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                                                                                                                                            Date : 20031120

                                                                                                                                Dossier : IMM-6053-02

                                                                                                                            Référence : 2003 CF 1353

ENTRE :

                                                          TEDDY ABHEGA OUMER

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Le demandeur sollicite, par demande de contrôle judiciaire, une ordonnance de mandamus sanctionnant ce qui, d'après lui, constitue de la part du défendeur une négligence illicite, un refus injustifié ou un retard excessif dans l'attribution du statut de résident permanent au demandeur.

[2]         Le demandeur, un ressortissant éthiopien, a été reconnu comme réfugié au sens de la Convention par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada le 30 octobre 1997.


[3]         Selon l'agente d'immigration du Centre de traitement des cas (le CTC), à Vegreville (Alberta), le CTC a reçu le 24 décembre 1997 la demande de résidence permanente présentée par le demandeur en sa qualité de réfugié au sens de la Convention. Le CTC a informé le demandeur qu'il lui faudrait obtenir les documents d'identité requis avant que sa demande de résidence permanente au Canada ne puisse être approuvée.

[4]         Le demandeur indiquait dans sa demande qu'il avait un passeport délivré par l'ambassade d'Éthiopie au Canada, mais une copie de ce passeport n'accompagnait pas la demande. Prié par lettre de la communiquer, le demandeur a produit son passeport, délivré par l'ambassade d'Éthiopie à Ottawa le 12 février 1998.

[5]         Comme le passeport ne portait pas une date antérieure à la revendication du statut de réfugié qu'avait produite le demandeur, l'agente d'immigration a jugé qu'il ne constituait pas une preuve d'identité acceptable et, le 15 juin 1998, elle priait le demandeur de produire d'autres pièces d'identité. Le demandeur a produit le même passeport et, de nouveau prié de présenter d'autres pièces d'identité, il a déclaré qu'il n'avait pas d'autres documents, puisqu'il avait utilisé de faux documents pour entrer au pays.

[6]         Le 30 novembre 1998, le demandeur était informé que le traitement de sa demande était suspendu jusqu'à la production d'autres documents. Le 1er décembre 1998, le demandeur sollicitait un délai qui lui permettrait de trouver son acte de naissance et, deux ans plus tard, par lettre datée du 2 avril 2001, il présentait ce que la Section de l'immigration du Haut Commissariat du Canada à Nairobi (Kenya) déclara être un faux acte de naissance.

[7]         Le demandeur a obtenu un passeport de l'ambassade d'Éthiopie à Ottawa le 23 mars 2002 et a transmis ce passeport au CTC.


[8]         Le CTC a informé le demandeur que le document qu'il avait présenté ne remplissait pas les conditions du paragraphe 46.04(8) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi) et, après un échange de lettres, le CTC a décidé que le dossier du demandeur resterait suspendu jusqu'à ce qu'il produise d'autres documents.

[9]         L'agente d'immigration a donc estimé que la demande de résidence permanente ne répondait pas aux conditions du paragraphe 46.04(8) de la Loi, parce que le passeport éthiopien du demandeur n'était pas une preuve acceptable de son identité, étant donné qu'il avait été délivré par l'ambassade d'Éthiopie à Ottawa après l'admission du demandeur au Canada.

[10]       Le paragraphe 46.04(8) de la Loi régissait le traitement de la demande de résidence permanente présentée par le demandeur jusqu'à l'abrogation de la Loi sur l'immigration le 28 juin 2002. Cette disposition était ainsi formulée :


(8) Tant que l'intéressé n'est pas en possession d'un passeport ou d'un document de voyage en cours de validité ou de papiers d'identité acceptables, l'agent d'immigration est tenu de lui refuser, ainsi qu'aux personnes à sa charge, le droit d'établissement.

(8) An immigration officer shall not grant landing either to an applicant under subsection (1) or to any dependant of the applicant until the applicant is in possession of a valid and subsisting passport or travel document or a satisfactory identity document.


[11]       La nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) prévoit des exigences semblables, qui sont exposées dans le règlement du même nom (le RIPR). L'alinéa 50(1)a) du RIPR prévoit que le requérant du statut de résident permanent doit détenir un passeport qui lui a été délivré par le pays dont il est citoyen ou ressortissant. L'article 178 du RIPR donne une liste de documents de remplacement que doivent produire les requérants qui demandent la résidence permanente à titre de personnes protégées, lorsqu'ils ne peuvent obtenir le document requis à l'article 50 du RIPR. Voici le texte du paragraphe 50(1) du RIPR :



50. (1) En plus du visa de résident permanent que doit détenir l'étranger qui cherche à devenir résident permanent à un point d'entrée, l'étranger qui entend devenir résident permanent doit détenir l'un des documents suivants :

a) un passeport - autre qu'un passeport diplomatique, officiel ou de même nature - qui lui a été délivré par le pays dont il est citoyen ou ressortissant;

b) un titre de voyage délivré par le pays dont il est citoyen ou ressortissant;

c) un titre de voyage ou une pièce d'identité délivré par un pays aux résidents non-ressortissants, aux réfugiés au sens de la Convention ou aux apatrides qui sont dans l'impossibilité d'obtenir un passeport ou autre titre de voyage auprès de leur pays de citoyenneté ou de nationalité, ou qui n'ont pas de pays de citoyenneté ou de nationalité;

d) un titre de voyage délivré par le Comité international de la Croix-Rouge à Genève (Suisse) pour permettre et faciliter l'émigration;

e) un passeport ou un titre de voyage délivré par l'Autorité palestinienne;

f) un visa de sortie délivré par le gouvernement de l'Union des républiques socialistes soviétiques à ses citoyens obligés de renoncer à leur nationalité afin d'émigrer de ce pays;

g) un passeport intitulé « British National (Overseas) Passport » , délivré par le gouvernement du Royaume-Uni aux personnes nées, naturalisées ou enregistrées à Hong Kong;

h) un passeport délivré par les autorités de la zone administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine.

50. (1) In addition to the permanent resident visa required of a foreign national seeking to become a permanent resident at a port of entry, a foreign national seeking to become a permanent resident must hold

(a) a passport, other than a diplomatic, official or similar passport, that was issued by the country of which the foreign national is a citizen or national;

(b) a travel document that was issued by the country of which the foreign national is a citizen or national;

(c) an identity or travel document that was issued by a country to non-national residents, refugees or stateless persons who are unable to obtain a passport or other travel document from their country of citizenship or nationality or who have no country of citizenship or nationality;

(d) a travel document that was issued by the International Committee of the Red Cross in Geneva, Switzerland, to enable and facilitate emigration;

(e) a passport or travel document that was issued by the Palestinian Authority;

(f) an exit visa that was issued by the Government of the Union of Soviet Socialist Republics to its citizens who were compelled to relinquish their Soviet nationality in order to emigrate from that country;

(g) a British National (Overseas) passport that was issued by the Government of the United Kingdom to persons born, naturalized or registered in Hong Kong; or

(h) a passport that was issued by the Government of Hong Kong Special Administrative Region of the People's Republic of China.


[12]       Dans l'affaire Popal c. Canada (M.C.I.), [2000] 3 C.F. 532, la décision de principe pour l'interprétation du paragraphe 46.04(8), le juge Gibson écrivait, au paragraphe 40 :

... Le paragraphe 46.04(8) de la Loi sur l'immigration parle uniquement d'un passeport « en cours de validité » plutôt que d'un passeport en cours de validité jugé « acceptable » par le défendeur. Le mot « acceptable » figurant dans cette disposition se rapporte uniquement aux « papiers d'identité » autres qu'un passeport ou un document de voyage en cours de validité...


[13]       Puisque le demandeur avait un passeport « en cours de validité » au moment de sa demande, ce qui n'est plus contesté par le défendeur, il n'appartenait pas à l'agente d'immigration de dire si la délivrance de ce document était acceptable. Le critère du document « acceptable » ne s'applique qu'aux pièces d'identité autres que les passeports et, si une personne détient un passeport ou un document de voyage « en cours de validité » , alors elle remplira la condition relative aux pièces d'identité qu'elle devait produire pour devenir un immigrant admis (voir le jugement Vairamuthu c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2000] A.C.F. n ° 1557 (1re inst.) (QL)). Dans la présente affaire, la validité ou l'authenticité du passeport n'était pas mise en doute, et le passeport portait à la fois le nom et la photographie du demandeur. L'agente a donc commis une erreur de droit lorsqu'elle a rejeté le passeport produit par le demandeur au motif qu'il avait été délivré après son admission au Canada.

[14]       Il importe de noter que les questions de crédibilité dont parle l'agente dans son affidavit se sont posées bien après la suspension initiale de la demande de résidence permanente du demandeur. Le demandeur a produit le faux acte de naissance après avoir attendu trois ans que sa demande appuyée par un passeport valide soit traitée. Je n'approuve pas l'emploi de faux documents, mais je crois que, lorsque le demandeur a produit un acte de naissance frauduleux, c'était parce qu'il avait perdu tout espoir, et non par déloyauté. Lorsque l'agente a décidé au départ de suspendre le traitement de la demande, elle ne mettait nullement en doute la crédibilité ou l'identité du demandeur. Le nom qui figurait sur le passeport était le nom du demandeur et, puisque les représentants du gouvernement éthiopien avaient confirmé la validité du document, il n'appartenait pas à l'agente de la mettre en doute. Je suis donc d'avis que l'agente a commis une erreur de droit lorsqu'elle a refusé d'accepter le passeport « en cours de validité » , selon ce que prévoit le paragraphe 46.04(8) de la Loi. Elle aurait commis la même erreur si elle avait fondé son refus sur l'alinéa 50(1)a) du RIPR.


[15]       Je reconnais, avec le défendeur, ainsi qu'avec le juge Gibson dans l'affaire Popal, précitée, qu'un mandamus n'est pas ici le recours adéquat. La décision de l'agente est plutôt annulée, et l'affaire est renvoyée pour nouvelle décision conforme à la loi et aux présents motifs.

[16]       Finalement, je ne crois pas que des circonstances spéciales justifient une adjudication de dépens.

[17]       Eu égard à ce qui précède, il ressort clairement de la correspondance déposée par les avocats des parties après l'instruction de la présente affaire qu'aucune question ne mérite d'être certifiée.

                                                                                                                                             _ Yvon Pinard _                

                                                                                                                                                                 Juge                         

OTTAWA (ONTARIO)

le 20 novembre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                 COUR FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                 IMM-6053-02

INTITULÉ :                                                TEDDY ABHEGA OUMER c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                       TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE 14 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :        LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                              LE 20 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS:

Paul VanderVennen                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Matina Karvellas                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

VanderVennen Lehrer                                                              POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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