Date : 20020107
Dossier : T-426-00
Référence neutre : 2002 CFPI 14
Toronto (Ontario), le lundi 7 janvier 2002
En présence de Monsieur le protonotaire adjoint Peter A.K. Giles
ENTRE :
TAMKO ROOFING PRODUCTS, INC.
demanderesse
et
IDEAL ROOFING COMPANY LTD.
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Vu la requête datée du 4 décembre 2001 présentée pour le compte de la demanderesseafin d'obtenir les mesures suivantes :
a) Une ordonnance accordant à la demanderesse l'autorisation d'enregistrer sur bande magnétoscopique l'interrogatoire préalable de René Laplante devant se tenir les 10 et 11 janvier 2001 à Ottawa (Ontario), pour le compte de la défenderesse, aux frais de la demanderesse, sous réserve des droits de cette dernière de réclamer ces frais au titre des dépens lors de l'instruction;
b) Les dépens de la présente requête payables immédiatement, peu importe l'issue de la cause;
c) Les autres réparations que la Cour estime équitables.
[2] Par la requête dont je suis saisi, la demanderesse souhaite obtenir une ordonnance de la Cour l'autorisant à enregistrer sur bande magnétoscopique l'interrogatoire préalable de René Laplante agissant à titre de représentant de la défenderesse. Cette dernière conteste la requête.
[3] Le principal motif militant en faveur de la requête réside dans le fait que l'enregistrement sur bande magnétoscopique constituerait la meilleure preuve de l'interrogatoire préalable que la demanderesse pourrait présenter à la Cour. À l'appui de la requête, les avocats de la demanderesse ont renvoyé à des revues américaines qui, après examen, paraissent se fonder sur un certain nombre de décisions publiées.
[4] L'enregistrement sur bande magnétoscopique a été utilisé devant nos tribunaux judiciaires pour fournir la meilleure preuve possible dans les cas où une preuve de bene esse ou obtenue par voie de commissions rogatoires était nécessaire. C'est à dire que, lorsque le témoin ne peut comparaître devant la Cour sans inconvénient pour faire sa déposition, il est possible d'obtenir celle-ci par voie d'enregistrement sur une bande magnétoscopique qui sera ensuite produite devant la Cour.
[5] Au soutien de sa requête, la demanderesse a présenté une longue bande magnétoscopique renfermant une partie appréciable de l'enregistrement d'un interrogatoire préalable effectué dans le cadre d'une affaire connexe introduite aux États-Unis. La demanderesse a également produit une bande plus courte dans laquelle se trouvent des extraits tirés de la bande plus longue, lesquels ont été lus à l'instruction tenue aux États-Unis. Présumant que les règles de droit américaines pertinentes sont les mêmes que celles applicables devant la Cour fédérale, j'ai ordonné la radiation de la bande plus longue parce qu'elle semble assujettie à l'engagement implicite. Comme la bande plus courte a été visionnée lors d'une audience publique tenue dans le cadre de l'instruction de l'affaire aux États-Unis, je suis d'avis qu'elle n'est plus visée par cet engagement implicite.
[6] Il me paraît évident qu'une bande magnétoscopique régulièrement produite et accompagnée d'une transcription offre à la Cour une meilleure preuve que la seule transcription écrite. Cependant, l'interrogatoire préalable n'a pas pour objet de fournir une preuve susceptible d'être présentée à la Cour. Il vise plutôt à permettre à une partie, outre de connaître au préalable la preuve à laquelle elle devra répondre lors de l'instruction, d'obtenir des admissions qui la dispenseront d'avoir à offrir une preuve en bonne et due forme de ces faits et qui tendront à détruire la preuve présentée par la partie adverse (voir la décision Modriski c. Arnold, [1947] O.W.N. 483.)
[7] L'objet de l'interrogatoire préalable n'est pas de permettre la production d'éléments de preuve devant la Cour. En effet, même si les réponses données lors d'un interrogatoire préalable peuvent évidemment être utilisées pour attaquer la crédibilité des témoins lors de l'instruction, cela est rarement nécessaire et ce n'est pas l'objet premier de cet interrogatoire.
[8] Il faut mettre en balance d'une part le fait que les témoignages enregistrés sur bande magnétoscopique constituent une meilleure preuve que leur seule transcription lorsqu'il est essentiel, à l'instruction, de recourir aux réponses données à l'interrogatoire préalable pour attaquer la crédibilité d'un témoin et d'autre part la probabilité du fait que la déposition enregistrée sur bande magnétoscopique ne sera jamais présentée à l'instruction. L'enregistrement sur une bande magnétoscopique des admissions faites lors d'un interrogatoire préalable n'a pas pour effet d'accroître l'efficacité de ces admissions.
[9] Il ressort de la situation américaine que l'enregistrement sur bande magnétoscopique d'interrogatoires préalables constitue maintenant la norme et non l'exception dans les cas où l'interrogatoire intéresse une affaire touchant la propriété intellectuelle. Les revues déposées en l'espèce permettent de penser que la modification des règles de procédure civile suivies par les tribunaux judiciaires américains a entraîné ce qu'on a appelé un [TRADUCTION] « changement révolutionnaire des pratiques en matière d'interrogatoire préalable » . Il se peut que, dans un pays fondé à la suite d'une révolution, un changement révolutionnaire soit considéré comme une bonne chose. Au Canada, les révolutions ne sont pas jugées souhaitables et un changement révolutionnaire nécessiterait une justification encore plus grande en raison de sa nature même.
[10] Bien qu'utile pour préciser et simplifier les questions à instruire, l'interrogatoire préalable est un des aspects les plus coûteux des litiges et peut constituer un des principaux éléments en faveur de l'arbitrage et d'autres pratiques de règlement extrajudiciaire des conflits. À mon avis, aucune mesure ayant pour effet d'accroître le fardeau lié aux interrogatoires préalables ne devrait être prise si elle ne répond pas à un besoin bien défini. On n'a pas réussi à établir qu'une bande magnétoscopique était nécessaire en l'espèce et la requête sera donc rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. Que la requête soit rejetée.
« Peter A.K. Giles »
Protonotaire adjoint
Toronto (Ontario)
Le 7 janvier 2002
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Avocats inscrits au dossier
NO DU GREFFE : T-426-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : TAMKO ROOFING PRODUCTS, INC.
demanderesse
-et-
IDEAL ROOFING COMPANY LTD.
défenderesse
AFFAIRE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) PAR VOIE DE TÉLÉCONFÉRENCE.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : Le protonotaire adjoint Giles
DATE DES MOTIFS : Le lundi 7 janvier 2002
COMPARUTIONS PAR VOIE DE TÉLÉCONFÉRENCE:
Donald Cameron POUR LA DEMANDERESSE
Jane Caskey
Tom Wallis POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Aird & Berlis POUR LA DEMANDERESSE
Avocats
Place BCE, case postale 754
1800-181, rue Bay
Toronto (Ontario)
M5J 2T9
Vincent Dagenais Gibson LLP POUR LA DÉFENDERESSE
Avocats
600-325, rue Dalhousie
Ottawa (Ontario)
K1N 7G2
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20020107
Dossier : T-426-00
Entre :
TAMKO ROOFING PRODUCTS, INC.
demanderesse
-et-
IDEAL ROOFING COMPANY LTD.
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE