Date : 20030109
Dossier : DES-3-02
Référence neutre : 2003 CFPI 10
Ottawa (Ontario), le 9 janvier 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD
ENTRE :
NICHOLAS RIBIC
demandeur
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE L'ONTARIO
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
MODIFIÉS CONFORMÉMENT AU PREMIER PARAGRAPHE DE L'ORDONNANCE RENDUE PAR LE JUGE BLANCHARD LE 17 JANVIER 2003
[1] Le demandeur, M. Ribic, un citoyen canadien, fait l'objet de graves accusations portées au criminel à la suite d'une prise d'otages qui a eu lieu en Bosnie en 1995, pendant qu'il était membre des Forces serbes. Le procès est en cours. S'il est reconnu coupable, le demandeur risque d'être condamné à une longue peine d'emprisonnement. Le procès devant jury du demandeur devait commencer au mois de septembre 2002. La Couronne a maintenant présenté sa preuve et le demandeur a l'intention d'avancer certains moyens de défense à son procès.
[2] Le demandeur sollicite une ordonnance de la Cour conformément à l'alinéa 38.04(2)c) de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5 (telle qu'elle a été modifiée par L.C. 2001, ch. 41, art. 43) (la Loi) autorisant deux membres actifs des Forces canadiennes à témoigner à son procès criminel sans aucune restriction. Le demandeur a sollicité, conformément aux paragraphes 38.06(1) et (2) de la Loi, une ordonnance portant que les renseignements en question doivent être divulgués au complet.
[3] Le procureur général du Canada (le procureur général) ne souscrivait pas à une telle autorisation générale et, par voie de requête, il a demandé à la Cour de donner des directives conformément au paragraphe 38.04(5) de la Loi et aux règles 8, 54, 104, 384 et 385(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), dans leur forme modifiée.
[4] Par une ordonnance modifiée en date du 19 novembre 2002, le juge en chef adjoint Lutfy a ordonné que les deux témoins éventuels du demandeur soient interrogés par l'avocat du procureur général. Cet interrogatoire devait être fondé sur une liste de questions que l'avocat du demandeur devait soumettre. L'avocat du demandeur a fourni une liste exhaustive des questions qui devaient être posées aux interrogatoires.
[5] Le procureur général a examiné la transcription des interrogatoires, qui comportait 555 pages; il ne s'opposait pas à la divulgation d'une grande partie de la déposition des deux témoins. Toutefois, la divulgation d'une partie des renseignements ne pouvait pas être autorisée parce que les passages expurgés risquaient de porter préjudice à la défense ou à la sécurité nationales, ou aux relations internationales. Le procureur général demande à la Cour de confirmer cette interdiction.
[6] Lors d'une téléconférence qui a eu lieu le 4 décembre 2002, le demandeur et le défendeur, le procureur général, se sont entendus pour que j'examine les portions expurgées des transcriptions. Je l'ai donc fait sans avoir à suivre la procédure en deux étapes adoptée par le juge en chef Thurlow dans la décision Goguen (Goguen c. Gibson) [1983] 1 C.F. 822), que la Cour d'appel a par la suite approuvée ([1983] 2 C.F. 463). Le juge Rothstein (tel était alors son titre) a brièvement décrit la procédure dans la décision Evans (K.F.) Ltd. c. Canada (Ministre des Affaires étrangères) (1996), 106 F.T.R. 210 (C.F. 1re inst.), paragraphe 27. À la première étape, « [...] la Cour [...] doit mettre dans la balance deux intérêts publics contradictoires [...] afin de décider s'il y a commencement de preuve en faveur de la divulgation » ; ce n'est que dans le cas où la Cour conclut que les arguments en faveur de la divulgation « sont au moins aussi valides que les arguments en faveur du maintien du secret » qu'elle doit passer « à la seconde étape (l'examen des renseignements en cause) afin de décider lequel de ces deux intérêts publics prévaut dans les circonstances de la cause » . En ce qui concerne cette procédure, je souscris à l'avis que mon collègue le juge Hugessen a exprimé dans la décision Ribic c. Canada, 2002 CFPI 290, [2002] A.C.F. (QL), à savoir que le juge en chef « [...] n'établissait pas une règle de droit à suivre dans chaque cas, mais qu'il exposait simplement son raisonnement pour justifier, dans les circonstances de l'espèce, qu'il était approprié qu'il exerce son pouvoir discrétionnaire » . Je suis fondamentalement d'accord avec mon collègue pour dire qu'un juge désigné jouit d'un très large pouvoir discrétionnaire lorsqu'il décide s'il doit examiner les documents dont la communication est refusée avant d'entreprendre le processus de mise en équilibre exigé par la loi.
[7] À l'audience, qui a duré cinq jours en tout, j'ai entendu à huis clos les arguments du demandeur et du procureur général. Lors de la séance ex parte, j'ai examiné les portions expurgées des transcriptions. J'ai entendu trois témoins : un membre de la Direction générale, Division du renseignement, des Forces canadiennes; un employé d'un autre organisme gouvernemental; et un représentant du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
[8] Chaque témoin a traité des préoccupations exprimées par son ministère ou organisme au sujet des portions expurgées des transcriptions. Au cours de l'audience ex parte, un examen détaillé des portions expurgées des transcriptions a été mené. À la suite de cet examen, le procureur général a convenu de communiquer un nombre restreint d'extraits additionnels des transcriptions dont l'interdiction de divulgation avait initialement été demandée. Je n'ai pas à examiner plus à fond ces documents additionnels étant donné qu'ils ont déjà été divulgués au demandeur.
Intérêts opposés
[9] Selon la position prise par le demandeur, la preuve des deux témoins est nécessaire pour aider le jury à mettre dans le contexte qui convient les événements qui ont abouti à la prise d'otages et l'événement lui-même. Le demandeur affirme en outre qu'il peut uniquement subir un procès équitable si tous les renseignements pertinents sont mis à la disposition du juge des faits de façon qu'il puisse présenter une défense pleine et entière. Le demandeur soutient que les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent donc sur les raisons d'intérêt qui justifient la non-divulgation.
[10] Selon la position prise par le procureur général, les portions expurgées des transcriptions contiennent des renseignements d'un type qui, s'ils étaient divulgués au public, porteraient préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales. Le procureur général soutient que les transcriptions contiennent des renseignements fournis à titre confidentiel au ministère de la Défense nationale (le MDN), à condition qu'ils ne soient pas divulgués au public. La divulgation révélerait les sources des renseignements ainsi que les renseignements eux-mêmes, de sorte que la source serait révélée. La chose pourrait avoir de sérieuses conséquences en ce qui concerne la capacité du MDN d'obtenir des renseignements d'autres sources existantes et éventuelles. Le procureur général affirme également que pareille divulgation porterait atteinte à la défense et à la sécurité nationales du Canada ainsi qu'aux relations internationales que le Canada entretient avec ses alliés, étant donné que ces renseignements, s'ils étaient divulgués, pourraient être utilisés par des personnes qui sont hostiles aux intérêts du Canada et de ses alliés. Le procureur général soutient que les raisons d'intérêt public qui justifient le maintien du secret sur le plan de la sécurité nationale sont donc importantes et l'emportent certainement sur les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation des renseignements eu égard aux circonstances de l'espèce.
[11] Les dispositions de la Loi sur lesquelles le demandeur et le défendeur, le procureur général, se fondent sont libellées comme suit :
38.04 (2) Si, en ce qui concerne des renseignements à l'égard desquels il a reçu un avis au titre de l'un des paragraphes 38.01(1) à (4), le procureur général du Canada n'a pas notifié sa décision à l'auteur de l'avis en conformité avec le paragraphe 38.03(3) ou, sauf par un accord conclu au titre de l'article 38.031, il a autorisé la divulgation d'une partie des renseignements ou a assorti de conditions son autorisation de divulgation : |
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38.04 (2) If, with respect to information about which notice was given under any of subsections 38.01(1) to (4), the Attorney General of Canada does not provide notice of a decision in accordance with subsection 38.03(3) or, other than by an agreement under section 38.031, authorizes the disclosure of only part of the information or disclosure subject to any conditions, |
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a) il est tenu de demander à la Section de première instance de la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements si la personne qui l'a avisé au titre des paragraphes 38.01(1) ou (2) est un témoin; |
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(a) the Attorney General of Canada shall apply to the Federal Court - Trial Division for an order with respect to disclosure of the information if a person who gave notice under subsection 38.01(1) or (2) is a witness; b) la personne - à l'exclusion d'un témoin - qui a l'obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d'une instance est tenue de demander à la Section de première instance de la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements; |
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(b) a person, other than a witness, who is required to disclose information in connection with a proceeding shall apply to the Federal Court-Trial Division for an order with respect to disclosure of the information; and |
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c) la personne qui n'a pas l'obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d'une instance, mais qui veut en divulguer ou en faire divulguer, peut demander à la Section de première instance de la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements.
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(c) a person who is not required to disclose information in connection with a proceeding but who wishes to disclose it or to cause its disclosure may apply to the Federal Court-Trial Division for an order with respect to disclosure of the information.
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38.04 (5) Dès que la Section de première instance de la Cour fédérale est saisie d'une demande présentée au titre du présent article, le juge : |
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38.04 (5) As soon as the Federal Court-Trial Division is seized of an application under this section, the judge |
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a) entend les observations du procureur général du Canada - et du ministre de la Défense nationale dans le cas d'une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale - sur l'identité des parties ou des témoins dont les intérêts sont touchés par l'interdiction de divulgation ou les conditions dont l'autorisation de divulgation est assortie et sur les personnes qui devraient être avisées de la tenue d'une audience; |
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(a) shall hear the representations of the Attorney General of Canada and, in the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, the Minister of National Defence, concerning the identity of all parties or witnesses whose interests may be affected by either the prohibition of disclosure or the conditions to which disclosure is subject, and concerning the persons who should be given notice of any hearing of the matter; |
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b) décide s'il est nécessaire de tenir une audience; |
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(b) shall decide whether it is necessary to hold any hearing of the matter; |
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c) s'il estime qu'une audience est nécessaire : |
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(c) if he or she decides that a hearing should be held, shall |
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(i) spécifie les personnes qui devraient en être avisées, |
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(i) determine who should be given notice of the hearing, |
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(ii) ordonne au procureur général du Canada de les aviser, |
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(ii) order the Attorney General of Canada to notify those persons, and |
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(iii) détermine le contenu et les modalités de l'avis; |
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(iii) determine the content and form of the notice; and d) s'il l'estime indiqué en l'espèce, peut donner à quiconque la possibilité de présenter des observations.
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(d) if he or she considers it appropriate in the circumstances, may give any person the opportunity to make representations.
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38.06 (1) Le juge peut rendre une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements, sauf s'il conclut qu'elle porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales. |
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38.06 (1) Unless the judge concludes that the disclosure of the information would be injurious to international relations or national defence or national security, the judge may, by order, authorize the disclosure of the information. |
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38.06 (2) Si le juge conclut que la divulgation des renseignements porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, mais que les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifient la non-divulgation, il peut par ordonnance, compte tenu des raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, autoriser, sous réserve des conditions qu'il estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des renseignements, d'un résumé de ceux-ci ou d'un aveu écrit des faits qui y sont liés. |
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38.06 (2) If the judge concludes that the disclosure of the information would be injurious to international relations or national defence or national security but that the public interest in disclosure outweighs in importance the public interest in non-disclosure, the judge may by order, after considering both the public interest in disclosure and the form of and conditions to disclosure that are most likely to limit any injury to international relations or national defence or national security resulting from disclosure, authorize the disclosure, subject to any conditions that the judge considers appropriate, of all of the information, a part or summary of the information, or a written admission of facts relating to the information. |
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38.06 (3) Dans le cas où le juge n'autorise pas la divulgation au titre des paragraphes (1) ou (2), il rend une ordonnance confirmant l'interdiction de divulgation. |
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38.06 (3) If the judge does not authorize disclosure under subsection (1) or (2), the judge shall, by order, confirm the prohibition of disclosure. |
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38.06 (3.1) Le juge peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu'il estime digne de foi et approprié - même si le droit canadien ne prévoit pas par ailleurs son admissibilité - et peut fonder sa décision sur cet élément. |
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38.06 (3.1) The judge may receive into evidence anything that, in the opinion of the judge, is reliable and appropriate, even if it would not otherwise be admissible under Canadian law, and may base his or her decision on that evidence. |
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38.06 (4) La personne qui veut faire admettre en preuve ce qui a fait l'objet d'une autorisation de divulgation prévue au paragraphe (2), mais qui ne pourra peut-être pas le faire à cause des règles d'admissibilité applicables à l'instance, peut demander à un juge de rendre une ordonnance autorisant la production en preuve des renseignements, du résumé ou de l'aveu dans la forme ou aux conditions que celui-ci détermine, dans la mesure où telle forme ou telles conditions sont conformes à l'ordonnance rendue au titre du paragraphe (2). |
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38.06 (4) A person who wishes to introduce into evidence material the disclosure of which is authorized under subsection (2) but who may not be able to do so in a proceeding by reason of the rules of admissibility that apply in the proceeding may request from a judge an order permitting the introduction into evidence of the material in a form or subject to any conditions fixed by that judge, as long as that form and those conditions comply with the order made under subsection (2). |
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38.06 (5) Pour l'application du paragraphe (4), le juge prend en compte tous les facteurs qui seraient pertinents pour statuer sur l'admissibilité en preuve au cours de l'instance. |
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38.06 (5) For the purpose of subsection (4), the judge shall consider all the factors that would be relevant for a determination of admissibility in the proceeding. |
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[12] Le droit de présenter une défense pleine et entière est l' « un des piliers » du système de justice criminelle sur lequel nous comptons pour assurer que les innocents ne soient pas déclarés coupables : R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326; R. c. Rose (1998) 129 C.C.C. (3d) 449 (C.S.C.). Un accusé devrait connaître la totalité de la « preuve à réfuter » avant de répondre à la preuve du ministère public en présentant sa propre preuve. Habituellement, dans une poursuite criminelle, l'accusé ne doit pas être privé des éléments de preuve pertinents qui lui permettraient d'élaborer une défense à l'encontre des efforts que l'État fait en vue d'obtenir un verdict de culpabilité. De fait, il arrive rarement que cette règle ne s'applique pas. Les circonstances de la présente espèce, où la sécurité nationale est en jeu, sont exceptionnelles et le droit prévoit une procédure permettant de mettre en équilibre les intérêts opposés.
La procédure
[13] Il faut déterminer si la divulgation des renseignements que l'on cherche à protéger porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales : paragraphe 38.06(1) de la Loi. Si je conclus que c'est le cas, je dois alors mettre en équilibre les intérêts opposés : paragraphe 38.06(2).
Les renseignements
[14] Par leur nature même, les renseignements expurgés des transcriptions m'empêchent de procéder, dans les présents motifs, à un examen exhaustif des dépositions. En effet, si un examen était effectué, cela irait à l'encontre du but même que l'on cherche à atteindre en tenant les renseignements secrets. Toutefois, je ferai état, dans la plus grande mesure possible, de la nature des renseignements expurgés des transcriptions des dépositions des deux témoins. Une bonne partie des renseignements que l'on cherche à protéger se rapportent à des renseignements d'alliés et du Canada et aux services de renseignement d'alliés et du Canada. Une bonne partie des renseignements se rapportent directement et indirectement (par inférence) au commandement et aux structures de commandement de l'OTAN; à la capacité de l'OTAN en matière de collecte du renseignement; à la politique de l'OTAN relative à la conduite d'opérations militaires et aux opérations militaires de l'OTAN. Certaines parties des dépositions expurgées se rapportent à des commentaires concernant les alliés du Canada et les alliés de l'OTAN ainsi qu'au rôle et à la conduite de certains États à l'égard des factions belligérantes en Bosnie. Enfin, les renseignements expurgés traitent également de technologies précises utilisées sur le théâtre bosnien et se rapportent à des opérations, organisations et sources en matière de renseignement.
[15] Une bonne partie des renseignements en cause se rapportent aux caractéristiques, aux capacités, au rendement, au déploiement éventuel, aux fonctions ou aux rôles des établissements de défense de forces, d'unités ou du personnel militaires sur le théâtre bosnien en 1995. La preuve qui m'a été soumise lors de la séance ex parte confirme que le caractère sensible de ces renseignements, dont un bon nombre sont encore fort pertinents à l'heure actuelle, exige que leur divulgation soit encore prohibée. La mesure dans laquelle divers aspects des renseignements que l'on cherche à protéger se rapportent aux questions à débattre au procès sera examinée plus à fond ci-dessous dans ces motifs en tant que facteurs à prendre en compte aux fins de la mise en équilibre des intérêts opposés.
Préjudice porté aux intérêts nationaux
[16] Je suis convaincu que les trois témoins qui ont comparu devant moi au cours de la séance ex parte avaient la compétence voulue pour parler du préjudice qui risquerait d'être causé si les portions expurgées des transcriptions étaient rendues publiques. Un examen exhaustif de chaque extrait a été mené au cours des trois journées qu'a duré l'audience ex parte. La Cour a entendu et examiné les dépositions que les témoins ont présentées au sujet du préjudice qui pourrait être porté à la sécurité ou à la défense nationales ou aux relations internationales du Canada.
[17] Les renseignements expurgés que l'on cherche à protéger sont des renseignements militaires, ou se rapportent aux services du renseignement, au commandement et à la structure du commandement de diverses forces sur le théâtre de la guerre en Bosnie, aux politiques relatives à la conduite d'opérations militaires, à des opérations militaires, au rôle et à la conduite de certains participants sur le théâtre bosnien ainsi qu'à l'identité et aux sources de cibles. Une partie fort importante des transcriptions expurgées se rapportent à des renseignements obtenus à titre confidentiel par le MDN, à condition que ces renseignements ne soient pas divulgués au public.
[18] Je suis convaincu que les portions expurgées des transcriptions contiennent des renseignements dont la divulgation porterait préjudice aux relations internationales où à la défense ou à la sécurité nationales, et ce, pour au moins l'un des motifs énoncés ci-dessous :
1. La confiance qui doit exister parmi les alliés, lorsqu'il s'agit d'assurer l'efficacité de l'OTAN, serait ébranlée;
2. Le rôle du Canada à titre de membre de l'alliance et de participant à des opérations futures de paix serait compromis;
3. Les alliés du Canada hésiteraient davantage à partager des renseignements dans l'avenir, de sorte qu'ils refuseraient de communiquer au Canada les renseignements cruciaux nécessaires en vue d'assurer la protection des civils ou des membres des Forces canadiennes;
4. La divulgation irait à l'encontre de l'entente conclue avec l'OTAN et de la politique en matière de sécurité, ce qui nuirait aux relations que le Canada entretient avec l'OTAN;
5. La capacité de l'OTAN et, par conséquent, du Canada en sa qualité de membre de l'OTAN, de mener des opérations futures serait compromise puisqu'il y aurait eu divulgation de renseignements sur la façon dont l'OTAN mène ses opérations;
6. La divulgation nuirait à la conduite des affaires internationales et ébranlerait la confiance des alliés et des membres de l'OTAN.
Mise en équilibre des intérêts opposés
[19] En vertu du paragraphe 38.06(2), je dois déterminer si les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifient la non-divulgation.
[20] Le libellé de la loi prévoit maintenant qu'un juge peut autoriser la divulgation de tout ou partie des renseignements sous une forme expurgée ou résumée lorsque, après que les intérêts opposés ont été soupesés, les raisons d'intérêt public militant en faveur de la divulgation justifient cette divulgation.
[21] Le procureur général défendeur soutient que le critère à appliquer aux fins de la mise en équilibre des intérêts opposés est le [TRADUCTION] « critère de l'innocence en jeu » ; selon ce critère, le demandeur doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que les renseignements protégés démontrent un fait crucial pour la défense dans l'instance criminelle. Le procureur général affirme également que les raisons d'intérêt public justifiant le maintien du secret, dans le contexte de la sécurité nationale, sont importantes et qu'elles ne doivent être supplantées que dans un cas clair et impérieux militant en faveur de la divulgation.
[22] Le paragraphe 38.06(2) de la Loi ne précise pas le critère ou les facteurs à prendre en considération lorsqu'il s'agit de soupeser les intérêts opposés; de plus, la Loi n'envisage pas un manque d'équilibre évident entre les raisons d'intérêt public relatives à la sécurité nationale et les raisons d'intérêt public relatives à l'administration de la justice. Je suis d'avis que la Cour peut tenir compte de différents facteurs en soupesant les diverses raisons d'intérêt public. L'étendue des facteurs peut bien varier d'un cas à l'autre.
[23] Dans le contexte d'une affaire portant sur des accusations criminelles graves, comme c'est ici le cas, la question de savoir si les renseignements en question établissent probablement un fait crucial pour la défense est de fait un facteur important à prendre en considération dans le processus de mise en équilibre. D'autres facteurs justifient également l'examen par la Cour de questions telles que la nature de l'intérêt que l'on cherche à protéger; l'admissibilité et l'utilité des renseignements; leur valeur probante en ce qui concerne une question soulevée au procès; la question de savoir si le demandeur a établi qu'il n'existe pas d'autres moyens raisonnables d'obtenir les renseignements; la question de savoir si, en cherchant à obtenir la divulgation, le demandeur cherche à l'aveuglette des renseignements; la gravité des accusations ou des questions en jeu. [Voir Jose Pereira E. Hijos, S.A. c. Canada (Procureur général) [2002] A.C.F. no 1658, 2002 CAF 470, dossier A-3-02, paragraphes 16 et 17]. Cette liste de facteurs n'est aucunement exhaustive. D'autres facteurs peuvent également le cas échéant exiger un examen. À mon avis, il faut examiner chaque demande selon les faits qui lui sont propres.
