Date : 20021122
Dossier : T-1463-00
Référence neutre : 2002 CFPI 1202
ENTRE :
KEVIN MARCHESSAULT
demandeur
et
SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] En 1992, M. Marchessault travaillait comme maître de poste sur une base temporaire à Coderre (Saskatchewan); il voulait absolument occuper ce poste à plein temps. Un concours de la fonction publique fédérale a été organisé pour ce poste, les candidatures pouvant être soumises entre les 1er et 18 décembre 1992, mais puisque le poste était classifié comme étant « bilingue, nomination impérative » et puisqu'il n'était pas bilingue, M. Marchessault n'était pas admissible. La présente demande est fondée sur l'objection soulevée par M. Marchessault à l'égard de cette classification.
[2] Au début de l'année 1993, M. Marchessault a fait connaître son objection au commissaire aux langues officielles (le commissaire), mais n'ayant pas reçu de réponse favorable, il n'a pas poursuivi l'affaire. Toutefois, environ sept ans plus tard, M. Marchessault, qui n'était de toute évidence toujours pas satisfait de l'avis défavorable qui avait été exprimé à la suite de sa plainte, s'est de nouveau plaint au commissaire, en invoquant cette fois un nouvel argument. Par une lettre en date du 28 juin 2000, le commissaire a encore une fois refusé de faire droit à la plainte. C'est à l'égard de cette deuxième « décision » du commissaire que M. Marchessault demande le contrôle judiciaire.
[3] En réponse à la demande, l'avocat de la défenderesse soutient qu'étant donné que M. Marchessault n'a pas demandé l'examen de la décision du commissaire dans les 60 jours qui ont suivi la date de la première décision du commissaire, comme l'exige le paragraphe 77(2) de la Loi sur les langues officielles (la Loi), L.R.C. (1985), ch. 31 (4e supp.), et puisqu'aucun motif valable n'a été invoqué pour justifier le retard, il ne devrait pas être donné suite à la demande. Toutefois, je conclus que puisque le commissaire a bien voulu exprimer un avis, le 28 juin 2000, cela permet d'examiner le noeud du litige, à savoir la décision prise par la Société canadienne des postes (Postes Canada) en 1992, selon laquelle seules les personnes bilingues étaient admissibles à titre de maître de poste à Coderre. De fait, il est temps de résoudre la plainte déposée par M. Marchessault.
[4] Quel était le droit applicable qui a abouti à la décision prise par Postes Canada en 1992? Je conclus qu'au moment où la décision relative à l'affichage a été prise par Postes Canada, avant le 1er décembre 1992, l'exigence législative la plus importante à satisfaire lorsqu'il s'agissait de déterminer si un poste était bilingue se rapportait à la question de savoir si la demande était importante au sens de l'article 22 de la Loi, qui est ainsi libellé :
22. Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leur siège ou leur administration centrale, et en recevoir les services, dans l'une ou l'autre des langues officielles. Cette obligation vaut également pour leurs bureaux - auxquels sont assimilés, pour l'application de la présente partie, tous autres lieux où ces institutions offrent des services - situés soit dans la région de la capitale nationale, soit là où, au Canada comme à l'étranger, l'emploi de cette langue fait l'objet d'une demande importante.
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22. Every federal institution has the duty to ensure that any member of the public can communicate with and obtain available services from its head or central office in either official language, and has the same duty with respect to any of its other offices or facilities (a) within the National Capital Region; or (b) in Canada or elsewhere, where there is significant demand for communications with and services from that office or facility in that language. |
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[5] Pour arriver à une conclusion au sujet de la « demande importante » , il faut appliquer l'article 91 de la Loi à la décision que Postes Canada a prise en 1992, cette disposition étant ainsi libellée :
91. Les parties IV et V n'ont pour effet d'autoriser la prise en compte des exigences relatives aux langues officielles, lors d'une dotation en personnel, que si elle s'impose objectivement pour l'exercice des fonctions en cause. |
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91. Nothing in Part IV or V authorizes the application of official language requirements to a particular staffing action unless those requirements are objectively required to perform the functions for which the staffing action is undertaken. |
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Par conséquent, les exigences linguistiques ne peuvent pas être imposées de manière capricieuse ou arbitraire (Canada (Procureur général) c. Viola [1991] 1 C.F. 373 (C.A.)) mais doivent reposer sur un fondement factuel (Institut professionnel de la fonction publique c. Canada [1993] 2 C.F. 90).
