Date : 20031209
Dossier : T-1830-02
Référence : 2003 CF 1431
Toronto (Ontario), le 9 décembre 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON
ENTRE :
NU ANH HUYNH
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Nu Anh Huynh réside au Canada depuis plusieurs années. Elle voudrait devenir citoyenne canadienne comme son mari. Une « connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté » (Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29) fait partie des conditions qu'une personne doit remplir pour se voir attribuer la citoyenneté canadienne. Malheureusement, Mme Huynh a échoué à l'examen.
[2] Le ministre a le pouvoir discrétionnaire d'exempter une personne de cette condition pour des raisons d'ordre humanitaire. Le juge de la citoyenneté qui n'a pas pu approuver la demande était tenu de se pencher sur la question à savoir s'il y avait lieu de recommander au ministre de se prévaloir de ce pouvoir discrétionnaire. Le juge de la citoyenneté n'a pas formulé de recommandation à cet égard. S'il l'avait fait, il aurait été tenu de la motiver.
[3] Mme Huynh a fait appel. Les parties semblent reconnaître qu'elle ne réussira jamais à l'examen. Toutefois, on demande pour son compte que l'affaire soit renvoyée à un juge de la citoyenneté avec l'instruction qu'il tienne compte de la situation particulière de Mme Huynh.
[4] Selon les documents qui m'ont été présentés, mais dont ne disposait pas le juge de la citoyenneté, Mme Huynh a souffert de diverses maladies graves, y compris de maladies qui ont été causées par les nombreuses blessures qu'elle a subies à la suite d'un accident de voiture et qui ont donné lieu à des problèmes de mémoire, d'insomnie et de dépression. On a également diagnostiqué chez elle un retard mental léger qui, conjugué avec les autres troubles médicaux dont elle souffre, l'empêche complètement de pouvoir s'exprimer, lire et écrire en anglais et de retenir quoi que ce soit.
[5] Mme Huynh disposait de tous ces renseignements au moment où elle a présenté sa demande de citoyenneté canadienne. Le formulaire contenait une case dans laquelle Mme Huynh pouvait préciser si elle avait des besoins particuliers et les décrire, le cas échéant. La demanderesse, qui n'était pas représentée par un avocat à l'époque, avait répondu qu'elle n'avait pas de besoins particuliers. Par conséquent, on ne peut guère reprocher au juge de la citoyenneté de ne pas avoir étudié la question à savoir s'il convenait de recommander au ministre d'attribuer la citoyenneté à Mme Huynh pour des raisons d'ordre humanitaire qui apparaissaient à la lecture de documents qu'il n'avait pas en sa possession.
[6] Toutefois, Mme Huynh soutient que le processus est inéquitable. Si un demandeur ne réussit pas à l'examen écrit, il est convoqué auprès d'un juge de la citoyenneté. Les formulaires n'énoncent pas clairement qu'il peut apporter des documents susceptibles de soulever la question de l'existence de raisons d'ordre humanitaire. Les lacunes que comportent les formulaires ont été relevées par le juge Gibson dans l'affaire Maharatnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 405. Le juge Gibson a dit, et je me range à son avis, qu'étant donné que « la plupart des demandeurs de citoyenneté comparaissent devant le juge de la citoyenneté sans avocat et sont susceptibles de ne pas être au courant de l'existence du pouvoir discrétionnaire fondé sur des raisons d'ordre humanitaire, il pourrait être utile, aux fins de l'équité, d'inclure un bref avis quant à l'existence de ce pouvoir discrétionnaire dans l'"AVIS DE COMPARUTION" » .
[7] Je suis persuadé qu'en fait Mme Huynh n'était pas pleinement au courant de ses droits. Cependant, aux yeux de la loi, elle est présumée disposer des mêmes renseignements que le ministre (Anticosti Shipping Co. c. Saint-Amand, [1959] R.C.S. 372).
[8] Par conséquent, je dois rejeter l'appel. Toutefois, Mme Huynh peut présenter une nouvelle demande en tout temps. Comme elle est désormais au courant de ses droits et représentée par un avocat, je suis convaincu que la particularité de sa situation sera prise en considération si elle décide de formuler une nouvelle demande.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
L'appel est rejeté.
« Sean Harrington »
Juge
Traduction certifiée conforme
Aleksandra Koziorowska, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1830-02
INTITULÉ : NU ANH HUYNH
demanderesse
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 8 DÉCEMBRE 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 9 DÉCEMBRE 2003
COMPARUTIONS:
Chung Calvin Huong POUR LA DEMANDERESSE
Alexis Singer POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Chung Calvin Huong
Avocat
Toronto (Ontario) POUR LA DEMANDERESSE
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR
COUR FÉDÉRALE
Date : 20031209
Dossier : T-1830-02
ENTRE :
NU ANH HUYNH
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE