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Date : 20021122

Dossier : T-453-98

                                                                                           Référence neutre : 2002 CFPI 1217

ENTRE :        

                                                  WESTAIM CORPORATION

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                         - et -

                                           MONNAIE ROYALE CANADIENNE

                                                                                                                                  défenderesse

ET ENTRE :

                                           MONNAIE ROYALE CANADIENNE

                                     et PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                      demandeurs reconventionnels

                                                                         - et -

                                                  WESTAIM CORPORATION

                                                                                                  défenderesse reconventionnelle


                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

Introduction

[1]                 Il s'agit d'une action en contrefaçon de brevet dans laquelle la société Westaim Corporation (ci-après Westaim ou demanderesse) prétend que les revendications 2, 4 et 6 de son brevet canadien no 1198073 (ci-après brevet 073) ont été contrefaites par la Monnaie royale canadienne (ci-après MRC ou défenderesse) à l'installation de fabrication d'ébauches de pièces de monnaie de cette dernière, à Winnipeg, au Manitoba.

[2]                 La MRC nie les allégations et réclame un jugement déclaratoire reconnaissant l'absence de contrefaçon. Elle demande, en outre, que le brevet 073 soit déclaré invalide.

[3]                 Le procureur général du Canada est demandeur reconventionnel. Il demande aussi que le brevet soit déclaré invalide. Il n'a toutefois pas participé au procès.

Les faits


[4]                 Le brevet 073, portant le titre « Méthode de production d'ébauches de pièces de monnaie » , a été délivré le 17 décembre 1985 à la société Sherritt Gordon Mines Limited (ci-après Sherritt). La demande de ce brevet, qui avait été déposée au Canada le 8 juillet 1982, contient une revendication d'antériorité reposant sur une demande correspondante de brevet déposée au Royaume-Uni le 28 juillet 1981. Les inventeurs mentionnés sont MM. Maurice Clegg et Michael Ruscoe.

[5]                 Sherritt est devenue Viridian Inc., qui a cédé le brevet 073 à Westaim en 1996.

[6]                 Traditionnellement, les pièces de monnaie étaient fabriquées à partir de métaux massifs, tels or, argent et cuivre, ou d'alliages de cuivre et d'argent. Le nickel et les alliages de nickel ont commencé à être utilisés plus tard, pour réduire les coûts.


[7]                 Au cours de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée, afin de réduire le coût de fabrication des pièces de monnaie et de conserver les matériaux stratégiques pour l'effort de guerre, un certain nombre de pays, dont le Canada, les États-Unis et l'Allemagne, ont remplacé leurs pièces de monnaie en nickel et en cuivre par d'autres faites d'acier revêtu d'un métal comme le nickel et le zinc. Par exemple, l'Allemagne a choisi de fabriquer les siennes à partir de brames d'acier revêtues d'un autre métal, qui étaient laminées à chaud et à froid jusqu'à l'épaisseur appropriée; les ébauches étaient découpées dans les bandes d'acier plaqué ainsi obtenues et étaient ensuite frappées. Au Canada, on a utilisé l'acier en bandes qui était recouvert par électrodéposition de nickel puis d'une fine couche de chrome. Aux États-Unis, les bandes d'acier ont aussi été employées, mais elles étaient revêtues de zinc par électrodéposition. Dans les deux derniers pays, les ébauches étaient découpées dans les bandes d'acier revêtues, puis frappées. Toutefois, comme l'âme d'acier était exposée, ces pièces de l'époque de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée étaient sujettes à la rouille sur le pourtour. En outre, leur revêtement avait tendance à fissurer et à peler. Enfin, la dureté de l'acier avait pour effet de réduire de façon appréciable la durée de vie des coins de frappe.

[8]                 Au cours des années 1960, Vereinige Deutsche Nickelwerke AG (VDN) a mis au point une méthode qui assurait une liaison métallurgique entre les bandes de nickel de revêtement et les deux faces de la bande d'acier. La bande dans laquelle l'acier était pris en sandwich entre deux couches de nickel était laminée à froid jusqu'à l'épaisseur voulue avant de passer aux opérations habituelles de découpage, de cordonnage, d'ébavurage, de recuit et de brunissage pour produire les ébauches des pièces de monnaie. Le pourtour des pièces où l'acier était exposé, cependant, était toujours sujet à la rouille et à la corrosion, surtout dans les pays de la zone équatoriale.

[9]                 Dans les années 1960, devant la hausse spectaculaire du prix de l'argent, de nombreux pays ont décidé de remplacer ce métal dans leurs monnaies par un alliage constitué à 75 % de cuivre et à 25 % de nickel, appelé « cupronickel » . Toutefois, le prix de ces deux métaux augmentant également, un certain nombre de pays ont opté pour des pièces de monnaie à base d'acier.


L'acier nickelé de Sherritt

[10]            Au début des années 1970, Sherritt a reconnu la nécessité de trouver un substitut pour les pièces de nickel. Son directeur du marketing pour la monnaie a demandé à M. Clegg, chef du département de recherche en métallurgie physique de l'entreprise, et à M. Ruscoe, métallurgiste-chercheur, de mettre au point un nouveau produit qui aurait toutes les propriétés du nickel, mais qui coûterait moins cher aux fins de la production de pièces de monnaie. Pour être à la hauteur de la concurrence (le produit allemand plaqué, laminé, des années 1960 mentionné précédemment), les nouvelles ébauches devaient être constituées de 10 % de nickel, en poids, sur chaque face, et le nickel devait être lié métallurgiquement à l'âme d'acier. Afin de contrer le problème de rouille du pourtour du produit allemand, il fallait que le pourtour des ébauches soit également revêtu de nickel. En outre, le nouveau produit devait être comparable au nickel pour un certain nombre de propriétés, entre autres ductilité, mollesse, couleur argentée, résistance à la corrosion, densité et discriminabilité par les machines distributrices. Plus tard, l'exigence de 10 % de nickel sur chaque face a été réduite à 5 %.


[11]            Les travaux de MM. Clegg et Ruscoe pour Sherritt ont permis de mettre au point un produit à base d'acier nickelé convenant pour la frappe de pièces de monnaie, connu sous l'abréviation N-B-S (pour nickel-bonded-steel), et ils ont débouché sur la prise d'un certain nombre de brevets aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Dans les présents motifs, ces brevets sont appelés collectivement brevets N-B-S.

[12]            Les brevets en question s'appliquent à une méthode et à un produit comportant le découpage de disques (âmes) dans une bande d'acier dur, leur ébavurage, leur cordonnage, leur nickelage ou cuivrage par électrodéposition au tonneau et leur recuit pour les amollir. Les ébauches sont ensuite frappées. Un aspect particulièrement important de la méthode N-B-S est la formation d'une liaison métallurgique entre le revêtement de nickel ou de cuivre et l'âme d'acier à l'étape du recuit.

[13]            L'une des préoccupations associées à la méthode N-B-S est la formation de cloques à la surface des disques cuivrés ou nickelés lors du recuit effectué après le revêtement. En 1976, MM. Clegg et Ruscoe ont commencé à chercher une solution au problème. Le résultat de leur recherche forme la matière du brevet faisant l'objet du présent litige.

Le brevet 073


[14]            Le brevet 073 porte sur la production [traduction] « d'ébauches convenant à la frappe de pièces de monnaie » [ « coin blanks suitable for minting into coins » ]. Le mot « coins » , y précise-t-on, comprend [traduction] « non seulement les pièces utilisées comme monnaie mais également des articles similaires en forme de disque, comme des médailles et des médaillons, sur lesquels une image est imprimée » .

[15]            Le brevet présente, dans la divulgation, les brevets N-B-S de Sherritt aux États-Unis comme l'état de la technique pertinent pour ce qui concerne la production de pièces moins coûteuses et résume les brevets antérieurs ainsi :

[traduction]Dans ces propositions antérieures, un métal tel que le nickel ou le cuivre est appliqué par électrodéposition sur une âme d'acier de forme discoïde pour produire un revêtement de nickel ou de cuivre dont l'épaisseur est d'au moins 0,03 - 0,05 mm environ sur chacune des faces et de deux à quatre fois environ supérieure sur le pourtour, et l'objet est chauffé pour créer une liaison métallurgique entre le revêtement de nickel ou de cuivre et l'âme d'acier et pour réduire à moins de 65 environ sa dureté sur l'échelle de dureté Rockwell 30T. Les ébauches obtenues sont ensuite frappées pour créer une empreinte sur les pièces.

[16]                         Suit une description de l'activité inventive; des précisions y sont données sur ce qui distingue l'invention par rapport à l'état de la technique :

[traduction]La présente invention est fondée sur la découverte de la possibilité de produire des ébauches acceptables en recuisant une âme métallique pour réduire à moins de 65 environ sa dureté sur l'échelle Rockwell 30T et en appliquant par électrodéposition un revêtement métallique sur l'âme recuite de sorte que l'épaisseur de ce revêtement soit d'au moins 0,01 mm environ sur chacune des faces et de deux à quatre fois environ supérieure sur le pourtour. Autrement dit, la liaison métallurgique formée entre le revêtement et l'âme dans les propositions antérieures peut être omise, et le recuit de l'âme peut avoir lieu avant plutôt qu'après le revêtement par électrodéposition.


[17]            Après un exposé détaillé de la méthode telle que définie dans les revendications, le brevet précise que [traduction] « le revêtement métallique peut être du nickel, un alliage de nickel, du cuivre ou un alliage de cuivre, de l'argent ou de l'or » . Il est également spécifié que [traduction] « les âmes peuvent être en acier, en nickel, en zinc, en alliages de zinc ou en d'autres métaux commerciaux de frappe comme le cupronickel » .

[18]            Dans la divulgation, il est précisé que la teneur en carbone de l'acier peut se situer dans un intervalle d'environ 0,005 à environ 0,1 % en poids. Lorsqu'elle est inférieure à environ 0,01 % en poids, les âmes peuvent être refroidies par immersion dans l'eau. Lorsqu'elle dépasse 0,01 %, les âmes devraient être refroidies beaucoup plus lentement pour obtenir le degré requis de dureté, soit moins de 50 environ sur l'échelle de dureté Rockwell 30T. Des exemples des étapes de chauffage et de refroidissement sont fournis.

[19]            Le brevet indique, en outre, que le revêtement métallique peut être appliqué de la façon décrite dans le brevet 014, son épaisseur sur les faces devant être d'au moins 0,01 mm, de préférence entre environ 0,01 mm et 0,1 mm.

[20]            La divulgation comprend une liste de combinaisons appropriées de métaux convenant comme revêtement et comme âme dans l'application de la méthode de l'invention : [traduction] « nickel sur acier, argent sur nickel, cuivre sur nickel, nickel sur cuivre, nickel sur cupronickel, or sur cuivre sur nickel, bronze sur acier, bronze sur nickel, cuivre sur acier et nickel-fer sur acier » .


[21]            Enfin, il est mentionné dans la divulgation que d'autres réalisations de l'invention seront facilement reconnues par une personne versée dans l'art.

[22]            Comme il a été mentionné précédemment, seules les revendications 2, 4 et 6 du brevet sont en litige. Par conséquent, seulement ces trois revendications seront examinées en détail dans les présents motifs.

[23]            Les revendications 2, 4 et 6 sont liées à la revendication 1 qui est formulée comme suit :

[traduction]Une méthode de production d'ébauches convenant à la frappe de pièces de monnaie comportant ce qui suit : fournir un grand nombre d'âmes métalliques de forme discoïde appropriée, les chauffer pour réduire à moins de 65 environ leur dureté sur l'échelle Rockwell 30T, refroidir les âmes chauffées pour obtenir des âmes refroidies de dureté inférieure à 65 environ sur l'échelle Rockwell 30T, placer un grand nombre d'âmes d'acier refroidies dans un contenant perforé non conducteur d'électricité, placer le contenant dans un bain électrolytique, appliquer un revêtement métallique sur les âmes par électrodéposition, l'opération se pratiquant en déplaçant le contenant angulairement par rapport à un axe horizontal jusqu'à ce que l'épaisseur du métal déposé atteigne au moins 0,01 mm environ sur les deux faces de toutes les âmes et qu'elle soit de deux à quatre fois environ plus élevée sur leur pourtour, et retirer du contenant les pièces à âme revêtue.


[24]            Suivant la revendication 2, les âmes sont d'acier. Suivant la revendication 4, la teneur en carbone de l'acier est dans l'intervalle d'environ 0,005 à environ 0,01 % en poids. La revendication 6 vise une méthode conforme à la revendication 4 qui s'applique à l'acier dont la teneur en carbone dépasse 0,01 % environ et qui comporte le réglage de la vitesse de refroidissement des âmes chauffées pour assurer une dureté inférieure à 50 environ sur l'échelle Rockwell 30T.

La méthode de la MRC

[25]            Dans l'exposé conjoint des faits, la méthode de production des ébauches de pièces de monnaie de la MRC est décrite comme suit :

a)         La MRC achète des bandes bobinées d'acier à bas carbone, laminées à froid, dont la dureté se situe dans l'intervalle de 88 à 92 environ sur l'échelle Rockwell B. La teneur en carbone de cet acier, généralement qualifié de type SAE 1006, ne dépasse pas 0,06 % et est de préférence de 0,04 %.

b)         À l'aide d'une presse, la MRC découpe dans les bandes d'acier des âmes ou « ébauches » discoïdes, devant constituer l'âme des pièces.

c)         Les ébauches en acier sont ébavurées et cordonnées (un rebord est formé).

d)         Les ébauches d'acier sont recuites dans un four sous une atmosphère contenant 19,5 % d'hydrogène afin de réduire leur dureté et d'éliminer les oxydes en surface. Les ébauches, à la température ambiante, sont chauffées jusqu'à une température de 900 ° C, maintenues à cette température, puis refroidies lentement jusqu'à la température ambiante en environ 120 minutes.

e)         Les ébauches refroidies ont une dureté de 47 environ sur l'échelle Rockwell 30T.

f)          Les ébauches refroidies sont ensuite placées dans un tonneau d'électrodéposition perforé, non conducteur d'électricité, dans lequel elles sont lavées et dégraissées par électrolyse. Après dégraissage, elles sont rincées et décapées à l'acide.


g)         Le tonneau perforé, non conducteur d'électricité, qui tourne autour d'un axe horizontal, est placé dans un bain de sulfamate de nickel; l'électrodéposition se poursuit jusqu'à ce que l'épaisseur de la couche de nickel soit d'environ 0,006 à 0,008 mm environ sur les faces des ébauches et environ deux fois plus élevée sur leur pourtour.

h)         Le tonneau est retiré du bain, et les ébauches nickelées sont rincées, plongées dans une solution d'acide sulfurique à 5 % et rincées.

i)          Le tonneau contenant les ébauches est placé dans un bain de sulfate de cuivre acide, dans lequel il tourne, pour le cuivrage des ébauches nickelées; l'électrodéposition se poursuit jusqu'à ce que l'épaisseur de la couche de cuivre soit d'environ 0,013 à 0,017 mm sur les faces des ébauches et environ deux fois plus élevée sur leur pourtour.

j)          Le tonneau est retiré du bain, et les ébauches nickelées et cuivrées sont rincées, soumises à un dégraissage anodique, rincées de nouveau, plongées dans une solution d'acide sulfurique à 5 % et rincées encore une fois. C'est la fin des étapes d'électrodéposition dans le cas des ébauches devant avoir un revêtement de surface en cuivre.

k)         Les ébauches dont la surface externe doit être de nickel sont soumises à une autre étape d'électrodéposition dans un bain de sulfamate de nickel dans lequel le tonneau tourne autour d'un axe horizontal jusqu'à ce que l'épaisseur de la dernière couche de nickel soit d'environ 0,006 à 0,010 mm sur les faces des ébauches et environ deux fois plus élevée sur leur pourtour.

l)          Après la dernière étape d'électrodéposition (étape j ou k), les ébauches sont rincées et retirées du tonneau, puis séchées à l'air chaud.

m)        Toutes les ébauches sont chauffées dans un four sous atmosphère contenant environ 8,5 % d'hydrogène pour éliminer les tensions internes du revêtement et améliorer la structure granulaire, la grosseur de grain du revêtement devant se situer entre les indices ASTM 7 et 10.

n)         Les ébauches sont brunies dans un appareil de polissage à action centrifuge.

o)         Après le brunissement, les ébauches sont inspectées.

p)         Les ébauches jugées acceptables sont ensuite frappées pour la production de pièces de monnaie ou vendues à un autre atelier de frappe.


Loi pertinente

[26]            Comme le brevet 073 a été accordé avant le 1er octobre 1989, les dispositions de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4 (la Loi), s'appliquent à la présente instance.

Questions en litige

Contrefaçon

[27]            Westaim affirme qu'une comparaison de la méthode de la MRC avec les revendications 2, 4 et 6 du brevet 073 montre clairement que la MRC a utilisé toutes les étapes de chacune des revendications pertinentes dans sa méthode.

[28]            La MRC soutient que sa méthode ne contrefait aucune des revendications en cause pour les motifs suivants :

a)         la première couche de nickel déposée sur les âmes d'acier n'a pas au moins 0,01 mm d'épaisseur;

b)         plusieurs bains électrolytiques de différents métaux sont employés pour obtenir un revêtement d'épaisseur supérieure à 0,01 mm;

c)         la deuxième couche de cuivre et la troisième couche de nickel ne sont pas déposées sur des âmes en acier.


[29]            Il ressort donc que la question centrale pour établir s'il y a ou non contrefaçon est : Les deux ou trois couches appliquées par électrodéposition dans la méthode de la MRC sont-elles visées par l'une ou l'autre des revendications 2, 4 et 6? D'après Westaim, l'étape d'électrodéposition est un élément essentiel de l'invention, et les détails de cette étape constituent des éléments non essentiels qui peuvent varier.

Validité

[30]            La MRC soutient que le brevet 073 est invalide pour les motifs suivants :

a)                    l'invention revendiquée se heurte à une antériorité;

b)                    l'invention revendiquée était évidente à la date où elle a été faite;

c)                    l'invention revendiquée est inutile;

d)                    l'invention revendiquée est plus large que toute invention faite par les inventeurs;

e)                    l'invention revendiquée est plus large que toute invention divulguée dans le brevet;

f)                      les revendications sont ambiguës;

g)                    le mémoire descriptif du brevet ne permet pas à une personne versée dans l'art d'appliquer l'invention revendiquée.


[31]            Comme il est dit dans Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, l'interprétation des revendications doit précéder l'examen des questions de validité et de contrefaçon. La présente instance étant régie par la Loi dans sa version antérieure à octobre 1989, les revendications doivent être interprétées à la date d'octroi du brevet.

Interprétation des revendications

[32]            Dans l'arrêt Whirlpool, précité, et dans l'arrêt Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, le juge Binnie confirme l'application de l' « interprétation téléologique » à l'interprétation des revendications. Il incombe à la cour de cerner comment le breveté a utilisé divers termes contenus dans les revendications et la signification de ces termes. La signification des termes doit être éclaircie dans le contexte de l'ensemble du mémoire descriptif du brevet, avec l'aide de la personne versée dans l'art dont relève le brevet. Une lecture éclairée des revendications permettra à la cour de déterminer, comme il est indiqué dans l'arrêt Whirlpool, précité au paragraphe 45, les « mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l'inventeur, constituait les éléments "essentiels" de son invention » .


[33]                         Trois experts ont témoigné pour Westaim. Douglas Hill, un métallurgiste qui a été directeur de la Birmingham Mint (Royaume-Uni) entre 1977 et 1995, a témoigné comme expert en métallurgie appliquée à la fabrication de pièces frappées. John Jonas, professeur émérite à l'Université McGill, a témoigné en tant qu'expert en métallurgie pour ce qui concerne particulièrement la déformation des métaux ferreux. Allan Lee, ingénieur métallurgiste à la retraite qui a occupé diverses fonctions chez Sherritt entre 1962 et 1994, a témoigné à titre d'expert en métallurgie appliquée à l'industrie de la monnaie et en histoire numismatique.

[34]                         Deux experts ont témoigné pour la MRC. Neil Risebrough, consultant et professeur émérite à l'Université de la Colombie-Britannique, a témoigné comme expert en métallurgie. Mordechai Schlesinger, consultant et professeur émérite à l'Université de Windsor, a témoigné comme expert en électrodéposition.

[35]                         Westaim soutient que la personne versée dans l'art de l'invention, dans le présent cas, est une personne versée dans la production d'ébauches convenant à la frappe. Elle signale que MM. Hill et Lee ont de nombreuses années d'expérience dans ce domaine. Par comparaison, les experts de la MRC n'ont aucune expérience en production d'ébauches revêtues par électrolyse. Westaim fait valoir que les opinions de MM. Hill et Lee devraient l'emporter sur celles des experts de la MRC lorsque la preuve est contradictoire.


[36]            La MRC soutient que la « personne versée » ne doit pas nécessairement être un individu. En particulier, dans le présent cas, la personne versée appropriée représente une équipe de personnes rassemblant les connaissances et l'expérience nécessaires au sujet de la production d'ébauches revêtues. Comme l'a déclaré le juge Wetson dans l'arrêt Mobil Oil Corp. et al. c. Hercules Canada Inc., (1994), 57 C.P.R. (3d) 488 (C.F. 1re inst.) à la page 494, décision infirmée mais non sur ce point dans 63 C.P.R. (3d) 473 (CAF) :

La première étape de toute affaire de brevet se rapporte à l'interprétation du brevet, c'est-à-dire à ce que signifie le brevet. Toutefois, le brevet ne s'adresse pas à une personne ordinaire, mais plutôt à la personne versée dans l'art ou la science dont relève le brevet. Par conséquent, avant d'interpréter le brevet, il faut déterminer qui est cette personne fictive.

. . .

La personne versée dans l'art n'a pas à être un individu. Il peut s'agir d'un groupe de travailleurs qualifiés, de scientifiques, de techniciens qui apportent chacun leur propre expertise au problème, et ce, collectivement. Cela est particulièrement vrai lorsque l'invention se rapporte à une science ou à un art qui vise plusieurs disciplines scientifiques...

[37]       La MRC s'appuie également sur la déclaration suivante de Harold G. Fox, dans The Canadian Patent Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4e éd., Toronto, Carswell, 1969, aux pages 185 et 186 :


[traduction] ¼La catégorie d'ouvriers à prendre en compte est, dans chaque cas, celle qui utilisera l'invention... Un mémoire descriptif peut donc être adressé à plusieurs catégories d' « ouvriers ordinaires » et le fait qu'une personne ait besoin de l'aide d'une personne compétente dans un autre domaine pour bien le comprendre ne constitue pas une objection. Il n'est pas nécessaire que le titulaire du brevet donne des instructions aux personnes qui ne connaissent nullement la matière visée par l'invention sur tout ce qu'elles doivent savoir pour en comprendre l'objet. Comme le lord juge Lindley l'a dit dans l'arrêt Edison and Swan Electric Light Co. v. Holland : [traduction] « Même si une catégorie de personnes comprend une partie seulement du mémoire descriptif et qu'une autre en saisit l'autre partie, il se peut que le brevet soit valable » . Dans Osram Lamp Works Ltd. v. Pope's Electric Lamp Co. Ltd., le lord juge Parker a commenté plus à fond ce principe : [traduction] « Il se peut qu'il soit nécessaire d'avoir recours à des connaissances dans plusieurs domaines. Une partie des directives contenues dans le mémoire descriptif devra peut-être être exécutée par des mécaniciens compétents et une autre par des chimistes compétents. En pareil cas, le mécanicien et le chimiste sont censés collaborer pour atteindre l'objectif visé de façon que chacun puisse combler les lacunes techniques de l'autre... » [Références omises]

[38]       La MRC soutient que des connaissances dans les domaines de la frappe, de la métallurgie et de l'électrodéposition sont essentielles pour un certain nombre de raisons. Le brevet 073 vise une méthode de fabrication d'ébauches convenant à la frappe. Par conséquent, la personne versée dans l'art doit posséder une certaine connaissance des méthodes et de l'équipement servant à la frappe et de ce qui « convient » à cette fin. Comme une étape de la méthode faisant l'objet du brevet 073 est le recuit des ébauches métalliques et qu'un certain nombre de métaux pouvant être utilisés comme âme sont mentionnés dans le brevet, une personne versée dans l'art doit être bien informée en matière de traitement thermique de divers métaux. De même, la méthode de l'invention comprend une étape d'électrodéposition. La personne versée dans l'art doit donc être bien informée au sujet de l'électrodéposition et des conditions requises pour l'application par électrodéposition d'un métal sur un autre.

[39]       J'accepte l'argument de la MRC. Dans le présent cas, il est clair à la lecture du brevet 073 que celui-ci s'adresse à une personne ou à une équipe de personnes bien informées en matière de frappe, de métallurgie et d'électrodéposition.


[40]       La principale différence entre les positions des parties concernant l'interprétation des revendications en litige porte sur le sens des mots « [...] placer le contenant dans un bain électrolytique, appliquer un revêtement métallique sur les âmes par électrodéposition, l'opération se pratiquant en déplaçant le contenant angulairement par rapport à un axe horizontal jusqu'à ce que l'épaisseur du métal déposé atteigne au moins 0,01 mm environ [¼] » . La question est de savoir si un revêtement constitué de plusieurs couches de métaux peut être compris dans le sens de ces mots.

[41]       Au sujet du brevet 073, M. Hill, dans son rapport, déclare ce qui suit :

[traduction] 41. Le brevet 073 m'apprend que l'étape de recuit peut être effectuée avant l'électrodéposition de sorte que les ébauches d'acier dur sont amollies avant leur revêtement. Les coûts du traitement thermique seraient à peu près les mêmes pour la méthode NBS et la méthode brevetée. Il est précisé dans le brevet que, dans le cas d'un acier à basse teneur en carbone, il est possible par un réglage approprié du traitement thermique et de la vitesse de refroidissement d'amollir l'acier pour qu'il constitue un substrat acceptable pour la frappe.

46. En 1981 et en 1985, une personne versée dans l'art aurait compris que l'expression « appliquer un revêtement métallique sur les âmes par électrodéposition » signifiait qu'une substance métallique serait appliquée par électrodéposition sur une ébauche. Elle aurait également été bien informée du fait que l'application par électrodéposition de couches multiples de différents matériaux était pratique courante. Le brevet 073 ne se limite pas au dépôt d'un seul métal, et, en 1981, j'aurais compris que le brevet, dans son concept, comprenait non seulement le dépôt d'une couche d'un type de métal mais également le dépôt de plusieurs couches successives de différents métaux avant que les ébauches ne soient retirées des tonneaux d'électrolyse pour les opérations suivantes.

54. En tant que métallurgiste, je peux dire qu'en 1981, en 1985 et même aujourd'hui, le nombre de couches appliquées dans la méthode d'électrodéposition est sans importance pour ce qui a trait à la méthode en cause. Ce qui importe est que le métal appliqué couvre entièrement l'ébauche, qu'il constitue un revêtement de surface continu, ininterrompu, qui est conservé après la frappe.


[42]       En contre-interrogatoire, M. Hill a reconnu que les mots utilisés dans les revendications laissent entendre un seul bain d'électrolyse et un seul revêtement métallique sur les âmes.

[43]       M. Jonas s'est surtout intéressé à la teneur en carbone de l'âme d'acier. Dans son rapport, il fait remarquer que la revendication 4, par opposition à la revendication 2, spécifie un intervalle de teneur en carbone pour l'âme d'acier (d'environ 0,005 à environ 0,1 % en poids) qui englobe les aciers à ultra-bas carbone et les aciers doux classiques. La revendication 6 précise que si la teneur en carbone est supérieure à environ 0,01 % en poids, le traitement doit être ralenti pour réduire la dureté de l'acier à moins de 50 environ sur l'échelle Rockwell 30T.

[44]       M. Jonas souligne également que la dureté sur l'échelle Rockwell 30T prévue dans la revendication 6 est plus faible que dans la revendication 2. C'est un point important, selon lui, car l'acier plus mou entraîne une usure moindre des coins lors de la frappe et permet une meilleure reproduction de l'illustration figurant sur les coins. En outre, comme l'acier plus mou se déforme facilement, le revêtement devrait avoir moins tendance à se détacher de l'âme lors de la frappe.


[45]       M. Jonas présente ensuite, dans son rapport, son interprétation des éléments essentiels des revendications. Il écrit :

[traduction] 20.            Dans l'ensemble, selon mon interprétation, les éléments essentiels de ces revendications sont :

(i)             l'emploi d'aciers à ultra-bas carbone (de 0,005 à 0,01 % de carbone), qui ont une teneur en carbone plus faible (et, par conséquent, une dureté moindre) que les aciers à bas carbone classiques (de 0,05 à 0,10 % de carbone);

(ii)           le fait que le recuit (défini plus loin) des âmes est effectué après (plutôt qu'avant) le découpage des ébauches et avant plutôt qu'après l'électrodéposition;

(iii)          le fait que le recuit effectué sur les âmes d'acier prévues vise à atteindre une dureté inférieure à environ 65 (et même inférieure à environ 50 pour la revendication 6) sur l'échelle Rockwell 30T. Une telle dureté, particulièrement dans le dernier cas, correspond à des aciers très doux et, par conséquent, relativement formables (voir plus haut);

iv)           le fait que les âmes sont revêtues par électrodéposition au tonneau après le découpage des ébauches, alors que le revêtement était appliqué par électrodéposition sur bande ou laminage avant le découpage des ébauches dans les méthodes antérieures.

[46]       En contre-interrogatoire, un certain nombre de questions ont été posées à M. Jonas sur le sens de l'expression « un revêtement métallique » dans le contexte des revendications. Il a soutenu qu'un revêtement métallique pouvait comporter plusieurs couches.


[47]       Dans son rapport d'expert, M. Risebrough affirme que la définition élargie du mot « pièce de monnaie » [ « coin » en anglais] dans le brevet 073 est importante. Un examen de l'état de la technique décrit dans le brevet révèle que l'épaisseur minimale du revêtement appliqué par électrodéposition des pièces moins coûteuses était de 0,03 à 0,05 mm sur chaque face et de deux à quatre fois plus élevée sur le pourtour. L'âme revêtue était recuite de sorte que la dureté de l'ébauche soit réduite à moins de 65 sur l'échelle Rockwell 30T, et une liaison métallurgique était formée entre l'âme et le revêtement. L'examen de l'état de la technique révèle également que des précautions devaient être prises pour éviter que la surface métallique de l'ébauche ne se détériore lors du recuit effectué après le revêtement.

[48]       Selon M. Risebrough, l'invention faisant l'objet du brevet 073 repose, d'abord, sur la découverte que l'opération de recuit peut avoir lieu avant l'étape du revêtement et que la liaison métallurgique peut être omise. Une personne versée dans l'art comprendrait qu'une simple liaison mécanique suffit pour résister à la force de la frappe et à l'usure prévisible des pièces. Le deuxième point nouveau est l'épaisseur de la couche de revêtement appliquée par électrodéposition qui peut être de 0,01 mm, alors que l'exigence antérieure était de 0,03 à 0,05 mm.


[49]       M. Risebrough souligne également que le brevet indique au lecteur d'utiliser la méthode d'électrodéposition du brevet 014 des États-Unis qui porte sur l'application par électrodéposition d'un revêtement de nickel de 0,05 mm d'épaisseur sur l'acier. Toutefois, aucune information n'est fournie sur les méthodes appropriées d'électrodéposition pour l'application d'autres métaux sur d'autres âmes.

[50]       M. Risebrough note également que l'un des exemples donnés de combinaisons d'âme et de revêtement convenables comporte plus d'une couche de revêtement.

[51]       Il fait ensuite les remarques suivantes :

[traduction] 32.             Un certain nombre de points ressortent des revendications.

a)             La revendication 1 décrit une méthode de recuit visant à amollir une âme métallique et à y appliquer par électrodéposition un revêtement métallique.

b)            La méthode semble indiquer un seul bain d'électrolyse. Il est écrit :

... placer le contenant dans un bain électrolytique, appliquer un revêtement métallique sur les âmes par électrodéposition, l'opération se pratiquant en déplaçant le contenant angulairement par rapport à un axe horizontal jusqu'à ce que l'épaisseur du métal déposé atteigne au moins 0,01 mm environ sur les deux faces de toutes les âmes ¼

Le tonneau est donc laissé dans le même bain jusqu'à ce que le revêtement déposé atteigne au moins 0,01 mm. Cette méthode ne semble s'appliquer qu'à la première de couches multiples, comme l'exemple de l'or sur cuivre sur nickel donné à la page 5 du brevet.

c)             Seulement la revendication 3 mentionne des métaux précis pour le revêtement d'âmes en acier.

d)            Les autres revendications concernant les âmes d'acier ne semblent comporter aucune restriction concernant le métal de revêtement.


e)             Six des douze revendications (revendications 2 à 7) se rapportent à l'acier ayant différentes teneurs en carbone et à des méthodes de refroidissement pour l'acier recuit, ce qui porte à croire que les inventeurs estimaient que cette information était nouvelle et constituait une partie importante de l'invention.

f)             La revendication 2 semble viser tout acier, quelle que soit sa teneur en carbone.

[52]       Après une longue analyse du sens de l'expression « convenant à la frappe de pièces de monnaie » , M. Risebrough déclare :

[traduction] 42. Cette restriction permet de reformuler plus précisément les assertions du brevet comme suit :

a)             On ignorait que la liaison mécanique obtenue lorsque le recuit précède l'électrodéposition (par opposition à la liaison métallurgique obtenue lorsque le recuit a lieu après) et qu'une épaisseur minimale de revêtement sur les faces de 0,01 mm (au lieu de 0,03 à 0,05 mm) suffisaient pour la production d'ébauches formables, aptes à être frappées et converties en pièces capables de résister à la corrosion et à l'usure pendant la durée de vie prévue des pièces de monnaie.

b)            La méthode brevetée fournira des ébauches formables, aptes à être frappées et converties en pièces capables de résister à la corrosion et à l'usure pendant la durée de vie prévue des pièces de monnaie.

[53]             Dans son rapport d'expert, M. Schlesinger déclare :

[traduction] 118.           Le brevet décrit une méthode de fabrication d'ébauches convenant à la frappe de pièces de monnaie. Un résumé de la méthode est présenté à la page 2. Une personne versée dans l'art aurait compris que la méthode comprend deux étapes essentielles : recuit pour amollir les âmes de forme discoïde et application par électrodéposition au tonneau d'une couche de métal d'au moins 0,01 mm d'épaisseur.


[54]             Concernant le nombre de couches du revêtement, l'avis de M. Schlesinger est le suivant :

[traduction] 126.           Une personne versée dans l'art aurait compris que la méthode décrite a trait à l'application par électrodéposition d'un revêtement métallique, d'au moins 0,01 mm d'épaisseur, sur une âme. À mon avis, les mots suivants du brevet en litige l'établissent clairement :

de la page 2, ligne 29, à la page 3, ligne 2 : « ... placer le contenant dans un bain électrolytique, appliquer un revêtement métallique sur les âmes par électrodéposition, l'opération se pratiquant en déplaçant le contenant angulairement par rapport à un axe horizontal jusqu'à ce que l'épaisseur du métal déposé atteigne au moins 0,01 mm environ sur les deux faces de toutes les âmes ¼. » [Gras ajouté)

Des phrases similaires se trouvent dans la description de l'invention, la seule exception étant la mention à la page 5 de l'or sur cuivre sur nickel, mais aucune méthode pour la fabrication d'une ébauche ainsi constituée n'est décrite dans le brevet ni mentionnée dans une revendication.

[55]             Dans son rapport de réfutation, M. Schlesinger mentionne un phénomène de croissance épitaxiale qui cause une distorsion de la structure réticulaire du métal déposé par électrolyse. Lorsque la couche déposée dépasse environ 0,015 mm, les distorsions sont réduites au minimum à la surface externe du métal déposé. Ce n'est pas le cas lorsque la couche déposée est moindre. L'épaisseur exacte à laquelle les distorsions sont ainsi réduites est fonction du métal déposé, mais elle est généralement supérieure à 0,015 mm environ. Par conséquent, lorsqu'une mince couche de métal doit être déposée et qu'une deuxième couche est prévue, il est important que l'électroplaste connaisse les propriétés de la couche mince, car les distorsions peuvent modifier l'adhérence et d'autres propriétés du produit fini.


[56]             M. Schlesinger ajoute également dans son rapport de réfutation que [traduction] « les conditions d'électrodéposition pour l'application d'un deuxième métal sur une première couche d'un autre métal doivent souvent être déterminées pour chaque application spécifique » . D'après lui, en 1985, une certaine expérimentation aurait été nécessaire pour déterminer les conditions précises. Pour ces motifs, il conclut, dans ce rapport, que :

[traduction] 12. Lorsqu'une méthode concerne l'application de plusieurs couches de revêtement par électrodéposition, en particulier lorsqu'il s'agit de couches minces, les personnes versées dans l'art, normalement, le mentionnent expressément et précisent les conditions de chaque étape d'électrodéposition.

13.           Comme je l'ai affirmé dans ma déclaration antérieure, à mon avis, une personne versée dans l'art, à la lecture du brevet de Westaim, comprendrait que celui-ci est limité à l'application par électrodéposition d'une seule couche métallique d'au moins 0,01 mm d'épaisseur sur une âme.

[57]             En contre-interrogatoire, M. Lee a également été interrogé sur le nombre de couches envisagé dans le revêtement. Compte tenu des brevets antérieurs mentionnés dans le brevet 073, en particulier le brevet 374 comportant le dépôt de plusieurs couches, le brevet en litige, à son avis, viserait également un produit qui comporterait plusieurs couches. M. Lee a reconnu que rien dans le libellé des revendications n'indique s'il y a une ou plusieurs couches de revêtement. Cependant, il a maintenu que le revêtement pourrait comporter plus d'une couche.


[58]             La MRC fait valoir que le texte des revendications, selon le sens ordinaire des mots, laisse entendre un revêtement constitué d'une seule couche de métal. Le texte fait allusion à l'application d'une seule couche de métal à l'étape de l'électrodéposition. En particulier, la MRC souligne l'emploi des termes « un revêtement métallique » , « un bain électrolytique » et « épaisseur du métal déposé » dans le texte des revendications. L'étape de l'électrodéposition y est décrite comme une opération unique, continue, se poursuivant jusqu'à l'obtention d'une épaisseur minimale. En outre, aucune des revendications ne mentionne plus d'une couche de revêtement. La MRC soutient que les témoignages de MM. Hill, Risebrough et Schlesinger appuient cette affirmation.


[59]             D'après la MRC, le libellé des revendications étant clair et non ambigu, Westaim doit recourir à une interprétation téléologique des revendications pour en élargir le sens de manière à englober une variante comportant plusieurs couches dans le revêtement. Comme les éléments des revendications doivent être tenus pour essentiels, la première question à se poser dans la présente analyse est s'il existe des mots dans les revendications qui indiqueraient que plusieurs couches sont envisagées. Encore une fois, en s'appuyant sur le libellé précis des revendications et les témoignages de MM. Hill, Risebrough et Schlesinger, la MRC soutient qu'aucune partie du libellé des revendications ne permet de croire que la variante revendiquée par Westaim entre dans le cadre des revendications. Elle soutient également que la mention, dans la divulgation, de l'or sur cuivre sur nickel en tant que revêtement convenable ne peut être invoquée pour réécrire les revendications de façon à englober les revêtements métalliques multicouches.

[60]             La deuxième question est donc de savoir si une variante à plusieurs couches représente une différence fonctionnelle pour le fonctionnement de l'invention. La MRC affirme qu'il s'agit d'une différence fonctionnelle. Elle s'appuie sur le témoignage de M. Schlesinger qui reconnaît que la méthode d'électrodéposition diffère substantiellement selon qu'elle comporte une ou plusieurs couches. Elle fait en outre valoir qu'une personne versée dans l'art aurait expressément précisé que l'application de plusieurs couches était envisagée, notant que des brevets antérieurs de Westaim plaident en ce sens.

[61]             D'après la MRC, M. Hill, qui a déclaré dans son témoignage que le nombre de couches appliquées à l'étape de l'électrodéposition importe peu dans la méthode, n'était pas reconnu comme un expert en électrodéposition. Il n'était donc pas en mesure de donner une opinion concernant les différences fonctionnelles des méthodes d'électrodéposition pour l'application d'une ou de plusieurs couches.


[62]             La MRC soutient que la preuve montre clairement que la variante à couches multiples revendiquée par Westaim implique une méthode fonctionnellement différente. Par conséquent, il n'est pas nécessaire dans l'analyse de se demander s'il aurait été évident pour une personne versée dans l'art que la variante impliquait ou non une modification substantielle du fonctionnement de l'invention.

[63]             Enfin, la MRC fait valoir que Westaim ne s'est pas acquittée du fardeau lui incombant d'établir que les éléments des revendications se rapportant à la méthode d'électrodéposition sont non essentiels. En conséquence, ces éléments doivent être tenus pour essentiels.

[64]             Westaim soutient que l'interprétation des revendications reposant sur leur simple lecture dans le contexte de l'ensemble du mémoire descriptif ne diffère pas de celle faite avec l'aide d'une personne versée dans l'art.


[65]             D'après Westaim, la lecture de la divulgation révèle que le brevet vise la production d'ébauches revêtues convenant à la frappe de pièces de monnaie. Ce qui distingue principalement l'invention par rapport à l'état de la technique le plus pertinent est le fait que les âmes, après avoir été découpées, sont recuites avant plutôt qu'après leur revêtement. La formation d'une liaison métallurgique entre l'âme et le revêtement peut être omise. La divulgation fournit des instructions pour le recuit des aciers à bas et à ultra-bas carbone. Elle précise une épaisseur minimale d'au moins 0,01 mm environ et de préférence entre 0,01 et 0,1 mm environ, pour le revêtement. La technique de revêtement à employer est l'électrodéposition au tonneau décrite par Sherritt dans ses autres brevets, comme le brevet 014. La divulgation mentionne divers métaux utilisables pour l'âme et le revêtement. Le mot « revêtement » y est utilisé pour désigner des couches de métaux simples ou multiples.

[66]             Dans ce contexte, Westaim soutient qu'il ressort clairement d'une simple lecture des revendications que les éléments essentiels de la revendication 2 sont : fournir des âmes d'acier découpées, les recuire pour réduire leur dureté de sorte qu'elle soit inférieure à environ 65 sur l'échelle Rockwell 30T après refroidissement et leur appliquer par électrodéposition au tonneau un revêtement d'au moins 0,01 mm d'épaisseur sur les faces et de deux à quatre fois plus épais sur le pourtour. Les éléments essentiels de la revendication 4 sont les mêmes que ceux de la revendication 2, sauf que les âmes d'acier découpées ont une teneur en carbone d'environ 0,005 à environ 0,1 % en poids. Les éléments essentiels de la revendication 6 sont les mêmes que ceux de la revendication 4, sauf que les âmes d'acier ont une teneur en carbone supérieure à environ 0,01 % en poids et qu'elles sont recuites de sorte que leur dureté soit inférieure à environ 50 sur l'échelle Rockwell 30T.


[67]             Westaim fait valoir que MM. Hill, Jonas, Schlesinger et Risebrough conviennent tous que la caractéristique essentielle de l'invention est de soumettre les âmes d'acier au recuit avant plutôt qu'après leur revêtement. À cet égard, l'interprétation des revendications faites avec l'aide des personnes versées dans l'art correspond au sens ordinaire du texte des revendications.

[68]             D'après Westaim, le sens du mot « revêtement » est le seul point sur lequel les experts ne s'entendent pas. D'après MM. Lee et Jonas, un revêtement constitué de plusieurs couches de métaux était envisagé dans l'invention revendiquée. M. Hill était d'avis que la méthode décrite dans le brevet comprenait le dépôt d'une seule couche de métal et le dépôt de plusieurs couches de métaux avant le retrait des ébauches des tonneaux d'électrodéposition. En contre-interrogatoire, il a concédé que le texte des revendications laisse entendre un seul revêtement, mais on ne lui a pas demandé combien de couches pourrait comporter le revêtement.

[69]             D'après Westaim, l'opinion des experts de la MRC que le mot « revêtement » dans les revendications désigne un revêtement ayant une seule couche de métal repose sur une interprétation grammaticale des revendications. Aucun des experts de la MRC, toutefois, n'a indiqué que le nombre de couches du revêtement constituait un élément essentiel de l'invention.


[70]             Westaim insiste sur le fait que le brevet 073 n'est pas un brevet sur l'électrodéposition. Bien que l'application d'un revêtement sur les âmes par électrodéposition soit un élément essentiel de l'invention, les détails de la méthode d'électrodéposition ne sont pas des éléments essentiels des revendications.

[71]             Tel qu'il a été mentionné précédemment, la tâche de la cour dans l'interprétation des revendications est de cerner les éléments essentiels et non essentiels des revendications. Comme il est dit dans l'arrêt Whirlpool, précité au paragraphe 48 :

...ce sont les revendications écrites qui précisent la portée du monopole, mais comme auparavant, on obtient la souplesse et l'équité en différenciant les caractéristiques essentielles ( « l'essence » ) de celles qui ne sont pas essentielles, au moyen d'une lecture éclairée de l'ensemble du mémoire descriptif par la personne versée dans l'art à qui il s'adresse plutôt qu'au moyen du « genre d'analyse terminologique méticuleuse que les avocats sont trop souvent tentés de faire en raison de leur formation » ...

[72]             Dans l'arrêt Free World Trust, le juge Binnie a souligné la primauté du libellé des revendications pour la détermination de la portée du monopole. C'est toutefois une interprétation téléologique des revendications qui définit la portée du monopole. Au paragraphe 55 de cet arrêt, le juge Binnie fait remarquer qu'un élément est essentiel si « la substitution d'un autre élément ou une omission fait en sorte que l'appareil échappe au monopole » , et qu'il est non essentiel lorsque « la substitution ou l'omission n'entraîne pas nécessairement le rejet d'une allégation de contrefaçon » . Pour qu'un élément d'une invention soit considéré non essentiel, explique-t-il, il faut établir que :


(i), suivant une interprétation téléologique des termes employés dans la revendication, l'inventeur n'a manifestement pas voulu qu'il soit essentiel, ou que (ii), à la date de la publication du brevet, le destinataire versé dans l'art aurait constaté qu'un élément donné pouvait être substitué sans que cela ne modifie le fonctionnement de l'invention, c.-à-d. que, si le travailleur versé dans l'art avait alors été informé de l'élément décrit dans la revendication et de la variante et [traduction] « qu'on lui avait demandé de déterminer si la variante pouvait manifestement fonctionner de la même manière » , sa réponse aurait été affirmative...

[73]             Par l'expression « fonctionner de la même manière » , il faut entendre que « la variante (ou le composant) accomplirait essentiellement la même fonction, d'une manière essentiellement identique pour obtenir essentiellement le même résultat » .

[74]             Enfin, le juge Binnie affirme que l'interprétation des revendications doit être fondée sur le mémoire descriptif lui-même, indépendamment de toute preuve extrinsèque.


[75]             Concernant le premier critère mentionné par le juge Binnie pour déterminer si un élément d'une revendication est non essentiel, la preuve ne permet pas, à mon avis, d'établir, suivant une interprétation téléologique, que les précisions sur l'électrodéposition contenues dans le texte n'étaient pas considérées comme des éléments essentiels des revendications. À la lecture des revendications dans le contexte de l'ensemble du mémoire descriptif, il paraît clair que les inventeurs estimaient que le revêtement métallique devait avoir au moins 0,01 mm d'épaisseur. MM. Hill, Schlesinger et Risebrough s'accordent pour dire que, d'après le libellé, les revendications prévoient un revêtement appliqué par électrodéposition en une seule opération continue. MM. Jonas et Lee ont soutenu que, en principe, le mot « revêtement » pourrait s'entendre de plusieurs couches de métaux, mais leur opinion n'était pas fondée sur l'utilisation du mot dans le contexte du libellé précis des revendications. Le fait qu'un des revêtements mentionnés dans la divulgation comporte des couches multiples indique que les inventeurs considéraient que le brevet s'appliquait à des ébauches ayant un revêtement constitué de plus d'une couche de métal déposée, mais cela ne permet pas nécessairement de conclure que lorsque plusieurs couches sont appliquées, la première peut avoir moins de 0,01 mm. Cela cadre également avec la notion que l'épaisseur minimale de la première couche doit être de 0,01 mm lorsque plusieurs couches sont déposées. Je n'ai rien trouvé dans le libellé qui indiquerait clairement que les inventeurs ne voulaient pas que la première couche déposée ait une épaisseur minimale de 0,01 mm. À mon avis, rien dans le libellé des revendications n'indique que les inventeurs ne tenaient clairement pas à une première couche de 0,01 mm, que c'était un élément non essentiel.

[76]             La deuxième question est de savoir s'il aurait été évident pour un travailleur versé dans l'art, à la date de publication du brevet, qu'on pouvait remplacer un revêtement monocouche par un revêtement multicouche sans conséquence pour le fonctionnement de l'invention.


[77]             M. Schlesinger a expliqué en détail sa conclusion que l'application de couches multiples représentait une modification importante de la méthode d'électrodéposition. Néanmoins, à mon avis, il importe de faire une distinction entre la méthode d'électrodéposition et la méthode de l'invention. La conclusion de M. Schlesinger relative à un effet sur le fonctionnement s'applique seulement à l'étape de l'électrodéposition et non à la méthode de l'invention elle-même.

[78]             Concernant cette deuxième question, je juge le témoignage de M. Hill persuasif. Selon lui, un revêtement peut être décoratif ou protecteur. Sa fonction est de recouvrir l'âme des pièces d'une surface continue, ininterrompue, conservée après la frappe. Le nombre de couches appliquées à l'étape de l'électrodéposition ne modifie pas fonctionnellement la méthode de l'invention. M. Hill indique que cela aurait été évident à la date de publication du brevet.

[79]             La méthode de l'invention revendiquée vise à produire une ébauche revêtue par électrodéposition convenant à la frappe. Bien que l'application de plus d'une couche par électrodéposition puisse créer des problèmes additionnels à l'étape de l'électrodéposition, la fonction du revêtement demeure la même, quel que soit le nombre de couches métalliques. Le nombre de couches ne modifierait pas substantiellement le fonctionnement de la méthode brevetée. On obtiendrait « substantiellement le même résultat » que le revêtement comporte une ou plusieurs couches métalliques. Le résultat est une ébauche dotée d'un revêtement pouvant recevoir une empreinte, c'est-à -dire convenant à la frappe.


[80]             Avant de présenter mes conclusions au sujet des éléments essentiels des revendications, une remarque additionnelle s'impose concernant les âmes d'acier. Comme toutes les revendications prévoient un recuit des âmes pour réduire la dureté de l'acier jusqu'au degré requis, il ressort implicitement que les « âmes métalliques de forme discoïde appropriée » sont découpées dans des bandes d'acier dur.

[81]             En me fondant sur la preuve et ma lecture du brevet avec l'aide des experts, je conclus que les éléments essentiels des revendications sont :

Revendication 2 :           Fournir des âmes d'acier découpées; chauffer les âmes et les refroidir ensuite afin que leur dureté soit inférieure à environ 65 sur l'échelle Rockwell 30T; déposer sur les âmes, par électrodéposition au tonneau, un revêtement métallique d'au moins 0,01 mm d'épaisseur sur chaque face et de deux à quatre fois plus épais sur le pourtour.

Revendication 4 :           Outre les éléments essentiels de la revendication 2, la teneur en carbone des âmes d'acier découpées se situe dans l'intervalle d'environ 0,005 à environ 0,1 % en poids.


Revendication 6 :           Outre les éléments essentiels de la revendication 4, la teneur en carbone des âmes d'acier découpées se situe dans l'intervalle d'environ 0,01 à environ 0,1 % en poids; en outre, les âmes sont chauffées puis refroidies à un rythme permettant d'obtenir une dureté inférieure à environ 50 sur l'échelle Rockwell 30T.

Validité

[82]             Comme il a été dit précédemment, la MRC conteste la validité du brevet pour un certain nombre de motifs. Selon l'article 45 de la Loi, un brevet est présumé valide sauf preuve contraire. Dans Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp. (1991), 35 C.P.R. (3d) 350 à la page 359, le juge Décary conclut qu'il incombe à la partie contestant la validité du brevet de prouver, selon la prépondérance des probabilités, l'invalidité alléguée.

[83]             L'article 27 de la Loi restreint ce qui peut être breveté et exige que l'invention revendiquée soit nouvelle. L'invention ne peut avoir déjà été faite et divulguée par une autre personne, publiée dans une publication imprimée, ou encore utilisée ou vendue au Canada. La MRC soutient que l'invention revendiquée a été antériorisée de trois façons :

a) l'invention revendiquée était connue et utilisée par des employés de l'United States Mint et d'autres personnes collaborant avec eux avant que les inventeurs ne l'inventent et qu'elle ne soit rendue publique dans un rapport de l'United States Treasury Department intitulé Alternative Materials for One-Cent Coinage;


b) elle a été publiée dans le brevet 1558803 (brevet 803) au Royaume-Uni plus de deux ans avant la date de dépôt au Canada du brevet 073;

c) plus de deux ans également avant la date de dépôt au Canada du brevet 073, Sherritt a accordé à un employé d'un entrepreneur en électrodéposition indépendant un accès illimité à une pièce de nickel argentée.

[84]             La MRC s'appuie également sur le contenu du rapport de l'United States Treasury Department et le brevet 803 dans ses arguments sur l'évidence.

[85]             Dans Beloit Canada Ltée c. Valmet Oy, (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 à la page 294, le juge Hugessen (alors juge à la Section d'appel) a fait observer que lorsque la validité d'un brevet était contestée pour motif d'antériorité et d'évidence, la question de l'évidence devait être considérée en premier. Il a expliqué que : « un brevet qui n'a pas de valeur inventive ne peut être nouveau; un brevet à qui la nouveauté fait défaut peut quand même être inventif » .

[86]            En conséquence, j'aborderai d'abord la question de l'évidence.

Évidence


[87]             La date pertinente pour évaluer lvidence est la date d'invention que l'on présume être la date de dépôt de la demande de brevet, qui correspond, dans le présent cas, à la date de priorité. Il incombe au brevetéqui veut invoquer une date plus ancienne dtablir la date revendiquée de l'invention.

[88]             Dans le présent cas, Westaim fait valoir que la date d'invention de la méthode de recuit avant revêtement aux fins de la fabrication d'ébauches convenant à la frappe remonte à septembre 1976 et même plus tôt à février/mars 1976. Les inventeurs avaient alors conçu l'idée de recuire les âmes métalliques avant l'électrodéposition, avaient testé les étapes essentielles de la méthode et avaient obtenu confirmation que la méthode fournissait des ébauches se comportant bien à la frappe.

[89]             D'après Westaim, l'essence de l'invention est l'ordre d'exécution des étapes de la méthode. D'autres aspects des revendications, comme la teneur en carbone de l'acier et l'épaisseur minimale du revêtement métallique, ne seraient pas importants pour la détermination de la date de l'invention.


[90]             Deux points sont soulevés dans la réponse de la MRC. D'abord, celle-ci affirme que les travaux des inventeurs, en 1976, n'étaient pas suffisants pour appuyer toute la portée des revendications en litige. Elle soutient que, en 1976, les inventeurs ne savaient pas comment appliquer la méthode avec les aciers à plus forte teneur en carbone, moins coûteux; exception faite du nickel sur l'acier, ils n'auraient pas su comment effectuer l'électrodéposition dans le cas de revêtements et d'âmes en d'autres métaux; ils n'auraient pas su, non plus, comment réaliser l'électrodéposition pour obtenir une épaisseur de 0,01 mm ou encore une épaisseur d'au moins 0,1 mm.

[91]             Deuxièmement, selon la MRC, les inventeurs n'ont jamais inventé l'invention revendiquée, à plus forte raison en 1976. La MRC soutient que, exception faite du nickel, les inventeurs ont eu recours à des entrepreneurs indépendants pour appliquer le revêtement par électrodéposition sur les âmes pré-recuites et qu'ils ignoraient les conditions d'exécution de la méthode d'électrodéposition dans le cas d'autres métaux. Les inventeurs n'auraient jamais soumis une âme pré-recuite à l'électrodéposition jusqu'à obtention de l'épaisseur minimale indiquée dans les brevets ni jusqu'à une épaisseur de 0,1 mm. En outre, l'idée qu'une épaisseur minimale de revêtement de 0,01 mm était suffisante aurait été fournie par un fabricant allemand.

[92]             Bien que des revendications soient formulées concernant l'acier ayant une teneur en carbone dans la gamme des aciers sans interstitiels, les inventeurs n'ont pas utilisé ce type d'acier. Ils n'ont pas effectué non plus d'essais sur des aciers à teneur en carbone supérieure à 0,1 % en poids pour déterminer si la méthode de recuit réduirait la dureté de l'acier suffisamment pour lui donner les qualités voulues pour la frappe.


[93]             Enfin, l'emploi d'âmes en cupronickel avait été suggéré par l'U.S. Mint en 1976, et les inventeurs n'ont pas travaillé sur le cupronickel.

[94]             Dans Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Ltd., (1992), 45 C.P.R. (3d) 449 aux pages 462 et 463, le juge Mahoney a résumé comme suit les principes pertinents pour déterminer la date d'une invention :

Celui qui dépose une demande de brevet est tenu, aux termes du par. 36 (1) de la Loi [SRC 1970, ch. P-4 - aujourd'hui par. 34 (2)], de terminer la divulgation de son invention par

une ou plusieurs revendications exposant distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif.

La loi n'exige pas que les revendications que comporte le brevet aient été formulées avant le moment où l'on considère que l'invention a été faite. La seule condition est que, si l'inventeur souhaite invoquer une date d'invention antérieure à la date de priorité légalement reconnue au brevet, il établisse cette date par une preuve forte, suivant la balance des probabilités.

Les principes sont bien établis. Dans l'arrêt Permutit v. Borrowman, [1926] 4 D.L.R. 285, à la p. 287 [ainsi que 95 L.J.P.C. 164 et 43 R.P.C. 356], le Comité judiciaire du Conseil privé s'est exprimé comme suit en appel d'une affaire canadienne :

[traduction] Il ne suffit pas que quelqu'un dise qu'une idée lui trottait dans la tête; il faut à tout le moins qu'il lui ait donné une forme définie et concrète pour qu'on puisse dire qu'il a inventé un procédé.

Dans l'arrêt Christiani & Nielsen v. Rice, [1930] R.C.S. 443 à la p. 456 [ainsi que [1930] 4 D.L.R. 401 à la p. 412], on a statué ainsi :

[traduction] La conclusion est donc, en l'espèce, que la date de découverte de l'invention est réputée être la date à laquelle l'inventeur peut établir qu'il a formulé pour la première fois, oralement ou par écrit, une description susceptible de représenter ce qu'il a inventé.

Après avoir examiné ces arrêts, le président Thorson a jugé, dans l'affaire Ernest Scragg & Sons v. Leesona, 45 C.P.R. 1, à la p. 32 [ainsi que [1964] Ex. C.R. 649, 26 Fox Pat. C. 1], que le critère énoncé dans l'arrêt Christiani & Nielsen n'était pas censé remplacer le principe général de l'arrêt Permutit et il a conclu que la date de l'invention


[traduction] pouvait aussi être, suivant la preuve, la date à laquelle l'appareil a été fabriqué, ou dans le cas d'un procédé, la date à laquelle il a été utilisé. Le fait essentiel à établir est qu'à la date alléguée, l'invention n'était plus simplement une idée qui trottait dans la tête de l'inventeur mais avait pris une forme définie et concrète.

[95]             Pour examiner l'assertion de Westaim concernant la date de l'invention dans le contexte des contestations de la validité du brevet pour des motifs d'évidence et d'antériorité, je me pencherai sur les travaux effectués par les inventeurs sur l'acier nickelé. À mon avis, bon nombre des arguments présentés par la MRC pour appuyer son assertion que les inventeurs n'ont pas inventé l'invention revendiquée peuvent être considérés de façon plus appropriée dans le contexte d'autres contestations de la validité du brevet.

[96]             Dans son témoignage, M. Ruscoe a affirmé que l'idée d'effectuer le recuit avant le revêtement électrolytique avait été envisagée pour la première fois au début de 1976 en tant que solution possible au problème des cloques se formant à la surface des ébauches N-B-S lorsque le recuit était effectué après le revêtement.


[97]             Les expériences ont débuté le 4 février 1976. Une étude visant à comparer les ébauches et les pièces obtenues selon que le recuit a lieu avant le revêtement ou après (méthode N-B-S) a été entreprise. Dans le cas des échantillons pré-recuits, les ébauches ont été découpées dans de l'acier A 424 type 1 contenant environ 0,008 % de carbone en poids. Les ébauches ont été recuites, revêtues par électrodéposition d'une couche de nickel d'environ 0,05 mm d'épaisseur et brunies. Désignées « SB 7 » , les ébauches ainsi produites ont été examinées et comparées aux ébauches N-B-S fabriquées à partir d'acier ayant la même teneur en carbone et revêtues par électrodéposition de 0,05 mm de nickel.

[98]             Concernant les pièces SB 7, on peut lire dans les notes du laboratoire :

[traduction] Les pièces obtenues après la frappe paraissent excellentes. Nous devrions maintenant les couper pour s'assurer que leur relief est aussi bon que dans le cas des ébauches standard (p 31) et également déterminer le comportement de l'interface Ni/Fe.

[99]             M. Ruscoe a déclaré que l'examen après la coupe a révélé une bonne adhérence du revêtement de nickel à l'âme pour les échantillons des deux types (recuits avant ou après le revêtement). En outre, le relief était formé de la même façon, confirmant la conclusion de l'examen visuel antérieur quant à l'excellente apparence des pièces frappées obtenues. D'après M. Ruscoe, cela confirmait le succès de l'expérience d'exécution du recuit avant le revêtement. Les essais de dureté ont révélé que le revêtement de nickel des échantillons préalablement recuits était significativement plus dur que celui des échantillons recuits après revêtement. D'après M. Ruscoe, le revêtement plus dur permettrait d'espérer une meilleure résistance à l'usure.

[100]           Dans le rapport d'avancement 1111 daté de mars 1976, M. Ruscoe fait état des résultats de l'étude. Il écrit que les échantillons N-B-S et SB 7 :


[traduction] ... donnent de bons résultats à la frappe, présentant une bonne finition de surface et un relief d'apparence similaire. Ce dernier point a été confirmé par des coupes métallurgiques (851-42). Dans les deux cas, le revêtement de nickel s'est déformé de la même manière, indiquant que les profils des contraintes résultant de la frappe ne sont pas influencés par la différence de dureté des couches de nickel, mais sont plutôt liés à la dureté du substrat ferreux qui dans ce cas était similaire. La méthode SB 7 présente toutefois deux désavantages. Premièrement, la liaison sans diffusion du nickel et du fer représente un désavantage commercial étant donné que notre méthode standard (SB 4/5/6) et la concurrence, l'acier plaqué nickel [Nickel-Clad-Steel], font clairement voir cette couche de liaison. Deuxièmement, la liaison sans diffusion dans les ébauches SB 7 pourrait être propice à une certaine séparation du nickel et du fer lors de la frappe. En conditions d'utilisation rigoureuse, cela pourrait créer des problèmes. Cette observation repose sur une ébauche seulement; de toute évidence, une étude beaucoup plus vaste est requise pour déterminer l'ampleur du problème, s'il y en a un.

Si le problème de formation de cloques persiste dans le projet N-B-S, il conviendrait peut-être de tester à plus grande échelle la méthode SB 7 afin d'en établir la viabilité technique.

[101]           En contre-interrogatoire, M. Ruscoe a affirmé que sur les six ébauches SB 7, deux présentaient de légères fissures à la surface, une affichait une très mauvaise séparation du revêtement de l'âme, tandis que les trois autres ne semblaient avoir aucune fissure. Il a aussi admis que, à ce moment, il n'avait pas été établi si une liaison par diffusion serait nécessaire pour éviter la séparation du nickel et du fer.


[102]           En septembre 1976, les pièces SB 7 produites en mars 1976 ont été soumises à des essais pour établir la qualité de la liaison entre les métaux; il s'agissait d'essais destructifs comprenant sciage, limage, indentation et pliage. Les résultats obtenus ont été comparés à ceux d'essais similaires portant sur des pièces N-B-S. Dans les deux cas, aucune séparation entre le nickel et le fer n'a été observée. Dans son rapport d'avancement 1117, en septembre 1976, M. Ruscoe note :

[traduction] La seule différence est que, dans l'essai de pliage à 180 degrés, le nickel à la surface externe, qui a subi un allongement en traction d'environ 80 %, s'est fissuré dans le présent cas [pièces SB 7] tandis qu'il s'est aminci uniformément dans le cas de la pièce standard. On peut s'attendre à ce que le nickel non recuit soit plus fragile lorsque exposé à des contraintes de traction simple.

[103]           M. Ruscoe a expliqué que l'essai de pliage à 180 degrés n'est normalement pas employé dans le cas des pièces de monnaie. L'étirement associé à la formation du relief varie d'environ 10 à 30 %. L'étirement de 80 % réalisé dans l'essai de pliage à 180 degrés représente donc une épreuve exceptionnelle, non tout à fait pertinente dans le cas des pièces frappées. M. Ruscoe a confirmé que les résultats de cet essai n'ont pas modifié sa conclusion antérieure au sujet de la possibilité d'utiliser une ébauche pré-recuite pour la frappe.

[104]           Aucun travail ou essai n'a été effectué sur les ébauches pré-recuites en 1977 et 1978. Entre 1979 et 1981, Sherritt a engagé trois entrepreneurs indépendants afin d'appliquer par électrodéposition un certain nombre de revêtements métalliques sur des âmes d'acier et de nickel préparées par Sherritt. Ces travaux ont compris les combinaisons suivantes : bronze sur nickel, bronze sur acier, cuivre sur acier, une composition nickel-fer sur acier, argent sur nickel, et or sur cuivre sur nickel.


[105]           En janvier 1981, des essais ont été effectués sur une série d'échantillons d'acier ayant différentes teneurs en carbone. Ces échantillons ont été recuits en appliquant différentes vitesses de refroidissement pour étudier les effets sur la dureté. Plus précisément, l'objectif de ces essais était de déterminer avec certitude la teneur maximale en carbone tolérable avec la méthode N-B-S en utilisant un four à refroidissement lent. Les résultats de ces essais, achevés en mars 1981, constituent le fondement de l'information sur le recuit présentée dans la divulgation du brevet 073.


[106]           Au sujet de l'épaisseur du revêtement, M. Clegg a affirmé dans son témoignage que l'objectif initial, pour le projet N-B-S, était 0,07 mm de nickel, mais qu'il a été rapidement révisé en raison du coût élevé de fabrication qu'entraînait l'emploi d'une telle quantité de nickel. Il a ensuite été établi que 0,05 mm était suffisant pour la discrimination par les machines distributrices. Dans les marchés où ce dernier critère n'était pas important, comme en Amérique centrale et en Amérique du Sud, l'objectif était une épaisseur de nickel suffisante pour que la pièce soit de bonne qualité et ait une longue durée de vie. Il a été déterminé que 0,03 mm était plus que suffisant pour une durée de vie de 20 ans. Il a également été reconnu que la méthode N-B-S pouvait convenir à la fabrication de dollars de commerce, de jetons pour parcomètres et appareils de jeux et d'autres pièces moins coûteuses. D'après M. Clegg, on savait, par expérience, qu'un revêtement de 0,01 mm durerait très longtemps. Il a indiqué que l'épaisseur minimale avait été abaissée à 0,01 mm dans l'éventualité où Sherritt entrerait dans le marché à bas coût des jetons et des médailles.

[107]           Dans son témoignage, M. Ruscoe a affirmé que, en 1976, l'épaisseur du revêtement de nickel requise pour assurer une résistance satisfaisante à l'usure et à la corrosion et offrir les propriétés magnétiques désirées était d'au moins 0,05 mm. En contre-interrogatoire, un certain nombre de questions lui ont été posées sur l'origine de l'idée que, pour produire une ébauche convenant à la frappe, un revêtement de 0,01 mm d'épaisseur suffisait. En particulier, il a été interrogé au sujet d'une note, datée du 28 mai 1981, concernant une réunion de Sherritt où il avait été question d'une demande de brevet allemand. D'après M. Ruscoe, la note rend compte du consensus auquel sont parvenus les participants à la réunion. Il y est écrit que VDM [un fabricant allemand] dit croire que 0,01 mm est techniquement réalisable. Quand on lui a demandé si c'est là qu'il a appris pour la première fois que quelqu'un pensait que 0,01 mm était techniquement réalisable, M. Ruscoe a répondu ne pas se souvenir de ce qu'il savait concernant [traduction] « VDM et la faisabilité » .


[108]          M. Ruscoe a également été interrogé sur les essais effectués sur les ébauches ayant un revêtement d'au moins 0,01 mm d'épaisseur. Il a affirmé que des ébauches N-B-S soumises à des essais en mars 1981 avaient un revêtement de nickel de 0,009 mm sur les faces. Il a également indiqué que les pièces frappées avaient l'air bien. Toutefois, il a également reconnu qu'elles n'auraient pas convenu pour la monnaie en circulation, mais auraient été adéquates comme jetons ou médailles.

[109]           À mon avis, Westaim n'a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, la date revendiquée de l'invention. Comme je l'ai conclu précédemment, les éléments essentiels des revendications en litige comprennent la séquence des étapes de la méthode, l'épaisseur minimale du revêtement métallique et la teneur en carbone de l'acier.

[110]           Concernant l'épaisseur minimale du revêtement métallique, M. Clegg n'a pas indiqué le moment où il est devenu évident que 0,01 mm serait suffisant. D'après M. Ruscoe, aucun essai n'a été effectué sur cette épaisseur avant 1981. Cette preuve, en soi, infirme la date d'invention revendiquée par Westaim. De plus, il ressort clairement des témoignages de MM. Ruscoe et Clegg que les travaux sur les aciers à plus haute teneur en carbone, moins coûteux, ont été entrepris au début de 1981 et ont été achevés en mars 1981. Jusqu'alors, les inventeurs ne connaissaient pas la limite supérieure de la teneur en carbone de l'acier tolérable pour une ébauche convenant à la frappe.


[111]           Cette preuve m'amène à conclure que mars 1981 est la date la plus ancienne possible de l'invention. Concernant les travaux sur l'acier nickelé par électrodéposition, ce n'est pas avant cette date que l'invention revendiquée avait pris « une forme définie et concrète » dans la tête de ses inventeurs.

[112]           Concernant l'évidence, la question clé est de savoir si la séquence des étapes de la méthode divulguée dans le projet 073 était nouvelle. Dans l'arrêt Beloit, précité à la page 293, le juge Hugessen a formulé comme suit le critère juridique de l'évidence :

Pour établir si une invention est évidente, il ne s'agit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème. Un inventeur est par définition inventif. La pierre de touche classique de lvidence de l'invention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle d'esprit inventif ou d'imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d'intuition; un triomphe de l'hémisphère gauche sur le droit. Il s'agit de se demander si, compte tenu de ltat de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l'invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C'est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

Le juge Hugessen a également fait la mise en garde suivante :

Une fois qu'elles ont été faites, toutes les inventions paraissent évidentes, et spécialement pour un expert du domaine. Lorsque cet expert a été engagé pour témoigner, l'infaillibilité de sa sagesse rétrospective est encore plus suspecte.

[113]           Comme cela a été dit précédemment, la MRC prétend qu'une personne versée dans l'art, compte tenu des connaissances générales courantes, serait directement et facilement arrivée à l'invention revendiquée en s'appuyant sur l'information contenue dans le rapport de l'U.S. Treasury intitulé « Alternative Materials for One-Cent Coinage » et le brevet 1558803 du Royaume-Uni.


[114]           Avant d'aborder la preuve, il y a lieu de se demander dans quels cas une étude ou un rapport donnés peuvent être considérés comme ayant été intégrés dans les connaissances d'un travailleur versé dans l'art. Dans l'arrêt Mahurkar c. Vas-Cath of Canada Ltd., [1988] A.C.F. no 58, le juge Strayer dit :

À l'examen de l'état de la technique, les avocats du demandeur m'ont convaincu qu'il y avait lieu d'appliquer un critère objectif pour déterminer si l'on pouvait raisonnablement présumer qu'un technicien expérimenté hypothétique pourrait avoir une connaissance de ces dispositifs antérieurs. Il semble y avoir suffisamment de sources jurisprudentielles pour appliquer un tel critère. Les défenderesses n'ont rien produit pour montrer qu'on devrait présumer qu'un technicien expérimenté ordinaire aurait été au courant de tous ces dispositifs antérieurs. J'ai vraiment du mal à croire qu'en 1981, un technicien expérimenté ordinaire aurait eu connaissance de plusieurs des dispositifs antérieurs.


[115]            Dans le présent cas, un membre du public a pu obtenir le rapport de l'U.S. Treasury Department en vertu de la Freedom of Information Act vers le milieu de décembre 1980. La recherche a cependant été annoncée publiquement pour la première fois dans un article paru dans le numéro du 31 décembre 1980 de la revue Coin World. Il y est écrit que le rapport complet a été rendu public à la fin de 1980. M. Ruscoe a déclaré que c'est par cet article qu'il a été mis au courant, pour la première fois, des travaux de l'U.S. Mint sur l'emploi d'autres matériaux pour la fabrication des pièces de monnaie. Il a dit avoir ensuite obtenu une copie du rapport [traduction] « au début de 1981 » . En contre-interrogatoire, M. Clegg a affirmé avoir reçu le rapport avant juillet 1981. Aucune autre preuve n'a été produite concernant la date à laquelle le travailleur ordinaire versé dans l'art aurait été au courant du contenu du rapport. La preuve présentée n'est pas suffisante pour me permettre de conclure que l'on peut raisonnablement supposer qu'une personne versée dans l'art avait l'information contenue dans le rapport avant mars 1981. En conséquence, le contenu du rapport ne sera pas pris en compte.

[116]            Le brevet 803, publié le 9 janvier 1980, est l'un des brevets N-B-S de Westaim. La méthode de fabrication d'une ébauche convenant à la frappe et composée d'une âme d'acier entièrement enveloppée de cuivre, ainsi que le produit résultant y sont revendiqués. Selon la description de la méthode donnée dans le brevet, les âmes qui sont découpées dans une bande d'acier à bas carbone, plus précisément ayant une teneur en carbone inférieure à 0,05 % et, de préférence, de l'ordre de 0,01 %, en poids, sont cuivrées par électrodéposition au tonneau. L'épaisseur du revêtement de cuivre est, de préférence, de 0,05 mm sur les faces et de 2 à 4 fois plus élevée sur le pourtour. Dans le mémoire descriptif, il est également mentionné qu'une couche intermédiaire d'un autre métal, tel le nickel ou le zinc, peut être appliquée par électrodéposition sur les âmes d'acier avant la couche de cuivre.

[117]            À la page 2, lignes 54 à 66, de ce mémoire, on peut lire :

[traduction] Après l'application par électrodéposition de la couche de cuivre sur l'âme, l'ébauche est de préférence chauffée pour qu'il se forme une couche d'interdiffusion du cuivre et de l'acier créant une liaison métallurgique entre la couche de cuivre et l'âme. Lorsqu'il y a une couche de métal intermédiaire, ce chauffage est effectué pour engendrer une couche d'interdiffusion du cuivre et du métal intermédiaire ainsi qu'une couche du métal intermédiaire et du fer de sorte qu'une liaison métallurgique est créée entre la couche de cuivre et la couche intermédiaire et entre la couche intermédiaire et l'âme. [Caractères gras ajoutés]

Aux lignes 67 à 72, on peut lire également :

[traduction] L'étape de chauffage peut également servir à réduire la dureté de l'âme d'acier jusqu'à une valeur plus appropriée pour la frappe, par exemple moins de 65 environ, de préférence, moins de 45 environ, sur l'échelle de dureté Rockwell 30T. [Caractères gras ajoutés]


Les revendications du brevet comprennent les revendications visant le produit et la méthode de fabrication liés aux ébauches ayant une couche intermédiaire de zinc entre l'âme d'acier et la couche externe de cuivre. Elles s'appliquent au produit et à la méthode comportant ou non une liaison métallurgique.

[118]            La question clé concernant l'évidence est de savoir si la séquence des étapes de la méthode divulguée dans le brevet 073 constitue une nouveauté. Pour cette raison, l'examen ci-après de l'évidence concernant les connaissances générales courantes est concentré sur les aspects pertinents pour l'ordre d'exécution des étapes de la méthode.

[119]            Dans son témoignage, M. Hill a déclaré que le découpage des ébauches dans des bandes de métal dur était la pratique standard depuis de nombreuses années. M. Lee a aussi affirmé qu'il était important, pour fabriquer une pièce de monnaie de bonne qualité, que les ébauches soient découpées dans une bande de métal dur. Il a précisé que cela permettait de réduire au minimum la bavure sur le pourtour des ébauches et le bombage des ébauches lors de la frappe. C'était ce que faisait Sherritt depuis de nombreuses années, a-t-il dit.

[120]            D'après M. Risebrough, en 1975, l'information ci-après faisait partie des connaissances générales courantes d'une personne ordinaire versée dans l'art qui serait chargée de la fabrication d'une pièce de monnaie ou d'une médaille ayant une âme d'acier et un revêtement appliqué par électrodéposition.


[121]            Afin de limiter le plus possible l'usure des coins et d'assurer l'écoulement approprié du métal lors de la frappe, l'acier employé pour l'âme devrait pouvoir être recuit pour atteindre une dureté inférieure à 65 et, de préférence, inférieure à 50 sur l'échelle de dureté Rockwell 30T. Cela impose un acier à bas carbone, soit une teneur en carbone inférieure à 0,1 % en poids. Des bandes et des bobines d'acier à bas carbone pré-recuit, de dureté inférieure à 65 ou à 50 sur l'échelle Rockwell 30T, se trouvaient sur le marché.

[122]            Il était également connu, qu'à une étape de la méthode, des âmes seraient découpées dans l'acier. Si le découpage entraînait un durcissement de l'acier, celui-ci serait recuit pour obtenir la dureté requise, mesurée sur l'échelle Rockwell 30T. En outre, il était prévu que l'une des étapes avant la frappe était l'application par électrodéposition d'un revêtement sur les âmes.

[123]            M. Risebrough admet que la connaissance de l'existence de ces étapes dans la méthode ne permet pas de déterminer leur ordre. Toutefois, à son avis, une personne versée dans l'art au courant de ces étapes aurait certaines attentes quant à leur déroulement.

[124]            Des méthodes de travail à froid comme le laminage et le découpage rendent l'acier plus dur et moins ductile et créent des contraintes internes. Comme il s'agit de propriétés indésirables, c'était pratique courante de recuire l'acier après le travail à froid.

[125]            C'était également pratique courante de fixer les propriétés mécaniques et métallurgiques d'un substrat métallique avant d'appliquer un revêtement par électrodéposition. Ordinairement, le fabricant d'un article revêtu par électrodéposition effectuait avant le revêtement le travail à froid et le recuit du substrat métallique pour obtenir le degré voulu de dureté.


[126]            Un travailleur versé dans l'art aurait su que le recuit effectué après l'application d'un revêtement par électrodéposition pouvait créer un certain nombre de problèmes : des cloques pourraient se former dans le revêtement et détériorer la surface du produit; des composés intermétalliques trop fragiles pourraient être formés; certains métaux de revêtement comme le zinc et l'étain fonderaient aux températures de recuit de l'acier. Même si une personne versée dans l'art aurait été au courant de problèmes pouvant découler de la formation de composés intermétalliques, elle pouvait ignorer quel métal pouvait créer des difficultés dans le cas d'un usage particulier. Pour ces raisons, la pratique habituelle en 1975 était de recuire un substrat métallique avant son revêtement par électrodéposition.

[127]            Concernant l'électrodéposition, il était connu que les principaux facteurs influant sur l'adhérence du revêtement au substrat métallique sont l'état de la surface du substrat et les conditions du bain électrolytique. On savait également qu'une liaison mécanique formée entre le substrat métallique et le métal appliqué par électrodéposition, comme le nickel, le cuivre, le zinc et l'étain, procurait une adhérence suffisante pour résister à la force importante appliquée par les coins lors de la frappe.

[128]            Enfin, M. Risebrough a mentionné qu'il était également connu que l'on pouvait faire un recuit après l'électrodéposition afin de former une liaison métallurgique entre le substrat métallique et le revêtement lorsque la formation de composés intermétalliques ne représentait pas un problème. Dans ces cas, on savait qu'une liaison métallurgique pourrait être plus forte qu'une liaison mécanique obtenue par simple électrodéposition et que la ductilité ne serait pas sacrifiée.


[129]            M. Schlesinger a reconnu, comme M. Risebrough, que la personne versée dans l'art, en 1975, connaissait les facteurs qui déterminent l'adhérence du revêtement au substrat métallique et était au courant des effets négatifs des traitements à haute température effectués après l'application d'un revêtement par électrodéposition. À son avis, à cause de ces effets négatifs, ces traitements étaient évités lorsque c'était possible.

[130]            M. Schlesinger a également fait remarquer que la liaison mécanique entre le substrat métallique et le revêtement appliqué par électrodéposition suffit normalement pour les applications exigeant une bonne résistance à l'usure, à la condition que le substrat métallique soit bien préparé et que les conditions du bain électrolytique soient appropriées. On savait qu'une liaison métallurgique pouvait améliorer l'adhérence du revêtement au substrat métallique.

[131]            M. Schlesinger a aussi examiné le brevet 803. À son avis, l'emploi des mots « de préférence » s'appliquant à la formation d'une liaison métallurgique et du mot « peut » s'appliquant au traitement thermique signifie qu'il s'agit d'options. Il a également fait remarquer que les revendications comprenaient des revendications avec et sans liaison métallurgique. M. Risebrough s'est dit d'accord avec cette interprétation du brevet. Il a ajouté que le brevet 803 semble divulguer et revendiquer une méthode visée par les revendications du brevet 073.


[132]            Dans son rapport, M. Jonas a parlé comme suit du traitement thermique prévu dans le brevet 803 : [traduction] « un traitement optionnel après le revêtement... entraînant une liaison métallurgique » . Il n'était toutefois pas d'accord avec la déclaration de M. Risebrough que la méthode du brevet 803 est couverte par les revendications du brevet 073. À son avis, compte tenu que [traduction] « aucun recuit n'est mentionné après le découpage des âmes avant l'électrodéposition » et que [traduction] « le brevet 803 concerne principalement une liaison métallurgique (un recuit après revêtement), on peut conclure que 803 et 073 sont deux brevets bien distincts » .

[133]            Au sujet du brevet 803, M. Schlesinger a également déclaré qu'une personne versée dans l'art aurait compris que si une liaison métallurgique était formée par la méthode, le chauffage pouvait également servir à recuire l'âme d'acier. Comme la nécessité d'amollir l'acier avant la frappe faisait partie des connaissances générales courantes et qu'il était habituel d'effectuer les traitements à haute température avant plutôt qu'après l'application d'un revêtement par électrodéposition, une personne versée dans l'art aurait su que, s'il n'y avait pas de liaison métallurgique, le recuit aurait lieu avant le revêtement.

[134]            Dans sa réponse, M. Jonas a fait remarquer que la technique antérieure ne comprenait pas un recuit après le découpage et avant le revêtement. M. Schlesinger a admis, en contre-interrogatoire, que le brevet 803 ne contient rien qui inviterait le lecteur à effectuer le recuit avant le revêtement par électrodéposition.


[135]            Enfin, concernant le brevet 803, M. Risebrough a déclaré que si une personne versée dans l'art voulait qu'il y ait une couche intermédiaire de zinc entre le cuivre et l'âme d'acier, elle n'aurait d'autre choix que de recuire l'acier avant le revêtement. Si le recuit avait lieu après le cuivrage, le zinc fonderait et ruinerait la couche extérieure de cuivre. M. Jonas a reconnu, en contre-interrogatoire, que le recuit d'âmes revêtues de zinc puis de cuivre pourrait causer des problèmes.

[136]            Westaim reconnaît que les quatre éléments clés du brevet 073 étaient compris dans l'état de la technique. Ce sont : (1) l'utilisation d'une bande de métal dur comme matériau de départ; (2) le découpage des âmes dans la bande de métal dur; (3) le recuit des âmes pour les amollir jusqu'au degré voulu de dureté; (4) le revêtement des âmes par électrodéposition au tonneau. Toutefois, l'ordre d'exécution des étapes de la méthode dans le brevet 073 est nouveau. Westaim soutient que rien dans l'état de la technique n'indiquait que l'on pouvait procéder au recuit avant le revêtement par électrodéposition, après avoir découpé des âmes dans une bande de métal dur.

[137]            Westaim a fait valoir que c'est grâce à l'avantage du recul et à divers documents disponibles que les experts de la MRC avaient réuni les éléments clés de la méthode et étaient arrivés à la séquence des étapes divulguée dans le brevet 073. Elle soutient que c'est insuffisant pour répondre aux critères juridiques de l'évidence. Elle souligne que M. Risebrough dans son affidavit a déclaré que la connaissance des étapes ne permettrait pas de déterminer leur ordre, mais qu'une personne versée dans l'art aurait certaines attentes quant à la façon dont les étapes se dérouleraient et connaîtrait les diverses options. Toutefois, en contre-interrogatoire, quand il lui a été demandé, relativement à cette déclaration, si une personne versée dans l'art [traduction] « verrait que cela vaudrait la peine de le tenter » , M. Risebrough a répondu affirmativement.


[138]            D'après Westaim, même si M. Schlesinger dans son rapport considère que les différences entre les méthodes de fabrication des ébauches déjà divulguées dans l'état de la technique représentent des choix indépendants les uns des autres et à la disposition de la personne versée dans l'art et qu'il décrit quatre options qu'aurait la personne versée dans l'art quant à l'ordre possible d'exécution des étapes, aucune de ces options ne correspond à la méthode décrite dans le brevet 073.

[139]            Pour les motifs exposés ci-après, je conclus que le brevet 803 rend évidente l'invention revendiquée dans le brevet 073. Le brevet lui-même fournit l'information pertinente qui suit au sujet de la méthode. Les âmes découpées dans une bande d'acier dur constituent le matériau de départ. Les âmes sont cuivrées par électrodéposition. Une couche intermédiaire optionnelle d'un autre métal, comme le nickel ou le zinc, peut être appliquée par électrodéposition sur les âmes d'acier avant l'application de la couche de cuivre. Les âmes revêtues peuvent être soumises à un traitement thermique optionnel résultant en la formation d'une liaison métallurgique entre les couches du revêtement, s'il y a une couche intermédiaire, et entre les couches du revêtement et les âmes d'acier. Le traitement thermique a également pour effet de réduire la dureté de l'acier jusqu'à une valeur plus appropriée pour la frappe. Enfin, la méthode et le produit sont tous les deux revendiqués dans le brevet avec ou sans un traitement thermique après le revêtement. Les experts s'entendent tous pour reconnaître que le traitement thermique après le revêtement est une étape optionnelle dans la méthode 803.


[140]            Les parties s'entendent également sur le fait que l'information qui suit fait partie des connaissances générales courantes du travailleur versé dans l'art à la date pertinente. Lors de la frappe, les ébauches sont frappées par les coins avec une force importante afin de créer l'illustration ou l'empreinte figurant sur les pièces. La formation de l'empreinte entraîne une déformation de l'âme et du revêtement. Par conséquent, l'âme d'acier doit être assez molle et ductile pour se prêter à cette déformation lors de la frappe. En outre, l'acier doit être assez mou afin de ne pas causer une usure excessive des coins. Pour assurer un écoulement approprié du métal et limiter l'usure des coins, il importe que la dureté de l'acier soit inférieure à environ 65 sur l'échelle Rockwell 30T, et de préférence, inférieure à 50. Pour obtenir le degré voulu de mollesse, les âmes d'acier doivent être recuites.

[141]            Il était également bien connu que le point de fusion du zinc est inférieur à la température requise pour le recuit de l'acier. Une personne versée dans l'art serait consciente que, si une couche intermédiaire de zinc était appliquée pour améliorer l'adhérence du cuivre à l'acier, un recuit effectué ensuite ferait fondre le zinc et ruinerait la couche de cuivre.

[142]            La seule question qui reste est de savoir si une personne versée dans l'art lisant le brevet 803, n'y trouvant aucune indication que l'étape de recuit peut précéder celle du revêtement par électrodéposition, arriverait directement et facilement à la conclusion que l'étape du recuit doit précéder l'électrodéposition lorsqu'une couche intermédiaire de zinc est envisagée. À cette question, M. Jonas a répondu qu'une personne versée dans l'art pourrait choisir de découper les âmes dans des bandes d'acier pré-recuit. Toutefois, il a concédé que dans le cas où des âmes découpées dans une bande d'acier dur constituent le matériau de départ, la personne versée dans l'art recuirait les âmes d'acier avant leur revêtement. Comme cela a déjà été dit, MM. Risebrough et Schlesinger sont arrivés à la même conclusion.


[143]            Dans son rapport, M. Jonas s'est dit d'avis que les brevets 073 et 803 étaient deux brevets distincts étant donné que le brevet 803 portait principalement sur la liaison métallurgique. À mon avis, cette assertion n'est pas convaincante. Comme cela a été dit précédemment, le brevet revendique la méthode et le produit avec ou sans liaison métallurgique.

[144]            J'aimerais également ajouter que, selon moi, les opinions exprimées par les experts de la MRC ne procèdent pas de l'avantage du recul et ne reposent pas sur une sélection d'options découlant de l'état de la technique. Leurs opinions s'appuient sur l'information se trouvant dans les différentes parties du brevet 803 et sur les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art.

[145]            Pour ces motifs, je conclus qu'une personne versée dans l'art lisant le brevet 803 et possédant les connaissances générales courantes serait arrivée directement et facilement à la méthode revendiquée dans le brevet 073. En conséquence, je conclus que le brevet 073 est invalide. Étant arrivée à cette conclusion, je juge inutile d'examiner les arguments de la MRC au sujet de l'antériorité.

Utilité, portée excessive des revendications par rapport à ce qui a été inventé, insuffisance du mémoire descriptif et ambiguïté


[146]            La MRC a présenté toute une série d'arguments à l'appui de ses allégations d'invalidité. Dans de nombreux cas, les assertions factuelles sur lesquelles reposent les arguments précis se recoupent. Sauf pour affirmer vigoureusement l'utilité du brevet en termes généraux, Westaim n'a pas répondu à ces arguments. Elle s'est contentée de soutenir que la MRC ne s'est pas acquittée du fardeau lui incombant de prouver l'invalidité. Deux des arguments de la MRC, en particulier, exigent un commentaire additionnel.

[147]       La MRC prétend que la revendication 2 est invalide parce qu'elle restreint le type d'acier et que tous les aciers ne peuvent pas être recuits pour atteindre une dureté inférieure à 65 sur lchelle Rockwell 30T.

[148]       La MRC s'appuie sur la déclaration suivante du juge Pigeon dans la décision Monsanto Co. c.Le Commissaire des brevets, (1979), 42 C.P.R. (2d) à la page 179, de la Cour suprême du Canada :

Si les inventeurs ont revendiqué plus que ce qu'ils ont inventé et inclus des substances dépourvues d'utilité, leurs revendications pourront être contestées. Mais pour que cette contestation réussisse, elle devra s'appuyer sur une preuve d'inutilité.

[149]       La MRC invoque également l'arrêt du Conseil privéMinerals Separation North American Corporation c. Noranda Mines Ltd., (1952), 15 C.P.R. 133 à la page 144, dans lequel lord Reid conclut que si [traduction] « la portée d'une revendication vise une méthode qui est inutile, la revendication ne peut pas être sauvegardée en montrant qu'aucune personne versée dans l'art n'aurait jamais essayé cette méthode » .


[150]       Dans son témoignage, M. Jonas a déclaré qu'on [traduction] « ne pouvait pas » ou [traduction] « probablement pas » recuire les aciers à outil pour leur conférer une dureté inférieure à 65 sur lchelle Rockwell 30T. À un autre moment au cours de son contre-interrogatoire, il a déclaré que tous les aciers ne pourraient pas être adoucis jusqu 65 sur lchelle Rockwell 30T. Comme l'acier utilisé pour les âmes doit pouvoir être recuit pour lui conférer une dureté inférieure à 65 sur lchelle Rockwell 30T, cette preuve, à elle seule, montre que la revendication 2 est déficiente sur le plan de l'utilité et est donc invalide.

[151]      La MRC fait également valoir que la revendication 4 est invalide parce que sa portée est plus large que ce que les inventeurs ont inventé. Elle soutient que les inventeurs n'ont jamais testé ou utilisé des aciers sans interstitiels contenant 0,005 % de carbone en poids même s'ils sont compris dans la revendication. D'après elle, non seulement les aciers sans interstitiels ntaient pas disponibles au Canada à lpoque pertinente, mais il ressort aussi de la preuve fournie par Westaim que les inventeurs n'ont pas testé d'acier contenant moins de 0,008 % de carbone.

[152]      M. Jonas a indiqué que la gamme des aciers couverts par la revendication 4 correspondait à un groupe d'aciers comprenant [traduction] « les aciers sans interstitiels (environ 0,003 % de carbone) et les aciers de type I dmaillage (jusqu 0,008 % de carbone), à l'extrémité inférieure de la gamme de la teneur en carbone, jusqu'aux aciers "doux" classiques contenant de 0,05 à 0,10 % de carbone » .

[153]      M. Jonas a expliqué que les « aciers classiques » utilisés dans les années 1960, 1970 et encore aujourd'hui ont une teneur en carbone de 0,05 à 0,1 % en poids. Ces aciers sont également appelés aciers [traduction] « doux » ou [traduction] « à bas carbone » .


[154]      À la fin des années 1970, des aciers à plus faible teneur en carbone ont commencé à être disponibles, quoique à un coût plus élevé. Cette catégorie [traduction] d' « aciers à ultra-bas carbone » se divise en deux groupes. Le premier est constitué des [traduction] « aciers pour émaillage porcelaine de type I » qui sont préparés suivant une méthode [traduction] « de décarburation en bobine expansée » . Ces aciers ont été fabriqués par Dofasco, à Hamilton, à partir de 1980 environ. Leur teneur en carbone a été indiquée comme étant inférieure à 0,008 %.

[155]      Le deuxième groupe est celui des [traduction] « aciers sans interstitiels » , préparés par une méthode de dégazage sous vide. D'après M. Jonas, ces aciers [traduction] « ont été mis au point un peu après les aciers pour émaillage de type I et ont été offerts commercialement à des teneurs en carbone encore plus faibles, atteignant 0,003 % » .

[156]      D'après M. Jonas encore, le choix de l'acier pour le brevet 073 est critique. La vitesse de refroidissement a un effet majeur sur la duretédes aciers classiques (0,05 à 0,1 %) mais elle n'influe pas de façon importante sur la dureté des aciers à ultra-bas carbone.

[157]      Contrairement aux assertions de la MRC, les revendications du brevet 073 ne couvrent pas l'emploi des aciers sans interstitiels. Le brevet indique que [traduction] « la teneur en carbone de l'acier peut se situer dans un intervalle d'environ 0,005 à environ 0,1 % en poids » . Il présente ensuite les résultats de divers essais effectués pour déterminer la dureté des ébauches d'aciers ayant différentes teneurs en carbone après un refroidissement lent et une trempe à l'eau. Les résultats font ressortir le fait que les aciers ayant une plus forte teneur en carbone devront être refroidis lentement pour atteindre la duretévoulue tandis que ceux à ultra-bas carbone atteindront facilement la dureté voulue dans une opération de trempe.


[158]      Bien qu'il soit évident que les inventeurs n'ont pas testé des aciers ayant une teneur en carbone aussi faible que 0,005 % en poids, il ressort clairement de la preuve fournie par M. Jonas et des résultats des essais mentionnés dans le brevet que les inventeurs avaient tout lieu de croire que l'invention fonctionnerait, et fonctionnerait même mieux, à des teneurs en carbone plus faibles. Lorsque la teneur en carbone de l'acier est inférieure à environ 0,01 %, le refroidissement, même rapide, n'a pas d'effet important sur la dureté de l'acier, car la quantité de carbone n'est pas suffisante pour causer un durcissement appréciable. Ce sont les aciers dont la teneur en carbone se situe dans la partie plus élevée de la gamme de la teneur en carbone des aciers qui poseraient problème. Pour ces motifs, je rejette cet argument.

Conclusion

[159]      Pour les motifs exposés, l'action de Westaim est rejetée, et le brevet 073 est déclaré invalide. Les dépens sont adjugés à la MRC en tant que partie ayant eu gain de cause. Il n'y aura pas de dépens en faveur du procureur général.

       "Dolores M. Hansen"             

Juge

EDMONTON (Alberta)

Le 22 novembre 2002

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.                                                                                                              


                                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                     T-453-98

INTITULÉ :                                    WESTAIM CORPORATION

demanderesse

-et-

MONNAIE ROYALE CANADIENNE

défenderesse

et entre :

MONNAIE ROYALE CANADIENNE et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeurs reconventionnels

-et-

WESTAIM CORPORATION

défenderesse reconventionnelle

LIEU DE L'AUDIENCE :            Edmonton (Alberta)

DATES DE L'AUDIENCE :       30 avril 2001 - 15 mai 2001

MOTIFS DU JUGEMENT :      Juge Hansen

DATE DES MOTIFS :                  22 novembre 2002

COMPARUTIONS :

Roger Hughes

Barbara Murchie                                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Robert McFarlane

Andrew McIntosh                                                                      POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sim, Hughes, Ashton & McKay

Toronto (Ontario)                                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Bereskin & Parr

Toronto (Ontario)                                                                      POUR LA DÉFENDERESSE


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