié au Canada, que cette demande avait été retirée en 1994 et qu'une attestation de départ avait été délivrée à la demanderesse le 14 juillet 1994.
[6] D'après son affidavit, l'agente des visas a consulté le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (le STIDI) que le défendeur utilise pour traiter les demandes d'admission au Canada. Selon les notes consignées dans le STIDI, la demanderesse s'était vu refuser le statut de résidente permanente au Canada en 1995. Les notes du STIDI faisaient également état du fait que le dossier relatif à la demande antérieure avait été détruit, et l'agente n'a pas essayé de trouver d'autres documents. La demanderesse a nié s'être vu refuser sa demande de résidence permanente au Canada en 1995, avant d'avoir [TRADUCTION] « finalement reconnu avoir reçu un tel refus » .
[7] Selon son affidavit, cet incident a eu des répercussions sur la façon dont l'agente des visas a apprécié la crédibilité de la demanderesse. Dans sa lettre de refus, l'agente des visas a mentionné l'obligation que le paragraphe 9(3) de la Loi impose aux immigrants éventuels, selon laquelle la personne doit répondre franchement aux questions et établir que son admission au Canada ne contreviendrait pas à la Loi ni au Règlement.
[8] Voici comment l'agente des visas a décrit, dans sa lettre de refus, les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour attribuer les points d'appréciation à la demanderesse :
[TRADUCTION]
La demande de résidence permanente au Canada que vous avez présentée en tant que membre de la catégorie des immigrants indépendants (ND2) a été évaluée conformément aux dispositions de l'article 8 du Règlement sur l'immigration et aux facteurs de sélection énoncés dans la première colonne de l'annexe I du Règlement en question. J'ai tenu pour acquis que vous tombiez dans la catégorie des Ingénieurs électriciens (code 2133.0 de la CNP), et je vous ai accordé les points suivants :
Âge 10
Facteur professionnel 05
Études et formation 17
Expérience 08
Emploi réservé 00
Facteur démographique 08
Études 15
Anglais 02
Français 00
Points supplémentaires 00
Personnalité 04
Total 69
[9] L'agente des visas a également expliqué de la façon suivante les raisons qui l'ont amenée à accorder à la demanderesse quatre points d'appréciation sur un maximum de dix points à l'égard du facteur relatif à la personnalité :
[TRADUCTION]
Je vous ai accordé quatre points d'appréciation à l'égard du facteur relatif à la personnalité. Je suis arrivée à la conclusion que les qualités que vous avez démontrées, notamment sur le plan de la motivation, de l'ingéniosité et de l'esprit d'initiative, se situaient à un niveau inférieur à la médiane. Vous n'avez pas démontré que vous avez entrepris, de votre chef, des recherches ou des préparatifs susceptibles de faciliter votre intégration.
[10] La demanderesse soutient que l'agente des visas a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire dans la façon dont elle a évalué sa personnalité, plus particulièrement en omettant de tenir compte du fait qu'elle avait habité et travaillé au Canada pendant trois ans dans le passé. La demanderesse affirme également que l'agente des visas a commis une erreur du fait qu'elle a tenu compte une deuxième fois de sa connaissance de l'anglais dans l'évaluation de sa personnalité.
[11] Le défendeur soutient que l'agente des visas a exercé correctement le pouvoir discrétionnaire dont elle était investie lorsqu'elle a évalué la demande de la demanderesse et qu'elle n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire relativement à la personnalité ou, de façon générale, à la connaissance de l'anglais de la demanderesse.
[12] La décision en cause soulevait la question de l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont est investi un agent des visas. À la page 128 de la décision Gill c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 34 Imm.L.R. (2d) 127, la Cour a dit ce qui suit concernant l'exercice du pouvoir discrétionnaire dans le contexte de l'évaluation de la personnalité :
J'estime que l'agent des visas n'a pas commis d'erreur en refusant le statut de résident permanent à M. Gill. Les dispositions législatives confèrent un large pouvoir aux agents des visas pour ce qui est des décisions de cette nature, et il leur incombe tout à fait de se former une opinion concernant les qualités personnelles d'un requérant en fonction de facteurs tels que la capacité d'adaptation, la motivation, l'esprit d'initiative, l'ingéniosité et d'autres qualités. Pourvu que cette opinion soit raisonnable et qu'elle ne soit ni partiale ni arbitraire, l'intervention judiciaire ne se justifie pas.
