Date : 19980108
Dossier : IMM-1298-97
ENTRE
GOVINDASAMY SELLATHURAI
RAMALINGAM,
requérant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L"IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L"ORDONNANCE
LE JUGE DUBÉ
[1] Le requérant demande le contrôle judiciaire d"une décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission) a, le 5 mars 1997, jugé qu"il n"était pas un réfugié au sens de la Convention.
[2] Le requérant allègue être citoyen de Sri Lanka et Tamoul sri-lankais. Le contrôle judiciaire porte principalement sur son identité. Après examen de trois documents particuliers, la Commission a conclu qu"[traduction ]" il y a des motifs sérieux de croire que le demandeur de statut n"a pas prouvé, de façon crédible, qu"il est citoyen de Sri Lanka et qu"il est Tamoul sri-lankais. " Les trois documents en question sont un passeport, un certificat de naissance et une déclaration d"un juge de paix de Sri Lanka.
[3] La Commission a rejeté le passeport du requérant en raison de contradictions entre le document et la déposition du requérant à l"audience. Interrogé par son avocat, le requérant a reconnu avoir dit un " mensonge " au sujet de la signature apposée sur son passeport. Par conséquent, on ne peut pas reprocher à la Commission de ne pas avoir accordé de poids au document en question.
[4] Quant au certificat de naissance du requérant, la Commission a fait observer que le document portait le cachet officiel du " Ceylan " et que, comme le Ceylan est devenu la République de Sri Lanka en 1972, elle n"a pas retenu ce document comme preuve de l"identité du requérant. Cette allégation n"a pas été soulevée au cours de l"audience, mais elle est apparue dans une observation écrite que l"agent chargé de la revendication a déposée après l"audience. Pour satisfaire à cette préoccupation, l"avocat du requérant a communiqué avec le Haut-Commissariat de Sri Lanka à Ottawa et a reçu par courrier électronique un message confirmant que les certificats de naissance des Sri-Lankais nés après 1972 qui présentent un cachet ou une estampille portant le mot " Ceylan " au lieu de " Sri Lanka " sont valides.
[5] L"avocat de l"intimé s"est opposé à l"admissibilité d"un tel document pour le motif qu"il n"a pas été produit à l"audience. À mon avis, comme la question concernant la validité du certificat de naissance du requérant n"a été soulevée par l"agent chargé de la revendication qu'après la fin de l"audience, il est juste et approprié que le requérant soit autorisé à y répondre en présentant d"autres éléments de preuve dans sa propre réponse. De plus, les pièces d"identité délivrées par un gouvernement étranger sont présumées valides à moins d"une preuve contraire : voir Gur, Jorge P. (1971), 1 I.A.C. 384 (C.A.I.)1. Dans cette décision de la Commission d"appel de l"immigration, le président a posé la question suivante, à la page 391 :
[traduction] " La question en l"espèce est la suivante : qui peut contester la validité d"un document émanant d"un État, à qui alors incombe la preuve de sa validité et quelle preuve est requise? " |
Il y a répondu correctement à la page 392 :
[traduction] " Bien qu"il n'existe presque pas de jurisprudence qui porte directement sur ce point, il faut considérer qu"un document émanant d"un État - un passeport ou un certificat d"identité - est présumé valide. La reconnaissance de la souveraineté d"un État étranger sur ses citoyens ou ses ressortissants et la courtoisie internationale rendent toute autre conclusion insoutenable. La maxime " omnia praesumuntur rite et solemniter esse acta " (toute chose est présumée être faite conformément à la règle) s"applique tout particulièrement en l"espèce en établissant une présomption réfutable de validité. " |
[6] En l"espèce, la Commission a contesté la validité du certificat de naissance sans produire d"autre élément de preuve à l"appui de sa prétention et, manifestement, la question des documents étrangers n"est pas un domaine que la Commission peut prétendre connaître tout particulièrement. À mon avis, cela constitue une erreur susceptible de révision de la part de la Commission.
[7] Le troisième document en question est une lettre obtenue d"un juge de paix de Sri Lanka, également déposée par l"avocat du requérant. Le document, signé par S. Gunanayagam, juge de paix, du district de Trincomalee à Sri Lanka, porte la date du 7 décembre 1996 et comprend ces trois paragraphes liminaires :
[traduction] " La présente certifie que Ramalingam, connu sous le nom de Govindan Shelvathurai Ramalingam, est né à Iohohilampathai le 5 juillet 1964. |
Son frère Sellathurai Ravinthran est disparu durant les émeutes anti- tamouls à Iohohilampathai en juin 1985. Il aurait été tué durant ces émeutes. |
Son père Govindasamy Sellathurai était un membre éminent du T.U.L.F. d'Iohohilampathai. Il a été enlevé par les L.T.T.E. en juin 1990 pour être interrogé et n"est jamais revenu. On présume qu"il a été tué par les TIGRES. " |
La Commission n"a accordé aucun poids à ce document pour plusieurs motifs, dont le fait que le juge de paix n"a pas rédigé d"affidavit et qu"il a répété essentiellement les allégations du demandeur de statut [traduction ] " sans toutefois mentionner la disparition du frère et du père du demandeur de statut ". C"est une deuxième erreur énorme qui montre bien que la Commission n"a pas lu les trois paragraphes reproduits ci-dessus ou du moins leur a à peine fait attention.
[8] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l"affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu"il la réexamine en tenant compte des présents motifs. Aucune question n"est certifiée en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l"immigration.
(Signé) " J.E. Dubé "
Juge
8 janvier 1998
Vancouver (Colombie-Britannique)
Traduction certifiée conforme
Yvan Tardif, LL.L.
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-1298-97
INTITULÉ DE LA CAUSE : GOVINDASAMY SELLATHURAI RAMALINGAM,
requérant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L"IMMIGRATION,
intimé.
LIEU DE L"AUDIENCE : Vancouver (C.-B.)
DATE DE L"AUDIENCE : le 6 janvier 1998
MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE LA COUR : LE JUGE DUBÉ
EN DATE DU 8 janvier 1998
ONT COMPARU :
Me Douglas Cannon pour le requérant |
Me Brenda Carbonell pour l"intimé |
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Douglas Cannon pour l"intimé |
McPherson, Elgin & Cannon |
George Thomson pour l"intimé |
Sous-procureur général du Canada
__________________1 voir également Warsame c. M.E.I. (inédit; 15 novembre 1993, A-758-92, (C.F. 1re inst.)); et Hamid c. M.E.I. (inédit; 20 septembre 1995, IMM-2829-94, (C.F. 1re inst.))