Date : 19990111
Dossier : T-2017-96
OTTAWA (ONTARIO) LE LUNDI 11 JANVIER 1999
EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE ROTHSTEIN
ENTRE :
ERNA HOOD, DIANE CAROLYN LAWRENCE,
BECKY LYNN FRENCH, PATRICIA ANN FARSLOW
et LESLIE ALLISON AMSTINE,
demanderesses,
et
SA MAJESTÉ LA REINE
DU CHEF DU CANADA,
défenderesse.
ORDONNANCE
Le point de droit préliminaire est tranché en ce sens :
L'État fédéral est lié par les paragraphes 3(3) et 3(4) de la Loi sur les accidents mortels du Manitoba, L.R.M. 1987, c. F.50. |
Marshall Rothstein
JUGE
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
Date : 19990111
Dossier : T-2017-96
ENTRE :
ERNA HOOD, DIANE CAROLYN LAWRENCE,
BECKY LYNN FRENCH, PATRICIA ANN FARSLOW
et LESLIE ALLISON AMSTINE,
demanderesses,
et
SA MAJESTÉ LA REINE
DU CHEF DU CANADA,
défenderesse.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
[Prononcés, tels que révisés, à l'audience, à Calgary (Alberta)
le mercredi 16 décembre 1998.]
LE JUGE ROTHSTEIN :
[1] Il s'agit de trancher un point de droit préliminaire : l'État fédéral est-il lié par les paragraphes 3(3) et 3(4) de la Loi sur les accidents mortels du Manitoba, L.R.M. 1987, c. F.50?
[2] La responsabilité civile délictuelle de l'État est engagée conformément au paragraphe 3(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État, L.R.C. (1985), ch. C-50 qui dispose :
3. (1) En matière de responsabilité civile délictuelle, l'État est assimilé à une personne physique, majeure et capable, pour : |
a) les délits civils commis par ses préposés; |
b) les manquements aux obligations liées à la propriété, à l'occupation, à la possession ou à la garde de biens. |
Le paragraphe 3(1) a été édicté le 14 mai 1953. Les paragraphes 3(3) et 3(4) de la Loi sur les accidents mortels du Manitoba ont été édictés après cette date. Selon ces deux paragraphes, la responsabilité des auteurs de délits civils est engagée auprès de certains survivants de la victime aussi bien pour les frais d'obsèques que pour la perte de soutien et d'affection.
[3] L'État affirme que sa responsabilité n'est pas engagée au titre des paragraphes 3(3) et 3(4) de la Loi sur les accidents mortels étant donné que ces dispositions n'étaient pas en vigueur le 14 mai 1953, date à laquelle a été édicté le paragraphe 3(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État.
[4] Selon le paragraphe 3(1), l'État est responsable comme le serait un particulier. Les paragraphes 3(3) et 3(4) de la Loi sur les accidents mortels s'imposant aux particuliers, il semble logique que la responsabilité de l'État puisse elle aussi être engagée au titre des paragraphes 3(3) et 3(4) de la Loi sur les accidents mortels du Manitoba. Le législateur aurait pu formuler autrement le paragraphe 3(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État, afin de bien préciser que la responsabilité civile de l'État fédéral ne saurait être engagée qu'en vertu de dispositions législatives déjà en vigueur le 14 mai 1953. Or, il ne l'a pas fait.
[5] La jurisprudence de la Cour et de sa prédécesseure, la Cour de l'Échiquier, n'est pas unanime sur ce point. Ce conflit jurisprudentiel a fait l'objet d'une analyse approfondie de la part du juge Reed dans l'affaire Stuart c. La Reine, [1989] 2 C.F. 3, et il n'y a pas lieu d'en reproduire les motifs en l'espèce. Je souscris à son analyse.
[6] Je relève simplement que dans l'affaire Baird c. La Reine, [1984] 2 C.F. 160, le juge Le Dain, de la Cour d'appel, a estimé que la common law qui permet d'engager la responsabilité de l'État fédéral en matière délictuelle et quasi délictuelle n'est pas figée en l'état qui était le sien le 14 mai 1953. Ce serait, me semble-t-il, introduire une ambiguïté que ne peut pas avoir voulue le paragraphe 3(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État que de dire que l'État fédéral est lié par une common law évolutive et par une législation cependant figée en l'état. Souvent la législation et la common law s'influencent et ces deux sources de droit ne sont pas strictement cloisonnées. La législation, notamment, peut modifier la responsabilité découlant de la common law, en l'élargissant ou en l'amenuisant. Le paragraphe 3(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État ne porte aucunement à penser que le législateur entendait accorder sur ce point un traitement différent à la common law et à la législation, c'est-à-dire soumettre la responsabilité de l'État fédéral aux évolutions de la common law mais en prévoyant qu'au regard de la législation, les possibilités d'engager cette responsabilité seraient figées à une certaine date.
[7] Pour ces motifs, et pour ceux de l'affaire Stuart c. La Reine, que je reprends à mon compte, l'État fédéral est lié par les paragraphes 3(3) et 3(4) de la Loi sur les accidents mortels du Manitoba.
Marshall Rothstein
J U G E
OTTAWA (ONTARIO)
LE 11 JANVIER 1999
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : T-2017-96
INTITULÉ DE LA CAUSE : Erna Hood et autres c. Sa Majesté la Reine |
LIEU DE L'AUDIENCE : Calgary (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE : le 16 décembre 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : M. le juge Rothstein
DATE : le 11 janvier 1999
ONT COMPARU :
Charles Davison POUR LES DEMANDERESSES
David Jacyk POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Charles Davison
Edmonton (Alberta) POUR LES DEMANDERESSES
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada POUR LA DÉFENDERESSE