[13] La Cour a également abordé la question de l'évaluation de la personnalité à la page 140 de la décision Maniruzzaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 167 F.T.R. 139. Madame la juge Reed a dit ce qui suit :
Je passe maintenant à l'évaluation que l'agente des visas a faite des qualités personnelles du demandeur. Elle a accordé au demandeur 4 points sur une possibilité de 10. C'est un domaine d'évaluation dans lequel les agents des visas ont un grand pouvoir discrétionnaire. Néanmoins, ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé de façon motivée et raisonnable. La Cour suprême dans l'arrêt Chen c. Canada (M.E.I.), [1995] 1 R.C.S. 725, a approuvé la décision rendue par le juge Strayer et publiée dans (1991), 13 Imm.L.R. (2d) 172 (C.F. 1re inst.), qui a précisé que l'évaluation des qualités personnelles qui est exigée par le Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, doit être effectuée de manière à déterminer si la personne a des chances de pouvoir subvenir à ses besoins au Canada. L'adjudication des points sous cette rubrique est prévue dans la Colonne II de l'Annexe I du Règlement :
pour déterminer si lui et les personnes à sa charge sont en mesure de réussir leur installation au Canada, d'après la faculté d'adaptation du requérant, sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables.
[14] La juge Reed a examiné différents aspects du dossier et a déclaré ce qui suit à la page 144 :
Il ressort de l'examen ci-dessus que l'agente des visas a accordé trop d'importance à des facteurs pertinents mais non primordiaux (par ex. sa connaissance de la géographie du Canada). Au même moment, elle semble ne pas avoir tenu compte de domaines pertinents ou de ne pas les avoir examinés. Lors de l'évaluation de la personnalité, il faut évaluer « la faculté d'adaptation du requérant, sa motivation, son esprit d'initiative [et] son ingéniosité » . Bien que la connaissance que le demandeur a actuellement du Canada et du système bancaire soit pertinente, une évaluation plus vaste est requise pour apprécier les caractéristiques décrites ci-dessus. C'est particulièrement vrai dans un cas comme en l'espèce où le demandeur a obtenu un ou deux points de moins que le total requis.
[15] En l'espèce, le dossier révèle que l'agente des visas a accordé une trop grande importance à la réticence de la demanderesse à reconnaître qu'elle avait présenté une demande de résidence permanente au Canada dans le passé. Son insistence indue sur ce fait semble avoir vicié l'évaluation que l'agente des visas a faite de la personnalité de la demanderesse. La personnalité de la demanderesse doit être évaluée en tenant principalement compte de sa capacité de réussir son installation au Canada : voir Chen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] 1 R.C.S. 725; et Mangat c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 45 F.T.R. 128. La demanderesse avait droit à une évaluation objective de ce facteur, et le dossier laisse planer un doute sur la question de savoir si une telle évaluation a été effectuée.
[16] La présente demande de contrôle judiciaire est donc accueillie, et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen. Il n'y a pas de question à certifier.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen. Il n'y a pas de question à certifier.
« E. Heneghan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Aleksandra Koziorowska, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
DOSSIER : IMM-463-02
INTITULÉ : GALYNA MALOVANA
demanderesse
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE LUNDI 22 SEPTEMBRE 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE HENEGHAN
DATE DES MOTIFS : LE 6 OCTOBRE 2003
COMPARUTIONS : Max Chaudhary
Pour la demanderesse
Lorne McClenaghan
Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS
AU DOSSIER : Chaudhary Law Office
Avocats
Toronto (Ontario)
Pour la demanderesse
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date: 20031006
Dossier : IMM-463-02
ENTRE :
GALYNA MALOVANA
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE