Date : 20021204
Dossier : T-296-01
Toronto (Ontario), le mercredi 4 décembre 2002.
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MACKAY
ENTRE :
CONAGRA FOODS INC.
demanderesse
- et -
FETHERSTONHAUGH & CO.
défenderesse
ORDONNANCE
SUR appel d'une décision du registraire des marques de commerce datée du 20 décembre 2000 radiant l'enregistrement de la marque de commerce LMC-407,779 pour la marque de commerce KID CUISINE appartenant à ConAgra Foods, Inc.;
ET AYANT RELEVÉ que la défenderesse s'était désistée et n'était pas représentée non plus que le registraire des marques de commerce à l'audition de l'appel le 20 février 2002, et que seul a été entendu l'avocat de la demanderesse, et ayant reporté le prononcé de la décision et examiné les observations que la demanderesse a présentées par écrit et oralement à l'audience;
LA COUR ORDONNE :
1. L'appel est accueilli.
2. La décision attaquée est infirmée et l'enregistrement de la marque de commerce LMC 407,779 pour la marque de commerce KID CUISINE appartenant à la demanderesse ne sera pas radiée du registre.
3. Dans les circonstances, l'intimée s'étant désistée, les dépens ne sont pas adjugés.
« W. Andrew MacKay »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
Date : 20021204
Dossier : T-296-01
Référence neutre : 2002 CFPI 1257
ENTRE :
CONAGRA FOODS, INC.
demanderesse
- et -
FETHERSTONHAUGH & CO.
défenderesse
[1] La demanderesse (ConAgra) interjette appel de la décision du registraire des marques de commerce (le registraire) datée du 20 décembre 2000 par laquelle l'enregistrement de la marque de commerce LMC 407,779 pour la marque de commerce KID CUISINE de ConAgra devait être radié du registre en vertu de l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, modifiée (la Loi).
[2] Cette décision a été rendue à l'issue d'une procédure en radiation entreprise par le registraire le 11 février 1999 à la demande de l'intimée, Fetherstonhaugh & Co. Au cours de cette procédure, la demanderesse a présenté des renseignements concernant l'emploi de la marque de commerce contenus dans l'affidavit de Patrick J. Boyd, alors directeur commercial de ConAgra Frozen Foods Company, une division de ConAgra. Selon la déposition de ce dernier, en février 1999, la division a « lancé » au Canada des mets préparés congelés de marque KID CUISINE en janvier 1999. Ces mets ont été livrés pour la première fois en février 1999 en vue de la vente au Canada. L'affidavit de M. Boyd était accompagné d'échantillons de factures de vente au Canada indiquant tous une date postérieure à l'avis prévu à l'article 45.
[3] Le registraire a conclu à l'inexistence d'une preuve de ventes ou d'emploi au sens de l'article 4 de la Loi au cours de la période pertinente, en l'occurrence les trois années antérieures à la date de l'avis prévu à l'article 45, soit le 11 février 1999. En l'absence de tel emploi au cours de cette période, la Loi obligeait ConAgra à indiquer aussi bien la date à laquelle la marque de commerce avait été employée en dernier lieu au Canada que la raison de son non-emploi depuis cette date. Ce qu'elle n'a pas fait. En somme, il n'y avait aucune preuve de l'emploi de la marque de commerce au cours de la période postérieure à son enregistrement en 1993 jusqu'à la fourniture en février 1999 de l'avis prévu à l'article 45.
[4] Lorsque la marque de commerce a été enregistrée en février 1993, l'emploi de la marque de commerce KID CUISINE de la demanderesse était largement répandu aux États-Unis, la marque y étant enregistrée depuis 1991. L'enregistrement de la marque de commerce au Canada, conformément au paragraphe 14(1) de la Loi, était fondé sur son emploi aux États-Unis et sur l'emploi projeté au Canada. La marque de commerce est enregistrée par rapport à des marchandises ainsi décrites :
[TRADUCTION] Mets préparés congelés composés d'un plat principal à base de poulet, de fromage, de viande de boeuf ou de poisson, avec accompagnement de légumes et de fruits, et d'un dessert de fruits ou une pâtisserie, vendus ensemble; mets préparés congelés composés d'un plat principal à base de pâtes, avec accompagnement de légumes et de fruits, et d'un dessert de fruits ou une pâtisserie, vendus ensemble.
[5] En plus de conclure à l'inexistence d'une preuve d'emploi au cours de la période pertinente, le registraire a également convenu avec la partie intéressée que la preuve fournie par ConAgra concernant l'emploi après le 11 février 1999 ne se rapportait pas aux marchandises décrites dans l'enregistrement puisque les marchandises vendues au Canada ne comprenaient pas de fruits. Contrairement au produit vendu aux États-Unis, celui vendu au Canada comprenait un plat d'accompagnement à base de maïs plutôt qu'une compote de pommes, ce changement ayant été introduit en vue d'offrir un produit qui serait perçu comme plus attrayant dans le marché canadien.
[6] Dans le présent appel, ConAgra a déposé des éléments de preuve supplémentaires, un deuxième affidavit souscrit par Patrick J. Boyd, accompagné d'une preuve plus substantielle concernant l'emploi que celle dont le registraire avait été saisi, ainsi qu'un affidavit souscrit par Cathy Healy, de Premcorp Sales and Marketing Limited, laquelle était, à l'époque pertinente, l'acheteuse d'aliments congelés pour Oshawa Foods, de Mississauga; l'affidavit de Mme Haley relate son expérience en matière d'échantillonnage et de promotion de ventes et mentionne l'engagement qu'elle avait pris à l'époque pertinente pour acheter les produits de la marque de commerce de ConAgra. Après examen de ces éléments de preuve supplémentaires, la défenderesse a fait savoir qu'elle retirait toute opposition à l'enregistrement de la marque de commerce litigieuse et elle n'a pas comparu à l'audition du présent appel au cours duquel seule l'appelante a été entendue.
Le régime législatif
[7] L'article 45 de la Loi prévoit en partie ce qui suit :
45. (1) Le registraire peut, et doit sur demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l'enregistrement d'une marque de commerce, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu'il ne voie une raison valable à l'effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.
|
45. (1) The Registrar may at any time and, at the written request made after three years from the date of the registration of a trade-mark by any person who pays the prescribed fee shall, unless the Registrar sees good reason to the contrary, give notice to the registered owner of the trade-mark requiring the registered owner to furnish within three months an affidavit or a statutory declaration showing, with respect to each of the wares or services specified in the registration, whether the trade-mark was in use in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and, if not, the date when it was last so in use and the reason for the absence of such use since that date. |
. . . |
. . . |
(3) Lorsqu'il apparaît au registraire, en raison de la preuve qui lui est fournie ou du défaut de fournir une telle preuve, que la marque de commerce, soit à l'égard de la totalité des marchandises ou services spécifiés dans l'enregistrement, soit à l'égard de l'une de ces marchandises ou de l'un de ces services, n'a été employée au Canada à aucun moment au cours des trois ans précédant la date de l'avis et que le défaut d'emploi n'a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l'enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou de modification en conséquence. |
(3) Where, by reason of the evidence furnished to the Registrar or the failure to furnish any evidence, it appears to the Registrar that a trade-mark, either with respect to all of the wares or services specified in the registration or with respect to any of those wares or services, was not used in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and that the absence of use has not been due to special circumstances that excuse the absence of use, the registration of the trade-mark is liable to be expunged or amended accordingly. |
(4) Lorsque le registraire décide ou non de radier ou de modifier l'enregistrement de la marque de commerce, il notifie sa décision, avec les motifs pertinents, au propriétaire inscrit de la marque de commerce et à la personne à la demande de qui l'avis visé au paragraphe (1) a été donné. |
(4) When the Registrar reaches a decision whether or not the registration of a trade-mark ought to be expunged or amended, he shall give notice of his decision with the reasons therefor to the registered owner of the trade-mark and to the person at whose request the notice referred to in subsection (1) was given. |
(5) Le registraire agit en conformité avec sa décision si aucun appel n'en est interjeté dans le délai prévu par la présente loi ou, si un appel est interjeté, il agit en conformité avec le jugement définitif rendu dans cet appel. |
(5) The Registrar shall act in accordance with his decision if no appeal therefrom is taken within the time limited by this Act or, if an appeal is taken, shall act in accordance with the final judgment given in the appeal. |
[8] Le paragraphe 4(1) de la Loi définit comme suit l'emploi en liaison avec des marchandises :
4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée. |
4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred. |
Les questions en litige et la norme de contrôle
[9] À l'audition de la présente affaire, la demanderesse a interjeté appel par rapport à trois conclusions du registraire :
1) qu'il n'y avait aucune preuve d'emploi de la marque de commerce au Canada au cours de la période pertinente;
2) qu'aucune preuve n'établissait l'existence de circonstances spéciales justifiant le non-emploi de la marque de commerce au cours de la période visée;
3) que les mets préparés congelés qui auraient été « lancés » par la demanderesse au Canada en janvier 1999 avec des factures de ventes après le 11 février 1999, en liaison avec la marque de commerce, n'appuieraient pas la conservation sur le registre de la marque de commerce puisque les produits « lancés » ne correspondaient pas à la description des marchandises figurant dans l'enregistrement de la marque de commerce parce que, de l'avis du registraire, ils ne comprenaient pas de plats d'accompagnement à base de fruits.
