Date : 19980826
Dossier : IMM-4411-97
ENTRE :
MOHAMED ABDI HERSI,
demandeur,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE GIBSON :
1 Les présents motifs se rapportent à la demande de contrôle judiciaire de la décision d'un agent des visas transmise par télécopie le 6 octobre 1997 à l'avocat du demandeur. L'agent des visas s'exprime comme suit :
[TRADUCTION] J'ai examiné votre demande visant à considérer la date de votre demande en qualité de membre de la catégorie des DNRSRC comme étant la date de votre demande en qualité de membre de la catégorie IMRED. Je ne peux toutefois y faire droit parce que les demandes portent sur des objets différents, qu'elles ont été présentées à des endroits différents et qu'elles ne sont pas interchangeables.[1]
2 Essentiellement, les faits de la présente demande de contrôle judiciaire ne sont pas contestés. Ils peuvent être résumés comme suit. Le demandeur n'a pas obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. Pendant toute la période pertinente, il a été membre de la catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée (IMRED), conformément à la définition prévue dans le Règlement sur l'Immigration (1978), modifié.[2]
3 En novembre 1996, le demandeur a présenté une demande d'établissement depuis le Canada en utilisant le formulaire 5001 intitulé « Demande d'établissement présentée au Canada » . Il s'agissait apparemment d'un formulaire générique type pour les demandes d'établissement présentées au Canada. En haut du formulaire, sous la mention « A-GENRE DE DEMANDE (cocher une case) » , le demandeur a indiqué qu'il était une « personne dont le cas comporte des considérations humanitaires » et qu'il faisait partie de la « catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada » . Deux facteurs méritent d'être soulignés. Premièrement, malgré l'indication de « cocher une case » , le demandeur s'est inscrit dans deux catégories. Deuxièmement, cette partie du formulaire ne comporte pas d'espace permettant d'indiquer que le demandeur fait sa demande en qualité d'immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée.[3]
4 L'article 11.401 du Règlement sur l'immigration (1978) énonce plusieurs conditions relatives à l'établissement d'un immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée et des personnes à sa charge. Premièrement, le demandeur doit soumettre sa demande d'établissement à un agent d'immigration dans les 120 jours après être devenu un immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée. Dans le sens ordinaire du libellé des conditions susmentionnées, le demandeur répondait aux exigences. Il a présenté une demande d'établissement (depuis le Canada) à un agent d'immigration dans le délai prescrit de 120 jours. Le fait que dans sa demande d'établissement présentée depuis le Canada, le demandeur ne se soit pas présenté comme membre de la catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée mais plutôt comme une personne dont le cas comporte des considérations humanitaires ainsi qu'en qualité de membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada est non-pertinent aux fins de cette première exigence. Le raisonnement bureaucratique à l'appui de la décision faisant l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire ne présente aucune pertinence. Par souci de commodité, je cite de nouveau cette décision :
Je ne peux toutefois y faire droit parce que les demandes portent sur des objets différents, qu'elles ont été présentées à des endroits différents et qu'elles ne sont pas interchangeables.
5 Pour récapituler, le demandeur a soumis sa demande d'établissement à un agent d'immigration dans les 120 jours après être devenu un immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée. Il n'incombait pas au défendeur, dès la réception de la demande, de la traiter conformément aux exigences applicables à la catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée. Toutefois, à partir du moment où le demandeur l'a exigé expressément, tel qu'il l'a fait en mars 1997, le défendeur se devait d'accéder à la demande immédiatement.
6 Je suis conscient que ma conclusion est contraire à celle de mon collègue, monsieur le juge Dubé, dans l'affaire Singh (Gurmail) c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'immigration)[4]. J'estime devoir m'écarter de cette décision. En l'espèce, le demandeur a satisfait aux termes stricts de la seule exigence en cause, exigence prévue au Règlement sur l'immigration (1978) modifié. Dans ces circonstances, j'estime que le sens clair et non équivoque du Règlement doit avoir préséance sur une interprétation tendant à alléger le fardeau administratif des agents du défendeur, mais qui n'est pas conforme au sens évident du libellé du Règlement.
7 Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision contestée est annulée et l'affaire est renvoyée au défendeur afin qu'il statue à nouveau sur celle-ci d'une manière conforme aux présents motifs.
« Frederick E. Gibson »
Juge
Toronto (Ontario)
Le 26 août 1998
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DE GREFFE : IMM-4411-97
INTITULÉ DE LA CAUSE : MOHAMED ABDI HERSI
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 25 AOÛT 1998
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : LE JUGE GIBSON
EN DATE DU : LE MERCREDI 26 AOÛT 1998
ONT COMPARU :
M. Arthur Weinreb
pour le demandeur
Mme Sudabeh Mashkori
pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Arthur Weinreb
Avocat
44, avenue Woodrow
Toronto (Ontario)
M4C 5S2
pour le demandeur
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date: 19980826
Docket: IMM-4411-97
Entre :
MOHAMED ABDI HERSI,
demandeur,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
[1] DNRSRC désigne un demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada; IMRED désigne un immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée.
[3] Ce qui semble être une version postérieure du formulaire IMM5001 permet au demandeur de préciser qu'il s'adresse en qualité d'immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée. En mars 1997, le demandeur a présenté, depuis le Canada, une demande d'établissement distincte, en tant qu'immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée. Celle-ci a été rejetée en juin 1997 parce qu'elle avait été présentée hors délai. L'avocat du demandeur a demandé un nouvel examen de cette demande d'établissement distincte en alléguant que la demande d'établissement de novembre 1996 avait été présentée « dans le délai imparti » , c'est-à-dire dans les 120 jours après que le demandeur soit devenu un immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée. C'est cette demande de nouvel examen qui a donné lieu à la décision faisant l'objet des présentes procédures.