[24] Les facteurs susmentionnés sont des facteurs dont j'ai tenu compte en mettant en équilibre les intérêts opposés pour les besoins de la demande; après avoir appliqué ces facteurs, j'ai conclu que les renseignements doivent être rangés en trois catégories :
a) ils ne sont pas pertinents pour ce qui est d'une question soulevée au procès;
b) ils sont pertinents, mais ils n'ont pas à être divulgués;
c) ils sont pertinents et ils doivent être divulgués.
a) Renseignements non pertinents pour ce qui est d'une question soulevée au procès
[25] Le juge en chef adjoint Cunningham, qui préside le procès, s'est abstenu d'exprimer un avis au sujet de la pertinence ou de l'admissibilité des dépositions proposées. Sur les 198 passages des transcriptions qui sont encore protégés, le procureur général estime que seize passages seulement contiennent des renseignements qui ont logiquement une valeur probante en ce qui concerne une question soulevée au procès. Je conviens que de nombreux passages des transcriptions qui sont encore protégés ont une valeur probante minime et n'ont peut-être pas de valeur probante pour ce qui est d'une question soulevée au procès. J'inclus dans cette catégorie des renseignements qui confirmeraient l'utilisation de certaines technologies utilisées par diverses forces sur le théâtre de guerre; des renseignements qui permettraient d'identifier l'endroit, en Bosnie et en dehors de la Bosnie, où sont situés certains centres d'opérations et de renseignement; des renseignements concernant des opérations secrètes et des opérations manifestes précises sur le théâtre bosnien, n'ayant rien à voir avec la prise d'otages; des renseignements qui révéleraient la présumée présence de certains groupes sur le théâtre bosnien et confirmeraient leur participation et leur rôle; des renseignements ayant trait à certains commentaires gratuits qui ont été faits au sujet des alliés du Canada ou des alliés de l'OTAN; des renseignements se rapportant à la source de renseignements fort sensibles; des renseignements indiquant le niveau d'habilitation de sécurité de certaines personnes en cause sur le terrain.
b) Renseignements pertinents, mais dont la divulgation n'est pas nécessaire
[26] D'autres passages des transcriptions expurgées sont pertinents et tendent à établir la structure organisationnelle et la chaîne de commandement des forces en Bosnie. J'inclus dans cette catégorie certains aspects des renseignements se rapportant à la capacité opérationnelle et technique des factions belligérantes et d'autres factions en cause sur le théâtre bosnien; des renseignements portant sur les capacités de collecte du renseignement et sur le rôle des pays et des forces participant aux opérations sur le théâtre bosnien; des renseignements identifiant les partenariats pour ce qui est de la collecte du renseignement, de la planification et du déploiement. Ces renseignements ont logiquement une valeur probante en ce qui concerne des questions qui seront peut-être soulevées au procès et ils pourraient certes aider le jury à mettre dans le contexte qui convient les événements qui ont mené à la prise d'otages et l'événement lui-même. Toutefois, je suis d'avis que les renseignements communiqués au demandeur dans les transcriptions expurgées sont suffisants pour informer le jury du contexte dans lequel se sont déroulés les événements qui ont conduit à la prise d'otages, de même que la prise d'otages elle-même; de la position relative des factions belligérantes et d'autres factions sur le théâtre bosnien; de la chaîne de commandement des forces militaires sur le théâtre; et de la conduite du demandeur pendant la prise d'otages.
[27] En appréciant les dépositions expurgées des témoins, je crois qu'il est juste de dire qu'une bonne partie des renseignements expurgés traitent d'éléments sensibles, sur le plan des opérations, lesquels serviraient à corroborer les dépositions, figurant dans d'autres parties des transcriptions, qui ont été divulguées au demandeur. À mon avis, les renseignements expurgés donneraient certes un plus grand nombre de détails et de précisions au sujet des renseignements déjà divulgués. Des détails seraient donnés au sujet des principaux acteurs et de leurs rôles dans la chaîne de commandement au sein de diverses forces; les opérations seraient connues; les capacités de collecte du renseignement deviendraient connues. À l'aide de tels renseignements, une personne ayant la formation voulue dans le domaine des opérations du renseignement pourrait identifier les cibles et les sources et, pour les raisons ci-dessus exposées, la chose pourrait porter préjudice à la sécurité nationale du Canada. À mon avis, les renseignements expurgés, même s'ils ont force corroborante, ne révéleraient pas à la défense de nouveaux renseignements utiles qui ne se trouvent pas déjà dans les transcriptions expurgées des dépositions des deux témoins. À mon avis, les dépositions dont dispose le demandeur dans les transcriptions expurgées donnent à celui-ci suffisamment de renseignements, si le juge présidant le procès les estime admissibles, pour représenter d'une façon raisonnable la preuve des deux témoins qui serait autrement mise à la disposition de la défense. À mon avis, en ce qui concerne les moyens de défense que l'on entend invoquer au procès, les transcriptions expurgées indiquent clairement la nature et la substance des dépositions des deux témoins. Je conclus donc que les renseignements qui sont inclus dans cette deuxième catégorie, bien qu'ils soient pertinents, n'ont pas à être divulgués.
c) Renseignements pertinents qui doivent être divulgués
[28] J'ai conclu que certains passages tirés des transcriptions sont pertinents et devraient être divulgués dans l'intérêt de l'administration de la justice, et ce, même si la sécurité est en jeu, quoique dans une moindre mesure. À mon avis, le droit du demandeur à une défense pleine et entière l'emporte sur cet intérêt. J'indiquerai ci-dessous dans ces motifs le parties des transcriptions qui doivent être divulguées.
[29] Lors de l'audience ex parte, j'ai entendu des témoignages au sujet des procédures nécessaires pour obtenir le consentement de l'OTAN aux fins de la divulgation des renseignements revus. En particulier, j'ai examiné la pièce produite par le procureur général et publiée par l'OTAN sous le titre [TRADUCTION] « Ententes de sécurité relatives à la divulgation de renseignements classifiés de l'OTAN aux États qui ne sont pas membres de l'OTAN et aux organisations internationales » . Le Canada, en sa qualité de membre de l'OTAN, est lié par ces procédures. Compte tenu des contraintes de temps auxquelles le procureur général était assujetti dans la présente instance, je suis convaincu qu'il n'est pas possible d'obtenir les consentements nécessaires en temps opportun.
[30] Dans quatre cas, j'ordonnerai que des résumés des extraits des transcriptions soient incorporés dans les transcriptions expurgées et qu'ils soient divulgués au demandeur à la place de ces extraits. À mon avis, ces résumés divulguent des renseignements additionnels qui peuvent être utiles à la défense sans compromettre indûment les intérêts nationaux. Ces résumés sont joints à l'annexe A des présents motifs.
[31] En mettant en équilibre les intérêts opposés, j'ai également conclu, en ce qui concerne certains passages des transcriptions, que les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifient la non-divulgation. La divulgation de ces passages, qui sont joints à l'annexe B des présents motifs, est donc autorisée.
[32] Quant aux autres renseignements expurgés, je conclus que les raisons d'intérêt public justifiant le maintien du secret, étant donné le préjudice qui risque d'être porté si les renseignements sont divulgués, l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation. J'arrive à cette conclusion après avoir tenu compte des divers facteurs ci-dessus décrits dans ces motifs lorsque j'ai mis en équilibre les intérêts opposés. En conclusion, je suis convaincu, pour les raisons déjà exposées, que ces renseignements expurgés ne doivent pas être divulgués.
[33] Je souscris à la position du procureur général du Canada en ce qui concerne l'expurgation de certaines questions préparées par l'avocat de la défense. Je suis convaincu que, lorsque la question est expurgée, la longueur des réponses expurgées et leur proximité par rapport à la question permettraient à une personne ayant l'expertise voulue en matière de collecte du renseignement de faire des inférences susceptibles de porter préjudice aux intérêts nationaux du Canada. Ce risque de préjudice l'emporte sur la nécessité de divulguer en ordre toutes les questions préparées. Toutefois, je peux confirmer au profit du demandeur que toutes les questions préparées par son avocat ont été posées aux témoins.
Forme de la divulgation
[34] En vertu du paragraphe 38.06(2), je peux autoriser la divulgation des renseignements sous la forme et aux conditions les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.
[35] Dans leurs dépositions, les deux témoins ont entrelacé des renseignements inoffensifs et des renseignements qui ne peuvent être divulgués dans le public. Il n'y a pas de ligne de démarcation séparant facilement ce qui est autorisé de ce qui ne l'est pas. Dans un procès criminel mené devant un jury, il est manifestement incommode, voire impossible, d'établir une ligne de démarcation. Le juge du procès n'aura pas eu l'avantage d'examiner tous les renseignements pour être en mesure d'apprécier pleinement l'effet possible de la divulgation de ce qui pourra sembler un renseignement inoffensif. Ce qui peut sembler un renseignement insignifiant peut en réalité constituer la pièce manquante du puzzle établi par un organisme hostile.
[36] Je suis convaincu qu'il n'y a qu'une forme de divulgation qui est susceptible de limiter le préjudice porté à la défense ou à la sécurité nationales ou aux relations internationales : il s'agit d'ordonner aux deux témoins de ne pas déposer au sujet des renseignements que j'ai examinés et de permettre la production en preuve de la version expurgée des transcriptions de leur interrogatoire au procès criminel du demandeur, que le juge du procès recevra comme si les deux témoins avaient déposé sous serment devant lui.
[37] Il va sans dire que l'ordonnance qui est ici rendue n'aura pas d'effet sur les règles normales de la preuve en matière d'admissibilité que le juge du procès devra appliquer et que mon appréciation de la pertinence des renseignements ne liera pas le juge du procès. De même, je ne fais aucune remarque au sujet du poids à accorder, le cas échéant, à tout ou partie des témoignages; cette tâche incombe au juge du procès et au jury dans le procès criminel.
[38] Le demandeur a demandé la modification du paragraphe 6 de l'ordonnance conservatoire rendue par le juge en chef adjoint Lutfy le 15 novembre 2002. Le paragraphe 6 de l'ordonnance en question prévoit ce qui suit :
[TRADUCTION] 6. L'obligation de ne pas divulguer les renseignements de la défense prendra fin, si le témoin A et le témoin B respectivement sont cités à comparaître devant la Cour supérieure de justice dans le procès [du demandeur] et s'ils témoignent.
[39] Le demandeur soutient que l'obligation de ne pas divulguer les renseignements de la défense à qui que ce soit, y compris au ministère public, ne devrait jamais prendre fin. J'ai minutieusement examiné les arguments des parties et j'ai conclu que l'obligation de ne pas divulguer les renseignements de la défense continuera à s'appliquer jusqu'à la fin du procès du demandeur et jusqu'à l'expiration de tous les délais d'appel applicables. Une ordonnance en ce sens sera rendue en vue de modifier l'ordonnance conservatoire :
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La requête du demandeur en vue d'obtenir l'autorisation générale de faire témoigner les deux témoins sans restriction au procès du demandeur est rejetée.
2. Les deux témoins ne sont pas autorisés à témoigner au procès du demandeur en ce qui concerne la preuve considérée dans la présente instance.
3. Les extraits des transcriptions qui sont reproduits dans l'annexe « B » jointe à la présente ordonnance, ainsi que les extraits additionnels mentionnés au paragraphe 8 des motifs de l'ordonnance, peuvent être divulgués.
4. En application de l'article 38.06, la version expurgée des transcriptions des dépositions des deux témoins, y compris les extraits additionnels reproduits dans l'annexe « B » et les renseignements résumés dans l'annexe « A » jointe à la présente ordonnance, peuvent être divulgués, pour être déposés comme preuve au procès criminel du demandeur, comme si les deux témoins avaient déposé sous serment, et en remplacement de leurs dépositions de vive voix.
5. L'ordonnance conservatoire rendue par le juge en chef adjoint Lutfy le 15 novembre 2002 est modifiée par ajout d'un nouveau paragraphe 6, formulé ainsi :
L'obligation de ne pas divulguer les renseignements de la défense restera en vigueur jusqu'à la conclusion du procès du demandeur et l'expiration de tous les délais d'appel applicables.
6. Conformément à l'alinéa 38.02(2)b) de la Loi, les renseignements contenus dans l'annexe « A » et l'annexe « B » jointes à la présente ordonnance seront communiqués au procureur général du Canada lorsque sera délivrée la présente ordonnance, et ils seront communiqués au demandeur à l'expiration des délais d'appel prévus dans les articles 38.09 et 38.1 de la Loi.
« Edmond P. Blanchard »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : DES-3-02
INTITULÉ : NICHOLAS RIBIC
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL.
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LES 10, 11, 14, 16 ET
17 DÉCEMBRE 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE BLANCHARD
DATE DES MOTIFS : LE 9 JANVIER 2003
COMPARUTIONS :
D'ARCY DEPOE POUR LE DEMANDEUR
et
HEATHER PERKINS-McVEY
ALAIN PRÉFONTAINE POUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
BERESH DEPOE POUR NICHOLAS RIBIC
CUNNINGHAM
EDMONTON (ALBERTA)
et
HEATHER PERKINS-McVEY
OTTAWA (ONTARIO)
MORRIS ROSENBERG POUR LE PROCUREUR
SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL GÉNÉRAL DU CANADA
DU CANADA