[10] Dans l'examen de ces questions, la norme de contrôle applicable est celle qu'a établie la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Molson Breweries, a Partnership c. John Labatt Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 180, à la page 196 :
Même s'il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d'un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l'objet d'une certaine déférence. Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire.
[11] Dans l'application de cette norme de contrôle, ConAgra prend appui sur l'objet de l'article 45 de la Loi. Cet objet a été longtemps accepté comme offrant une procédure sommaire qui vise à exclure du registre des inscriptions de marques de commerce qui, étant tombées en désuétude, constituent, en ce sens, du « bois mort » . ConAgra fait valoir que la preuve présentée à la Cour établit tant son emploi de la marque pendant la période pertinente que ses efforts soutenus de mise en marché peu de temps après. Ainsi a-t-elle satisfait aux exigences du paragraphe 45(1).
Emploi de la marque de commerce pendant la période pertinente
[12] Au moyen de son affidavit de mars 2001, M. Boyd ajoute de nombreux renseignements détaillés concernant les activités de ConAgra pendant les années allant de 1997 à la date, en février 1999, de l'avis du registraire prévu à l'article 45. Ces renseignements comprenaient les réponses aux demandes de renseignements concernant la disponibilité des produits de marque KID CUISINE au Canada présentées par une responsable des achats d'Oshawa Foods, laquelle a confirmé, par affidavit, le fait qu'elle avait demandé des renseignements à propos de ces produits, et qu'elle en avait obtenu des échantillons dont la mise en marché a été testée en 1998. En 1998, des représentants de ConAgra ont exploré le développement de la mise en marché dans des centres canadiens à Toronto, à Montréal, à Calgary et à Vancouver. Cette année-là, la compagnie a également cherché à obtenir l'approbation par les services de réglementation canadiens, dont ceux qui sont chargés du respect des exigences relatives à l'emballage bilingue de produits vendus au Canada.
[13] Les activités qui suivent ont été entreprises à compter du printemps de 1998 : le test du marché à l'aide d'échantillons et de groupes types au Canada, des rencontres avec des représentants de chaînes d'alimentation, l'élaboration de mesures visant l'introduction de ses produits sur les rayons et dans les entrepôts de ces chaînes au Canada, le recrutement de courtiers et d'autres représentants au Canada, de même que d'autres mesures initiales visant l'établissement d'un marché au pays. Au début, on prévoyait que le lancement des ventes aurait lieu vers la fin de cette année-là, ce qui s'est avéré impossible.
[14] À la suite du test de marché initial effectué au Canada, la société a remplacé, dans ses produits destinés au marché canadien, l'accompagnement de compote de pommes, communément utilisé dans le produit vendu aux États-Unis, par une portion de maïs ou de pommes de terre frites. Éventuellement, pour une autre variété, elle a remplacé, pour le marché canadien, un produit à base de viande de boeuf dans sa gamme de produits destinés au marché américain par un produit à base de poisson. Les changements apportés aux produits conditionnés nécessitaient la modification de l'emballage des produits destinés au marché canadien.
[15] ConAgra a officiellement « lancé » son produit de marque KID CUISINE au Canada, à Toronto, en janvier 1999, en organisant une exposition de ses produits à l'intention des représentants des grandes chaînes d'alimentation au Canada. Dans son premier affidavit qui avait été versé au dossier présenté au registraire, M. Boyd avait mentionné ce « lancement » . Dans le présent appel, son affidavit complémentaire comprend beaucoup plus de détails à propos de ce lancement, dont les noms des entreprises représentées aux démonstrations de ConAgra, des précisions sur leurs manifestations d'intérêt et, dans certains cas, les engagements visant l'achat des produits. Une commande faite avant le 11 février 1999 a été acceptée et des marchandises d'une valeur de 60 000 $ ont été expédiées au Canada ce jour-là pour profiter des premières ventes anticipées sur la foi des engagements qui avaient été pris lors du « lancement » ou à la suite de celui-ci. Ces marchandises ont été dédouanées au Canada le 13 février 1999 et la commande initiale acceptée avant le 11 février 1999 a été remplie par livraison effectuée dans les jours qui ont suivi.
