Date : 20031008
Dossier : T-272-99
Référence neutre : 2003 CF 1166
Ottawa (Ontario), le mercredi 8 octobre 2003
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER
ENTRE :
CARTER-WALLACE INC.
demanderesse
et
WAMPOLE CANADA INC.
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
1 La présente requête résulte de l'appel infructueux de Carter-Wallace Inc. contre la décision du registraire des marques de commerce qui avait refusé de radier un enregistrement de marque de commerce de Wampole Canada Inc. Par une ordonnance en date du 20 juin 2000, le juge O'Keefe avait rejeté la demande de Carter-Wallace et accordé à Wampole le _ droit à ses dépens taxés. _ Subséquemment, Wampole avait présenté une demande de taxation de son mémoire de dépens, dans laquelle elle demandait subsidiairement le paiement de ses dépens par le bureau d'avocats de Carter-Wallace, MacBeth & Johnson.
2 En réponse à la demande de taxation du mémoire de dépens, MacBeth & Johnson a préparé et présenté des observations écrites, pour son propre compte et non pour le compte de quelque autre partie nommément désignée dans la demande de taxation. Les observations écrites du bureau d'avocats portaient essentiellement sur l'absence de fondement en droit ou en fait pour le paiement des frais de Wampole par les avocats. Dans ses observations, MacBeth & Johnson a également demandé que, en application de l'article 408(3) des Règles de la Cour fédérale (1998), l'officier taxateur taxe ses dépens pour sa défense contre la taxation.
3 En réponse aux observations de MacBeth & Johnson, Wampole a déclaré qu'elle [TRADUCTION] _ retire sa demande que les dépens soient taxés contre les avocats de la demanderesse Carter-Wallace [...] _.
4 Dans sa décision en date du 19 août 2003, l'officier taxateur a accordé un montant de 2 070 $ de dépens à Wampole, mais il a refusé la réclamation de 8 225 $ de MacBeth & Johnson pour la défense de sa demande de dépens. MacBeth & Johnson a introduit la présente requête en application de l'article 414 des Règles de la Cour fédérale (1998), pour une révision de la taxation en question quant à sa réclamation de 8 225 $.
Question en litige
5 La demande de MacBeth & Johnson à l'officier taxateur soulève la question de savoir si un officier taxateur peut, en application de l'article 408 des Règles, taxer et accorder des dépens de taxation à une partie qui n'est pas nommément désignée dans la procédure initiale, mais qui est nommément désignée dans une demande de taxation des dépens. Dans la présente requête, la première question à trancher est de savoir si la décision de l'officier taxateur devrait être révisée.
6 Présumant que j'accepte qu'une révision de la décision en question est appropriée, les parties sont d'accord que la question est de savoir si MacBeth & Johnson était _ partie _ à la procédure au sens du paragraphe 408(3) des Règles. Ce paragraphe prévoit que l'officier taxateur _ peut taxer et accorder ou refuser d'accorder les dépens de la taxation à l'une ou l'autre partie _. Ainsi, si MacBeth & Johnson n'est pas _ une partie _, sa requête doit être rejetée.
Norme de contrôle
7 La Cour ne devrait réviser la décision d'un officier taxateur _ que lorsque les montants sont inappropriés ou que la décision est déraisonnable au point de sembler résulter d'une erreur de principe _ (IBM Canada Ltée c. Xerox of Canada Ltd. [1977] 1 C.F. 181 (C.A.F.)).
Décision de l'officier taxateur
8 En ce qui concerne les arguments de MacBeth & Johnson devant l'officier taxateur, l'officier taxateur a refusé d'accorder les dépens demandés. En particulier, l'officier taxateur a tranché la demande en question comme suit :
Les articles 4 et 5.1 de la Loi sur les Cours fédérales définissent la Cour, et la règle 2 des Règles de la Cour fédérale (1998) définit l'officier taxateur; ces dispositions ne me permettent pas de m'arroger le pouvoir discrétionnaire conféré à la Cour en vertu de la règle 400(1) d'adjuger des dépens. Toutefois, sous le régime de la règle 400(1), l'officier taxateur est investi du pouvoir de décider quels sont les dépens admissibles de même que leur quantum. La règle 408(3), laquelle dispose que « [l']officier taxateur peut taxer et accorder ou refuser d'accorder les dépens de la taxation à l'une ou l'autre des parties » , est une exception en ce qu'elle m'autorise à accorder des dépens en l'espèce à la demanderesse qui ne peut percevoir des dépens en vertu de la règle 400(1). Le libellé de la règle 408(3) parle de « partie » , ce qui ne comprend pas l'avocat d'une partie. La règle 408(3) me permet de nier à la défenderesse le droit de la taxation aux dépens sans égard au fait qu'on lui a adjugé des dépens en vertu de la règle 400(1).
[...]
L'avocat de la demanderesse déclare expressément que ses prétentions sont présentées pour son propre compte uniquement, [traduction] « soit à titre de partie intéressée ou (par analogie à la procédure prévue à la règle 404 et par application de la règle 4 dite des " lacunes ") à titre d'avocat à l'encontre de qui des dépens sont demandés » . La tentative de la défenderesse visant à faire payer les dépens par l'avocat de la demanderesse constituait une solution de rechange à sa proposition voulant que les tierces parties soient tenues de payer les dépens dus par la demanderesse étant donné l'acquisition des dettes de celle-ci, allant de pair avec l'acquisition de cette dernière. Cette position de rechange s'appuie sur la prétention que la défenderesse aurait subi un préjudice pendant les négociations visant à régler la question des dépens du fait de l'omission de divulguer l'acquisition de la demanderesse par des tierces parties. Dans les circonstances, je refuse d'accorder les dépens de la taxation à la demanderesse.
9 Je remarque que, dans son analyse, l'officier taxateur mentionne seulement la demanderesse alors que la demande en cause était de MacBeth & Johnson pour son propre compte. Ainsi, au vu de la décision, il peut y avoir eu une erreur d'interprétation de la demande, suffisamment grave pour constituer une erreur de principe. Pour ces motifs, je suis prête à réviser la décision. Comme je le montre dans l'analyse qui suit, j'arrive à la même conclusion que celle qu'a tirée l'officier taxateur, savoir que MacBeth & Johnson n'a pas droit à ses dépens.
Analyse
10 Le paragraphe 400(1) des Règles confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer. En conséquence, il était tout à fait loisible au juge O'Keefe de décider que des dépens devaient être payés par une personne différente des parties nommément désignées dans la procédure. Le juge O'Keefe n'a pas fait cela dans son ordonnance du 20 juin. En conséquence, Wampole n'avait aucun droit de solliciter des dépens contre une autre personne que Carter-Wallace, la partie initiale à la procédure. Un examen des articles 405 et suivants des Règles révèle les voies par lesquelles les parties qui doivent payer des dépens et celles qui ont droit à des dépens amènent l'officier taxateur à procéder à la taxation du mémoire de dépens.
11 Le simple fait d'être nommément désigné par Wampole dans son mémoire de dépens initial ne change pas ou n'étend pas le rôle limité de l'officier taxateur. Le fait qu'il n'avait pas compétence constituait le fondement de l'observation que MacBeth & Johnson a faite en réponse à la demande de taxation une fois que le bureau d'avocats a été nommément désigné. Il appert également que Wampole, en retirant sa réclamation de dépens contre MacBeth & Johnson, a reconnu ce fait.
12 Il s'ensuit que MacBeth & Johnson ne pouvait pas être _ partie _, aux fins du paragraphe 408(3) des Règles, et ne pouvait se voir accorder de dépens par l'officier taxateur. Pour ce simple motif, la présente requête sera rejetée.
