Date : 20040406
Dossier : IMM-4606-03
Référence : 2004 CF 509
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Demandeur
- et -
Jorge CALDERON BUENO
Maria Alejandra SEMIGLIA MUNAGORRI
Valentina CALDERON SEMIGLIA
Francesca CALDERON SEMIGLIA
Défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié(la CISR) rendue le 20 mai 2003, statuant que les défendeurs sont des « réfugiés » au sens de la Convention selon la définition donnée à l'article 96 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
[2] Jorge Calderon Bueno (le défendeur) est citoyen de la Colombie et sa conjointe de fait, Maria Alejandra Semiglia Munagorri (la défenderesse), est citoyenne de l'Uruguay. Le couple a deux filles mineures qui sont citoyennes des États-Unis.
[3] Le demandeur présente plusieurs arguments à l'encontre de la décision de la CISR. Il soumet notamment que ce tribunal n'a pas tenu compte du comportement des défendeurs, comportement qualifié d'incompatible avec leur crainte de persécution alléguée. Le demandeur souligne que le défendeur en particulier a trop tardé à quitter la Colombie, qu'il est resté au Panama pendant plus de deux ans et enfin qu'il a vécu aux États-Unis pendant quatre ans sans jamais y avoir revendiquéle statut de réfugié. En ce qui concerne la défenderesse, celle-ci a fait défaut de revendiquer le statut de réfugié aux États-Unis malgré le fait qu'elle y soit demeurée pendant quatre ans. Au sujet de semblable comportement, mon collègue le juge Dubé a exprimé ce qui suit, dans Skretyuk c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no 783 (1re inst.) (QL) :
[3] . . . le Tribunal se devait de tenir compte du comportement des requérants alors qu'ils ont omis de revendiquer le statut de réfugié dans deux pays avant de se rendre au Canada. Un revendicateur se trouvant en passage dans un pays signataire de la Convention doit revendiquer le statut de réfugié dans les plus brefs délais, sans quoi sa demande peut être considérée comme n'étant pas sérieuse.
[4] En effet, le défaut de revendiquer le statut de réfugié lorsque le revendicateur se trouve dans un pays de protection, est un élément qui touche au fond de la revendication et qui est à considérer dans l'évaluation de la crédibilité de la crainte subjective du revendicateur (Ilie c. Canada (M.C.I.), [1994] A.C.F. no 1758 (1re inst.) (QL)). Les faits sur lesquels s'appuie l'argument du demandeur sont bien supportés par la preuve. Une lecture des notes sténographiques et de la décision fort laconique de la CISR révèle que ce tribunal n'a pas exigé d'explications sérieuses des défendeurs sur leur défaut de ne pas revendiquer le statut de réfugié dans les plus brefs délais avant de se rendre au Canada. Par conséquent, je suis d'avis que la CISR a erré en ne tenant pas compte d'un aspect fondamental de la revendication.
[5] Le demandeur soumet en outre que le défendeur et la défenderesse n'ont pas démontré que la protection de la Colombie et de l'Uruguay ne leur était pas disponible respectivement. Règle générale, l'État est présumé être capable de protéger ses citoyens, sauf si une preuve contraire est présentée par le revendicateur. Il revient au revendicateur de démontrer par une preuve claire et convaincante que la protection de l'État a été recherchée et qu'elle n'a pas été obtenue (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689). En l'espèce, les défendeurs n'ont présenté aucune preuve afin de démontrer qu'ils ne pouvaient pas obtenir la protection de l'État. En fait, la CISR n'a posé aucune question aux défendeurs à cet égard, lors de l'audience, avant de conclure expressément à l'incapacité de l'État de les protéger. Elle a tout à fait ignoré en outre la question de la protection des États-Unis à l'égard des filles des défendeurs qui sont citoyennes de ce pays. Conséquemment, je suis d'avis que la CISR a encore erré en faisant défaut d'analyser et de motiver cet élément fondamental des revendications.
[6] À mon point de vue, ces erreurs sont suffisantes pour justifier l'intervention de cette Cour et annuler la décision de la CISR. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est maintenue, la décision de la CISR, annulée et l'affaire retournée à ce tribunal différemment constitué pour être à nouveau considérée.
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 6 avril 2004
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4606-03
INTITULÉ : LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c. Jorge CALDERON BUENO, Maria Alejandra SEMIGLIA MUNAGORRI, Valentina CALDERON SEMIGLIA, Francesca CALDERON SEMIGLIA
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 19 février 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 6 avril 2004
COMPARUTIONS :
Me Thi My Dung Tran POUR LE DEMANDEUR
Me Michelle Langelier POUR LES DÉFENDEURS
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg POUR LE DEMANDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
Michelle Langelier POUR LES DÉFENDEURS
Montréal (Québec)
Date : 20040406
Dossier : IMM-4606-03
Ottawa (Ontario), ce 6e jour d'avril 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Demandeur
- et -
Jorge CALDERON BUENO
Maria Alejandra SEMIGLIA MUNAGORRI
Valentina CALDERON SEMIGLIA
Francesca CALDERON SEMIGLIA
Défendeurs
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est maintenue. La décision rendue le 20 mai 2003 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est annulée et l'affaire retournée à ce tribunal différemment constitué pour nouvelle considération et nouvelle décision.
JUGE