[16] À mon avis, l'acceptation de cette commande avant la date de l'avis prévu à l'article 45 constitue, au sens de l'article 4 de la Loi, l'emploi du produit de marque KID CUISINE en liaison avec les marchandises aux fins de l'article 45. En outre, constitue également l'emploi de la marque de commerce la distribution d'échantillons, pour essais sur le marché canadien en 1998, cette distribution constituant une étape dans le cours normal du commerce dans le secteur où le propriétaire de marchandises protégées par une marque commerce cherche à établir un marché. Il ne fait aucun doute que la propriété des échantillons du produit a été transférée aux commerçants canadiens qui mettaient le produit à l'essai, et aucune question ne se pose concernant le processus d'échantillonnage comme test du marché dans le cours normal du commerce. Par conséquent, ce processus remplit également les exigences expresses de l'article 4.
[17] Dans sa décision, le registraire a déclaré en partie :
[TRADUCTION] Manifestement, entre le 11 février 1996 et le 11 février 1999, l'auteur de l'enregistrement n'employait pas la marque KID CUISINE au Canada au sens de la définition d'emploi à l'article 4, étant donné qu'il n'y a eu aucun « transfert de propriété ou de possession des marchandises de marque KID CUISINE au cours de cette période . . . »
[18] À mon avis, à la lumière des éléments de preuve additionnels versés au dossier en appel, qui établissent l'emploi au sens de l'article 4 de la Loi au cours de la période pertinente prévue par l'article 45, la décision du registraire ne peut être maintenue. Toutes les activités entreprises par ConAgra au Canada entre 1997 et le 11 février 1999 l'ont été dans le cadre normal et régulier de son commerce en vue d'établir ses marchandises à l'aide de sa marque de commerce sur le marché canadien. Bien que la preuve de l'emploi au sens des exigences strictes de l'article 4 ne démontre pas qu'il y ait eu beaucoup de transferts de propriété ou de possession des marchandises de ConAgra à des tiers, la Loi n'exige pas qu'il y ait beaucoup de transferts. Il y a preuve d'emploi. Manifestement, l'essor rapide du marché au Canada pour les marchandises de marque KID CUISINE dans une période relativement courte après le mois de février 1999, sans être le critère de l'emploi au cours de la période pertinente, constitue une indication claire du succès de l'emploi par ConAgra par le truchement des échantillons mis à l'essai sur le marché canadien et de ses autres étapes préliminaires au lancement de ses produits ainsi que de son lancement en janvier 1999.
Circonstances spéciales excusant le non-emploi
[19] Vu ma conclusion qu'il y a preuve d'emploi de la marque de commerce au Canada au cours de la période pertinente, comme l'exige le paragraphe 45(1), il devient superflu d'examiner la deuxième question soulevée en appel, soit celle de savoir s'il existait en l'espèce des circonstances spéciales pour excuser le non-emploi pendant la période pertinente au regard du paragraphe 45(3). ConAgra prétend qu'il existait des circonstances spéciales en l'espèce en raison de deux facteurs principaux : sa qualité de successeur à une entente antérieure conclue avec les autorités douanières canadiennes par une société liée lui interdisant d'entrer sur le marché canadien avant 1996 et le délai inattendu pour satisfaire aux exigences réglementaires relatives à la mise en marché au Canada, en particulier les exigences concernant la langue à employer sur l'emballage. Je ne me prononce pas sur l'argument voulant que ces faits établissent l'existence de circonstances spéciales, car il n'est pas nécessaire de le faire aux fins de la présente décision. Il est préférable d'examiner cette question lorsque la Cour est saisie d'arguments contestant les faits en cause.
Les marchandises décrites dans la marque de commerce et les marchandises de ConAgra
[20] Dans la décision qu'elle a rendue pour le compte du registraire, l'agente d'audience a déclaré ce qui suit, suite à sa décision de radier la marque de commerce, parce qu'il n'y avait aucune preuve de son emploi au Canada pendant les trois années qui ont précédé l'avis prévu à l'article 45 :
[TRADUCTION]. . . Je suis d'accord avec la partie intéressée quand elle dit que l'emploi établi de la marque après la date de l'avis prévu à l'article 45 n'est pas lié aux marchandises précises visées par l'enregistrement en raison de l'absence de fruits dans les marchandises vendues.
[21] En réponse aux propos du registraire, ConAgra fait valoir que la présomption de base du registraire, selon laquelle le maïs n'est pas un fruit, est erronée. L'Encyclopaedia Britannica (dans l'encyclopédie Microsoft Encarta sur Internet 2001, au terme « Fruit » ) est cité comme suit dans sa version française :
D'un strict point de vue botanique, ce terme peut désigner uniquement l'ovaire à maturité. Dans son acception courante, le mot fruit désigne les productions comestibles, sucrées ou non, de végétaux ligneux tels que melons, tomates, ou encore fraises et myrtilles.
[22] De plus, soutient fermement ConAgra, la description de la marque de commerce pourrait être interprétée de telle sorte que les plats d'accompagnement dans le produit soient des légumes ou des fruits, et un plat d'accompagnement de l'un ou l'autre serait conforme à la description. Dans son ouvrage Construction of Statutes, 2e éd. (Toronto, Buttersworth, 1983), à la page 15, E.A. Driedger fait la remarque suivante :
[TRADUCTION] L'un des problèmes est que chacun de ces deux mots est sémantiquement ambigu. On ne sait pas toujours très bien si l'auteur voulait que le « ou » soit conjonctif (A ou B ou les deux) ou disjonctif (A ou B, mais non les deux). . . L'utilisation du « et » présente une incertitude correspondante . . . Ainsi, on ne sait pas toujours très bien si l'auteur entend que « et » exprime la pluralité (A et B conjointement ou individuellement) ou que le « et » exprime la conjonction (A et B, conjointement mais non individuellement).
[23] Je suis d'accord avec ConAgra pour dire qu'une interprétation raisonnable du membre de phrase « plats d'accompagnement à base de légumes et de fruits » utilisé dans la description des marchandises visées par la marque de commerce litigieuse comprendrait [TRADUCTION] des « plats d'accompagnement à base de légumes et de maïs, ou [des] plats d'accompagnement à base de légumes » , si le maïs n'était pas un fruit. Une telle interprétation éviterait de radier une marque de commerce dont l'emploi est établi en conformité avec le paragraphe 45(1) en raison uniquement de l'ambiguïté de la description des marchandises qu'elle vise. Pareil résultat serait incompatible avec l'objet de l'article 45, qui est de prévoir une procédure expéditive pour radier du registre les marques de commerce dont l'emploi n'est pas établi au cours de la période pertinente, en l'absence de circonstances spéciales qui expliqueraient l'omission d'employer la marque.
[24] L'agente d'audience aurait pu conclure, conformément au paragraphe 45(3), que plutôt que de radier la marque, qu'il fallait, dans les circonstances, modifier la description de la marque enregistrée. Ce qu'elle n'a pas fait. Ayant décidé que sa décision ne peut être étayée à la lumière des nouveaux éléments de preuve présentés à la Cour établissant l'emploi de la marque pendant la période pertinente, et en outre, que la marque ainsi employée était en liaison avec les marchandises décrites dans le registre des marques de commerce, je n'ordonne pas la modification de la description des marchandises.
Conclusion
[25] Étant donné ma conclusion que les éléments de preuve dont la Cour a été saisie en appel établissent l'emploi de la marque de commerce en liaison avec les marchandises décrites dans l'enregistrement, la décision de l'agente d'audience rendue pour le compte du registraire ne peut être maintenue.
[26] Ordonnance est rendue prescrivant l'infirmation de la décision attaquée. La marque de commerce KID CUISINE, enregistrement LMC 407,779, appartenant à ConAgra Foods, Inc., ne sera pas radiée du registre. Aucune ordonnance n'est rendue quant aux dépens.
« W. Andrew MacKay »
Juge
Toronto (Ontario)
Le 4 décembre 2002
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-296-01
INTITULÉ : CONAGRA FOODS INC.
demanderesse
- et -
FETHERSTONHAUGH & CO.
défenderesse
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE MERCREDI 20 FÉVRIER 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE MACKAY
DATE DES MOTIFS : LE MERCREDI 4 DÉCEMBRE 2002
COMPARUTIONS :
Mirko Bibic
Justine Whitehead POUR LA DEMANDERESSE
Nul n'a comparu POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Stikeman, Elliot
1600-50, rue O'Connor
Ottawa (Ontario)
K1P 6L2 POUR LA DEMANDERESSE
Nul n'a comparu POUR LA DÉFENDERESSE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20021204
Dossier : T-296-01
ENTRE :
CONAGRA FOODS, INC.
demanderesse
- et -
FETHERSTONHAUGH & CO.
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE