Date : 20021213
Référence neutre : 2002 CFPI 1299
ENTRE :
ANDREW MARK BUFFALO, également connu sous
le nom d'ANDREW MARK FREEMAN, en son nom personnel et au
nom de tous les autres membres de la Nation crie de Samson pour le
compte de laquelle Sa Majesté la Reine détient, dans le compte d'attente de la bande de Samson, des sommes impayées à distribuer per capita
demandeurs
et
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,
représentée par le MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES
ET DU NORD CANADIEN
défenderesse
et
Dossier : T-354-01
ENTRE :
LA NATION CRIE DE SAMSON
demanderesse
et
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,
représentée par le MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES
ET DU NORD CANADIEN
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
(Rendus à l'audience à Edmonton (Alberta),
le 11 décembre 2002)
LE JUGE HUGESSEN
[1] Dans ces deux actions, les deux demandeurs, Andrew Mark Buffalo et la Nation crie de Samson, présentent chacun des demandes contre le Canada à l'égard de sommes d'argent détenues par ce dernier dans ce qui est appelé un compte d'attente où étaient à l'origine versées les sommes que Sa Majesté détenait en fiducie au profit de la bande.
[2] Andrew Mark Buffalo agit à titre de représentant d'un certain nombre d'autres personnes se trouvant dans des situations similaires; la preuve mise à ma disposition indique qu'il y a également d'autres personnes dont la situation n'est peut-être pas identique à celle d'Andrew Mark Buffalo, mais que le résultat des affaires qui les concernent peut dépendre de l'issue de l'affaire ici en cause.
[3] Le demandeur a intenté une action à titre de représentant, mais à la suite de l'entrée en vigueur des modifications apportées aux Règles de la Cour fédérale (1998) il y a à peine quelques semaines au sujet des recours collectifs et par suite de l'abrogation de l'ancienne règle 114 au moyen des Règles modifiant les Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/2002-417, art. 12, l'action doit maintenant être considérée comme un recours collectif de sorte que je dirai d'une façon fort sommaire aux fins qui nous occupent que je rendrai jugement à l'égard de la demande individuelle d'Andrew Mark Buffalo en sa qualité de représentant d'un groupe de personnes, mais que je demanderai à l'avocat qui représente M. Buffalo de rédiger le projet d'ordonnance conformément à la règle 394 des Règles de la Cour fédérale (1998) et de proposer, conformément à la règle 369 des Règles, au moyen d'une requête présentée par écrit, d'autres conditions au sujet de la distribution des montants en cause et de la façon dont les demandeurs individuels peuvent présenter leurs demandes.
[4] M. Buffalo et les personnes que celui-ci représente sont devenus membres de la bande de Samson le 29 juin 1987 par suite de l'entrée en vigueur de ce qui est communément appelé le projet de loi C-31, intitulé Loi modifiant la Loi sur les Indiens, L.C. 1985, ch. 27. À ce moment-là, il existait deux situations pertinentes en ce qui concerne la bande de Samson. Premièrement, la bande de Samson tentait encore d'assumer un contrôle sur ses propres membres. Il est maintenant reconnu que la bande de Samson n'a pas assumé le contrôle de ses propres membres, qu'elle n'exerce aucun contrôle sur ses propres membres et que c'est le registraire qui assure le contrôle des membres.
[5] Deuxièmement, le conseil de la bande a adopté, au mois d'avril de l'année en cause, une résolution enjoignant au ministre, conformément à l'article 64 de la Loi, de faire des paiements sur la base per capita aux personnes qui étaient membres de la bande entre le mois de mai 1987 et le mois de mai 1988. Étant donné que M. Buffalo est uniquement devenu membre de la bande à la fin du mois de juin, il a droit, aux termes de cette résolution, qui prévoyait la distribution per capita d'une somme mensuelle de 500 $, à dix paiements, soit à 5 000 $ en tout, aucune directive n'ayant par la suite été donnée à l'égard de la distribution de sommes per capita.
[6] Comme il en a été fait mention, la bande tentait à ce moment-là d'assumer le contrôle de ses propres membres, tentative qui a finalement échoué. Toutefois, cela empêchait le Canada, par divers moyens qui sont tous parfaitement légitimes, de donner suite aux directives qu'il avait reçues en vertu de la résolution du conseil de la bande et les sommes ont été versées, comme je l'ai indiqué, dans un compte d'attente où des intérêts s'accumulent depuis lors.
[7] Dans les affaires de ce genre, la question réelle qui se pose entre les deux demandeurs se rapporte à l'effet d'une présumée entente portant règlement. Je tiens avant tout à dire que les parties, de gré à gré et conformément à la directive que j'ai donnée, ont considéré la présente affaire comme une affaire d'interplaidoirie. La Couronne ne conteste pas qu'elle détient l'argent à titre d'intéressée et qu'elle est prête à verser l'argent à quiconque y a droit. C'est pourquoi j'ai ordonné que l'affaire aille de l'avant pour être réglée d'une façon sommaire comme le prévoit l'article 108 des Règles et j'ai fait savoir que, selon moi, il était préférable que chaque demandeur demande un jugement sommaire; d'où les requêtes dont je suis ici saisi aujourd'hui. Comme il en a été fait mention, le point litigieux se rapporte à un présumé règlement conclu entre Andrew Mark Buffalo et la bande en 1995. D'autres demandeurs qui se trouvent dans la même situation que M. Buffalo ont apparemment également conclu la même entente ou des ententes similaires.
[8] En résumé, dans l'entente qui a été mise à ma disposition, Andrew Mark Buffalo libère la bande de toute demande qu'il peut faire à l'égard des sommes distribuées per capita, renonce au droit de réclamer à la bande les sommes distribuées per capita et s'engage à indemniser la bande de pareilles réclamations. Selon la preuve, Andrew Mark Buffalo a signé cette entente en 1995 lorsqu'il avait environ 19 ans, et il a reçu en contrepartie une somme de 1 000 $. À mon avis, il est tout à fait clair que l'entente ne peut pas être invoquée contre M. Buffalo pour faire échouer la demande que celui-ci a présentée à l'égard des sommes détenues par la Couronne.
[9] Le premier motif, et le motif le plus bref, à l'appui de ce point de vue est tout simplement que l'entente elle-même constitue une renonciation aux droits que M. Buffalo peut faire valoir à l'encontre de la bande, mais la demande de M. Buffalo n'est pas faite à l'encontre de la bande; il s'agit plutôt d'une demande faite à l'encontre de la Couronne à l'égard de sommes que cette dernière détenait en fiducie au nom de la bande et qu'elle détenait en fiducie pour M. Buffalo à la suite d'une directive, soit une directive légitime du bénéficiaire de cette fiducie, à savoir la bande. Par conséquent, même s'ils peuvent à juste titre libérer la bande, le désistement et la décharge ne libèrent pas la Couronne de l'obligation de payer les sommes en cause et il se peut fort bien que la bande ait eu intérêt à obtenir cette décharge.
[10] Il existe une autre raison pour laquelle j'estime que l'entente ne peut pas être opposée à M. Buffalo. Selon moi, il ressort clairement du préambule de l'entente qu'au moins l'une des considérations importantes énoncées dans l'entente est la prétention selon laquelle la bande exerçait un contrôle sur ses propres membres et l'implication claire voulant que, puisqu'elle exerçait ce contrôle, la bande était prête à admettre M. Buffalo à titre de membre s'il concluait l'entente ici en cause. Cependant, comme nous le savons, la bande n'assumait pas le contrôle de ses propres membres et cette considération, qui est en fait l'unique considération exprimée dans l'entente, a clairement échoué.
[11] Il existe en outre une troisième raison. La bande et le conseil de la bande ont envers les membres de la bande une obligation qui a parfois été définie comme étant l'obligation fiduciaire de traiter avec ceux-ci d'une façon équitable. Pour ce qui est de choses telles que la distribution de sommes per capita, le conseil de la bande doit simplement traiter équitablement avec chacun des membres de la bande. Je donnerai un exemple simple : le conseil ne pourrait pas ordonner que tous les membres dont le nom commence par une lettre, de A à L, participent au paiement des sommes distribuées per capita alors que ceux dont le nom commence par une lettre entre M et Z n'y seraient pas admissibles. Le conseil doit traiter avec ses membres également, d'une façon équitable et conformément aux principes fiduciaires normaux. Cela étant, il me semble qu'il incombe à la bande de démontrer qu'elle n'a pas agi en violation de son obligation fiduciaire de conclure l'entente, comme elle l'a fait. Or, la bande ne l'a pas démontré et, en fait, elle n'a rien démontré au sujet de cette entente.
[12] À mon avis, cette entente ne peut donc pas être invoquée contre Andrew Mark Buffalo afin de faire échouer la demande que celui-ci a présentée à l'égard des sommes à distribuer per capita auxquelles il avait droit et qui, avec les intérêts courus, représentent maintenant une somme considérable.
[13] Au début des présents motifs, j'ai indiqué qu'à mon avis, la présente affaire sera poursuivie en tant que recours collectif et que j'ordonnerais à Me Glancy, en sa qualité d'avocat des demandeurs agissant à titre de représentants, de rédiger une ordonnance assortie des conditions appropriées. Je crois que l'ordonnance devrait également prévoir la procédure applicable aux personnes qui présentent des demandes, et à cet égard j'invite Me Glancy à discuter de la question avec l'avocat de la bande et avec l'avocat de la Couronne. Le nombre de personnes en cause est fort élevé. Selon moi, on ne sait pas trop, eu égard aux éléments qui ont été produits devant moi, qui exactement sont ces personnes ou à combien s'élève le montant de leurs demandes. Il me semble qu'il serait préférable de prescrire une procédure quelconque permettant à chacune des personnes en cause de recevoir une lettre l'invitant à présenter une demande indiquant le montant en cause; il conviendrait également, me semble-t-il, de prévoir que tout différend relatif à ces demandes individuelles soit tranché par un protonotaire à moins que les parties n'estiment qu'une demande particulière soulève une question si importante qu'elle doit être réglée par la Cour.
[14] Me Glancy m'a demandé de rendre une ordonnance au sujet des dépens, et ce, malgré les termes plutôt draconiens de la règle 299.41 des Règles (DORS/98-106). En l'espèce, je ne puis décrire la conduite de la bande ou de la Couronne comme étant frivole ou vexatoire ou comme étant de nature à faire obstacle au déroulement normal de la justice; il me semble que, selon la règle, c'est ce que je dois chercher à constater si je rends une ordonnance portant sur les dépens. Par conséquent, je refuse de rendre pareille ordonnance.
« James K. Hugessen »
Juge
Ottawa (Ontario)
le 13 décembre 2002
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-430-01
INTITULÉ : ANDREW MARK BUFFALO ET AUTRES
c.
SA MAJESTÉ LA REINE ET AUTRE
LIEU DE L'AUDIENCE : EDMONTON (ALBERTA)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 11 DÉCEMBRE 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN
DATE DES MOTIFS : LE 13 DÉCEMBRE 2002
COMPARUTIONS :
M. Terence Glancy POUR LE DEMANDEUR
(ANDREW MARK BUFFALO)
Mme Priscilla Kennedy POUR LA DEMANDERESSE
(LA NATION CRIE DE SAMSON)
M. Kevin Kimmis POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Royal, McCrum, Duckett et Glancy POUR LE DEMANDEUR
Edmonton (Alberta) (ANDREW MARK BUFFALO)
Parlee McLaws POUR LA DEMANDERESSE
Edmonton (Alberta) (LA NATION CRIE DE SAMSON)
M. Morris Rosenberg POUR LA DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)