Date : 20030320
Dossier : T-1901-01
Référence neutre : 2003 CFPI 332
Ottawa (Ontario), le 20 mars 2003
EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER
ENTRE :
ARTHUR ROSS
demandeur
et
LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du commissaire du Service correctionnel du Canada ( « le commissaire » ) qui a rejeté le grief du demandeur au troisième et dernier palier de la procédure de règlement des griefs prescrite en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la « Loi » ) et du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620, (le « Règlement » ). Le grief résulte de la désignation du demandeur comme « plaignant multiple » .
[2] Le demandeur Arthur Ross est un détenu. Il est actuellement incarcéré au pénitencier de la Saskatchewan, unité à sécurité maximale. Il était auparavant incarcéré à l'établissement de Bowden.
[3] Le 14 juillet 1998, le demandeur a été désigné « plaignant multiple » , par Marcel Chaisson, le sous-commissaire par intérim du Service correctionnel du Canada, région des Prairies. En tant que plaignant multiple, il pouvait formuler un nombre illimité de griefs, mais seulement deux demandes ordinaires seraient examinées par mois. En cas de plaintes ou griefs « prioritaires » , ils seraient examinés immédiatement.
[4] Le 11 avril 2001, le demandeur a été informé par Arthur Ding, directeur par intérim du pénitencier de la Saskatchewan, unité à sécurité maximale, que sa désignation comme plaignant multiple resterait en vigueur dans ce pénitencier.
[5] Le demandeur a formulé un grief (V50A00000758) le 3 mai 2001. Il a soutenu qu'étant entendu qu'il n'a formulé qu'un grief depuis son retour au pénitencier de la Saskatchewan, unité à sécurité maximale, sa désignation de plaignant multiple devrait être retirée. Il a soutenu également qu'aucun élément matériel n'autorisait le sous-commissaire à le désigner comme plaignant multiple.
[6] La décision de troisième palier, rejetant le grief du demandeur a été rendue le 10 septembre 2001 et le demandeur l'a reçue le 24 septembre 2001.
[7] Le demandeur conteste sa désignation de plaignant multiple. Il prétend que le commissaire n'a pas la compétence légale de créer un statut de plaignant multiple. L'alinéa 4g) et les articles 90 et 91 de la Loi prévoient des mécanismes efficaces, justes et expéditifs de règlement des griefs auxquels ont accès les détenus sans crainte de représailles. Selon le demandeur, aucune disposition de la Loi ne donne au commissaire la compétence de créer la désignation de plaignant multiple qui limiterait le plaignant à seulement deux griefs par mois.
[8] Le demandeur a été désigné plaignant multiple en 1998. Ainsi, il conteste une décision rendue en 1998. À cet égard, la demande de contrôle judiciaire de la décision est prescrite. Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, dispose :
18.1 (2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder. |
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18.1 (2) An application for judicial review in respect of a decision or order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within thirty days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected thereby, or within such further time as a judge of the Trial Division may, either before or after the expiration of those thirty days, fix or allow. |
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[9] Si le demandeur était d'avis que le commissaire n'avait pas la compétence légale de créer la désignation de plaignant multiple, il aurait dû solliciter le contrôle judiciaire de la décision en 1998, après qu'il a reçu cette désignation. Il ne peut soulever cet argument en ce moment parce qu'il est manifestement hors délai.
[10] Comme toutes les allégations du demandeur s'appuient sur l'argument selon lequel le commissaire n'a pas la compétence légale de créer la désignation de plaignant multiple, ce motif seul suffit pour rejeter la demande.
[11] En tout état de cause, j'ajouterais que la compétence du commissaire de créer la désignation de plaignant multiple se trouve à l'alinéa 4g) et aux articles 90 et 91 de la Loi. Ces dispositions prévoient :
4. Le Service est guidé, dans l'exécution de ce mandat, par les principes qui suivent :
g) ses décisions doivent être claires et équitables, les délinquants ayant accès à des mécanismes efficaces de règlement de griefs;
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4. The principles that shall guide the Service in achieving the purpose referred to in section 3 are
g) that correctional decisions be made in a forthright and fair manner, with access by the offender to an effective grievance procedure;
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90. Est établie, conformément aux règlements d'application de l'alinéa 96u), une procédure de règlement juste et expéditif des griefs des délinquants sur des questions relevant du commissaire |
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90. There shall be a procedure for fairly and expeditiously resolving offenders' grievances on matters within the jurisdiction of the Commissioner, and the procedure shall operate in accordance with the regulations made under paragraph 96(u). |
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91. Tout délinquant doit, sans crainte de représailles, avoir libre accès à la procédure de règlement des griefs. |
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91. Every offender shall have complete access to the offender grievance procedure without negative consequences. |
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[12] Pour que ces objectifs soient atteints et dans le but d'assurer que tous les détenus ont accès à une procédure efficace de règlement des griefs, les autorités doivent avoir le pouvoir de désigner certains détenus comme des plaignants multiples. Sinon, la capacité de tous les détenus d'avoir accès à la procédure de règlement des griefs serait injustement limitée par les nombreux griefs soumis par un nombre restreint de détenus.
[13] La désignation de plaignant multiple assure que la méthode la moins restrictive est employée. Un détenu peut toujours soumettre autant de griefs qu'il le souhaite. La limite est que seulement deux griefs seront réglés par mois à moins qu'ils ne constituent une priorité. Cela permet de s'assurer que l'abus du système par certains détenus ne privera pas les autres détenus d'un accès à la procédure de règlement des griefs.
[14] Dans la présente affaire, il ressort de la preuve soumise que le demandeur utilise la procédure de règlement des griefs de manière abusive. Dans son dossier de demande, il reconnaît qu'il a pour habitude de soumettre un grief par jour lorsqu'il est en isolement. Permettre à la procédure de règlement des griefs d'être utilisée de cette manière limiterait la capacité des autres détenus d'avoir accès au système.
[15] Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
« Danièle Tremblay-Lamer »
Juge
Traduction certifiée conforme
Jean Maurice Djossou, LL.D.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1901-01
INTITULÉ : ARTHUR ROSS
c.
LE COMMISSAIRE DU SERVICE
CORRECTIONNEL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : Saskatoon (Saskatchewan)
DATE DE L'AUDIENCE : le 18 mars 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : MADAME LE JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER
DATE DES MOTIFS : le 20 mars 2003
COMPARUTIONS :
Arthur Ross POUR SON PROPRE COMPTE
Chris Bernier POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ministère de la Justice
Bureau régional de la Saskatchewan
10e étage
123, 2e avenue Sud
Saskatoon (Saskatchewan)
S7K 7E6