Date : 20020321
Dossier : IMM-3318-01
TORONTO (ONTARIO), LE 21 MARS 2002
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE McKEOWN
ENTRE :
LAKHVIR KAUR GHATOURA
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la SAI datée du 14 juin 2001 est annulée. L'affaire est renvoyée à la SAI pour réexamen d'une manière conforme aux présents motifs.
« W.P. McKeown »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
Date : 20020321
Dossier : IMM-3318-01
Référence neutre : 2002 CFPI 307
ENTRE :
LAKHVIR KAUR GHATOURA
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
[1] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la section d'appel de l'immigration (la SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en date du 14 juin 2001, par laquelle la SAI avait refusé de faire droit à la requête de la demanderesse en réouverture de l'appel de la mesure de renvoi la concernant.
[2] Il s'agit de savoir si la SAI a commis une erreur parce qu'elle n'a pas tenu compte des conséquences du renvoi de la demanderesse vers un pays en particulier, et si les arrêts rendus par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2002] A.C.S. no 1 et dans l'affaire Al Sagban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2002] A.C.S. no 2 peuvent être appliqués rétroactivement à la présente affaire.
[3] Je dois d'abord décider si la SAI a eu raison de tirer la conclusion suivante :
... Bien que la requérante soit susceptible d'être renvoyée en Inde, il incombe aux autorités de CIC de réviser leur position. Le tribunal estime qu'il serait inapproprié de rendre une décision qui tient compte des destinations possibles, voire même probables, de la personne qui risque d'être renvoyée.
Dans la dernière phrase, la SAI énonce correctement le droit en vigueur au moment de la décision, qui était le droit énoncé par la Cour d'appel dans l'affaire Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 1 C.F. 605 (C.A.) et dans l'affaire M.C.I. c. Al Sagban [1998] A.C.F. no 1775 (C.A.). Les deux décisions rendues par la Cour d'appel fédérale dans ces deux affaires ont été infirmées par la Cour suprême du Canada. Toutefois, avant de me demander si les deux arrêts de la Cour suprême du Canada devraient être appliqués rétroactivement ici, je dois dire si la Commission a eu raison de refuser de considérer, au vu des faits présentés, la situation qui avait cours en Inde. Je ne me prononce pas sur la question de la rétroactivité des règles de fond énoncée dans les arrêts Chieu et Al Sagban, mais j'adopte la norme de contrôle qui s'y trouve, parce que cette norme concerne la procédure, qu'elle s'impose à la Cour et qu'elle ne met pas en cause la compétence de la SAI. Par conséquent, la norme de contrôle applicable à la décision de la SAI de ne pas considérer la situation qui avait cours en Inde est la norme de la décision correcte.
[4] La preuve dont disposait la SAI se présente ainsi. La demanderesse a déposé le 20 avril 2001 un affidavit sous serment, qui comprenait le passage suivant :
[TRADUCTION]
... Je sais aujourd'hui que les autorités de l'immigration ont l'intention de me renvoyer en Inde.
La SAI avait aussi devant elle une lettre datée du 3 avril 2001, qui mentionnait que la demanderesse devait se présenter pour une entrevue.
[TRADUCTION]
... afin de prendre les dispositions en vue de votre départ du Canada.
La SAI n'avait devant elle aucun affidavit du ministre défendeur. Cependant, dans ses conclusions apparaissant au paragraphe 15, page 81, du dossier du tribunal, le ministre déclarait :
[TRADUCTION]
La situation de la demanderesse en Inde, à supposer qu'elle y soit renvoyée, est tout à fait hors de propos à ce stade.
Le ministre ne s'oppose pas à l'affirmation de la demanderesse selon laquelle elle sera renvoyée en Inde.