[6] Quel était le fondement factuel qui s'appliquait lorsqu'il s'est agi de prendre la décision, en 1992? En arrivant à sa décision, Postes Canada a établi ses propres critères pour déterminer s'il existait une « demande importante » ; si la population de la minorité francophone ou anglophone était de 500, soit 10 p. 100 de la population totale d'une collectivité ou d'un secteur donné, Postes Canada présumait qu'il y avait dans ce secteur une « demande importante » exigeant des services bilingues.
[7] De fait, Postes Canada a utilisé le recensement de 1991 comme fondement factuel pour arriver à sa conclusion; or, selon le recensement de 1991, 33,8 p. 100 de la population de Coderre déclarait que le français était sa langue officielle; il a donc été décidé qu'il y avait une « demande importante » . À mon avis, il s'agit d'une conclusion tout à fait raisonnable qui a été tirée d'une façon appropriée compte tenu de la législation précitée.
[8] La question de l'applicabilité du Règlement sur les langues officielles (DORS/92-48) (le Règlement) a eu un rôle de premier plan dans les arguments qui ont été présentés dans ce cas-ci. Les dispositions pertinentes du Règlement sont les suivantes :
3. « Population de la minorité francophone ou anglophone » s'entend, relativement à la province où est situé un bureau d'une institution fédérale, de la population de l'une des langues officielles qui est minoritaire dans la province selon l'estimation faite par Statistique Canada conformément à la méthode I en fonction : |
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3. "English or French linguistic minority population" means that portion of the population in a province in which an office or facility of a federal institution is located that is the numerically lower official language population in the province, as determined by Statistics Canada under Method I on the basis of |
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a) pour l'application des alinéas 5(1)a), b) et d) à r), du paragraphe 5(2) et de l'alinéa 7(4)a) : |
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(a) for the purposes of paragraphs 5(1)(a), (b) and (d) to (r), subsection 5(2) and paragraph 7(4)(a), |
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(i) avant la publication des données du recensement de la population de 1991, des données du recensement de la population de 1986 fait en vertu de la Loi sur la statistique, (ii) après la publication des données du recensement de la population de 1991, des données du plus récent recensement décennal de la population qui sont publiées;
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(i) before the results of the 1991 census of population are published, the 1986 census of population taken pursuant to the Statistics Act, and
(ii) after the results of the 1991 census of population are published, the most recent decennial census of population for which results are published; and
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5. (1) Pour l'application de l'article 22 de la Loi, l'emploi des deux langues officielles fait l'objet d'une demande importante à un bureau d'une institution fédérale, en ce qui a trait aux communications et aux services, dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes :
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5. (1) For the purposes of paragraph 22(b) of the Act, there is significant demand for communications with and services from an office or facility of a federal institution in both official languages where
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l) le bureau est situé à l'extérieur d'une région métropolitaine de recensement et à l'intérieur d'une subdivision de recensement qu'il dessert et dont la population de la minorité francophone ou anglophone compte au moins 500 personnes et représente moins de cinq pour cent de l'ensemble de la population de cette subdivision et il est le seul bureau de l'institution fédérale dans la subdivision à offrir l'un ou l'autre des services suivants : |
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(l) the office or facility is located outside a CMA and within a CSD that it serves, the CSD has at least 500 persons of the English or French linguistic minority population, the number of those persons is equal to less than 5 per cent of the total population in the CSD and the office or facility is the only office or facility of the institution in the CSD that provides (i) les services reliés aux programmes de la sécurité du revenu qui relèvent du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, (ii) les services d'un bureau de poste, (iii) les services d'un centre d'emploi du ministère de l'Emploi et de l'Immigration, (iv) les services d'un bureau du ministère du Revenu national (Impôt), (v) les services d'un bureau du secrétariat d'État du Canada, (vi) les services d'un détachement de la Gendarmerie royale du Canada, (vii) les services d'un bureau de la Commission de la fonction publique;
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(i) services related to income security programs of the Department of National Health and Welfare,
(ii) services of a post office,
(iii) services of an employment centre of the Department of Employment and Immigration, (iv) services of an office of the Department of National Revenue (Taxation),
(v) services of an office of the Department of the Secretary of State of Canada, (vi) services of a detachment of the Royal Canadian Mounted Police, or (vii) services of an office of the Public Service Commission;
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p) le bureau est situé à l'extérieur d'une région métropolitaine de recensement et à l'intérieur d'une subdivision de recensement qu'il dessert et dont la population de la minorité francophone ou anglophone compte moins de 200 personnes et représente au moins 30 pour cent de l'ensemble de la population de cette subdivision et il offre l'un ou l'autre des services visés aux sous-alinéas l)(i) à (vii);
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(p) the office or facility is located outside a CMA and within a CSD that it serves, the CSD has fewer than 200 persons of the English or French linguistic minority population, the number of those persons is equal to at least 30 per cent of the total population in the CSD and the office or facility provides any of the services referred to in subparagraphs (l)(i) to (vii);
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13. (1) Les articles 1 à 4, les alinéas 5(1)a) à c), e) à j), l), m), o) et p), les paragraphes 5(2) et (4), les alinéas 6(2)b) et c), les paragraphes 7(3) et (4), l'article 8, les alinéas 9 a) à c) et les articles 10 et 11 entrent en vigueur un an après la date d'enregistrement du présent règlement par le greffier du Conseil privé. |
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13. (1) Sections 1 to 4, paragraphs 5(1)(a) to (c), (e) to (j), (l), (m), (o) and (p), subsections 5(2) and (4), paragraphs 6(2)(b) and (c), subsections 7(3) and (4), section 8, paragraphs 9(a) to (c) and sections 10 and 11 shall come into force one year after the date of registration of these Regulations by the Clerk of the Privy Council. |
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[9] De fait, il semble que Postes Canada ait appliqué les chiffres du recensement de 1991 parce qu'elle croyait qu'il fallait le faire en vertu du Règlement. M. Marchessault soutient que, selon l'interprétation qu'il convient de donner au Règlement, par application du sous-alinéa 3a)(i), ce sont les chiffres du recensement de 1986 plutôt que ceux du recensement de 1991 qui auraient dû être utilisés, de sorte que le poste de maître de poste n'aurait pas été désigné en tant que poste bilingue.
[10] Je dois rejeter l'argument que M. Marchessault a invoqué au sujet de l'applicabilité du Règlement puisque je conclus que ce règlement n'était pas en vigueur au moment où Postes Canada a pris la décision relative à la classification avant le 1er décembre 1992; le Règlement a été enregistré le 16 décembre 1991, mais il est entré en vigueur le 16 décembre 1992 seulement.
[11] Même s'il est possible de dire que le Règlement s'applique, eu égard à la preuve qui a été déposée à l'audition de l'affaire ici en cause (pièce 2), je conclus que le compte linguistique du recensement de 1991 a été publié le 15 septembre 1992. Par conséquent, je conclus que le sous-alinéa 5(1)p) du Règlement est la disposition qu'il convient d'appliquer. Cela étant, je dois également rejeter l'argument de M. Marchessault selon lequel les chiffres du recensement de 1986 s'appliquent.
O R D O N N A N C E
Par conséquent, je conclus que Postes Canada n'a pas omis d'observer la Loi en décidant de classifier le poste de maître de poste en tant que poste bilingue. La demande que M. Marchessault a présentée est donc rejetée.
Aucune ordonnance n'est rendue au sujet des dépens.
« Douglas R. Campbell »
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20021122
Dossier : T-1463-00
ENTRE :
KEVIN MARCHESSAULT
demandeur
et
SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1463-00
INTITULÉ : Kevin Marchessault
c.
Société canadienne des postes
LIEU DE L'AUDIENCE : Regina (Saskatchewan)
DATE DE L'AUDIENCE : le 21 novembre 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : le 22 novembre 2002
COMPARUTIONS :
M. Kevin Marchessault POUR SON PROPRE COMPTE
M. Joel A. Hesje POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. Kevin Marchessault POUR SON PROPRE COMPTE
C.P. 144
Coderre (Saskatchewan)
S0H 0X0
McKercher McKercher & Whitmore POUR LE DÉFENDEUR
Avocats
200-374 3e Avenue sud
Saskatoon (Saskatchewan)
S7K 1M5