13 MacBeth & Johnson attire mon attention sur le fait que la demande de taxation des dépens contre lui a été retirée. Selon les observations de MacBeth & Johnson, il s'agit d'une situation identique à l'abandon ou au désistement, situation prévue à l'article 412 des Règles qui dispose : _ Les dépens afférents à une instance qui fait l'objet d'un désistement peuvent être taxés lors du dépôt de l'avis de désistement _.
14 Relativement à cet argument, je ne vois pas le retrait de la demande comme semblable ou équivalent à un abandon ou à un désistement. MacBeth & Johnson présume que la demande contre lui était une procédure distincte qui pouvait faire l'objet d'un abandon ou d'un désistement. Dans la présente affaire, seule la demande de taxation contre MacBeth & Johnson a été abandonnée. La demande déposée devant l'officier taxateur était essentiellement une taxation des dépens; cette demande est allée de l'avant malgré le retrait.
15 MacBeth & Johnson affirme également que, aussitôt que le bureau d'avocats s'est vu signifier l'avis de convocation pour la taxation et le mémoire de dépens à être taxé, conformément au paragraphe 406(2) des Règles, il est devenu une _ partie intéressée _ à la taxation des dépens.
16 On ne sait pas si MacBeth & Johnson s'est vu signifier l'avis de convocation en tant que _ partie intéressée _ ou avocats inscrits au dossier pour Carter Wallace. En tout cas, c'est un peu périlleux de dire que MacBeth & Johnson, simplement parce qu'il s'est vu signifier l'avis de convocation, est devenu partie aux fins de l'article 408 des Règles. Encore une fois, à moins que la Cour, ou jusqu'à ce que la Cour rende une ordonnance particulière que les dépens peuvent être taxés contre MacBeth & Johnson, l'officier taxateur n'a pas compétence pour accorder des dépens contre des personnes autres que les parties à la procédure.
17 Je note qu'il existe d'autres voies par lesquelles MacBeth & Johnson aurait pu clarifier et protéger son intérêt. Après avoir reçu l'avis de convocation, MacBeth & Johnson aurait pu introduire une requête devant la Cour. En préparant ses observations relativement au mémoire de dépens, MacBeth & Johnson paraît avoir utilisé 19,5 heures du temps de ses avocats les plus expérimentés pour se défendre, sans tenir compte de la compétence limitée de l'officier taxateur. Cela est d'autant plus curieux vu que le fondement des observations faites à l'officier taxateur était que celui-ci n'avait pas compétence sur le point en question.
18 Finalement, je note que l'adjudication de dépens relève du pouvoir discrétionnaire. À mon avis, la réclamation de 8 225 $ faite par MacBeth & Johnson est excessive. Je note que les dépens taxés pour l'ensemble de l'action s'élevaient à 2 070 $ à la fois pour les services et les débours. En conséquence, si la demande en application de l'article 408 des Règles m'avait été présentée, je l'aurais probablement rejetée de toute façon.
Conclusion
19 Pour ces motifs, la requête sera rejetée avec dépens en faveur de Wampole.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. la requête est rejetée; et
2. les dépens de la requête sont accordés à Wampole Canada Inc.
_ Judith A. Snider _
Juge
Traduction certifiée conforme
Jean Maurice Djossou, LL.D.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-272-99
INTITULÉ : CARTER-WALLACE INC.
c. WAMPOLE CANADA INC.
DATE DE L'AUDIENCE : LE 29 SEPTEMBRE 2003
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE SNIDER
COMPARUTIONS :
Frank Farfan
Judy Wong POUR LA DEMANDERESSE
Kenneth Hanna POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Frank Farfan
MacBeth & Johnson
Avocats
Toronto (Ontario) POUR LA DEMANDERESSE
Kenneth Hanna
Ridout & Maybee LLP
Ottawa (Ontario) POUR LA DÉFENDERESSE