[5] À mon avis, la règle se rapportant à la prise en compte, par la SAI, de la situation qui a cours dans un pays donné est restée la même avant et après l'arrêt de la Cour suprême du Canada. Dans l'arrêt Chieu, le juge Iacobucci s'exprime ainsi au paragraphe 48 :
La S.A.I. peut aussi rouvrir un appel avant l'exécution de la mesure de renvoi et, si elle l'estime approprié, exercer son pouvoir discrétionnaire d'une autre manière. C'est pour cela que notre Cour a dit que la S.A.I. conservait toujours son pouvoir discrétionnaire : Grillas, précité, p. 582, le juge Abbott, et p. 590, le juge Martland. Comme Lorne Waldman le dit dans Immigration Law and Practice (éd. feuilles mobiles, par. 10.133.7):
[TRADUCTION] Il est bien établi en droit que la section d'appel conserve sa compétence sur l'appelant jusqu'à l'exécution de la mesure de renvoi. Dans ce cas, il ne paraît y avoir aucune raison de conclure que la section d'appel ne peut pas déterminer par la suite si elle doit rouvrir un appel pour examiner l'effet du renvoi vers un pays particulier sur l'appelant.
[6] À mon avis, ces propos sont confirmés par le juge Linden dans la décision rendue par la Cour d'appel dans l'affaire Chieu, au paragraphe 11, lorsqu'il affirme :
En fait, jusqu'à ce que la question de l'expulsion soit réglée, le ministre ne peut prendre aucune décision relativement au pays vers lequel le requérant sera expulsé. Voilà pourquoi la représentante du ministre a affirmé, pendant l'instance, que le souhait du ministre d'expulser l'appelant vers le Viet Nam ne saurait être interprété comme l'expression officielle de sa décision puisqu'il n'a pas encore le pouvoir de la prendre.
Ce qui distingue la présente affaire de celle dont était saisi le juge Linden, c'est que la SAI avait ici rendu une décision et que le sursis réglementaire était expiré. Par conséquent, le ministre était habilité à prendre la décision de renvoyer la demanderesse en Inde. Par ailleurs, la Cour d'appel fédérale craignait que la Commission ne se livre à des conjectures prématurées concernant les pays vers lesquels une personne pourrait être expulsée. Il suffit de lire le paragraphe 15 de l'arrêt Chieu, dans lequel le juge Linden écrit :
La Commission n'a pas à prendre en considération le bien-fondé ou non de quelque destination éventuelle. Le fait pour la SACISR d'examiner une telle question aurait pour effet d'étendre la compétence de la Commission et de lui permettre de se livrer à des conjectures prématurées au sujet de questions hypothétiques concernant la situation de pays vers lesquels quelqu'un pourrait être expulsé.
Encore une fois, dans l'affaire dont je suis saisi, le ministre avait décidé, au vu des faits, de renvoyer la demanderesse en Inde.
[7] Compte tenu de ma conclusion sur cette question, je n'ai pas à me demander si les arrêts rendus par la Cour suprême du Canada dans les affaires Chieu ou Sagban devraient être appliqués rétroactivement ici.
[8] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la SAI datée du 14 juin 2001 est annulée. L'affaire est renvoyée à la SAI pour réexamen conforme aux motifs ci-dessus. La SAI doit se demander si la demanderesse risque de connaître, à son retour en Inde, des difficultés qui seraient suffisantes pour modifier l'équilibre antérieur des facteurs pertinents.
« W.P. McKeown »
Juge
TORONTO (ONTARIO)
le 21 mars 2002
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-3318-01
INTITULÉ : LAKVIR KAUR GHATOURA
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
DATE DE L'AUDIENCE : LE JEUDI 14 MARS 2002
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE McKEOWN
DATE DES MOTIFS : LE JEUDI 21 MARS 2002
ONT COMPARU :
M. Lorne Waldman pour la demanderesse
Mme Catherine Vasilaros pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lorne Waldman pour la demanderesse
Avocat
Jackman, Waldman et associés
281, avenue Eglinton est
Toronto (Ontario)
M4P 1L3
Morris Rosenberg pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20020321
Dossier : IMM-3318-01
ENTRE :
LAKVIR KAUR GHATOURA
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE